Les ombres étaient obligées d’en boire lorsque, après être restées mille ans dans les enfers, elles allaient habiter d’autres corps. […] Caron, fils d’Érèbe et de la Nuit, était un vieux nautonier rude et grossier, qui, l’aviron à la main, faisait traverser les fleuves infernaux aux ombres qui se présentaient sur leurs bords. […] Il accueillait avec joie les ombres qui entraient dans les Enfers, mais il dévorait celles qui tentaient d’en sortir, de même que les vivants qui voulaient y pénétrer. […] — Quels étaient les juges chargés de prononcer sur le sort des ombres ? […] Ce regard suffit pour lui faire perdre à jamais le bonheur qui allait lui être rendu : Eurydice, entraînée par une force surnaturelle, disparaît en lui tendant les bras, et son malheureux époux, qui se précipite sur ses pas, n’embrasse plus qu’une ombre vaine.
On buvait avec ses eaux l’oubli des maux passés, et les ombres destinées au bonheur s’y désaltéraient avant de passer dans les champs Élysées. […] On lui sacrifiait dans l’ombre des taureaux noirs, et quelquefois des victimes humaines. […] Sa main droite est armée d’un sceptre à deux pointes ; quelquefois il tient une verge destinée à chasser les ombres, ou une épée. […] Il était le président de la cour infernale, et décidait souverainement du sort des ombres. […] Dans ces lieux fortunés règne un printemps éternel ; une douce clarté les illumine ; l’air y est pur et parfumé ; les ombres s’y promènent à travers des bocages de rosiers et de myrtes.