Ce qui caractérise vraiment la première comédie des Grecs, ce n’est pas l’introduction de personnages réels sur la scène. […] Car nous avons perdu le secret d’Aristophane pour affranchir les personnages publics de leur tragique solennité, et pour les remplir de vie et de liberté comiques. […] Mais le comique avoué égaye à la fois les spectateurs et le personnage, et Alceste a le front si morose, cinq actes durant, que tous les spectateurs contractent leurs traits par sympathie. […] Quels sont donc, en définitive, les personnages comiques de Molière ? […] Les personnages historiques ne sont jamais chez lui qu’un symbole ; ils désignent une espèce.
Le lecteur n’a qu’à se rappeller celles où le public, à l’arrivée subite d’une lettre, d’un bracelet, ou d’un personnage inconnu, s’écrie : Ah ! […] Un récit fait le dénouement de l’Etourdi ; mais il est plaisant, mais il est fait par le personnage qui a amusé pendant toute la piece, mais il est arrangé de façon qu’il suffit pour dénouer l’intrigue compliquée de cinq actes, & pour décider le sort de tous les personnages ; & ce dénouement seroit parfait dans son genre, si l’Auteur n’employoit deux scenes à nous répéter très inutilement ce que la narration de Mascarille nous a très bien appris. […] Un Dieu descendant du Ciel fait le dénouement d’Amphitrion ; mais Jupiter a joué un rôle très considérable dans toute la piece, & il est juste que le principal personnage la dénoue. […] Il y a deux especes de surprises, celles qui ne frappent qu’un ou quelques acteurs, & celles qui surprennent en même temps le public & la plupart des personnages. […] Il faut observer avec soin que le spectateur soit instruit de ce que deviendront tous les personnages.
Travestissements ridicules ou affreux, personnages métaphysiques, allégorie révoltante, rien ne lui coûte ; mais de cet amas d’absurdités naissent quelquefois des beautés inattendues. […] une maxime honnête, liée à une situation forte de ses personnages, devient pour les spectateurs une vérité de sentiment. […] C’est le personnage honnête de presque toutes ses Pièces, et la réunion de ses rôles de frère formerait peut-être un cours de morale à l’usage de la société. […] Jamais il ne montre ses personnages corrigés par la leçon qu’ils ont reçue. […] Renforcez la situation ; c’est une espèce de torture qui arrache au personnage le secret qu’il veut cacher.
Molière y entre dans sa grande manière qui consiste, autour du personnage principal, à peindre toute une famille et à montrer cette famille désorganisée par le vice du personnage principal. […] Tartuffe est un personnage odieux qui a quelques ridicules. Ce n’est donc pas le personnage ridicule de la pièce. […] Orgon n’est pas le seul personnage de la pièce qui soit pieux et qui soit ridicule. […] Car Alceste et Philinte sont le même personnage à deux différents âges.
— Parce qu’il aime le personnage complexe et mêlé en effet de bon et de mauvais et parce qu’il n’y a pas un personnage important de Molière, sauf Tartuffe, qui ne soit complexe. — Et pourquoi aime-t-il le personnage complexe ? […] Or Alceste est précisément ce personnage-là. […] Il n’y a, dans la famille d’Orgon, qu’un personnage qui, visiblement du moins, ait des sentiments religieux, et c’est un personnage burlesque, et c’est sa mère. […] Voulez-vous voir un personnage embarrassé ?
« La comédie veut, en nous faisant rire aux dépens des personnages ridicules, nous corriger des défauts qu’elle joue, afin que nous devenions meilleurs pour la société. La comédie ne sauroit donc rendre le ridicule de ses personnages trop sensible aux spectateurs. Les spectateurs, en démêlant sans peine le ridicule des personnages, auront encore assez de peine à y reconnoître le ridicule qui peut être en eux. […] Les bienséances d’Espagne, par exemple, ne nous étant pas aussi connues que celles de France, nous ne sommes pas choqués du ridicule de celui qui les blesse, comme nous le serions si ce personnage blessoit les bienséances en usage dans notre patrie & dans notre temps. […] Horace, le plus judicieux des Poëtes, sait beaucoup de gré à ceux de ses compatriotes qui, les premiers, introduisirent dans leurs comédies des personnages romains, & qui délivrerent ainsi la scene latine d’une espece de tyrannie que des personnages étrangers y venoient exercer ».
Il a mis tout exprès des fautes dans la bouche de ses personnages ! […] Le choix des personnages était encore plus borné. […] Toujours un personnage atteint d’une manie ridicule, que prêche inutilement un personnage raisonnable, et que trompe un personnage vicieux ou dépendant pour confirmer la leçon : tel est, en effet, Sganarelle entre Ariste et Isabelle, Arnolphe entre Chrysalde et Agnès, Alceste entre Philinte et Célimène. […] et qui pourrait ne pas attribuer cette différence à la différence même des personnages ? […] Un double nom porté par un des personnages, voilà tout le nœud ; ce nom révélé par hasard à un autre personnage qui l’ignorait, voilà tout le dénouement ; une suite de récits faits au même personnage, sur le même sujet, par le même narrateur, voilà toute la fable.
Molière déclare lui-même sur le théâtre quel est le but de sa comédie : « Son dessein est de peindre les mœurs, et tous les personnages qu’il représente sont des personnages en l’air, et des fantômes proprement, qu’il habille à sa fantaisie pour réjouir les spectateurs24. » Donc, il peint les mœurs et habille des fantômes à sa fantaisie pour réjouir le spectateur : voilà ce divertissement qu’il appelle le plus innocent du monde. […] Nous ne pouvons voir de tels tableaux sans qu’il en résulte quelque réflexion sur nous-mêmes, et une sorte de comparaison tacite faite par notre conscience entre notre propre personne et ces personnages en l’air produits devant nos yeux. […] La vigueur avec laquelle sont accusés les traits des personnages, la mesure savante avec laquelle le ridicule est porté graduellement jusqu’à sa dernière limite, excitent des sentiments d’une vivacité insolite et forcent absolument le rire. […] « Il a eu encore le don de distribuer si bien les personnages… qu’ils sembloient moins des acteurs de comédie que les vraies personnes qu’ils représentoient. […] — « Oui, Molière a tourné l’honnêteté pure et simple en ridicule dans le personnage de M.
« Une farce ou petite piece de scenes détachées est une fable dont les scenes n’ont aucune liaison entre elles, & dont l’action ne consiste que dans la démarche de plusieurs personnages qui par des motifs différents ou opposés viennent successivement ou plusieurs ensemble entretenir de leurs intérêts un homme ou une Divinité. […] Une fois qu’on a décidé l’emploi du personnage auprès duquel l’on veut introduire les autres acteurs avec quelque ombre de vraisemblance, il n’est pas bien difficile d’augmenter le nombre des interlocuteurs, le nombre des scenes, &c. […] Après avoir loué Moliere d’avoir rendu sa piece intéressante par une intrigue qui met en situation même des personnages épisodiques, nous devons le louer encore davantage d’avoir fondu toute cette même intrigue dans un petit nombre de vers semés à propos dans la piece. […] Les différentes parties de cette intrigue ainsi rapprochées font voir que le sujet est clairement exposé, que les noms des principaux personnages sont annoncés, ainsi que leurs caracteres & les motifs qui les font agir. […] L’arrivée des divers personnages est mieux motivée dans le Mercure galant que dans les Fâcheux.
Le public ne pouvant juger les deux personnages par comparaison, n’a pas besoin de monter son imagination pour trouver de la ressemblance entre deux acteurs, dont l’un est quelquefois petit & laid, l’autre grand, bien fait & beau. J’entends dire depuis long-temps qu’il y auroit une façon très simple d’admettre deux personnages tout-à-fait ressemblants dans une piece, sans blesser les yeux du spectateur ; & l’expédient divin qu’on voudroit employer pour cela, seroit de faire représenter les deux rôles par le même acteur. […] Il est même à parier que si la piece est nouvelle, l’auditeur confondra malgré lui le personnage qui veut profiter de la ressemblance avec celui qui doit en être la victime, & que la piece tombera. […] Le spectateur crut toujours voir le même personnage qui s’étoit mis en habit de voyage pour regagner sa province ; on ne suivit plus l’intrigue, & la piece tomba. […] Mais quand les Italiens ne mettent pas la ressemblance sur le compte de leurs personnages masqués, leurs pieces ont le même défaut, la même invraisemblance que les Françoises, & leurs spectateurs ont autant besoin de bonne volonté que les nôtres pour se prêter à la fiction.
Isabelle était fille du roi d’Égypte ou veuve spartiate, et Burattino, Pedrolino, Arlequin étaient mêlés à des personnages comme Oronte, roi d’Athènes, et Oreste, roi de Lacédémone. […] Dans L’Orseida, par exemple, un ours fait un personnage galant, et même un personnage de mari et de père. […] Si elles étaient dialoguées, leur étendue serait considérable, car le va-et-vient des personnages est très actif et le nombre des scènes très multiplié. […] Voilà l’ensemble de personnages qu’on retrouve dans la plupart des pièces comiques. […] Dans ce dernier canevas, Pantalon et son fils Oratio étant rivaux auprès d’Isabelle, il y a un concert assez plaisant entre tous les personnages pour faire accroire à Pantalon que son haleine est empestée.
Molière en fut frappé, et son personnage, qui n’avait pas encore de nom, reçut de lui aussitôt celui de Tartuffe. […] Le théâtre, tant tragique que comique, a une règle générale fondée sur la vérité des choses, c’est qu’on ne doit y faire figurer aucun personnage parfait. […] Le caractère tracé finement par le moraliste serait un personnage imperceptible et nul au théâtre. […] Nous tromperions-nous en admirant Tartuffe comme un personnage plein de vie et de vérité, naturel et dramatique à la fois ? […] Le personnage de Molière était donc on homme d’église, puisque, pour le déguiser, il lui prêtait l’ajustement d’un homme du monde.
La scène est à Barcelone, l’époque de l’action est moderne, les personnages sont des princes, et les mœurs sont tout à fait nationales. […] Pour faire la juste part du blâme et de la louange, le théâtre français n’a pas une pièce plus mal construite que Le Festin de Pierre ; il n’a pas un personnage plus largement dessiné que dom Juan. […] Il me reste à considérer le personnage sous un point de vue particulier, celui des opinions qu’il professe en matière de religion. […] On ne peut nier que Molière, en faisant de dom Juan un athée, ne soit le seul qui en ait fait un personnage conséquent, et jusqu’au bout d’accord avec lui-même. […] Il lui semblait que la punition exemplaire du personnage suffisait pour empêcher la contagion de ses mauvais exemples et de ses pernicieux principes.
Puisqu’on ne peut représenter sur le théâtre qu’une seule action sensible, il est raisonnable de ne pas séparer les petites parties qui la composent, de ne point désunir les actions particulieres des personnages qui concourent à l’action principale. […] C’est dans ce moment que la soubrette & la maîtresse, ne voulant pas assister à la cérémonie crainte de la troubler, prennent la fuite, & cedent la place aux personnages qui se sont déja annoncés par leurs cris. […] Il faut nécessairement préparer & amener d’un peu loin un autre personnage, qui, à l’aide d’un monologue, mette une distance vraisemblable entre les personnes qui ne doivent pas se trouver ensemble. […] De cette façon les événements & les acteurs se succedent mutuellement, sans laisser le théâtre vuide, sans laisser refroidir l’action ; & l’Auteur, d’incident en incident, de personnage en personnage, file chaudement une intrigue, & tient continuellement en arrêt l’attention, l’intérêt & la curiosité du public. […] Regle générale ; les liaisons de surprise ne peuvent jamais laisser du vuide sur la scene, puisqu’elles tendent toujours à surprendre quelqu’un des personnages qui l’occupent ; & loin d’en laisser dans l’action, elles redoublent sa vivacité.
De là des incertitudes, de là, dans l’interprétation du personnage essentiel, des variations, des contradictions. […] Et Tartuffe est le personnage comique de la pièce, le ridicule, la dupe. […] Elle sait bien, elle, que Tartuffe n’est pas homme du monde, et le déguisement du personnage ne lui en impose pas. […] Orgon, touché, veut connaître ce dévot personnage ; il s’adresse au valet qui a sa leçon faite. — Oh ! […] Et pour une bonne raison d’abord : c’est que ce ne serait pas un personnage de comédie, ni même de théâtre.
Quoi qu’il en soit, le personnage de Francischina ou Fracischina eut et conserva à Paris une popularité plus grande que celui de Ricciolina : c’est le nom de Francisquine qu’adopta cette Anne Begot qui faisait le rôle de la femme de Tabarin ou de Lucas sur les tréteaux de la place Dauphine, « comédienne ordinaire de l’île du Palais », comme on appelait ces acteurs en plein vent, commère dessalée, aussi preste à la riposte et probablement plus « forte en gueule » que sa devancière et sa contemporaine de la commedia dell’arte 22. […] Les personnages de la pastorale, le croirait-on ? […] L’auteur expose le plus gravement du monde, dans la dédicace, l’analogie qu’il aperçoit, d’abord entre la partie supérieure et noble de ses personnages et la dédicace qu’il présente à Sa Majesté, puis entre la partie basse et monstrueuse de ses héros et l’œuvre qu’il dépose aux pieds de la reine. » Après avoir passé en Italie l’été de 1623, les Comici Fedeli revinrent en France et y représentèrent pendant l’année 1624 et le commencement de l’année 1625. […] Quant aux autres types, il serait difficile de désigner les noms véritables des acteurs qu’on voulut copier dans cette fête royale ; quelques-uns des noms que l’on cite, Colas, maître Philippes, n’ont point une physionomie italienne, et sans doute ces personnages n’avaient appartenu qu’accidentellement à la comédie de l’art. […] Les anciens masques satiriques devinrent des personnages de féerie.
Ainsi les trois personnages principaux, Jupiter, Alcmène, Amphitryon, ont pu égayer les courtisans et leur rappeler la mésaventure du marquis de Montespan, sans que Molière eût songé au mari mécontent de la nouvelle maîtresse. Si la création de ces personnages lui appartenait, je le croirais difficilement ; comme il les a pris dans la comédie de Plaute, je refuse de le croire. […] Or Jupiter, que l’on veut nous donner pour l’image de Louis XIV, n’est pas le personnage le plus intéressant de la comédie. […] Il n’est donné à personne de s’oublier complètement, même en dessinant des personnages qui ne relèvent pas de la réalité. […] La donnée une fois admise, et le spectateur l’accepte volontiers dès qu’il connaît les noms des personnages, l’action n’étonne pas, tant il y a de naturel dans le développement des caractères.
Troisièmement, les frippons d’Athenes & de Rome agissoient quelquefois pour leur propre compte ; & le public ne partage bien leurs succès ou leurs malheurs, que lorsqu’ils décident du sort de quelques personnages honnêtes. […] « Il n’évoqueroit pas les manes burlesques des Merlins, personnages fameux sur nos premiers treteaux ». […] L’Auteur a voulu dire, sans doute, que les comiques venus après Moliere & Regnard, ayant perdu de vue cette gaieté naturelle avec laquelle on doit faire parler les valets, cet esprit souple, délié avec lequel on doit les faire agir, n’ont plus osé en introduire sur la scene ; mais il est ridicule de dire, parceque l’impuissance des Auteurs les a bannis du théâtre, qu’ils ne jouent plus le même personnage dans le monde. […] Pour moi j’ignore comment on peut allier la décence avec le métier de Mercure, & je soutiens qu’il seroit encore plus indécent à nos yeux si nous le faisions exercer sur notre théâtre par des personnages distingués. […] Je conclus de tout cela qu’il faut laisser à notre théâtre un personnage qui peut être amusant, & aux laquais, aux femmes de chambre un métier qui peut leur être avantageux.
Quand un Auteur s’est une fois déterminé pour un sujet, qu’il a fait choix de ses personnages, il doit faire passer la scene dans un lieu où ces mêmes personnages puissent agir sans blesser leur état, leur rang, leur fortune. […] Tous les personnages de l’Ecole des maris sont des bourgeois : Sganarelle, Ariste, Isabelle, Léonor, Valere, peuvent fort bien s’entretenir dans les rues de Paris, & y avoir de légers démêlés, sans blesser leur rang & la vraisemblance ; mais il est très peu naturel qu’Amphitrion, un Général d’armée, ait, dans une rue, avec sa femme une explication aussi vive, aussi sérieuse, aussi délicate & aussi longue que celle qui suit. […] Les Auteurs qui mettent dans une rue, des scenes qui ne conviennent aux personnages d’aucun état & d’aucun rang, ont encore plus de tort. […] Je viens de leur prouver qu’ils pouvoient introduire, faire parler, agir avec plus de décence certains personnages dans les rues d’une petite ville que dans celles de la capitale ; par conséquent ils ont le plus grand tort du monde de ne pas se mettre à leur aise quand ils le peuvent sans s’écarter de la vraisemblance & du naturel. […] Je me tus ; & j’ai effectivement remarqué que lorsque nos Auteurs modernes ne peuvent point prendre leurs personnages à Paris, ou dans les maisons brillantes qui parent ses environs, ils vont les chercher hors du Royaume.
Je le répete, la situation des personnages doit seule étendre ou resserrer l’intrigue de leur scene. […] Il en est de même des personnages qu’un acteur conduit sur la scene ; ils y viennent parcequ’on les y amene. […] S’il eût manqué de donner des ordres à un seul des personnages qu’il a conduits devant nous, ce seroit un défaut dans la piece. Lorsqu’un personnage qui a du pouvoir sur un autre lui ordonne de se retirer, celui qui sort n’a pas besoin de nous dire pourquoi il quitte la scene. […] Enfin, quand un personnage se trouve tout à-coup dans un embarras imprévu, & qu’il ne peut se tirer d’affaires qu’en fuyant, il n’est nullement nécessaire qu’il nous apprenne la cause de sa fuite.
Les personnages sont : Pandolfo, père de Lelio et de Virginia. — (Pantalon dans la comédie improvisée.) […] Le même genre de plaisanteries continue entre ces deux personnages. […] C’est bien possible, mais ce canevas, tel que Cailhava l’a traduit, est certainement d’une date plus récente que la comédie de Molière : cela se reconnaît aux seuls noms des personnages. […] Il appropria à chaque fois l’habit du personnage au rôle qu’il lui donnait ; l’inventaire après décès l’atteste également. […] Don Garcia de Navarra, que nous ne connaissons pas, et auquel Molière, du reste, n’aurait recouru que pour le nom du principal personnage, car toute sa comédie est dans la comédie italienne.
Pour qui connaît le dessous des cartes, le stoïcien en lui était surmonté du courtisan9. » Sans doute il y a là de quoi atténuer la ressemblance du personnage de Molière avec l’original supposé. […] Molière lui, invente, engendre ses personnages, qui ont bien çà et là des airs de ressemblance avec tels ou tels, mais qui, au total, ne sont qu’eux-mêmes. […] Geruzes, n’est pas un misanthrope „ mais le misanthrope, c’est-à-dire la misanthropie exprimée par un personnage tout ensemble idéal, et réel, multiple et un30. […] Sans doute, le duc de Montausier a pu fournir quelques traits- particuliers: qui sont venus s’identifier dans le caractère du personnage: de Molière. […] La tradition ne nous renseigne pas sur ces personnages condamnés par contumace dans la fameuse scène des portraits34; et cependant c’était peut-être là qu’on aurait pu trouver les ressemblances les plus frappantes, les exigences de l’art ne s’y opposant pas.
ni rentrer en nous-mêmes sans rencontrer ses personnages. […] Alceste est-il donc le portrait, plus ou moins retouché, de quelque autre personnage du temps, de ce M. […] En définitive, Alceste n’est la copie d’aucun personnage historique ; il est un caractère, un type. […] Molière a toujours cru qu’il devait ‘conformer son style à la nature de son œuvre et à l’état de ses personnages. […] Et pour en revenir à mon commencement, il est un personnage comique, ainsi que le jouait Molé, qui était dans la tradition de Molière, ainsi qu’on devrait toujours le jouer.
Il arrive souvent, sur le théâtre, qu’un personnage dit des choses qui ne doivent pas être entendues des autres ; & l’on est convenu d’appeller ce qu’il dit un aparté. […] Il n’est pas naturel, dit-on, que les personnages les plus voisins du faiseur d’aparté n’entendent pas ce qu’il dit, tandis que les bienheureux nichés au fond du paradis, ou des troisiemes loges, si vous l’aimez mieux, n’en perdent pas une syllabe. […] Il a mis, comme je l’ai dit, ses personnages dans une situation qui permet à chacun d’eux de se taire de temps en temps, & de donner à l’autre tout le loisir de parler. […] Je range dans la quatrieme classe les aparté qui se font lorsqu’un acteur en tire un autre à l’écart, & lui dit des choses qui doivent être ignorées d’un troisieme personnage, ou de plusieurs autres actuellement en scene. […] Je ne sais pourquoi on n’a pas mis au rang des aparté tout ce qu’un acteur dit à voix basse à un personnage ou à plusieurs, quand il a des raisons pour n’être pas entendu du reste des acteurs qui sont sur la scene.
Comment réussirai-je à enchaîner naturellement les événements, & à établir entre les scenes la succession convenable, si je suis occupé de la nécessité de rapprocher tel personnage de tel autre ? […] « D’ailleurs, si les deux personnages contrastants étoient dessinés avec la même force, ils rendroient le sujet du drame équivoque ». […] Si les deux personnages contrastants sont de la même force, le titre de la piece doit annoncer leurs deux caracteres ; & le sujet n’a plus le mérite de l’unité. […] Le Spectateur n’auroit-il pas été dans le cas de demander, du moins à la premiere scene où rien ne distingue encore le personnage principal, lequel des deux on jouoit, du Philanthrope ou du Misanthrope ? […] La franchise, l’honnêteté, la crédulité y sont continuellement en contraste avec la scélératesse & l’imposture ; mais ce même contraste qu’on oppose au héros, est partagé entre plusieurs personnages ; aussi aucun d’eux n’écrase-t-il le principal.
D’ailleurs un Auteur, moins gêné dans un monologue, peut plus librement se livrer à la gaieté, y faire dire des choses plus amusantes, y faire faire des lazzis plus agréables que dans une scene dialoguée, dans laquelle les personnages doivent être occupés à répondre prestement aux questions qu’ils se font mutuellement ». […] Je cherche un monologue fait par un personnage qui éprouve tout ce que je viens de dire, & qui puisse me servir de triple exemple. […] ils varient, comme le dialogue, selon le caractere, la situation du personnage, & le génie de l’Auteur. […] Ce sont ceux dans lesquels un personnage feint de regarder ce qui se passe dans le lointain, & en rend compte au spectateur. […] Otez le monologue du Babillard, le coup de pinceau le plus fort manquera à son portrait ; par conséquent le monologue peut aider par lui-même à caractériser un personnage.
Nous n’avons trouvé ni en France, ni en Allemagne, ni ailleurs, de personnages réels pour représenter parfaitement ces deux écoles275, et nous avons emprunté à Molière deux personnages fictifs, fantastiques : le Chevalier Dorante et Monsieur Lysidas. […] Les personnages de la tragédie sont nobles ; ils nous montrent le principe moral vainqueur du principe animal : donc les personnages de la comédie doivent nous montrer le principe animal victorieux du principe moral ; ils doivent êtres ivres, poltrons, vains, débauchés, paresseux, gourmands ou égoïstes. Mais notez bien que William Schlegel n’a pas dit : les personnages de la tragédie marchent sur leurs deux pieds : donc les personnages de la comédie doivent marcher à quatre pattes. […] Il sait que dans le théâtre d’Aristophane les personnages ne marchent pas habituellement à quatre pattes. […] Plusieurs critiques, sans être allemands, trouvent même qu’il est un peu sérieux, et que le personnage qui le rend nécessaire est bien odieux pour être comique.
Je suppose deux personnages dans une entrevue qu’ils desirent tous deux. […] Elles effacent non seulement les traits les mieux caractérisés du principal personnage, elles ôtent encore tout le sel du reste de la scene. […] La situation est la même, les personnages disent à-peu-près la même chose, puisque Moliere n’a presque fait, en cet endroit, que copier Térence : toute la différence consistera donc dans l’art de dialoguer. […] La rapidité du dialogue consiste, dit-on, à faire répondre juste, vîte & en peu de mots, chaque personnage à ce qu’on lui demande. […] L’art de lui donner cette qualité consiste non seulement à le couper, ou non, à propos, à le rendre plus ou moins rapide, selon les circonstances : il consiste encore à ne pas faire parler un personnage lorsqu’il n’a rien à dire.
On excepte le cas où, le premier titre étant le nom du personnage principal, le second sert à qualifier son caractère ou à spécifier l’action dont il est le centre ; mais, dans ce cas même, un seul des deux titres suffirait, l’autre est presque une superfluité. […] Un valet y conduit seul toute l’action ; les incidents sont nombreux et ne sont pas tous vraisemblables ; les vieillards abondent ; une jeune fille est un objet de commerce dont deux rivaux se disputent l’acquisition ; de petites intrigues, presque aussitôt détruites que formées, se succèdent plutôt qu’elles ne s’enchaînent entre elles ; enfin, des personnages, inconnus à eux-mêmes et aux autres, apprennent tout-à-coup le secret de leur existence, et la pièce se dénoue par une quadruple reconnaissance. Une telle comédie ne représentait nullement les mœurs de l’époque où elle parut, et c’est sans doute un grand défaut ; mais ce qui, dans cette même pièce, place Molière fort au-dessus de son modèle et de ses contemporains, c’est le comique franc de plusieurs situations, c’est cette fécondité d’imagination qui renouvelle tant de fois des stratagèmes si souvent déconcertés, c’est surtout ce dialogue gai, rapide et naturel qui anime constamment la scène, et dans lequel chaque personnage se peint lui-même des couleurs qui lui sont propres. […] Du rôle insignifiant de cette sœur dont on emprunte le nom et les vêtements, il fit le délicieux personnage de Lucile, et il créa cette admirable scène de brouillerie et de raccommodement, image si fidèle d’une nature charmante, qu’il a répétée plus d’une fois lui-même, et qu’on a mille fois répétée d’après lui. […] Dans cette seconde pièce, le théâtre ne reste jamais absolument vide, si l’on admet que la liaison des scènes n’est point interrompue, lorsque deux personnages se sont succédé, sans que l’un ait entretenu l’autre, mais non pas sans qu’il l’ait aperçu.
On peut, à la rigueur, en juger par la liste des personnages. […] Ces deux personnages nous font rire. […] C’est l’auteur qui nous amuse du jeu de son imagination, et le personnage n’a pas d’existence propre. […] Le ridicule n’est pas surajouté aux personnages par la fantaisie de l’auteur, il est, pour ainsi dire, intérieur aux personnages ; il prend sa source dans leur vie, dans leur réalité. […] Il ne cherche pas un sujet singulier, d’abord, qu’ensuite il mettra en œuvre en y adaptant des personnages.
Par exemple, dans la Métromanie, les personnages sont à la fin du quatrieme acte à la campagne ; ils ont besoin d’aller à Paris voir jouer une comédie, & de revenir nous en rendre compte à la campagne. La fable de la Métromanie ne peut pas être censée commencer & finir dans trois heures ; & l’Auteur a très bien fait de prendre le temps qui lui étoit nécessaire, d’abord qu’il n’excédoit pas les vingt-quatre heures : mais Moliere a très mal fait d’user de la permission, & d’envoyer dormir les personnages de son Malade imaginaire entre le premier & le second acte. […] Quelques Commentateurs ont entendu par unité d’action, qu’il ne falloit employer pour le sujet d’une piece qu’une action unique d’un des principaux personnages. […] Quelques Auteurs n’ont introduit plusieurs fils, plusieurs intrigues dans leurs pieces, que parcequ’ils ont donné une même dose d’amour à tous leurs personnages, & qu’ils n’ont pas eu l’art de subordonner la tendresse de l’un à celle de l’autre. […] Un Personnage.
Comment veulent-ils, ces Auteurs si enorgueillis de la qualité de leurs personnages, comment veulent-ils qu’un marchand, un procureur, un notaire, une petite-maîtresse subalterne, puissent s’intéresser à une intrigue de Cour, qu’ils s’amusent du caractere d’un courtisan placé si loin du leur, dont ils n’ont aucune connoissance ? […] Cependant la fureur que nous lui reprochons de titrer tous ses personnages, est plus excusable chez lui que chez mille Auteurs qui connoissent les grands par leur nom seulement, & pensent avoir assez vu la Cour quand ils ont assisté au grand couvert. […] Principaux Personnages. […] Le héros de la piece Danoise est un très petit Monsieur : opposons-le à quelqu’un des nobles personnages qui embellissent notre scene, à l’Ambitieux de Destouches, par exemple. […] Les premiers personnages de la piece Danoise sont des Artisans, ceux de la seconde sont de grands Seigneurs : il reste à savoir lequel des deux Drames est plus utile à l’humanité.
Il y a dans ce caractère quelques traits de profonde tendresse qui font oublier la singularité plaisante du personnage. […] C’est un rire bienveillant qui les accueille, sans que l’on perde le respect dû au personnage. […] Voilà un homme qui, tout d’un coup, devient un personnage. […] Voici le portrait qu’un des personnages trace du chevalier de Villefontaine, le héros de la pièce. […] On va reconnaître la franchise qui caractérise tous les personnages de Dancourt.
Premier axiome : le poète comique doit disparaître derrière ses personnages. […] Nous avons foi, nous Français, dans l’un et dans l’autre de ces principes, et armés de ce double instrument de critique, nous ouvrons le premier théâtre comique venu, le théâtre d’Alfred de Musset, je suppose, et nous raisonnons ainsi : un poète comique peut paraître derrière ses personnages de deux manières : soit en faisant une allusion complaisante à lui-même, à sa vie, à son caractère, à ses goûts, soit en déployant avec coquetterie les grâces de son imagination et de son esprit. […] Vous dites, par exemple, que le poète comique doit disparaître derrière ses personnages, et qu’il doit peindre la réalité. […] » Est-il donc impossible de concevoir un genre de comédie où le poète, loin de disparaître derrière ses personnages, se tiendrait cache sous leur masque, prompt à intervenir à tout moment dans leurs paroles et dans leurs gestes par un feu roulant d’allusions malignes, d’épigrammes lancées contre ses adversaires, de conseils sagement fous donnés à un public ami ? […] Je vais, suivant la règle de l’école dogmatique française, disparaître moi-même derrière eux, et je prie instamment le lecteur de vouloir bien se souvenir que jusqu’à la Conclusion ce n’est plus moi qui parle, et qu’un auteur comique n’est point responsable des sottises que débitent ses personnages.
Le principal rôle est un Sganarelle, nom qui désignait, dans les anciennes farces, un personnage imbécile ou grotesque. […] L’auteur donne au Misanthrope un personnage ridicule : oui ; mais ce ridicule porte-t-il sur ce qu’il est droit, sincère, homme de bien? […] Si son humeur ne portait jamais que sur de pareilles choses, ce ne serait qu’un censeur juste et rigoureux, et non plus un personnage de comédie. […] Le ridicule du masque couvrira sans cesse l’odieux du personnage; je placerai l’un dans l’ombre, et l’autre en saillie, et l’un passera à la faveur de l’autre. […] Il ne fallait rien de moins pour ne pas rompre en visire à un personnage aussi abject et aussi dégoûtant que Tartufe parlant d’amour en style béatifique à la femme de son bienfaiteur.
Alceste est devenu un personnage dont il n’est plus permis de rire. […] Arnolphe, le personnage principal de la pièce, a pris le parti de se marier. […] On pourrait désirer que Molière eût donné à son personnage quelques années de plus. […] Ce n’est pas lui qui a inventé ce personnage de nos comédies modernes qui est chargé de nous présenter et d’étiqueter tous ses camarades. […] J’aurais préféré, je l’avoue, que Molière évitât à son personnage un ridicule qui n’a rien à faire ici.
Un trait comique prend sa source dans la chose même, naît de la situation des personnages, & tient d’elle seule l’avantage de faire rire : un trait plaisant est au contraire une saillie qui ne fait rien à l’action, qui ne tient rien de la situation des personnages, qui fait rire, à la vérité, mais aux premieres représentations seulement. […] Crispin, voulant que son maître soit Légataire universel, paroît sous le nom du neveu, & fait des impertinences qui changent les résolutions de l’oncle : content de son succès, il paroît sous l’habit de la niece pour la faire aussi déshériter : il joue d’abord le personnage d’une veuve fort douce, fort honnête. […] Premiérement Moliere a eu l’art d’avilir les personnages aux dépens desquels il veut nous faire rire. […] Comme j’ai déja dit là-dessus mon sentiment dans le chapitre où j’ai parlé de l’âge des personnages, j’y renvoie mon lecteur.
À Paris, chez Pierre Menard, 1633. » Bruno explique lui-même qu’il y a dans sa pièce trois personnages principaux : Boniface, l’amoureux ridicule, l’alchimiste Bartolomeo, avare sordide, et Mamfurio, le pédant imbécile, « desquels, ajoute-t-il, le premier n’est pas non plus sans ladrerie ni imbécillité, le second n’est pas sans niaiserie ni ridicule, et le troisième n’est pas moins sordide que sot ». […] Avec quelle brutalité Giordano Bruno traite ce personnage, une scène suffira à en donner une idée. […] Un personnage qui paraît avoir pris pied dans la comédie régulière avant de passer dans la comédie de l’art, c’est le Parasite. […] On peut conjecturer que le personnage de Franca-Trippa, dans la troupe des premiers Gelosi et dans celle des Comici confidenti, fut la plus fameuse incarnation de ce rôle burlesque. […] Un autre personnage né dans la comédie régulière à qui l’antiquité l’avait transmis, c’est la vieille entremetteuse, la Ruffiana.
Mais ce sont au fond les mêmes personnages. […] Cette dégradation des femmes savantes sauvait Molière du danger d’essayer le ridicule contre des personnages sur lesquels le ridicule ne mordait point, et du danger des inimitiés puissantes, mais il n’allait point au but, qui était d’affaiblir la considération des gens du monde, dont le poids était incommode pour la cour et dangereux pour le spectacle de Molière ; et d’ailleurs il avait peu de succès à attendre d’un ouvrage qui reproduisait la préciosité au moment où elle venait de rassasier le public, et où, par l’influence du théâtre même, elle cessait d’exister dans le monde. […] De nos jours, des commentateurs ont osé faire ce dont les écrits du temps de Molière se sont abstenus, et ce à quoi la volonté de Molière a été de ne donner ni occasion, ni prétexte ; ils ont pris sur eux d’appliquer des noms propres aux personnages ridicules, même odieux des Femmes savantes. […] Pour peindre un personnage idéal, on emprunte des traits à vingt figures, sans avoir l’intention d’en peindre aucune. […] Aimé Martin tombe dans des fautes du même genre sur d’autres personnages de la même pièce.
La plus facile est celle d’amener un personnage pour faire une seule scene qui ne tient pas à l’intrigue, & qu’on pourroit retrancher sans nuire à l’action. […] L’autre maniere est de coudre à son sujet quelques personnages qui aient part à l’intrigue. Elle est plus ou moins mauvaise, selon que ces personnages, tout en faisant mouvoir les ressorts de la machine, servent plus ou moins à démasquer le héros. […] Ils paroissent plus souvent ; ils font rire plus que les principaux personnages : mais ils ne contribuent pas un seul instant à nous faire connoître ni le Joueur, ni les dangers de sa passion. […] De là ces pieces où le principal personnage a deux caracteres tout-à-fait opposés, comme nous venons de le remarquer.
Il n’y a rien de pareil dans le personnage de Leslie. […] Mais l’important, c’est de montrer sa propre nature à travers le personnage, c’est de rester soi. […] Est-ce à l’acteur à revêtir le personnage ? […] Ces deux personnages sont deux types très intenses dans lesquels l’acteur doit chercher à donner le maximum de comique, sans quitter la sincérité et en restant dans le caractère des personnages. […] » Oui, sans doute, mais la physionomie vraie du personnage a disparu.
Cependant on y reconnoît dans le jeu des personnages, une source de vray comique ; peres, amans, maîtresses, valets, tous ignorent mutuellement les vûës particuliéres qui les font agir, ils se jettent tour à tour dans un labyrinthe d’erreurs qu’ils ne peuvent démêler. […] Thessala dans Plaute, Céphalie dans Rotrou, ne sont que de simples confidentes d’Alcméne ; Moliere a fait de Cléanthis, qui tient leur place, un personnage plus intéressant par lui-même. […] Le personnage de Sostrate est un caractére d’amant qu’il n’avoit pas encore exposé sur la scéne ; Clitidas, plaisant de cour, est plus fin que n’est Moron dans la princesse d’Elide. […] On voit en même tems l’homme & le personnage, le masque & le visage, tellement mis en opposition d’ombres & de lumiéres, qu’on démêle toujours ce qu’il est, & ce qu’il veut paroître. […] dont il ne nous est resté que les noms des personnages, parut dans une fête que le Roi donna à Madame, à saint Germain en Laye, au mois de décembre 1671.
Il vous fera voir que le même personnage peut fort bien reconnoître dans une scene, & être reconnu dans une autre. […] Voilà, comme je l’ai dit, un personnage qui reconnoît, & qui se fait reconnoître ensuite ; ce qui est très bien varié, comme vous voyez. […] Le sujet est le même : les premiers personnages sont, à l’exemple de Cléanthis & de Strabon, mariés : ils ne se reconnoissent point, & sont amoureux l’un de l’autre. […] Un Auteur qui ne se sent pas la force de semer du comique dans une reconnoissance, ou qui ne le peut pas, vu la gravité des personnages qui doivent se reconnoître, fera beaucoup mieux, à l’imitation des Anciens, de faire leur reconnoissance derriere le théâtre, & de nous envoyer dire ensuite, par un personnage plaisant, que l’affaire est faite. Le jeu de l’acteur qui fera la narration, le ton qu’il prendra, la situation des personnages intéressés à l’écouter, tout pourra contribuer à rendre comique en récit ce qui seroit triste en action.
D’autre part, même dans ce genre-là, — c’est le ballet que je veux dire, — genre allégorique, mythologique, pseudo-pastoral et carnavalesque, il avait mis le plus de vérité possible : il y avait introduit, autant que les conjonctures le permettaient, des personnages réels, humains, citadins, vêtus comme le spectateur. Il advint que plusieurs de ces personnages continuèrent de parler et d’agir après qu’autour d’eux les chants et les danses avaient cessé. […] Les personnages des Fâcheux, jetés dans les intervalles d’un ballet réglé par le danseur Beauchamp, ne sont ni des allégories, ni des dieux, ni de faux bergers, ni des marquis : leurs originaux, en 1661, pouvaient se trouver dans la salle. […] Et, tout bas, on se dit par où ces personnages se ressemblent, par où ils diffèrent : on improvise pour soi deux petites études de mœurs, et on les compare. […] Mais le moyen de rendre clair l’artifice naïf et compliqué de cette comédie où une fantasmagorie est encadrée, — les personnages de celle-ci, à la fin, jouant une tragédie qui forme une troisième action dans la seconde ?
Elle avait alors pour principaux acteurs Oratio Nobili de Padoue faisant les amoureux, Adriano Valerini de Vérone jouant aussi les amoureux sous le nom d’Aurelio ; Lucio Burchiella faisait le personnage du docteur Gratiano ; Lidia de Bagnacavallo était la première amoureuse, et la jeune Prudenza de Vérone la seconde amoureuse. […] La même actrice faisait les personnages travestis sous le nom de Lesbino. […] Nous donnons ici le personnage de Franca-Trippa, tel qu’il est représenté dans I balli di Sfessania de Callot. […] Cecchini ne paraît pas être venu en France, mais son personnage Fritelin ou Fristelin figure dans les farces tabariniques. […] Nous donnons ci-contre le capitaine Cerimonia : il est représenté une main sur sa rapière, dont la pointe soulève son manteau tout entier, et l’autre tenant sa loque tailladée ; il est en train de saluer très poliment la signora Lavinia (voyez plus loin ce personnage) qui se trouve en face de lui.
Il faut que la situation des personnages dessine si bien leurs gestes, qu’elle se peigne dans chacun d’eux. […] Ai-je tort de dire que tout dans ce tableau naît de la scene, de la situation des personnages, & que tout l’y peint ? […] L’arrivée du Marquis, & sur-tout une arrivée annoncée, peut-elle jetter les personnages de la scene dans un trouble assez grand pour qu’il mérite d’être peint ?
Beltrame fait les personnages de père ou de mari : c’est un père un peu brusque et tenant serrés les cordons de sa bourse, mais indulgent et raisonnable ; c’est un mari débonnaire, feignant de croire aux bourdes qu’on lui conte, qui voit clair toutefois, et qui prend sa revanche quand l’heure est venue. […] Les noms mêmes des personnages nous en avertissent, ce sont : Pantalon des Bisognosi, Fulvio son fils, Scapin, leur valet ; Beltrame ; Lavinia sa fille ; Mezzetin, marchand d’esclaves, Celia, Laudomia, ses esclaves ; Cintio, étudiant ; Le capitaine Bellorofonte Martellione, étranger ; Spacca, ami de Scapin ; un caporal et des sbires. […] Ce fut certainement L’Inavertito qui créa au personnage de Scapin une sorte de supériorité parmi les rôles de premiers zanni, c’est-à-dire de valets intrigants26. […] Nous insistons sur le caractère de ce personnage, parce qu’on en fait généralement un valet intrigant, de la même famille que Scapin, et que nous croyons que Riccoboni s’est trompé et a induit en erreur sur ce point ceux qui s’en sont rapportés à lui.
D’ailleurs, il n’est pas bien décent, je pense, que Guillaume, le seul honnête personnage de la derniere piece, soit le seul puni. […] Brueys & Palaprat ont très bien fait encore de substituer un Muet à l’Eunuque de Térence, personnage révoltant par lui-même, & qui le devient davantage quand Phædria prouve qu’il n’est pas ce qu’on croit. […] Maître Pierre Patelin, à cinq personnages. — Le nouveau Patelin, à trois personnages. — Le Testament de Patelin, à quatre personnages. — Maître Pierre Patelin & son jargon, à cinq personnages. — Maître Pierre Patelin restitué à son naturel. — Maître Pierre Patelin de nouveau revu. — La Vie de Maître Pierre Patelin, ensemble son testament, le tout par personnages. — Le Nouveau Patelin, à trois personnages. — Patelinus, nova comœdia, traducta per Alexandrum Connibertum.
Les personnages qui préparaient ce spectacle grotesque posèrent plusieurs mois, sans s’en douter, sous les yeux du plus grand peintre qui jamais ait copié la nature. […] Remarquons, en passant, que ce merveilleux justifie la ressemblance des personnages, et qu’elle paraît ici moins étrange que dans d’autres ouvrages, par exemple, que dans Les Ménechmes de Regnard. […] Le prologue des Folies amoureuses de Regnard présente également le personnage de mademoiselle Beauval, et cette actrice y est caractérisée au mieux. […] pour moi, je m’acquitterai fort mal de mon personnage, et je ne sais pas pourquoi vous m’avez donné ce rôle de façonnière. […] Cela est vrai ; et c’est en quoi vous faites mieux voir que vous êtes une excellente comédienne, de bien représenter un personnage qui est si contraire à votre humeur.
Elle ne sauroit faire paroître un visage que par les endroits les plus visibles, un personnage que par un côté seulement : de même la poésie dramatique ne peut pas exposer aux yeux du spectateur une action entiere dans toutes ses circonstances. […] Lorsque Lubin & Clitandre paroissent au commencement du troisieme acte, l’Auteur, les personnages, le spectateur & l’intrigue ne sont pas plus avancés qu’à la fin du second. […] Nous avons banni, avec raison les chants & les danses, pour livrer en entier la scene aux seuls personnages qui concourent à l’action, & pour ne nous occuper que d’eux : irons-nous les remplacer par des mines, des grimaces ? […] Si au contraire elle est intéressante, les personnages intéressants doivent, avant leur sortie, avoir employé les gestes, la voix & les expressions les plus fortes pour nous pénétrer de son importance : pourquoi donc faire succéder à des coups de pinceau fort énergiques, un barbouillage qui ne rend que foiblement la même idée ? […] Que seroit-ce si le peintre avoit chargé sa toile de quelques personnages subalternes & burlesques par eux-mêmes ?
En l’un des bouts de la salle était élevé un grand théâtre de six pieds de hauteur, de huit toises de largeur et d’autant de profondeur ; en bas était une grande nuée qui cachait toute la scène, afin que les spectateurs ne vissent rien jusqu’au temps nécessaire. » Les principaux comédiens faisant partie de la troupe qui vint à Paris en 1645, étaient Tiberio Fiurelli jouant le personnage de Scaramouche ; Domenico Locatelli jouant le personnage de Trivelin ; Brigida Blanchi, fille du directeur, première amoureuse sous le nom d’Aurelia ; Marc Romagnesi, son mari, premier amoureux sous le nom d’Oratio. […] Le personnage de Scaramuccia (Escarmouche) existait déjà dans la troupe des Fedeli ; il y était représenté par un acteur du nom de Goldoni, et il a été dessiné par Callot dans la série des Petits Danseurs ou Balli di Sfessania 28. […] Il a toujours été les délices de tous les princes qui l’ont connu, et notre invincible monarque ne s’est jamais lassé de lui faire quelque grâce. » Fiurelli donna une extension considérable à son emploi : « En Italie, dit Riccoboni, ce personnage n’avait jamais fait d’autre caractère que celui du capitan ; mais en France il fut tellement goûté qu’on le mit à toutes sauces 30 . » 17. — Scaramouche. […] Ange-Auguste-Constantin Lolli, de Bologne, jouait le personnage du docteur Gratiano Baloardo. […] Le cardinal de Retz, par exemple, s’en sert constamment dans ses Mémoires pour railler les personnages ou faire ressortir le comique des situations.
Nous apercevons distinctement, en effet, ce personnage dans la pièce de l’Arétin, intitulée Lo Ipocrito 38. […] Les personnages de la comédie de l’Arétin sont : Liseo, vieillard, chef de famille ; sa femme Maia, ses cinq filles, ses gendres et les amoureux de ses filles, un frère jumeau Brizio, et des valets. […] Tel est le personnage dessiné, avec une verve mordante, par l’Arétin. […] Le personnage principal de la comédie de Lo Ipocrito a de commun avec Tartuffe non seulement l’hypocrisie, mais encore la gourmandise et la sensualité.
Guidé par la nature, le goût, le discernement, il connut qu’un poëte dramatique, loin de se faire une diction à lui, ne doit avoir que celle que le caractere de ses pieces ou de ses personnages amene naturellement. […] Le style de Térence, toujours naturel, mais plus élégant, plus recherché, plus relevé que celui de Plaute, plus conforme à l’éducation des personnages distingués, sert à Moliere pour les peindre. […] Nos Auteurs modernes ne se sont pas contentés d’employer la même diction pour toutes leurs pieces sans distinction ; ils ont poussé la chose jusqu’au point de faire parler tous leurs personnages sur le même ton. […] Tous ses personnages se souhaitent le bon jour & le bon soir avec un esprit à perte de vue. […] Mettons nos personnages en situation ; faisons-leur dire tout simplement, & en termes propres, ce que tout homme diroit à leur place, la diction sera toujours excellente.
En hommes, nous retrouvons les mêmes personnages des deux premières périodes : Malherbe, âgé de 65 ans. […] Donnons donc quelques détails sur ce personnage si célèbre dans son temps. […] « Pour vous dire le vrai, je n’ai point grand goût pour cet auteur25. » Le changement qui s’opéra dans le goût de Voiture me paraît remarquable comme témoignage de celui qui dominait à l’hôtel de Rambouillet, et me semble prouver que les principaux personnages de cette société, au lieu d’être des modèles de mauvais langage, contribuaient à corriger et à épurer les ridicules qui depuis L’Astrée s’étaient propagés parmi les beaux esprits.
Guillaume et Agnelet, sont des personnages pris dans la nature, et le dialogue est de la plus grande vérité. […] Il a retrouvé son comique du Mercure galant dans le personnage du financier, M. […] Les autres personnages, il est vrai, ne sont pas tous si bien traités. […] Les incidents que produit le retour du père, et le personnage du marquis ivre, et la scène entre M. […] Mais comme cet esprit est toujours le sien, il arrive que tous ses personnages, même ses paysans, n’en ont point d’autre ; et le vrai talent dramatique consiste au contraire à se cacher pour ne laisser voir que les personnages.
Dénouement encore plus défectueux, car le spectateur s’intéresse très peu au sort des personnages les moins utiles à l’action, toute faible qu’elle est. […] Avec quelle rapidité elle nous fait passer tous les personnages en revue ! […] Quel impudent personnage a pu imaginer cette grossièreté ; et comment ce parterre si renommé, ce parterre du pays latin, a-t-il pu la supporter ? […] Que Molière l’a consignée dans chaque rôle principal, en marquant bien distinctement le caractère de chacun des personnages. […] Le style. — Chaque personnage a celui de son état.
Tantôt prenant un ton sensé, un air imposant, elle parle par la bouche d’un homme raisonnable qui, en réprimandant un personnage, fait la critique de tous ceux qui lui ressemblent. […] Une piece peut encore être très morale par la façon dont ses divers personnages sont punis ou récompensés. […] Il faut qu’un Poëte comique soit juste en tout, & qu’il satisfasse les cœurs droits de son assemblée, en traitant ses personnages avec la derniere équité. […] Nous avons prouvé dans le Chapitre de l’état des personnages, que cette piece n’étoit pas morale ; & nous avons dit pourquoi. […] Les personnages des Fâcheux leur disent qu’ils sont autant de fléaux dans la société.
« Dans les pieces intriguées par le hasard, aucun des personnages n’a dessein de traverser l’action, qui semble aller d’elle-même à sa fin, mais qui néanmoins se trouve interrompue par des événements que le pur hasard semble avoir amenés. […] L’Amphitrion qu’il a imité, ou plutôt qu’il a presque traduit, offre une action que les personnages n’ont aucun dessein de traverser. […] Je dirai seulement que je ne connois point de comédie françoise d’intrigue, dont les incidents ne soient pas prévus par les personnages, & qu’excepté Amphitrion, c’est le seul genre que Moliere n’ait point traité. […] Riccoboni s’est trompé : on ne peut absolument pas compter l’Amphitrion parmi les pieces intriguées par le hasard ; le hasard n’y préside ni au principe de l’action, ni aux incidents, ni au dénouement, & il s’en faut bien que les personnages n’aient aucun dessein de traverser l’action. […] Quelques-uns peuvent à la vérité avoir été amenés sans dessein prémédité de la part des personnages ; mais pourra-t-on attribuer la derniere jalousie de Laura au hasard ?
Il mit dans cet ouvrage deux personnages qu’il n’avait point encore fait paraître sur son théâtre, un astrologue et un fou de cour. […] Personnages de la pastorale en musique. […] On voit en même temps l’homme et le personnage, le masque et le visage, tellement mis en opposition d’ombres et de lumières, qu’on démêle toujours ce qu’il est, et ce qu’il veut paraître. […] C’est ce naturel grossier qui fait le plaisant de la comédie ; et voilà pourquoi ce n’est jamais que dans la vie commune qu’on prend les personnages comiques. […] Je ne dis rien aussi du personnage de M.
On aurait pourtant mieux fait de ne pas traiter l’unité de lieu avec une rigueur si scrupuleuse, et de permettre aux personnages de passer d’une chambre dans une autre, ou même dans différentes maisons de la même ville. […] Il voulait introduire et ramener sur la scène une sorte de personnages sans masques, mais du même genre et portant les mêmes noms que les masques italiens ; jamais ces rôles n’ont pu se naturaliser en France. […] Molière a, pour ainsi dire, entassé tous les genres d’avarice sur un seul personnage, et pourtant l’avare qui enfouit un trésor et celui qui prête sur gages ne peuvent guère être le même individu. […] Il est certainement très blâmable d’avoir fait bafouer Trissotin comme un homme vil et intéressé, car sous ce personnage, Molière désignait un écrivain encore vivant dont le nom même n’était que légèrement déguisé. […] Or comment se fait-il qu’Alceste choisisse pour son ami un personnage tel que ce Philinte, dont les opinions sont diamétralement opposées aux siennes ?
[94, p. 138-139] L’abbé Dubos287 admire dans la scène 7 du troisième acte288 du Misanthrope, la saillie de ce même personnage, qui rendant un compte sérieux des raisons qui l’empêchent de s’établir à la cour, ajoute, après une déduction des contraintes réelles et gênantes qu’on s’épargne en n’y vivait point : « On n’a point à louer les vers de messieurs tels. »289 Cette pensée devient sublime, dit-il, par le caractère connu du personnage qui parle, et par la procédure qu’il vient d’essuyer, pour avoir dit que des vers mauvais ne valaient rien.
Du reste il n’est point vraisemblable qu’un homme s’expose à jouer un aussi sot personnage dans la maison de sa maîtresse : son rôle jure avec son rang, ses prétentions, le lieu de la scene, & par conséquent avec la nature. […] Lucinde, second personnage de la piece, est encore une mauvaise copie de la Beline du Malade imaginaire ; elle flatte la manie de la Malade, lui persuade qu’elle est très mal, le tout pour l’engager à lui donner son bien. […] Champmeslé le principal personnage de cette comédie. […] A la vérité l’Auteur moderne, en saisissant cette idée, a changé le reste de l’intrigue, le dénouement, & les autres personnages ; & l’on doit d’autant plus excuser cette faute, où il n’est tombé que cette seule fois ». […] Dans la piece de Champmeslé le rôle du Marquis n’est rien moins qu’honnête ; Mad. la Comtesse figureroit mieux dans une maison de force que sur la scene ; Catho & Manon sont en train de lui ressembler dans peu ; le Chevalier est aussi mal-adroit qu’effronté ; le pere est un imbécille ; les autres personnages sans caractere ne se montrent que pour disparoître, ou sont inutiles ; l’intrigue est traînante & mal combinée.
Cet ouvrage fit dans l’art dramatique une révolution dont Molière a eu l’honneur, parce que ce fut son talent qui la signala avec éclat. « Avant Mélite, dit Corneille dans sa préface, on n’avait jamais vu que la comédie fit rire sans personnages ridicules, tels que les valets bouffons, les parasites, les capitans, les docteurs, etc. Celle-ci (Mélite) a fait son effet par l’humeur enjouée de gens, d’une condition au-dessus de ceux qu’on voit dans les comédies de Plaute et de Térence. » En effet, dans cette pièce, l’auteur ne se bornait pas à produire des personnages décents, au lieu des bouffons de fantaisie : il leur donna, dit-il, un style naïf qui faisait une peinture de la conversation des honnêtes gens . […] La qualification de naïf, que Corneille donne au style de ses interlocuteurs, style fort différent de celui des personnages de Molière, qui est aussi estimé naïf, m’a paru rendre nécessaires quelques observations sur la naïveté.
Un exemplaire de cette tragédie, qui faisait partie de la bibliothèque Soleinne, donne, en face des personnages, une liste manuscrite d’acteurs ; ces noms sont ceux des camarades de Molière, on prétend même y reconnaître l’écriture de celui-ci. […] De plus, Éphyre, comme les deux autres néréides de la pièce, ne peut être jouée que par une jeune fille ou une jeune femme, car la seule raison d’être du personnage est de servir à un effet plastique. […] S’il a plusieurs fois emprunté certains traits à sa femme pour les appliquer aux personnages qu’il lui donnait à représenter, il est impossible qu’il ne laisse pas voir çà et là à travers ces personnages les sentimens qu’elle lui inspirait. […] Quant à Lauzun, on ne le trouve pas nommé parmi les personnages qui figuraient dans les fêtes où fut donnée la Princesse d’Élide ; plusieurs, cependant, étaient à la fois moins qualifiés et moins en vue que lui. […] J’ai assez parlé du personnage pour qu’il ne soit pas utile de le présenter à nouveau.
On a fréquemment confondu ce dernier personnage avec le grand comique dont il fut contemporain. […] Son chef-d’œuvre c’était le personnage d’Épicharis, à qui Néron venait de faire donner la question. »Ce personnage appartient à une pièce intitulée La Mort de Sénèque, de Tristan l’Hermite, imprimée en 1645. […] Auguste Baluffe a découvert qui est ce personnage de M. […] Il composa L’École des maris ; il reprit son personnage de Sganarelle et le plaça dans une situation piquante, où le caractère de ce personnage se développe. […] Le personnage d’Ariste, sensé, aimable et heureux, a presque disparu.
Quelquefois, c’est un portrait que Molière met dans la bouche d’un personnage. […] M. de Pourceaugnac est un des personnages qui ont fait dire à beaucoup de critiques, et de grands critiques, à Fénelon, par exemple, à Vauvenargues, et même un peu à Boileau, que les personnages de Molière étaient outrés. […] — Quels sont ces personnages-ci, se demande M. de Pourceaugnac, qu’est-ce que ce galimatias ? […] Le personnage d’homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu’on puisse jouer aujourd’hui, et la profession d’hypocrite a de merveilleux avantages. […] CÉSAR, parlant à un personnage qui s’éloigne.
Enfin, il lui envoya le maître chez qui il l’avait mis en pension pendant les premières années de ses études, espérant que par l’autorité que son maître avait eue sur lui pendant ce temps là, il pourrait le ramener à son devoir ; mais bien loin que ce bonhomme lui persuadât de quitter sa profession, le jeune Molière lui persuada de l’embrasser lui-même, et d’être le docteur de la comédie ; lui ayant représenté que le peu de latin qu’il savait le rendrait capable d’en bien faire le personnage, et que la vie qu’ils mèneraient serait bien plus agréable que celle d’un homme qui tient des pensionnaires. […] Ce bon Père lui envoya ensuite le Maître chez qui il l’avait mis en pension pendant les premières années de ses Études, espérant que par l’autorité que ce Maître avait eue sur lui pendant ces temps-là, il pourrait le ramener à son devoir ; mais bien loin que le Maître lui persuadât de quitter la profession de Comédien, le jeune Molière lui persuada d’embrasser le même Profession, et d’être le Docteur de leur Comédie, lui ayant représenté que le peu de Latin qu’il savait le rendrait capable d’en bien faire le Personnage, et que la vie qu’ils mèneraient, serait bien plus agréable que celle d’un Homme qui tient des Pensionnaires.
Si, dans une piece à caractere, il est nécessaire que depuis l’exposition jusqu’à l’arrivée du héros, tout le peigne, tout nous parle de lui ; par une suite de cette regle dictée par la raison, & autorisée par l’exemple des meilleurs maîtres, il est clair qu’une piece à caractere est défectueuse, si, après qu’on nous a fait le portrait du premier personnage, après qu’il a paru lui-même à nos yeux, nous ne voyons pas toute l’action rouler par lui, sur lui, ou pour lui ; c’est-à-dire, s’il n’est pas la cause directe ou indirecte de tout ce qui se passe sur la scene ; si tout ne part pas de lui, ou ne rejaillit pas sur lui ; si enfin la scene est un seul moment sans qu’il y soit question de lui. […] Comme il n’est question dans ce Chapitre que de l’action de la piece, depuis l’arrivée du premier personnage jusqu’au dénouement exclusivement, nous passons tout de suite à la troisieme scene du premier acte. […] Il a été autant avare avec sa maîtresse, & plus, qu’avec tous les autres personnages : & c’est son avarice seule qui, durant toute la piece, a vivifié l’action. […] Il vaut mieux sans contredit n’en pas mettre, que de l’animer par le secours de personnages subalternes, comme dans le Dissipateur, dans le Philosophe marié, le Glorieux, &c. ou par des traits qui n’appartiennent pas du tout au caractere annoncé : mais lorsqu’on aura l’art de faire naître toutes les scenes, tous les incidents, toutes les situations du caractere promis par le titre, qu’on ne craigne point de trop compliquer une action ; ce seroit craindre de mettre trop de beautés dans un ouvrage. Souvenons-nous sur-tout que tout en faisant filer une action par le personnage principal, il faut lui ménager les moyens de dénouer cette même action avec éclat, & par un trait qui le caractérise bien.
Le principal personnage est tout tracé dans les Caracteres de M. de la Bruyere. […] Est-il dans la nature enfin que, son maître écrivant & lui ayant déja imposé silence, il ose parler assez haut pour être entendu, connoissant sur-tout la distraction du personnage ? […] « Peut-être Regnard, me dira-t-on encore, a-t-il diminué en quelque sorte le vice de son premier personnage en l’entourant de caracteres tout-à-fait dans la nature ». […] L’Oncle, que l’Auteur nous peint comme un homme raisonnable, n’aspire qu’à rendre heureux un neveu qui n’est pas digne de l’être, & qui ne pouvoit faire qu’un personnage très vicieux. […] Les deux scenes dans lesquelles Crispin joue successivement les personnages du neveu & de la niece, pour les faire haïr de Géronte, sont dans mille pieces italiennes.
La pastorale de Daphnis et Chloé fixa sa destinée ; elle lui valut la protection d’un des premiers personnages de l’État, que l’Académie française s’honore d’avoir compté parmi ses membres. […] Oui, Messieurs, sous le pinceau de ce grand homme, la comédie s’est tout à fait associée à l’histoire ; il semble que les personnages de l’une soient des témoins qui restent pour déposer en faveur de l’autre devant la postérité. […] L’auteur comique peut donc reproduire d’anciens personnages sous d’autres couleurs, et peindre une seconde fois des figures qui ne sont plus les mêmes. […] Nous l’avons vue choisir ses personnages parmi les individus de conditions différentes, qui tendaient sans cesse à se confondre ; ne peut-elle pas aujourd’hui se diriger vers le but opposé, et les hommes forcés de reprendre leur rang sont-ils moins dignes de ses pinceaux, que les hommes tourmentés du désir de quitter leur place ?
Misérable parodie où le cynisme des expressions le dispute à l’indécence des personnages. […] Cependant le critique ne veut pas avoir l’air trop partial ; il donne pour interlocuteur à l’ennemi de Molière un personnage qui embrasse sa défense, mais il la prend d’une singulière façon. […] Le nom du personnage principal fut changé ; Tartuffe devint Panulphe, et la pièce parut avec le titre de L’Imposteur. […] Rousseau, Molière aurait dû à l’évêque plus que le caractère de son personnage, et l’aventure du Tartuffe se serait passée chez la duchesse de Longueville, dont on sait que Roquette était un des courtisans les plus assidus. […] Elle le sera bien moins encore si le personnage n’en fait que de mauvaises, puisque alors ce n’est plus un honnête homme, c’est un imposteur.
Mais c’est surtout dans les caractères qu’il avait sous les yeux qu’il a trouvé ses personnages. […] Quiconque s’est livré à l’étude des monstruosités morales, loin de partager cette opinion, est convaincu au contraire que Molière a dépeint ce personnage en savant toujours esclave de la réalité. […] Celui qui est dans l’opulence et qui n’a pas besoin d’avoir recours au vol pour satisfaire ses passions, apparaît sous un des personnages dont Molière a exposé le type dans Don Juan. […] Mais, malgré les réserves que le Poète met dans la bouche des personnages raisonnables de la pièce, on sent que la critique porte plus loin que le pédantisme et les femmes docteurs. » M. […] Dans le personnage de Chrysale, Molière nous a montré l’homme avec son mélange de raison et de déraison, suivant les éléments instinctifs qui l’animent.
Molière, d’ailleurs, avait pu le voir en œuvre et jouant quelques-uns des rôles de son multiple personnage. […] En se faisant personnage italien, Pierrot dut changer cet habit ; mais il en garda du moins la couleur. […] Afin qu’on ne se méprenne pas sur le personnage, son nom est écrit à ses pieds. […] Eudore Soulié, qu’on a su qu’il avait joué tous ces personnages. […] Écoutons ses personnages : ZELINDE.
Bien des personnages passèrent aussi d’une scène à l’autre, non les plus originaux, mais les plus actifs et les plus utiles : les Zanni, Mascarille, Scapin, Sbrigani, Pierrot ; les soubrettes : Marinette, Lisette, Nérine, Dorine, Toinette. […] Et, sauf ce dernier type que le progrès de la décence publique fit supprimer définitivement, tous ces personnages jeunes ou vieux, maîtres ou valets, furent transmis par Molière à ses successeurs et se perpétuèrent sur notre scène classique. […] Ainsi, lorsque les personnages se cherchent à tâtons dans la nuit noire, se prennent les uns pour les autres, et que Lubin, croyant avoir affaire à Claudine, révèle à George Dandin la trahison d’Angélique, nous sommes en plein sur le terrain de la comédie italienne ; ces jeux nocturnes, ces échanges, ces méprises abondent dans les canevas des Gelosi.
La finesse de l’intrigue, le contraste des personnages qui y sont introduits, la beauté de la versification, ne frappèrent point le public, et ce chef-d’œuvre ne fut reconnu pour tel qu’à la faveur de la farce du Médecin malgré lui. […] Après un juste éloge sur le choix du sujet et du principal personnage de la pièce, M. de Visé passe aux autres personnages, et fait voir qu’ils sont parfaitement contrastés avec celui du Misanthrope : ensuite il entre dans le détail de cette comédie, scène par scène. […] Thessala dans Plaute, Céphalie dans Rotrou, ne sont que de simples confidentes d Alcmène ; Molière a fait de Cléanthis, qui tient leur place, un personnage plus intéressant par lui-même. […] Le monde ne connaissait guère alors le genre de comique noble qui commet ensemble des caractères vrais, mais différents, de manière qu’il en résulte des incidents divertissants, sans que les personnages aient songé à être plaisants. […] [Note marginale] Personnage de la comédie de George Dandin.
Quand on a le bonheur de rencontrer un de ces caracteres, il faut placer le personnage qu’on prend pour son héros, dans un rang qui le mette à la portée de tous les autres : il faut enfin prendre pour modele Moliere dans son Bourgeois Gentilhomme. […] Moliere n’a eu garde encore de prendre son principal personnage dans le rang le plus bas, parceque ses sottises auroient été grossieres & maussades.
Tartuffe est un personnage en dedans qui ne fait jamais de confidences à personne. […] Ici les personnages sont assez passionnés pour le dire. Sans cela il serait du ton du pamphlet, où les personnages disent d’eux-mêmes le mal qu’on en pense. […] Il m’est impossible de rire des personnages que je méprise trop décidément. […] On marche vers le dénouement, marche vers le bonheur désiré par les principaux personnages.
On veut que la physionomie du personnage soit demeurée dès ce jour-là dans la mémoire du futur auteur du Tartuffe. […] Elle sut y attirer le concours de personnages célèbres, mais on n’y sacrifia guère qu’à l’afféterie. […] Baron, alors âgé de treize ans, fut chargé du personnage de Myrtil dans Mélicerte. […] Les sentiments et les rôles de ces divers personnages devaient bientôt changer de nature ; mais n’anticipons pas sur les événements. […] Deux personnages, plus éminents sans doute que ces deux anonymes, s’élevèrent aussi contre lui.
« Voulez-vous, dit Rousseau, voir un personnage embarrassé, placez un homme entre deux femmes ; il sera gêné. […] La sympathie ne sait guère à qui s’attacher dans cette fable où nul personnage, sauf Marianne, ne mérite estime ou affection. […] Le nom seul de son personnage nous en avertit d’avance. […] La grandeur de cette création est telle que les autres personnages semblent offusqués par son ombre. […] Avec quelques changements, les personnages de la première purent se retrouver dans la seconde.
Tels de ses personnages sont Italiens de pied en cap. […] Il emprunta, pour répéter encore le mot, les costumes, mais il inventa et donna l’âme à ces personnages. […] Ce fougueux personnage se nommait Pierre Roulès et il était curé de Saint-Barthélemy. […] Que de personnages s’agitent entre ces deux pièces, tous si vivants qu’on les connaît mieux que des personnages de chair et d’os ! […] Ces personnages sont les fils de son génie.
Il est très facile de tirer des scenes & des situations plaisantes du nom des personnages ; mais le comique qui en résulte, me paroît tout-à-fait indigne de la grande comédie : je vais le prouver par deux exemples, l’un pris chez les Italiens, & l’autre chez les Grecs. […] Il est des pieces dans lesquelles les acteurs, à l’aide d’un nom changé, jouent un personnage qui n’est pas le leur : mais il n’est pas question dans cet article de cette espece de comédie, parceque c’est du personnage qu’ils jouent, & non du faux nom, que naissent les situations & les plaisanteries : ces pieces doivent se ranger dans la classe de celles qu’un déguisement intrigue ; il étoit essentiel de faire en passant cette remarque.
Il n’y a pas lieu non plus d’être sévère pour les personnages chimériques et irréalisables comme les esclaves de l’Etourdi et de l’Amour peintre 401, ou l’étrange garçon du Dépit amoureux 402. […] Remarquer particulièrement le mot à Angélique à son oncle Béralde, quand celui-ci veut faire jouer à Argan le premier personnage dans la Cérémonie du Malade imaginaire : « Mais, mon oncle, il me semble que vous vous jouez un peu beaucoup de mon père » (act. […] Flore, Vénus, etc. — La pièce de Psyché contient à la rigueur, dans les personnages d’Aglaure et de Cidippe (act. […] II. — Sainte-Beuve a fait au point de vue littéraire la môme remarque qu’on fait ici au point de vue moral : il dit que Dorine est moins un personnage réel qu’une personnification de la muse de Molière, de son humeur comique, tantôt rieuse, tantôt profonde (Port-Royal, liv.
On trouve aussi des dialogues allégoriques, comme l’Ocipus, dont les personnages sont la goutte, un médecin, la douleur : il y a même un chœur, qui naturellement est un chœur de goutteux. […] La fidélité des costumes est-elle mieux observée dans ces tableaux, si célèbres, des Noces de Cana (par Paul Véronèse), de la Fuite en Egypte (par Rubens), de la Passion ou des Pèlerins d’Emmaüs (par Rembrandt), tableaux dont, les personnages sont Vénitiens, Espagnols ou Hollandais, sans que pourtant la composition en ait moins de caractère. […] Le livret ne manquait pas d’indiquer ces changements de personnes dans le même rôle, « Ci fine la jeune Sara, Ci fine le petit Samuel, Fin du petit Salomon, cy fine Jésus enfant, cy commence la grande Marie. »On remontait même jusqu’à la naissance des personnages. […] Dans; le mystère de la Conception, Passion et Résurrection, il y avait cent personnages: il fallait donc non une simple troupe, mais une confrérie pour suffire à la tâche. […] Ces six personnages se mettent en idée de construire un nouveau monde.
Tel personnage qu’on trouve très singulier dans le monde ne paroîtroit que très ordinaire dans l’optique du théâtre, parceque tout doit y être considérablement chargé pour frapper suffisamment mille personnes, qui toutes ont différentes façons de voir. […] Moliere, chez qui j’ai puisé cette réflexion, a très bien vu les nuances différentes que chaque vice ou chaque ridicule a, selon l’état du personnage. […] Moliere a fait un chef-d’œuvre, dans lequel chaque personnage principal est un dévot à sa maniere.
Molière, âme vraiment loyale, ne put s’accoutumer au faux personnage qu’il voyait en tous lieux se répandre. […] Qu’était-il besoin d’eux dans cette comédie de la Fronde où l’on avait pour bouffons les plus grands personnages ? […] Il s’y était arrangé en prince, en personnage d’État, et ce rôle lui allait mal. […] Il disait que rien ne lui donne du déplaisir comme d’être accusé de regarder quelqu’un dans les portraits qu’il fait que tous les personnages qu’il représente sont des personnages en l’air et des fantômes proprement qu’il habille à sa fantaisie, etc. […] Était-il un personnage multiple, ou n’était-il qu’un, et qu’était-il ?
Une des femmes de la pièce de Térence, qui devrait faire le personnage le plus intéressant, ne paraît sur le théâtre que pour accoucher. […] Mais comme on trouve difficilement un ouvrage qui soit parfait, le modèle qu’a choisi Molière n’était pas sans défaut, et surtout dans la disposition des personnages*. […] Je ne dis pas cela pour me piquer de l’impromptu, et en prétendre de la gloire, mais seulement pour prévenir certaines gens qui pourraient trouver à redire que je n’aie pas mis ici toutes les espèces des fâcheux qui se trouvent… Mais dans le peu de temps qui me fut donné, il m’était impossible de faire un grand dessein, et de rêver beaucoup sur le choix de mes personnages et sur la disposition de mon sujet. […] [Note marginale] L’auteur a placé la scène de ses personnages sur le théâtre du Palais-Royal. […] [Note marginale] On oublie dans cette liste des acteurs, le personnage d’Alcidas, et le nom de celui qui jouait ce rôle.
Ce bon Père lui envoya ensuite le Maître chez qui il l’avait mis en pension pendant les premières années de ses Études, espérant que par l’autorité que ce Maître avait eue sur lui pendant ces temps-là, il pourrait le ramener à son devoir ; mais bien loin que le Maître lui persuadât de quitter la Profession de Comédien, le jeune Molière lui persuada d’embrasser la même Profession, et d’être le Docteur de leur Comédie, lui ayant représente que le peu de Latin qu’il savait le rendrait capable d’en bien faire le Personnage, et que la vie qu’ils mèneraient, serait bien plus agréable que celle d’un Homme qui tient des Pensionnaires. […] Il a aussi entendu admirablement les habits des Acteurs en leur donnant leur véritable caractère, et il a eu encore le don de leur distribuer si bien les Personnages et de les instruire ensuite si parfaitement qu’ils semblaient moins des Acteurs de Comédie que les vraies Personnes qu’ils représentaient.
En résumé, durant cette période de 1620 à 1634, quels personnages figurent à l’hôtel de Rambouillet ? […] Aucun de ces personnages ne peut donner lieu à l’imputation de préciosité et d’affectation, qu’on a tant répétée contre l’hôtel de Rambouillet.
Mais c’est un personnage. […] Ne voit-on pas que c’est son personnage qui parle ? […] Il reparaît en effet, intrépide ; il n’est point, lui, de ces auteurs au faible cœur, qui tremblent et se dérobent ; il paie de sa personne ; il est constamment en scène, faisant son personnage entre ces deux rangs de marquis dont il entend les murmures et dont les railleries le couchent en joue. […] Il courut de la pièce des clés imprimées, où l’on donnait les noms des personnages qu’il avait joués. […] Tout cela, n’est-ce pas, est assez odieux en somme ; mais Molière, qui ne veut pas, dans sa comédie, de personnages odieux, parce que le sentiment qu’ils inspirent est pénible et qu’il entend nous faire rire, Molière qui, même de l’effrayant Tartufe a su faire un personnage comique, Molière, donc, a dissimulé habilement tout cet odieux du rôle d’Arnolphe en en faisant avant tout un ridicule.
Je conviens que si la chose est vraie, Molière y fait le personnage d’homme d’esprit. […] La conversation de Molière avec Bernier me paraît fort plate ; et Baron, qui est le cheval de bataille de l’Auteur, m’y semble fort mal amené, et y faire un personnage impertinent. […] L’Auteur fait faire ici un personnage à Molière d’homme désintéressé et juste ; mais il me semble qu’il pouvait dissuader le jeune étourdi de prendre sa profession, sans lui en faire voir le ridicule et l’indignité : C’est, dit-il, la dernière ressource de ceux qui ne sauraient mieux faire, ou des libertins qui veulent se soustraire au travail : c’est enfoncer le poignard dans le cœur de vos parents, de monter sur le Théâtre : je me suis toujours reproché d’avoir donné ce déplaisir à ma famille : c’est la plus triste situation que d’être l’esclave des fantaisies des Grands Seigneurs ; le reste du monde nous regarde comme des gens perdus, et nous méprise. […] Molière y fait le personnage d’un présomptueux ; Baron, celui d’un homme qui ne se connaît pas ; le Courtisan, celui d’un malavisé, de se commettre avec lui : et tout cela est soutenu par de si mauvaises raisons, que je ne daigne pas vous en parler davantage ; d’autant plus, que je ne devine pas sûrement les personnes que l’Auteur a cachées.
Indépendamment du mauvais personnage qu’un homme, peu instruit des regles de la comédie, doit faire nécessairement dans un temps où tout le monde parle spectacle, où les cercles, les toilettes, les boudoirs même retentissent des mots pompeux de comédie larmoyante, comédie bourgeoise, comédie sérieuse, haut & bas comique, &c. indépendamment, dis-je, du rôle insipide qu’il joue en se voyant forcé de se taire ou de montrer son ignorance, je crois très agréable pour la propre satisfaction d’un homme, quel qu’il soit, de connoître toutes les finesses d’un art que nous faisons contribuer à notre amusement, puisque notre plaisir suit nécessairement le progrès de nos connoissances. […] Aura-t-il l’adresse de proportionner le degré d’expression au degré d’intérêt que son personnage prend au sujet ? […] comment il déterminoit l’action, régloit la marche, plaçoit le caractere dominant, l’environnoit de personnages & de circonstances convenables ? […] On lit dans ses yeux qu’il s’occupe non seulement de lui, mais de tous les autres personnages ; non seulement de ce qui se passe sur la scene, mais de tous les incidents qui en peuvent naître.