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4. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

Ce nom, inventé sans doute pour la scène française, ne resta pas au théâtre, et le souvenir s’en effaça en même temps que disparut l’acteur qui l’avait porté. […] Le ballet de L’Amour malade avait laissé de si joyeux souvenirs parmi les contemporains, que lorsque huit ans après, fut joué L’Amour médecin de Molière, les hommes qui, comme le fameux médecin Guy Patin, ne fréquentaient pas beaucoup le théâtre, prenaient un titre pour l’autre et parlaient de L’Amour malade, de Molière, que Paris allait voir en foule. […] Et, au dénouement de la Fronde, la veille du jour (21 octobre 1652) où le jeune roi va rentrer dans sa capitale, la duchesse d’Orléans, si l’on en croit Retz, a recours aux mêmes souvenirs du théâtre italien pour caractériser la ridicule attitude du duc d’Orléans. […] On se souvient des vers d’Horace : Fescennina per hunc inventa licencia morem Versibus alternis opprobria rustica fudit.

5. (1871) Molière

Heureusement, la mémoire des comédiens, non moins que le souvenir des spectateurs, ont sauvé de l’oubli Le Médecin volant et la Jalousie de Barbouillé, deux précieux et charmants canevas du comédien vagabond Molière. […] Ce qui est certain, c’est que Molière a laissé dans Lyon même, beaucoup plus qu’à Bordeaux, troublé par les guerres civiles, un souvenir, une trace, et, disons tout, son premier ouvrage de longue haleine, L’Étourdi. […] Le roi se souvint du poète ! […] Consignée dans les mémoires de madame Campan, en vain vous en chercheriez la trace dans les mémoires de M. le duc de Saint-Simon, et dans les souvenirs de ce futile marquis de Dangeau, où cette innocente fable eût si bien trouvé sa place. […] Encore une fois, en épousant cette Armande Béjart, il avait manqué de prudence ; il ne s’était pas assez souvenu de la leçon de L’École des femmes, et de l’enseignement du Mariage forcé.

6. (1844) La fontaine Molière (La Revue indépendante) pp. 250-258

C’était tout à la fois honorer les lieux où vécut et mourut le grand poète, et populariser encore plus son souvenir en l’associant à un objet d’utilité publique et journalière. […] Les lieux plus particulièrement consacrés par le souvenir de la vie ou de la mort des grands hommes sont aussi, à moins d’impossibilité matérielle, plus particulièrement propres à recevoir les monuments qu’on leur érige. […] Leurs monuments commémoratifs, leurs chapelles votives s’élevaient de préférence sur les lieux mêmes où le souvenir qu’ils étaient destinés à célébrer était pour ainsi dire implanté.

7. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

En vain les curieux impertinents sont là pour vous dire : « Mais prenez garde, il est peu probable que tous ces portraits soient ressemblants ; prenez garde, cette galerie est incomplète », ou encore : « À quoi bon vous amuser à étudier ces visages dont le nom même est effacé et qu’entoure, à peine, un lointain souvenir ?  […] C’en était fait des plus vifs plaisirs du théâtre pour les hommes qui aimaient, d’une foi sincère, le beau langage, les nobles traditions, les vivants souvenirs. […] La critique se souvient par reconnaissance et par devoir, et quand une fois l’artiste est à l’abri de ses sévérités, elle ne se croit pas dispensée de le louer pour ses triomphes passés. […] Je donne ici, cette douce élégie, en souvenir de la patrie absente, et des coteaux dorés de Condrieux ! […] Afin que leur joie eût un long souvenir dans l’âme des pauvres gens, le roi et la reine avaient constitué une pension de douze cents livres sur la tête de chaque enfant, venu au monde le même jour que la princesse royale, et cette pension de douze cents livres, qui avait été la fortune de son enfance et de sa jeunesse, mademoiselle Mars l’a touchée jusqu’à la fin de ses jours.

8. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XII. » pp. 251-273

Souvenez-vous de l’homme que vous fîtes crever ces jours passés. […] Souvenez-vous de la Dame que vous avez envoyée en l’autre monde il y a trois jours. […] Non, Monsieur, je ne m’en suis pas souvenu. […] Non, Monsieur, je ne m’en suis pas souvenu.

9. (1885) Revue dramatique. Le répertoire à la Comédie-Française et à l’Odéon (Revue des deux mondes) pp. 933-944

On se souvient que Voltaire a fait des tragédies, et aussi un certain Crébillon, et avant eux un nommé Rotrou ; on connaît ou l’on croit connaître Beaumarchais, Regnard et Marivaux ; on n’ignore pas que Boursault, Destouches, Dancourt, Le Sage, Gresset, Piron, Sedaine ont existé. […] Nous demanderons surtout ce qu’on attend, depuis le 1er janvier 1884, — sans regarder plus en arrière, — pour se souvenir de l’École des maris, de Sganarelle et de George Dandin. […] A transcrire cette liste, je me souviens de la rencontre que je fis, il y a quelques années, d’un jeune auteur. […] Mais tant qu’un décret du président de la république ou bien quelque arrêté d’un sous-secrétaire d’état n’aura pas « désaffecté » l’Odéon pour le destiner expressément à ce comique et à ce tragique spéciaux, nous déplorerons que le culte des grands classiques, et de ceux qui viennent tout de suite après les grands, y soit négligé comme au Théâtre-Français ; sur la rive gauche, comme sur la rive droite, alternativement, nous gémirons au souvenir de ces morts illustres, et des hommages qu’ils recevaient naguère : super flumina !

10. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXVII. Des aparté. » pp. 446-462

D’un affront si cruel le souvenir vous fâche ; Mais les fautes d’autrui ne sont pas.... […] La douleur dont m’accable un si dur souvenir.... […] Je suis surpris que pas un seul Auteur n’ait encore imaginé d’en enrichir notre scene, du moins je ne me souviens pas d’avoir vu rien d’égal dans aucun comique.

11. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XX. » pp. 411-419

) Diable emporte si je m’en souviens. […] Je voudrois bien, dit Mendoce, que vous me donnassiez quelques enseignes, pour me rafraîchir un peu la mémoire touchant notre connoissance ; car plus je vous regarde, moins je me souviens de vous avoir vu.

12. (1885) La femme de Molière : Armande Béjart (Revue des deux mondes) pp. 873-908

La voix touchante d’Armande était bien celle qu’il fallait au rôle, et c’est surtout le souvenir du Malade imaginaire qui inspirait à l’auteur des Entretiens galants son double portrait de La Grange et de Mlle Molière. […] Il y a, dans le rôle d’Alceste, je ne sais quoi de profondément vrai que la puissance créatrice du poète ne suffirait pas à expliquer, une mélancolie profonde où percent les souvenirs d’une expérience personnelle. […] Faut-il aller plus loin, et y reconnaître, comme on le veut, l’esprit ou la main de Molière lui-même, que ce soit un compte-rendu écrit de souvenir par Chapelle, ou une lettre adressée par Molière à son ami, compte-rendu ou lettre tombés dans les mains du libelliste ? […] La situation est ici de celles qui inspirent et portent ; soutenue donc par le souvenir du Misanthrope, l’imagination échauffée par les plaintes brûlantes d’Alceste, sa haine contre Armande venant par-dessus, elle a réussi la scène et la tirade. […] A côté de toutes ces intrigues apocryphes ou douteuses, plus répugnantes les unes que les autres, on est heureux de rencontrer non pas un amour, mais un hommage aussi pur qu’honorable pour Armande, et où son souvenir se trouve mêlé à celui du vieux Corneille.

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