(2017) Ticket_815
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(2017) Ticket_815

Ce n'était pas ma première maraude à proprement parler, j'avais déjà pu à travers une association scout faire de la distribution de soupe, café et autres plusieurs années auparavant, mais c'était la première fois que je participais à une maraude avec le Samu social. Tout commence par l'arrivée dans le centre d'appel à 18h, dans un grand bureau où l'on peut deviner la frénésie des appels pendant la journée; 31 lignes téléphoniques rien que dans ce centre, c'est énorme comparé aux centres d'écoute de SOS amitié ou le CFCV... La brochure qui m'est donnée est rapidement lue, puis on passe au debriefing avec le coordinateur, qui doit répondre toutes les 30 secondes aux demandes des écoutants et à plusieurs téléphones en même temps. Le temps passe tellement vite que je ne peux faire de double écoute, on doit vite aller au briefing de 20 h, juste le temps pour un café et de discuter avec une étudiante de Science Po, qui vient faire la même chose que moi. La répartition dans les camions est faite, les lieux des maraudes aussi; nous irons donc dans le Nord vers Barbès pour commencer ! Nous n'avons pour l'instant qu'un seul signalement dans la zone, mais très vite la liste va s'allonger pendant la soirée.. Deux cafés plus tard et le blouson bleu sur les épaules, j'embarque dans le camion avec trois inconnus, avec qui tout de suite le courant passe bien. L'ambiance est joyeuse et la tout le monde fredonne sur la musique qui passe dans les enceintes; c'est parti ! Première rencontre avec un sans abris allemand, à qui nous prodiguons des soins de pansement mais que nous ne ramasserons pas, puis deuxième ramassage d'un sans abris bien connu de l'équipe; il a sa place au fond du camion, et dormira de 21h30 à 1h30, heure d'arrivée au centre Romain Roland. Entre temps nous allons à la rencontre des signalements qui s'accumulent; au final nous serons 10 dans le camion (dont 4 à l'avant) avec des gens de tout bord, des SDF, hommes comme femmes, des migrants, des jeunes à la rue... Tous ont leur place dans le centre et nous devons dire non, à contre coeur, à plusieurs personnes, qui dès que le camion reste trop longtemps à un endroit, affluent pour savoir s'il est possible de venir. On sent que derrière chaque personne que l'on rencontre il y a une histoire, parfois terrible, dure, et les quelques mots que l'on peut échanger nous font réaliser la chance que nous avons. A l'arrivée au centre, les gens filent à la cantine se restaurer, certains n'ont rien mangé depuis plusieurs jours. On essaie tant bien que mal avec des anglais approximatifs des deux cotés, de faire une évaluation d'un jeune migrant, avec l'infirmière. Il aura une consultation avec le médecin le lendemain. Les autres personnes que nous devions examiner sont parties se coucher, dommage... Un autre sans abri que l'on voit nous dit qu'il a 2 stents mais qu'il ne prend pas ses traitements et qu'il a mal à la poitrine, nous faisons ce qu'on peut pour lui, c'est à dire pas grand chose... Avec un sentiment d'amertume et de travail inachevé nous retournons au camion pour la pause, il faut retraverser paris. A deux heures du matin après 12 heures de jeune je réalise que j'ai faim, je me demande ce que ressentaient ces personnes que nous avons laissé derrière nous. Nous repartons à 3 heures pour la maraude, après avoir pris de quoi tenir la fin de nuit. Il n'y a pas grand monde dans les rues, et quand nous nous arrêtons pour aller voir les gens, tous sont endormis, nous les laissons tranquille. L'ambiance est excellente dans le camion, nous parlons beaucoup entre chaque pause. Après une nuit forte en émotion je rentre chez moi, avec la certitude d'avoir tout donné et beaucoup reçu. J'ai été impressionné par l'organisation, la patience, le travail de ces gens qui toutes les nuits vont à la rencontre de ceux qui sont dans le besoin, c'était très intense. On en apprend beaucoup sur le relationnel, comment mieux parler aux gens, se comporter, aller vers l'autre, c'est une expérience riche que tout étudiant en médecine doit vraiment vivre. Je ne peux raconter tout ce que j'ai pu voir et entendre dans cette petite rédaction mais c'était très intense. Merci pour cette nuit et merci pour votre lecture !