La double écoute a été très intéressante. Elle m'a notamment permis d'écouter l'histoire de quelques sans abris, pourquoi ou comment ils en sont là aujourd'hui et de comprendre comment s'effectue l'attribution des lits pour la nuit. Le plus difficile c'est quand il reste une seule place dans tous les foyers. Il s'agit de faire un choix en se basant entre autre sur l'état de santé de l'interlocuteur, sa situation ce jour et la date de sa dernier nuit dans un foyer afin d'évaluer s'il "mérite" cette place ou si il vaut mieux la garder pour quelqu'un d'autre. Ce n'est pas facile de devoir dire à quelqu'un qu'il va devoir rester dehors encore cette nuit alors qu'il vous demande juste de lui donner un toit pour la nuit. Une histoire m'a particulièrement marqué. C'était celle d'une jeune femme arrivée en France il y a 2ans avec son oncle. Celui ci l'a donné à une famille qui lui a pris ses papiers et l'a gardé comme nounou/femme de ménage pendant deux ans, pour finalement la mettre à la rue sans rien. Comme quoi, l'esclavage n'est pas si loin qu'il n'y parait. La deuxième partie de la nuit m'a fait réaliser que finalement on se rend pas compte de la chance qu'on a ou du moins on est pas assez reconnaissant. Avec mon équipe on est allé à la rencontre d'une famille avec trois enfants en bas age (le plus âgé devait avoir 3ans). Alors qu'ils regroupaient leurs affaires pour qu'on les emmène en foyer il a fallu leur dire qu'ils passeraient la nuit dans la rue parce qu'il n'y avait plus place nulle part. On pouvait lire la la déception et la résignation sur le visage de la mère... En rentrant chez moi j'ai ressenti de la culpabilité et surtout de la frustration. Je ne comprends pas comment encore aujourd'hui on ne se donne pas les moyens de faire plus pour tous ces gens qui pour beaucoup n'ont juste pas eu de chance dans la vie..
(2016)
Ticket_845