Tout d'abord, je m'excuse pour le retard, je n'étais pas au courant qu'il fallait le remplir immédiatement après la garde. Cette garde fut ma première garde au Samu Social. J'étais à la fois impatiente vis à vis de cette première expérience mais aussi inquiète de ce que j'allais pouvoir voir ce soir la. Pendant cette nuit, l'équipe dont je faisais partie avait de nombreux signalements, donc je n'ai pas vraiment pu participer à la maraude à proprement parler. Une des premières personnes que nous avons recueillies était un homme âgé d'une soixantaine d'années (dans la rue depuis 20ans) avec de nombreuses comorbidités, surtout pulmonaire et hépatique. Une place lui était réservée dans l'établissement Romain Rolland, mais l'homme en question ne souhaitait pas nous suivre puisqu'il attendait un véhicule de la croix rouge qui devait l'emmener dans un autre centre d'accueil plus proche. Après avoir décelé le quiproquo vis à vis de la croix rouge, et après avoir discuté pendant une trentaine de minutes nous l'avons enfin convaincu de nous suivre pour pouvoir passer la nuit au chaud. Une fois arrivés à l'établissement Romain Rolland, nous avons proposé à cet homme un repas chaud ainsi qu'une chambre pour pouvoir se reposer. Celui ci a refusé et a affirmé vouloir revenir à l'endroit où nous l'avions trouvé. Cet épisode m'a choqué car je ne comprenais pas la réaction de cet homme qui refusait une place au chaud et préférait retourner dans la rue pour dormir. C'est après une longue discussion avec l'équipe que j'ai compris que ces personnes qui vivaient dans la rue (surtout celles qui y vivaient depuis de nombreuses années) n'avaient plus la même perception des choses : l'homme se trouvait plus en sécurité dans la rue que dans l'établissement où nous l'avions déposé. Ces personnes sont parfois tellement marginalisées, tellement transparentes aux yeux de tous qu'elles ne parviennent plus à se sentir à l'aise dans les endroits courants de la société. C'est vraiment cet aspect de la garde qui m'a choqué, de voir à quel point les personnes peuvent être changées par la rue, qu'elles puissent se sentir en insécurité dans des lieux que nous considérons comme "chaleureux". Bien sur nous avons aussi recueilli des personnes qui n'attendaient qu'une chose : trouver un logement pour la nuit.
(2019)
Ticket_169