/ 214
131. (1900) Molière pp. -283

La justesse de Molière est non moins étonnante dans le choix des circonstances destinées à exprimer un sentiment vif, et cela d’une façon tout à la fois simple et naturelle ; à le faire sauter, pour ainsi dire, aux yeux du spectateur, de la façon la plus prompte et la plus facile. […] Comme cela est naturel, comme cela est charmant ; quelle femme achevée, quelle vraie femme, et en même temps quelle femme ayant le degré d’innocence que comporte la situation ! […] Pour mettre de son côté les modérés et les sages, il s’est fait doux et modéré, lui, dont le tempérament était violent, et en qui l’irritation, quand il était choqué, était si naturelle. […] Il a dégagé, si je puis ainsi dire, et mis hors d’entraves la vie de société ; d’abord en rappelant au naturel la langue des salons, en délivrant la conversation du clinquant des précieuses ; il a surtout rendu un grand service à la vie de société par sa guerre contre tous les genres de pédantisme. […] Il y a une bonté naturelle qu’il faut recevoir du ciel en naissant, comme un don de la grâce divine, ou de la première éducation, comme un précieux héritage de famille, parce que tous les efforts les plus vifs et les plus soutenus ne sauraient ensuite nous y porter.

132. (1775) Anecdotes dramatiques [extraits sur Molière]

Il citait même un vers de Rotrou, qu’il prétendait plus naturel que ces deux-ci qui sont de Molière : Et j’étais venu, je vous jure, Avant que je fusse arrivé. […] En même temps, au milieu de vingt jets d’eau naturels, s’ouvrit une coquille, d’où sortit une Naïade qui s’avança au bord du Théâtre, et d’un air héroïque, prononça les vers que M. […] L’Auteur de Cinna fit, à soixante-cinq ans, cette déclaration de Psyché à l’Amour, qui passe encore pour un des morceaux les plus tendres et les plus naturels qui soient au Théâtre. […] Il aimait fort à haranguer ;et quand il lisait ses Pièces aux Comédiens, il voulait qu’ils y amenassent leurs enfants, pour tirer des conjectures de leurs mouvements naturels. » […] Fils naturel, il entra au couvent des augustin de Steyn où il prononça ses vœux et fut ordonné prêtre.

133. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Quant aux Italiens, ce sont ses créanciers naturels. […] Ses rivaux devaient être plus ronflants ; il était, lui, plus naturel. […] Toujours est-il que, pour Shakespeare comme pour Molière, l’idéal rêvé était le naturel. […] Il joua la Flèche dans L’Avare, Oronte dans Monsieur de Pourceaugnac, et, chose plus singulière pour nous, mais toute naturelle alors, Madame Pernelle dans Tartuffe. […] Et cette dernière découverte, qui date d’un mois à peine (avril 1873), servira de conclusion naturelle au présent volume.

134. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XX. » pp. 411-419

La fausse reconnoissance est beaucoup mieux filée dans la comédie que dans le roman ; mais si Mendoce mourant de faim se laisse trop facilement persuader par l’offre qu’Ordogno lui fait de le régaler, il est encore moins naturel que Pourceaugnac accepte un logement chez Eraste.

135. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE II. Regnard imitateur de Moliere. » pp. 51-80

  Le reste de cet ouvrage ayant fait connoître insensiblement presque tous les endroits où Moliere s’étoit le plus rapproché du beau naturel, & ceux où Regnard s’en étoit éloigné, il eût été mal-adroit sans doute de les comparer encore à la nature dans ce chapitre. Nous pouvions tout au plus, sans affecter d’indiquer la comparaison, mettre le Lecteur à portée de voir Moliere triomphant toujours de Regnard, par la seule raison qu’il est plus naturel, même dans les choses où il emploie tous les ressorts de l’art.

136. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IX. De l’Adultère et des Amours faciles. » pp. 166-192

Et quand on entend bergers et bergères, imités dans leurs danses luxurieuses par « trois petites Dryades et trois petits Faunes, » s’écrier ensemble : Jouissons, jouissons des plaisirs innocents Dont les feux de l’Amour savent charmer nos sens 644, n’est-il pas tout naturel qu’en sortant du spectacle on aille faire comme eux645 ? […] III, La Pudeur au XVIe siècle : « Chaque siècle a son degré de décence… ; parmi les mœurs du temps, le mot crû n’était que le mot naturel ; les femmes l’entendaient à table tous les jours, et orné des plus beaux commentaires, etc. 

137. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XLIII. Du But Moral. Philosophie de Regnard comparée à celle de Moliere. » pp. 504-548

C’étoit là que Moliere l’attendoit pour pulvériser en même temps l’ouvrage & ses admirateurs par la bouche d’Alceste, qui ne se pique pas d’écrire, mais qui n’a besoin que du simple bon-sens & d’un bon goût naturel, pour dire : Franchement, il est bon à mettre au cabinet : Vous vous êtes réglé sur de méchants modeles, Et vos expressions ne sont point naturelles. […] On ne rendra justice au jeu naturel de Mad.

138. (1865) Les femmes dans la comédie de Molière : deux conférences pp. 5-58

Ce goût naturel est innocent, pourvu qu’on le modère ; car si la jeune fille s’y livre avec excès, il peut avoir des suites fâcheuses pour elle. […] Que Philaminte regarde donc sa fille comme une sotte ; qu’Armande voie en elle une Cendrillon ; nous la tiendrons, nous, pour une femme d’un esprit charmant et naturel, en qui une pointe de malice relève une délicieuse naïveté. […] Elle l’égayera par ses saillies qui n’auront pas pour sujet la chronique scandaleuse du monde, mais qui partiront de son enjouement naturel et de sa satisfaction.

139. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE V. D’Ancourt imitateur, comparé à Moliere, la Fontaine, Saint-Yon, le Sage, Montfleury, &c. » pp. 133-184

Enfin ces deux pieces seroient tout-à-fait semblables, si l’une n’étoit excellente & l’autre détestable ; si dans la premiere tous les incidents n’étoient naturels, & dans la derniere tout-à-fait contre nature & indécents, révoltants même ; témoin une des gentillesses de Clitandre : il sait que son pere a dessein de le renfermer à Saint-Lazare, il s’amuse à faire répandre dans le monde qu’il a volé des diamants ; Harpin, enchanté d’avoir un si bon prétexte pour se défaire de son fils, est au désespoir lorsqu’il apprend que Clitandre n’est pas un scélérat à pendre. […] Je conviens que la cloison & la fente amenées sans art auroient été ridicules ; mais préparées par une main habile, qu’elles pourroient jetter de naturel & d’intérêt dans une piece ! […] Il avoit trop bu de vin : alle ly aura voulu faire boire de l’iau ; il n’y a rien de plus naturel, ça parle tout seul.

/ 214