Il n’en reste que quelques vers piquants du Misanthrope, sur l’illusion qui fait voir tout en beau aux amants dans l’objet aimé, imités d’un passage du IVe livre de Lucrèce1. […] Le doute méthodique, l’autorité du témoignage des sens niée, la distinction profonde de l’âme et du corps, la connaissance de l’âme plus claire que celle du corps, sont tour à tour l’objet de l’ironie de Molière, comme de l’ironie de Gassendi. […] Écoutez ce même Pancrace proposer à Sganarelle de lui enseigner « si la substance et l’accident sont termes synonymes ou équivoques à l’égard de l’être ; si la logique est un art ou une science, si elle a pour objet les trois opérations ou la troisième seulement ; s’il y a dix catégories ou s’il n’y en a qu’une; si la conclusion est de l’essence du syllogisme ; si l’essence du bien est mise dans l’appétibilité ou dans la convenance ; si le bien se réciproque avec la fin, si la fin nous peut émouvoir par son être réel ou par son être intentionnel. » Le maître de philosophie du Bourgeois gentillhomme ne se montre pas moins habile que Pancrace dans les divisions et les subdivisions de la logique scolastique. […] Il en est de plus d’une fable de Lafontaine, de plus d’une lettre de Mme de Sévigné, de plus d’un chapitre de La Bruyère comme des comédies de Molière, et à plus forte raison de Pascal, de Nicole, de Bossuet et de Fénelon, même dans les écrits qui n’ont pas la philosophie pour objet. […] Jamais leur passion n’y voit rien de blâmable, Et dans l’objet aimé tout leur devient aimable.
Cette théorie, fort simple et tout à fait naturelle, explique complètement la folie et la raison partielles pouvant exister simultanément chez le même individu sur des objets différents. […] Les fanatiques qui veulent prouver l’excellence de l’objet qui les enthousiasme, sont souvent embarrassés de dire pourquoi ils sont enthousiasmés. […] Il n’y avait que cette passion essentiellement égoïste, puisqu’elle ne vise qu’à posséder l’objet aimé, qui pût se partager, avec l’avarice, le cœur de ce vieillard. […] Voilà l’importante leçon qui ressort de ses comédies, où l’on voit les pères abandonner leurs enfants pour ne songer qu’à l’objet de leur passion, et manquer ainsi à tous leurs devoirs. […] Ceux-ci ôtant indépendants les uns des autres, selon ceux dont on est doué et ceux dont on est privé, on peut être raisonnable sur tel objet et déraisonnable sur tel autre.
Où donc s’est retiré cet objet de mes feux ? […] Sans doute ; & de l’objet qui fait votre destin, J’ai par son ordre exprès quelque chose à vous dire. […] Il est vrai, d’un côté mes soins ont réussi, Cet adorable objet enfin s’est adouci : Mais d’un autre on m’accable ; & les astres séveres Ont contre mon amour redoublé leurs coleres. […] Ma haine trop long-temps vous a fait injustice ; Et pour la condamner par un éclat fameux, Je vous joins dès ce soir à l’objet de vos vœux.
Une critique fine & délicate des mœurs & des ridicules qui étoient particuliers à son siécle, lui parut être l’objet essentiel de la bonne comédie. […] Le fonds en devoit être une dissertation, & n’admettoit par conséquent ni intrigue ni dénouement ; mais Moliere ne s’écarte jamais de l’objet que doit avoir un auteur comique, quelque genre qu’il mette sur la scéne. […] La scéne de Sosie avec elle, n’est point une répétition vicieuse de celle d’Amphitrion avec Alcméne, quoique le maître & le valet ayent également pour objet de s’éclaircir sur la fidélité de leurs femmes. […] Le poëte françois embrasse un objet plus étendu & plus utile. […] Le bourgeois gentilhomme remplit cet objet.
C’est là l’objet ou la fin de la comédie. […] La plus sanglante satyre étoit donc sûre de plaire à ce peuple jaloux, lorsqu’elle tomboit sur l’objet de sa jalousie. […] C’est d’une connoissance profonde de leurs objets, que les Arts tirent leurs regles, & les auteurs leur fécondité. […] Les prétentions déplacées & les faux airs font l’objet principal du comique bourgeois. […] Le choix des objets & la vérité de la peinture caractérisent la bonne comédie.
Ce fut à son frère et à Racine et Molière qu’il trouva rassemblés, qu’il demanda deux autres vers pour rimer aux siens, et voici ceux qu’ils lui donnèrent : Froid, sec, dur, rude auteur, digne objet de satire, De ne savoir pas lire oses-tu me blâmer ? […] Mais comme il ne put en venir à bout, il eut recours à son frère et à mon père, qui tournèrent ainsi cette réponse en épigramme : Froid, sec, dur, rude auteur, digne objet de satire, De ne savoir pas lire oses-tu me blâmer ?
Cet objet suffit pour te confondre. […] Il t’en doit dire assez, Cet objet dont tes yeux nous paroissent blessés. […] Je ne vois rien en vous dont mon feu ne s’augmente, Tout y marque à mes yeux un cœur bien enflammé ; Et c’est, je vous l’avoue, une chose charmante De trouver tant d’amour dans un objet aimé. […] L’amour est toujours le même : les amants de tous les pays, de tous les âges, de tous les états, aimeront toujours avec dessein de posséder l’objet de leur tendresse.
Ce Sicilien que Moliere Représente d’une maniere Qui fait rire de tout le cœur, Est donc de Sicile un Seigneur, Charmé, jusqu’à la jalousie, D’une Grecque, son affranchie : D’autre part, un Marquis François, Qui soupire dessous ses loix, Se servant de tout stratagême Pour voir ce rare objet qu’il aime, (Car, comme on sait, l’amour est fin) Fait si bien qu’il l’enleve enfin, Par une intrigue fort jolie. […] Adraste découvre que Don Pedre veut faire peindre son amante : il gagne le Peintre, se présente à sa place, parle à la belle Grecque en la peignant, déclare ses feux, apprend qu’il est payé de retour : il n’est plus question que d’enlever l’objet de sa tendresse.
L’amour, pour l’ordinaire, est peu fait à ces loix, Et l’on voit les amants vanter toujours leurs choix : Jamais leur passion n’y voit rien de blâmable, Et dans l’objet aimé tout leur devient aimable : Ils comptent les défauts pour des perfections, Et savent y donner de favorables noms. […] Un objet vieux & difforme captive leur cœur & fixe leur hommage : ils ont beau se railler les uns des autres & conseiller à leurs amis d’appaiser Vénus qui les a affligés d’une passion avilissante, ils ne voient pas qu’ils sont eux-mêmes victimes d’un choix souvent plus honteux.