La conséquence la plus palpable de cette fameuse garde au samu social est que "travailleur social", "assistante sociale", "détresse sociale", bref tous ces nouveaux mots, ces néologismes en "social", - le concept n'a que quelques années - sont devenus des réalités. Rendre à ce point concrète la situation de détresse - ou d'a-normalité, car il n'y a pas toujours de vécu négatif de la rue - des errants, c'est acquérir une base à partir de laquelle le travail de médecin peu se construire. De même qu'on apprend à examiner, ausculter, ... etc, les corps pour ensuite apprendre à les soigner, apprendre à ausculter les gens - c'est à dire leur situation, leur passif - est également une base essentielle pour apprendre à les soigner - dans leur entièreté cette fois, gens et non plus corps. Ainsi l'incurie n'est-elle peut-être pas une fatalité, et l'on peut alors réfléchir à proposer à chaque patient sdf d'"arrêter", exactement de la même manière qu'on propose à chaque patient tabagique d'arrêter. Le bureau de l'assistante sociale au fond du couloir ne sera plus un lieu▶ inconnu ou l'on envoie les patients crados, partagé entre l'espoir idiot qu'une magicienne va les rendre normaux et la certitude qu'ils ne voudront pas, mais le ◀lieu de travail d'une personne aussi essentielle au soin que le premier labo pharmaceutique : comment soigner une tuberculose chez un patient en errance, sans notion de la date ou de l'heure, incapable de prendre des cachets à heure fixe, ... sans soigner aussi - un peu - son isolement, son exclusion - vraie cause de sa tuberculose, d'ailleurs...?
(2011)
Ticket_2243