La première chose qui m'a marquée dans cette garde, dès la double écoute, est la disproportion énorme entre le nombre d'appels reçus et le nombre de places à la disposition des sans-abris. Les écoutants étaient obligés de refuser des places à 90% des appelants au cas où d'autres, qui seraient dans une situation encore plus difficile, feraient appel à eux. D'autre part, j'ai été assez choquée d'apprendre que la majorité des lits proposés▶ étaient des lits superposés alignés dans un ancien gymnase, où il n'y a aucun respect des règles d'hygiène, aucun accueil pour ceux qui viennent y dormir et presque aucune sécurité. D'ailleurs, beaucoup des sans-abris qui avaient déjà été là-bas refusaient cet hébergement lorsqu'on le leur ◀proposait. De la maraude, j'ai surtout retenu un homme qui vivait depuis 10 ans en bas d'un immeuble, caché derrière des buissons, et qui nous expliquait qu'il partait tous les jours à 7h du matin et ne rentrait que tard le soir pour ne pas importuner les habitants de l'immeuble par sa présence ! Je trouve que cette garde est très importante d'une part sur le plan humain parce qu'elle nous apprend à aborder des personnes qui (même si on a du mal à se l'avouer) peuvent parfois nous faire peur ; et d'autre part sur le plan professionnel puisque l'on est assez souvent amenés à rencontrer parmi les patients des personnes dans le dénuement, et cette expérience permet de mieux comprendre leurs conditions de vie et leur devenir à la sortie de l'hôpital.
(2016)
Ticket_995