Au niveau de la double écoute, j'ai été surprise par une écoute qui concernait une femme enceinte de 8 mois qui demandait un logement pour la nuit et qui a été refusé faute de place et parce qu'elle avait un visa touristique ce qui ne semblait pas du domaine de compétence du 115.
- Où sont les magazines des mois précédents, les journaux de la veille?
On a également pu trouver une place à trois familles : une femme enceinte, une femme seule avec un bébé d'un an et une petite fille de 8 ans, et un couple de jeunes roumains avec un enfant d'un mois. […] Elle a pu fuir la prison enceinte de 8 mois mais son mari n'a pas pu la suivre et désormais elle est seule et enceinte en France.
L'équipe a pris des photos des lieux pour signaler cela : en effet, la porte de sa chambre est forcée (chambre apparemment payée 800€/mois par l'Etat français), sans serrure, avec des SDF qui dorment par terre à l'intérieur, plus de douche car cassée, une seule chaise cassée, des matelas avec des champignons de moisissure posés par terre, une odeur nauséabonde, des murs prêts à s'effondrer devant l'humidité des lieux...
Il n'arrêtait pas de nous remercier de toute cette bonne nourriture chaude qu'on lui avait donnée, qu'il n'avait pas mangé depuis 3 jours et qu'il n'avait pas mangé chaud depuis plusieurs mois.
Ayant effectué 8 mois de stage militaire à la BSPP (pompiers de Paris) par le passé, et sortant d'un stage au SMUR Pitié, j'ai le sentiment d'avoir abordé la problématique médico-sociale de la rue par ses différents aspects et points de vue, ce qui me confère une impression paradoxale d'impuissance face à cette problématique : quel que soit l'intervenant, il semble quasi-impossible de résoudre la question.
Ce qui m'a beaucoup marqué a été l'histoire d'un homme de 54 ans qui était à la rue depuis 9 mois, s'était fait voler son téléphone et ses papiers et était tombé d'une "dalle mal positionnée" sur la route et s'était fait mal aux 2 jambes.
Nous avons du aller à l'encontre d'une famille, composée d'une mère et de ses deux enfants de 3 ans et 9 mois qui dormait dans la rue alors qu'il faisait vraiment très froid et qu'ils possédaient une place d'hébergement en hôtel.
Nous avons croisé beaucoup de gens pendant cette maraude et la première d'entre eux fut Mme X. 60 ans fonctionnaire partie en pré-retraite, sans famille ni réseau qui errait à Paris depuis le mois de novembre.
J'ai croisé différents types de personne: une femme fragilisée et migrante économique arrivée depuis 3 mois, un homme connu du SAMU comme grand exclue n'acceptant pas l'aide du service, d'autre avec des problèmes de santé ,ou bien, en projet de réinsertion.
La double-écoute a été plus "choquante" pour moi, en particulier un appel : il s'agissait d'un couple dont la femme était enceinte de 2 mois ; après avoir récupéré les informations liées à leur santé etc, l'écoutante les a informé que malheureusement il n'y avait pas de place dans un centre d'hébergement pour eux cette nuit là, et que donc ils devraient repasser une nuit dans la rue.
Je n'ai croisé personne, pas vraiment ; juste des inconnus qui n'ont plus de fonctions dans la société sinon celui de la figuration mendiante, tel ce mobilier urbain que vous et moi n'utilisons plus ; une cabine téléphonique, une fontaine dont l'eau, gelée, ne coule plus depuis les mois d'été.
Et lorsque l'on parvient à hisser la tête hors de l'eau pendant quelques semaines, quelques mois, l'équilibre est si précaire qu'il s'en faut de peu pour replonger.
Et je dois dire que je n'étais pas la seule à avoir été touchée: les deux autres femmes avec mois semblaient également très gênées.
Ce système en particulier m'a, vous l'aurez compris, révolté, comment s'occuper de ses enfants , se trouver une situation stable au niveau financier tout en pointant tous les jours, tel un détenu libéré sous contrainte de se signaler chaque jour qu'il vit aux autorités, et cela parfois plus de 6 mois durant, et avec des femmes enceintes souvent, et avec des nourissons parfois.
Quartier historique, très bien mis en valeur la nuit par les éclairages mis en place par la mairie, dans lequel les touristes et les parisiens se baladaient en masse ce soir là, malgré la fraîcheur de cette soirée du mois d'août.
L'autre appel qui m'a énormément marqué fût l'appel d'une (très) jeune maman dont l'enfant avait à peine 1 mois.
L'infirmier du camion m'a parlé de son attrait pour le relationnel mais m'a dit qu'il ne pourrait pas faire du SAMU Social toute sa vie et qu'il partirait dans quelques mois.
Une femme d'une trentaine d'années venant d'Algérie a appelé pour que nous l'aidions à trouver un logement, car son précédent hôte a mis fin à l'hébergement de sa famille constituée d'elle-même, son mari et leur enfant de 9 mois.
Je me demande souvent ce qui peut amener quelqu'un à se désocialiser, à passer ses nuits dans la rue pendant quelques jours puis quelques mois puis quelques années.
L'équipe m'apprend que le mois passé, un chauffeur a vu son contrat se terminer car il a donné un chaton à un homme seul dans la rue durant la maraude... […] Cette frustration se manifeste différemment mais je crois qu'elle est bien la source de la fatigue des équipes (j'apprends durant la garde que le turn over au sein du samu social est très important et que les gens restent rarement plus de 6 mois), de la résignation souvent ou de la colère parfois des usagers.