Le peintre le plus novice sait que toutes les parties d’un tableau doivent être liées l’une à l’autre ; le sculpteur le plus borné n’ignore point où il faut placer la tête d’une statue, & jamais architecte ne s’est avisé d’asseoir les colonnes d’un édifice sur son toit. […] Celui qui, au lieu de placer le dénouement à la fin d’un drame, ou n’en fait point, ou le met au milieu de la piece, fait voir une statue sans tête, ou une tête très mal placée. […] J’ai assisté avec la plus scrupuleuse assiduité au spectacle de la nation ; j’ai étudié l’effet que chaque trait, chaque scene, chaque situation & l’ensemble produisoient sur l’esprit des gens de lettres auprès de qui j’avois soin de me placer, sur le parterre & sur les loges ; je me suis bien gardé sur-tout de négliger les représentations qu’on a données gratis pour la populace ; j’ai joui du plaisir de lui voir saisir les véritables beautés, de lui voir distinguer celles qui sont dans la nature, au travers de celles que l’esprit seul enfante, & que l’esprit seul peut appercevoir ; enfin je me suis fait pour moi seul, d’abord, aux dépens des morts & des vivants, une Poétique qui m’a déja valu des encouragements bien flatteurs de la part du public, mais qui seroit encore dans mon porte-feuille, si l’Académie en Corps n’eût daigné m’encourager, & ne m’eût exhorté, devant l’Assemblée la plus brillante, à la soumettre au jugement du Public.
Homère lui-même, quoique placé à une telle distance de nous, à une telle profondeur dans l’obscurité des âges, a vu évoquer, comme des ombres indécises, ses précurseurs, les aèdes et les rapsodes, qui ont failli compromettre jusqu’à son existence individuelle. […] Il était, du reste, parfaitement placé pour recevoir d’eux tout l’enseignement qu’ils pouvaient donner.
On se demande, avec Ariste, si ce n’est pas la faiblesse du mari qui a développé l’humeur dominatrice de la femme, et si, placée dans un milieu plus résistant, elle n’eut pas été une mère de famille dévouée et portant dans l’accomplissement de ses devoirs une salutaire fermeté. […] À côté de la piquante Célimène, Molière a placé la sincère Éliante, qu’il nous dépeint comme une jeune femme remplie d’agréments, mais douce d’humeur, droite de cœur et de jugement, modeste, indulgente et sage, possédant enfin ces qualités essentielles au bonheur, sur lesquelles prévalent trop souvent des dons plus brillants et moins solides. […] Molière connaissait trop bien le monde pour n’avoir pas observé quel rôle important jouent dans les familles ces braves filles que nous appelons aujourd’hui bonnes, à cause sans doute qu’elles ne le sont plus, et qui, placées par leur condition dans une situation très subordonnée, n’en exercent pas moins une très grande influence sur ceux-là mêmes qui s’appellent leurs maîtres, et que, le plus souvent, elles conduisent à leur gré ; cela était vrai surtout du temps de Molière. […] Noël, Dorine n’était pas, à proprement parler, une servante ; c’était une fille-suivante, ce qui équivalait à peu près alors à ce que nous appelons aujourd’hui une demoiselle de compagnie, et supposait une éducation en rapport avec les façons d’être du milieu où ces personnes étaient placées.
Il avait placé le frère de madame Scarron d’inclination. […] Elle était placée entre cette reconnaissance et la jalousie la plus ombrageuse et la mieux fondée.
Maniere de les lier aux Caracteres principaux, & de placer les Caracteres accessoires. […] J’eus le chagrin mortel de voir soutenir « qu’un Auteur sage doit, pour être plus sûr de réussir, ne placer dans chaque acte qu’une seule scene brillante & forte par sa situation ; que les autres doivent être faites seulement pour amener celle-là ; que dans les actes où il y a plusieurs grandes scenes, le spectateur, étourdi par des beautés qui se croisent mutuellement, les sent moins que lorsqu’il en voit seulement quelques-unes joliment enchassées, & distribuées avec prudence ». […] Si les Auteurs dramatiques, lorsqu’ils n’ont qu’une bonne scene à placer dans un acte, convenoient du moins avec courage que leurs forces ne s’étendent pas plus loin, s’ils ne nous donnoient qu’un acte composé d’une seule scene ou de deux, comme Plaute dans sa Persane, ils feroient un bien petit mal : mais ils ne veulent pas avouer leur foiblesse ; ils se croiroient déshonorés si leurs pieces n’avoient pas cinq actes, leurs actes cinq scenes, & leurs scenes une certaine longueur ; de sorte que pour faire disparoître les lacunes que laisse le génie, il faut appeller au secours l’esprit, qui les remplit à son ordinaire avec des sentences, des madrigaux, des épigrammes, des pointes, des exclamations, des dissertations amoureuses ou philosophiques, des scenes détachées, des personnages étrangers au sujet, des caracteres qui n’ont aucun rapport avec le principal.
Dans ces sociétés animées par la conversation des femmes, tous les intérêts se placent par la parole entre toutes les frivolités ; la raison la plus solide, l’imagination la plus active y apportent leurs tributs ; les aines les plus sensibles y versent leurs effusions ; les esprits les plus affinés y apportent leurs délicatesses : là, tous les sujets se prêtent aux conditions que la conversation impose ; les matières les plus abstraites s’y présentent sous des formes sensibles et animées, les plus compliquées avec simplicité, les plus graves et les plus sérieuses avec une certaine familiarité, les plus sèches et les plus froides avec aménité et douceur, les plus épineuses avec dextérité et finesse, toutes réduites à la plus simple expression, toutes riches de substance et surtout nettes de pédanterie et de doctrine. […] La conversation devint bientôt le principal attrait de cette société, et fut placée entre les plus vives et les plus nobles jouissances de la vie : c’était la préparation et le complément de toutes celles qui étaient réservées à l’intimité. […] Toutefois, il ne put s’empêcher de placer le nom d’Arthenice dans l’ouvrage : Arthenice était l’anagramme de Catherine nom de la marquise.
Un des moyens les plus propres à rendre une piece morale, est de mettre les moralités en action, c’est-à-dire de placer les principaux personnages dans des situations qui fassent bien projetter au spectateur d’en éviter de pareilles. […] Ces raisons sont d’autant plus dangereuses auprès des petits esprits, qu’elles paroissent convaincantes, & qu’elles le seroient en effet si les Auteurs ne prenoient grand soin de placer le contre-poison auprès de ce qu’on appelle le poison. […] Je ne prendrai point le dernier des Auteurs pour le faire jouter contre Moliere ; je choisirai celui qui, de l’aveu de tout le monde, marche le plus près de lui, & que tant de personnes, un peu trop faciles à la vérité, placent à ses côtés. […] Les femmes plus instruites que les autres, peuvent être aussi plus aimables, quand l’avantage que leur savoir leur donne n’est pas détruit par un étalage mal placé de leur érudition. […] Quand j’ai avancé que l’art de semer des moralités dans les détails avoit ses difficultés, j’ai voulu dire qu’il est difficile de les placer à propos, & de façon qu’elles tiennent, comme celles que je cite, au sujet, à la scene & aux caracteres des personnages qui les débitent.
Nous devons cependant des remerciements à l’Académicien célebre qui nous les a indiqués, parceque si nous savons peser leur juste valeur & les placer comme il faut, nous tirerons parti de tous. […] Apprenons de lui l’art d’en faire usage & de les placer selon leur juste valeur. […] On croit que cette piece est de Palaprat ; mais c’est à tort : l’Auteur l’avoue lui-même dans un Discours qu’il a placé à la tête de la piece. « Quoique je ne sois pas l’Auteur de cette comédie, j’en sais les particularités aussi-bien, & peut-être mieux, que celui qui l’a faite ; & j’aurois eu plus de droit de demander d’être placé dans le Mercure, pour avoir eu part à cet ouvrage, que la Rissole pour avoir contribué à la mort de Ruiter. . . . . . . . .
C’est dans un moment si favorable que fut placée la jeunesse de Molière. […] Du commerce des deux sexes naît cette foule de situations piquantes où les placent mutuellement l’amour, la jalousie, le dépit, les ruptures, les réconciliations, enfin l’intérêt mêlé de défiance que les deux sexes prennent involontairement l’un à l’autre. […] L’Harpagon, placé au Parterre, eût pu dire à son fils : Vois le respect de ce jeune homme : quel exemple pour toi ! […] Avoir à la fois un cœur honnête, un esprit juste ; se placer à la hauteur nécessaire pour juger la société ; savoir la valeur réelle des choses, leur valeur arbitraire dans le monde, celle qu’il importerait de leur donner ; ne point accréditer les vices que l’on attaque en les associant à des qualités aimables, méprise devenue trop commune chez les successeurs de Molière, qui renforcent ainsi les mœurs au lieu de les corriger ; connaître les maladies de son siècle ; prévoir les effets de la destruction d’un ridicule : tels sont dans tous les temps les devoirs d’un Poète comique.