Ce recueil de fables sans liaison, sans plan, sans but, seroit le plus mauvais des ouvrages, si on le considéroit comme un ouvrage d’imagination fait par un seul poëte, par un seul homme ; mais la vérité, premier principe de toutes choses, a formé d’abord le fonds de cet étrange mélange. […] En même temps j’avoue que je crois avoir ouvert un champ nouveau à cette étude, et qu’il me semble que j’ai prouvé 1.° que la Mythologie grecque, malgré l’opinion contraire universellement reçue, ne présente en général que les fictions les plus tragiques, les plus lugubres et souvent les plus odieuses ; et 2.° que les effets de son influence furent de donner au génie grec et romain une profonde mélancolie, une grande férocité à leurs mœurs et une morale non-seulement sans base, sans but, sans enchaînement de principes ; mais remplie d’inconséquences, de contradictions et d’erreurs monstrueuses ; et qu’enfin cette délicatesse qui nous paroît être de sentiment dans leurs productions, et qu’il seroit si difficile de concilier avec leur férocité et leur cynisme effronté à d’autres égards, cette délicatesse que nous trouvons si sublime, n’est communément que dans l’expression, ne vient point de l’ame, et ne fut produite que par des usages fondés sur des superstitions. […] On établit des fêtes en son honneur ; dans la principale on couroit avec des torches allumées qu’il falloit porter jusqu’au but sans les éteindre. […] Un matin Céphale, jetant les yeux sur un buisson, vit des branches s’agiter et ployer ; il crut que c’étoit une biche, et lança contre le buisson un dard qui ne manquoit jamais le but et dont l’Aurore lui avoit fait présent.