Un cas qui m'a marqué : Mr D, 72 ans qui venait d'être hospitalisé 3 semaines en médecine interne, est sorti avec "RAD avec traitements et examens complémentaires à programmer en ville", et une radio pour suspicion de fracture programmée dans 1 mois.
Cet homme souffrait de schizophrénie et était en rupture de traitement depuis 2 semaines, car il vit dans la rue.
Etant seulement à ma première semaine de stage d'urgences, cette nuit m'a permis d'avoir une première pour aborder ce type de personnes quand je les croiserais en stage.
J'ai été touchée par un jeune SDF de 30 ans, ancien cuisinier, qui a accepté d'être pris en charge alors que depuis plusieurs semaines il refusait.
Très vite on me fait comprendre que le 115 n'a pas vocation à loger tous les SDF, mais n'est qu'une solution de dépannage : un même SDF ne pourra espérer que 2-3 nuits par semaine dans un centre d'hébergement, peut être plus en cas de situation critique, mais les places d'hébergement de moyenne et longue durée sont rares. […] Il refuse de tomber dans la délinquance mais ne se voit pas pouvoir continuer à vivre dans la rue une semaine de plus.
J'ai trouvé cela très arbitraire car selon moi, que l'on soit à la rue depuis 1 semaine ou 1 an, on est autant éligible à avoir un toit sous lequel dormir.
Il est assez effrayant de voir que lors d'un premier appel une personne est systématiquement refusée pour la nuit parce que d'autres ont essuyé des refus plusieurs jours consécutifs et sont par conséquent prioritaires, ayant passé plusieurs jours (parfois semaines) à la rue.
Durant la maraude, un des usagers s'est gentiment moqué du samu social en disant que le duvet qu'on lui avait donné la semaine passée ne protégeait pas du tout du froid.
Le lieu est un très beau bâtiment mais très mal entretenu, le personnel est assez débordé (comme partout me direz-vous), le médecin est présent 4 matinées par semaine, et ne vois pas tous les patients (qui sont eux même assez particuliers).
En effet cet instant, nous permet d'être confronté à de réelles situations (par exemple personne sous dialyse 3 fois par semaine qui vit dans la rue..).
Il nous explique qu'il est venue dans le 14eme pour l'enterrement d'un de ses meilleurs amis, un ancien militaire comme lui avec qui il vivait dans la rue qui à 54 ans a été retrouvé mort de froid la semaine dernière.
certaines personnes sont hébergées plusieurs jours, voire semaines, pourquoi pas moi?"
A l'annonce de cette place, le monsieur nous fait répéter, il s'agit d'une place pour plusieurs jours, plusieurs semaines voire plusieurs mois?
Au total, 3 semaines de coma ; hémopneumothorax, splénectomie d'hémostase, Kt sus-pubien à demeure, fractures multiples fixées, trachéotomie, la liste est non exhaustive.
Un INR pour un patient sortant de l'hopital, deux fois par semaine, c'est déja vécu comme l'enfer sur terre.
L’histoire qui m’a le plus marquée est cette femme ayant dormi 1 semaine aux urgences maternité de la Pitié après avoir accouché de son petit garçon.
Et lorsque l'on parvient à hisser la tête hors de l'eau pendant quelques semaines, quelques mois, l'équilibre est si précaire qu'il s'en faut de peu pour replonger.
Alors que nous nous apprêtions à repartir un homme a sollicité Sophie : ce monsieur avait une plaie au niveau de la jambe dont Sophie s'était occupée il y a 2 semaines, et il souhaitait qu'elle regarde à nouveau, et refasse le pansement.
Je trouve absolument insupportable cette exigence du gâteau à apporter partout : « parce que c'est un premier jour », « parce que c'est un dernier jour », « parce que c'est un premier geste réussi », « parce que ce geste fut un échec », , « parce que c'est une garde », « parce que c'était une garde la semaine dernière », « parce que l'interne ou le chef le veut », « parce que l'infirmière le veut ». […] Les étudiants en médecine n'ont pas signé pour ça : un gâteau par semaine, ça ne fait pas partie de nos attributions.
Après cette dernière semaine, une des plus froides de l'année, marquant l'entrée dans l'hiver cette année où les saisons ne se reconnaissent même plus, où quelques pensées à ceux qui tentent de survivre dans ce froid dans les rues de Paris, après ces regards souvent timides, parfois honteux de ne rien donner, parfois coupables malgré un petit geste, tournés vers ces personnes qui vivent dans la rue, ceux que l'on croit si différents de "nous", comme si une frontière nous séparait, ceux "en marge" de la société?