/ 170
4. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE III. » pp. 53-56

Extrait des Précieuses ridicules. […] Les Précieuses sont confondues. […] Le caractere de la Grange & de du Croisy, se trouvant tout-à-fait opposé à celui des Précieuses, fait plus ressortir leurs ridicules, & rend les amants plus intéressants. […] Emilie & la compagnie des Précieuses reçoivent le nouveau Marquis avec beaucoup de politesse. […] L’Abbé de Pure a fait aussi une piece intitulée les Précieuses ; mais en parlant de cette comédie on ne pourroit que répéter ce que Boileau disoit d’Agésilas : Hélas !

5. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

Je vais y concourir pêle-mêle, qu’on me passe cette expression, la société dite des précieuses, et séparément la société choisie. […] Laissant donc à part la distinction des précieuses de bon et de mauvais goût, des précieuses de mœurs chastes et délicates, et des précieuses hypocrites ; les considérant ensemble confusément et comme de simples instruments de conversation quelconque pendant un demi-siècle, il est indubitable pour moi qu’elles ont puissamment concouru aux progrès de la langue, à son enrichissement, même à son épuration par la répudiation de mots grossiers qui étaient usités. […] Voilà l’histoire de la langue dans les académies des précieuses. […] Le petit Dictionnaire des Précieuses de Somaise renferme, parmi une multitude de locutions rebutées, un grand nombre d’images qui, de son temps, étaient réputées précieuses, et qui sont aujourd’hui réputées justes et heureuses. […] Enfin, on citait comme locution précieuse, cette modeste phrase : Je sais bien ce que je veux dire, mais le mot me manque.

6. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

Je me bornerai à remarquer dans cet ouvrage quelques sorties contre les précieuses, des mots grossiers qui reproduisent vingt fois une idée grossière, une scène licencieuse depuis longtemps interdite au théâtre, Arnolphe (c’est le vieillard), après un entretien avec Agnès dont la simplicité l’enchante, adresse cette apostrophe aux précieuses : Héroïnes du temps, mesdames les savantes, Pousseuses de tendresse et de beaux sentiments, Je défie à la fois tous vos vers, vos romans, Vos lettres, billets doux, toute votre science, De valoir cette honnête et pudique ignorance. […] une précieuse en dirait-elle plus ? Ceci est une injure contre les précieuses dans l’intention du personnage ; mais elle porte à faux, parce que ce n’est pas le défaut d’une précieuse d’être ingénue. Ce qui décrédite dans cet ouvrage les paroles dirigées contre les précieuses, ce sont des in décences pires que les plus ridicules affectations. […] La ligue du roi, de la cour, de Molière et de ses amis, était donc manifeste non seulement contre les exagérations et la pédanterie des précieuses, mais aussi contre la bienséance de tous les temps et de tous les pays.

7. (1819) Notices des œuvres de Molière (II) : Les Précieuses ridicules ; Sganarelle ; Dom Garcie de Navarre ; L’École des maris ; Les Fâcheux pp. 72-464

« J’étais, dit-il, à la première représentation des Précieuses ridicules. […] Somaise, écrivain obscur et bien fait pour l’être, fit une comédie des Véritables Précieuses, en tête de laquelle il mit une préface fort insultante pour Molière, et ensuite, comme pour le maltraiter plus sûrement encore, il traduisit en méchants vers ses Précieuses ridicules. Si Molière avait eu recours à quelque ouvrage pour composer le sien, ce n’est pas dans les Précieuses de l’abbé de Pure qu’il en aurait pris l’idée, mais dans Le Cercle des Femmes, ou les Secrets du lit nuptial, entretiens comiques, que l’auteur, Samuel Chappuzeau, avait publiés en 1656, et qu’il fit représenter, arrangés pour la scène, sous le titre d’Académie des dames, deux ans après Les Précieuses ridicules. […] Aussi Molière, pour donner le change à leur fureur, crut-il devoir faire une distinction entre les précieuses véritables et les précieuses ridicules, et mettre toutes les sottises de l’hôtel de Rambouillet sur le compte de deux provinciales fraîchement débarquées. […] L’accueil fait aux Précieuses ridicules et au Cocu imaginaire, avait soulevé contre Molière la foule des envieux et des détracteurs.

8. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVI » pp. 188-192

. — Mœurs des précieuses. — Mœurs de la société d’élite. — Madame de Montausier, gouvernante de M. le Dauphin. — Mademoiselle de La Vallière, maîtresse du roi. Dans le commencement de cette période, l’esprit, les mœurs, le langage de la cour et des gens du monde de la capitale, sont plus que jamais en opposition avec les mœurs, l’esprit et le langage de la coterie dite des Précieuses. […] Le cardinal laissa un neveu, le duc de Nevers, qui figurera plus tard entre les beaux esprits de mauvais goût fêtés par les précieuses. […] Le 1er novembre, la reine donna à la France un héritier de la couronne : grand événement qui imposa au roi une obligation sérieuse ; c’était de nommer une gouvernante à ce précieux enfant, et de penser d’avance au gouverneur qui la remplacerait après la première enfance. […] Si quelque biographe imprimait aujourd’hui cette phrase dans une vie de Louis XIV : « Le 1er novembre 1661, le roi nomme pour gouvernante de M. le Dauphin, une des personnes de la société représentée par Molière, dans ses Précieuses ridicules, et bafouée par le public depuis deux ans », ne croirait-on pas que cet écrivain est tombé en imbécillité ou en démence ?

9. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

Il ne doutait pas que ce ne fut un moyen de plaire au roi et à madame de Montespan : en conséquence, le 11 mars 1672, il remit sur la scène, sous le nom de Femmes savantes, les prudes bourgeoises et beaux esprits qu’il avait si joyeusement travestis en 1669, sous le nom de Précieuses ridicules. […] Aussi dans Les Femmes savantes reproduit-il, en vers bien frappés, ce qu’il a fait dire, en prose, avec une trivialité exagérée, aux Précieuses ridicules, en 1669. […] Ces nouvelles précieuses sont d’un esprit un peu plus élevé que Cathos et Madelon, et portent plus loin leurs prétentions. […] Ce sont des précieuses modifiées, prises dans la vie bourgeoise, à qui un mari peut dire fort raisonnablement : Qu’on n’aille pas chercher ce qu’on fait dans la lune, Et qu’on se mêle un peu de ce qu’on fait chez soi. […] Le ridicule des précieuses était usé et ne se rajeunissait pas par son alliance avec le savantisme, qui ne pouvait être reproché qu’à un nombre infiniment petit de personnes opulentes ; il n’y avait pas là de quoi assurer le succès des Femmes savantes, aussi n’en eurent-elles point.

10. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXI. Des Caracteres de tous les siecles, & de ceux du moment. » pp. 331-336

Il y aura toujours des avares, des misanthropes, des jaloux, des fâcheux ; mais les précieuses ont disparu, pour ne pas reparoître, à moins que ce ne soit sous un nouveau masque. […] Ils sont plus ingrats, parceque si vous réussissez à peindre si bien la laideur de votre modele, que les originaux disparoissent, votre ouvrage ressemble aux portraits qui n’ont plus de valeur dès que la personne qu’ils représentoient est morte, à moins que le Peintre n’ait réuni au mérite de la ressemblance celui du dessein, du coloris, & des autres parties de son art, & qu’il ne captive par-là le suffrage des connoisseurs : c’est ce qui fait survivre, comme nous venons de le dire, les Précieuses de Moliere aux héroïnes de la piece. […] Les Précieuses paroissent ; un vieillard s’écrie du milieu du parterre : Courage, Moliere, voilà la bonne Comédie. […] On m’objectera que nous voyons jouer les Précieuses avec plaisir, quoique les modeles n’existent plus.

11. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XI » pp. 89-99

. — Naissance dans le même temps du mot de précieuses. […] Le mariage de Julie de Rambouillet avec le duc de Montausier est un fait de si peu d’importance historique, qu’il ne mériterait pas qu’on en recherchât les circonstances, s’il ne concourait d’abord à marquer l’époque où la société de l’hôtel Rambouillet commença à se dissoudre, et ensuite à faire tomber les applications que nos biographes modernes lui ont faites, des traits lancés par Molière en 1650 contre Les Précieuses ridicules. […] La dissolution de la société de Rambouillet fut l’époque ou commencèrent des sociétés d’un autre ordre, et où s’introduisit dans la langue un mot nouveau, dont la naissance atteste celle de la chose ou de l’espèce de personnes qu’il désigne, le mot précieuse. […] Toutefois, ce serait être injuste et aussi frivole que ces écrivains, dont l’observation n’a pas été plus loin que le ridicule des précieuses, de ne pas remarquer qu’elles eurent leur côté estimable, et ne servirent pas médiocrement au progrès de la socialité. […] En attendant ce progrès et cette importance, le nom de précieuses n’existait point encore ; et je prie mes lecteurs de tenir note de ce fait : que quand la société de Rambouillet s’est dissoute, et plusieurs années après sa dissolution, ce substantif n’avait point encore été inventé, et n’existait pas dans la langue même la plus familière.

12. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIV » pp. 251-258

Nous venons de passer en revue une nombreuse société qui n’est pas moins en opposition avec celle de la cour qu’avec les précieuses ridicules de la ville. […] Elle partagea avec Molière l’honneur de faire tomber les affectations et tous les ridicules de la préciosité ; triomphe qui ne fut ni long ni difficile à obtenir ; car les précieuses avaient commencé en 1651, et, Boileau disait déjà, en 1677, en parlant d’une précieuse :reste de ces esprits jadis si renommés, que Molière a diffamés.Mais elle eut sur Molière l’avantage de réformer les mœurs et la grossièreté du langage. […] Molière le prête à une précieuse, dans sa Critique de l’École des femmes, au sujet de la scène où Arnolphe interroge Agnès sur ce que son galant lui a pris : « il y a là, dit Climène, une obscénité qui n’est pas supportable. » Élise est étonnée du mot : « Comment dites-vous ce mot-là ?

/ 170