Les éludes littéraires sur l’œuvre du grand philosophe comique y tiennent la plus large place ; ici plus de controverses ; l’érudition elle-même s’efface devant le jugement affermi du critique sagace et fin. […] En ces morceaux curieux et piquants, on reconnaît la piété fervente du moliériste et la touche légère de l’écrivain spirituel et sagace qui se plut à vivre en familiarité complète avec les profonds philosophes de la gaîté française, avec l’auteur inconnu de Pathelin, comme avec Molière, Regnard et Beaumarchais, et dont le nom, protégé par ces morts illustres, vivra longtemps dans la mémoire de ? […] Mais j’ai cru qu’il fallait en user de la sorte avec vous, et que c’est consoler un philosophe, que de lui justifier ses larmes, et de mettre sa douleur en liberté. […] Molière, plus philosophe, ne trouvait, en tout cela, que des occasions de rire, et dans ce qu’il a dit ainsi en riant, il n’est rien qui ne soit encore une sévère leçon. […] Peut-être la pièce où il assignait une si grande place à son propre portrait était-elle cette comédie des Philosophes, dont l’ébauche ne fut pas retrouvée après sa mort, et dans laquelle, en effet, lui, le contemplateur, lui, le philosophe profond, lui, le sage à la sagesse pratique et humaine, il avait le droit de se donner un si beau rôle.
D’où vient fort à propos cette sentence expresse D’un Philosophe : Parle, afin qu’on te connoisse.
La Philosophe de Molière. […] Mais en revanche, précieuses de toute espèce et marquis ridicules, prudes sur le retour et barbons amoureux, bourgeois qui veulent faire les gentilshommes et mères de famille qui jouent à la philosophe, sacristains ou grands seigneurs qui couvrent De l’intérêt du Ciel leur fier ressentiment : les don Juan et les Tartufe, les Philaminte et les Jourdain, les Arnolphe et les Arsinoé, les Acaste et les Madelon, les Diafoirus et les Purgon, voilà ses victimes.
Fulgence, écrivain du sixième siècle, à qui l’on doit un ouvrage intitulé Mythologicum, y donne un précis de la fable d’Apulée, renvoyant ceux qui désireraient un récit plus détaillé au philosophe de Madaure et à l’Athénien Aristophante : les ouvrages de celui-ci ne nous sont point parvenus, et nous ignorons s’il vivait après ou avant Apulée.
Et bien j’ai eu intention de la faire telle pour peindre le travers d’un Voyageur, Philosophe bien plus.
Mais il y a cette grande différence que Corneille ne songeait qu’à la liberté individuelle, tandis que Schiller, toujours philosophe, s’inspirait de ses théories sur l’éducation générale de l’humanité, et songeait soit à la liberté politique, soit à celle de la pensée.
« Les belles-lettres avoient orné l’esprit du jeune Pocquelin, les préceptes du philosophe lui apprirent à raisonner ; c’est dans ses leçons qu’il puisa ces principes de justesse qui lui ont servi de guides dans la plupart de ses ouvrages. […] Le mariage qu’il contracta avec la fille de Mlle Béjart lui fit d’abord éprouver ce que la calomnie a de plus noira ; le peu de rapport entre l’humeur d’un philosophe amoureux et les caprices d’une femme légère et coquette répandit dans la suite sur ses jours bien des nuages, dont on abusa pour jeter sur lui le ridicule qu’il avait si souvent joué dans les autres : il perdit enfin son repos, et la douceur de sa vie ; mais sans perdre aucuns des agréments de son esprit. […] Mais après un certain nombre de représentations, le monde comprit que la manière de traiter la comédie en philosophe moral était la meilleure, et laissant parler contre Le Misanthrope les poètes jaloux, toujours aussi peu croyables sur les ouvrages de leurs concurrents que les femmes sur le mérite de leurs rivales en beauté, il en est venu avec un peu de temps à l’admirer.
Jean-Jacques Rousseau lui avait été contraire ; l’esprit du philosophe de Genève continuait d’animer ses spectateurs : « Il a manqué à Molière, disait le dramaturge Mercier, que de méditer plus profondément le but moral qui donne un nouveau mérite à l’ouvrage même du génie, et qui, loin de rien dérober à la marche libre de l’écrivain, lui imprime plus de véhémence et d’énergie et lui commande ces impressions majestueuses et bienfaisantes qui agissent sur une nation entière. »Et Mercier, pour joindre l’exemple au précepte, empruntait à Goldoni son II Moliere, le transformait à sa manière, et faisait parler Molière dans son cabinet comme Mercier parle dans ses préfaces et dans ses drames. […] S’il fut fort bon humaniste, il devint encore plus grand philosophe. […] Il persuada à ce célèbre philosophe de donner des leçons à son fils. […] L’idée du Ballet des Incompatibles, c’est de faire paraître ensemble les extrêmes opposés, par exemple les quatre Éléments, qui passaient alors pour des principes irréductibles, puis la Fortune et la Vertu, la Vieillesse et la Jeunesse, des philosophes et des poètes, l’argent et les beaux-arts, un charlatan et la Simplicité, la Dissimulation et des ivrognes suivant le dicton in vino veritas, l’Éloquence et une harengère, la Sagesse et des amoureux, la Vérité et des courtisans, la Sobriété et des Suisses, une bacchante et une naïade, enfin le dieu du Silence et six femmes. […] Singulière critique, qui fait de cet homme un faussaire et peut-être quelque chose de pis, et qui ensuite le proclame un philosophe et presque un saint, et prétend qu’il s’est peint lui-même avec une vérité frappante dans ce personnage qui pousse l’honneur jusqu’à l’exagération et qui ressent si profondément […] Ces haines vigoureuses Que doit donner le vice aux âmes vertueuses !
À l’inverse de la plupart des grands hommes du XVIIe siècle, dont l’éducation philosophique eut pour base les systèmes scholastiques ou les doctrines cartésiennes, il commença, en compagnie de Chapelle, de Bernier et de Hesnaut, par les leçons du philosophe qui fut l’adversaire le plus décidé de Descartes, et que Descartes accusait de représenter les intérêts de la chair. […] Le jour où Molière composa certaines scènes du Tartuffe, il donna sa mesure comme philosophe et moraliste; il put dès lors atteindre aussi haut; mais il ne lui fut plus possible de se surpasser. […] En vain des philosophes, des législateurs, des devins, des avocats, des dieux même, viennent-ils frapper aux portes de la ville nouvelle; ils sont couverts de huées et honteusement chassés, à moins que, attirés comme Hercule par l’odeur du rôti, ils n’abdiquent, auquel cas les oiseaux les invitent à un joyeux banquet. […] Complaisante pour le vice, surtout lorsqu’il était assis sur le trône, elle était impitoyable pour les protestants, les jansénistes et les philosophes; elle extorquait à son profit la souveraineté de la conscience.