Ca a été une sacrée expérience ! Tout d'abord, on se rend compte de la vulnérabilité : beaucoup des SDF rencontrés avaient des troubles psychiatriques qui ont été un soi-disant motif pour les autres de les exclure (y compris exclus de chez leurs propres parents !), d'autres ont vécu des situations dramatiques (une femme battue, des réfugiés politiques -ce qui me touche beaucoup parce que ma famille est aussi réfugiée politique, etc.) Ensuite, serrer la main, parler, se laisser raconter leur histoire par des gens qu'on ne regarde habituellement pas dans la rue (par culpabilité de ne rien faire pour pouvoir les aider), m'a fait prendre conscience de toute leur humanité, chacun avec leur vécu, leurs petits tracas, leurs peurs, leur volonté de s'en sortir... Leur sourire aussi, parce que, certes certains sont abattus, mais d'autres continuent d'être agréables (leçon de morale à moi qui ai une fâcheuse tendance à râler et à être désagréable quand je suis fatiguée...) Je me suis rendue compte aussi de deux facettes de la société : - une terrible : nous tous qui ne daignons pas adresser un regard aux SDF (comme je le disais précédemment, beaucoup par culpabilité de ne rien faire pour pouvoir les aider, mais je sais que d'autres personnes portent aussi un jugement de valeur sur eux), des pickpockets qui OSENT voler le peu qui reste aux plus démunis, et le manque de moyens dont nous disposons pour proposer une vraie prise en charge à long terme (nombre incroyable de "demandes non pourvues" lors de la double-écoute, frustration de l'équipe mobile face au manque de réactivité de leur hiérarchie...) - une autre qui m'enthousiaste : je trouve la mise en oeuvre d'un Samu social ainsi que tout ce que fait l'Etat (et les associations) pour les plus démunis vraiment encourageante (on comprend où vont nos impôts !), et l'équipe du Samu social comporte vraiment de très belles personnalités, qui n'ont pas peur de se confronter à ce que la pauvreté mais qui se bouge pour faire changer les choses (ça change du pessimisme des gens enfoncés dans leur fauteuil et qui répètent sans arrêt "oh de toute façon on ne peut rien faire !!") Bref, ok, ce n'est pas une garde où on apprend à cocher les bonnes réponses à l'ECN, mais c'est encore mieux : c'est une garde qui nous fait prendre un regard différent sur le rapport que nous avons, en tant que médecins, avec les plus pauvres.
(2014)
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