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5. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

Quelque mauvais que soit le goût de gens liés par une conversation habituelle, il faut qu’ils se forment un langage raisonnable, toute conversation est une épreuve par laquelle chacun essaie son langage à l’intelligence, au goût, aux affections des auditeurs ; là, ce n’est pas la critique qui éclairé, c’est l’impression que fait la parole sur ceux à qui elle s’adresse. […] Il en fut de la langue comme il en serait de la monnaie, si tout le monde avait la liberté d’en frapper : d’abord on en mettrait beaucoup de mauvaise en circulation, avec une certaine quantité de bonne : mais bientôt celle-ci aurait la préférence. De même, dans l’anarchie du langage, il s’introduit une multitude de locutions de mauvais aloi ; mais ce qui ne s’entendra pas, ce qui s’entendra difficilement, ce qui ne peut s’entendre avec convenance, sera bientôt mis au rebut. […] On souriait avec dédain à l’idée qu’on pût se permettre de dire : qu’une poésie est bien châtiée ; qu’un souris est fin, qu’un souris est amer ; qu’un mauvais poète est un bâtard d’Apollon ; que les peintres sont des poètes muets ; que le soleil est l’époux de la nature. […] Il existait un grand nombre de lettres de Sévigné, modèles de style épistolaire ; on en avait de son cousin Bussy-Rabutin, homme de mauvais cœur, de mauvais esprit, mais d’assez bon goût ; En morale, on avait les nobles écrits de Balzac ; En métaphysique, la méthode de Descartes ; En didactique et en polémique, les Lettres provinciales ; En critique, plusieurs bons écrits de Port Royal, la critique du Cid ; En poésie, les belles odes de Malherbe, quelques ouvrages de Racan, de Segrais, de Benserade ; les chefs-d’œuvre de Corneille, Le Cid, Les Horaces, Cinna, Polyeucte, La Mort de Pompée, Le Menteur, Rodogune.

6. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXI » pp. 220-221

On s’accorde à voir dans le personnage d’Alceste le duc de Montausier ; dans Oronte, bel esprit qui fait de mauvais vers, le duc de Saint-Aignan, que madame de Sévigné appelait le paladin par éminence, et qui était le grand ami de madame de Scudéry. […] Les choses étant ainsi, Molière put croire que ce serait un coup de maître de faire maltraiter les mauvais auteurs par Montausier sous le nom d’Alceste, de la même manière que Boileau et lui en usaient dans leurs ouvrages, c’est-à-dire de le montrer faisant la guerre au mauvais goût sans la faire aux personnes. C’était en effet un coup de maître pour Molière, de représenter Montausier, ce censeur énergique, sous les couleurs les plus nobles, et d’opposer son caractère même aux prétentions de bel esprit sans esprit, et le poète sans talent ; de le montrer intraitable pour un mauvais ouvrage, quelque honnête, quelque estimable que fut l’auteur, en respectant en lui l’homme de bien et de mérite ; précisément comme Racine et Boileau prétendaient en user avec Chapelain, Cottin et leurs semblables.

7. (1705) La vie de M. de Molière pp. 1-314

Messieurs, leur dit-il, ne nous déplaçons jamais ; je suis passable Auteur, si j’en crois la voix publique ; je puis être un fort mauvais Secrétaire. […] Et Molière eut la prudence de ne point faire imprimer cette pièce, dont on fit dans le temps une très mauvaise Critique. […] Il appréhendait le mauvais compliment du Courtisan prévenu : Il envoyait seulement Baron à la découverte, qui lui rapportait toujours de mauvaises nouvelles. […] Et peu s’en fallut qu’ils ne trouvassent fort mauvais que le Misanthrope fît voir que ce sonnet était détestable. […] C’était, disait-on, un homme sans mœurs, sans Religion, mauvais Auteur.

8. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE XII. Réflexions Générales. » pp. 241-265

Après l’étude qu’on vient de faire, on peut être étonné d’entendre Molière déclarer qu’il n’y a rien de plus « innocent » que ses comédies ; on éprouve le même sentiment qu’en entendant La Fontaine déclarer qu’il n’y a rien de mauvais dans ses Contes 829. […] Si une très belle femme, et très séduisante par l’esprit comme par la grâce, se rencontre à l’entrée de la vie devant un jeune homme de cœur, on peut dire que d’elle dépend ce qu’il sera, et que la séduction dont elle est armée fera en lui le bien ou le mal, suivant que cette femme sera bonne ou mauvaise. […] Il n’a pas prévu que ceux qui venaient à son théâtre n’auraient certainement pas un sens comme le sien pour discerner partout le bon et le mauvais ; que, quand même ils l’auraient, ils ne songeraient pas à s’en servir dans leur enivrement de gaieté ; et qu’enfin ils en viendraient vite à excuser, à aimer une si joyeuse et séduisante immoralité. […]   Je me souviens d’avoir entendu critiquer vivement un académicien pour ce qu’on appelait sa théorie des deux morales : c’était une mauvaise.querelle. […] « Les jeux, les bals, les festins, les pompes, les comédies, en leur substance, ne sont nullement choses mauvaises, ains indifférentes, pouvant être bien et mal exercées. » Saint François de Sales, Introduction à la vie dévote, chap.

9. (1884) La Science du cœur humain, ou la Psychologie des sentiments et des passions, d’après les oeuvres de Molière pp. 5-136

Si l’homme doué de sentiments moraux considère comme représentant le vrai, le juste, le bien, les inspirations que ces facultés lui ont suggérées, celui dont tous les instincts sont mauvais, imparfaits, ou qui n’entend dans sa conscience que la voix de ses passions parce qu’elles y occupent momentanément la place de ses bons sentiments, prend aussi comme représentant la raison, (c’est-à-dire le vrai, le juste, le bien) les inspirations de ces mauvais instincts, et regarde comme irrationnels les sages avis qu’on lui donne, et comme fous ceux qui les lui présentent. […] La vue de cette personne si affectueuse et dont il cause le malheur ne saurait l’attendrir, puisqu’il est dénué de tous les sentiments humains ; mais elle devient une circonstance qui met en relief un côté de ses mauvais instincts. […] En regard des excellents effets qui résultent des procédés doux et humains, il ne manque pas de montrer les mauvais résultats que l’on obtient en disant aux passionnés de dures vérités, en heurtant de front leurs défauts et leurs vices. […] Ils auront mis une dose d’intelligence plus grande, une instruction plus développée, au service des instincts pervers, des appétits matériels, des mauvaises passions, de la folie. […] 3° Ce sont les sentiments moraux qui éclairent l’homme sur la nature extravagante ou perverse des mauvais sentiments, des inspirations passionnées.

10. (1800) De la comédie dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VI) pp. 204-293

Les mauvais écrivains ne manquent jamais de se réunir contre le talent, sans songer que cette réunion même prouve sa supériorité. […] qu’ils sont mauvais, Et qu’un homme est pendable après les avoir faits. […] Assurément les mauvais vers et la mauvaise prose sont le plus petit mal qu’il y ait au monde. Qu’importe à la morale d’Alceste que le sonnet d’Oronte soit bon ou mauvais ? […] Faites parler la •vérité, et vous pourrez prévenir un arrêt injuste, c’est-à-dire une mauvaise action, un scandale, un mal réel.

11. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

d’Aubignac était petit-fils par sa mère de cet Ambroise Paré, chirurgien de Charles IX, qui hacha si cruellement, avec de mauvais ciseaux, le doigt de l’amiral Coligny fracassé par la balle de son assassin. […] Chez les Scudéry, on disserte sur Quinault ; et l’on est partage sur son mérite : il est, selon les uns, un bon auteur, selon les autres un mauvais. […] Le petit Dictionnaire des Précieuses est un recueil de néologismes bons et mauvais, attribués aux précieuses du temps. […] Ces mots qui naissaient du travail de la pensée et du mouvement de la conversation, n’étaient sûrement pas les plus mauvais. […] Au reste, il assure « qu’elles font solennellement vœu de pureté de style, d’extirpation des mauvais mots, de guerre immortelle aux pédants et aux provinciaux ».

12. (1739) Vie de Molière

Ses premières comédies, qui étaient aussi bonnes pour son siècle, qu’elles sont mauvaises pour le nôtre, furent cause qu’une troupe de comédiens s’établit à Paris. […] Ces premiers essais très-informes tenaient plus du mauvais théâtre italien où il les avait pris, que de son génie, qui n’avait pas eu encore l’occasion de se développer tout entier. […] Cette pièce eut le sort des bons ouvrages, qui ont et de mauvais censeurs et de mauvais copistes. […] Un poète anglais nommé Shadwell, aussi vain que mauvais poète, la donna en anglais du vivant de Molière. […] Il n’avait pas fait scrupule d’y insérer deux scènes entières du Pédant joué, mauvaise pièce de Cyrano de Bergerac.

13. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XV. Des Actes. » pp. 274-288

Comme notre orchestre, bon ou mauvais, tient parmi nous la place des chœurs, nous appellons un acte cette premiere, seconde, troisieme partie, &c. qui est séparée de l’autre par notre musique. […] Un acte défectueux est quelquefois trouvé d’autant plus mauvais, qu’il se trouve à côté d’un bon, & qu’on le juge par comparaison. Loin de passer le médiocre en faveur du beau, on ne l’en juge que plus sévérement, & le mauvais fait oublier le bon. […] « L’acteur qui quitte la scene pour quelque action importante, à laquelle il faut qu’il s’emploie ailleurs, doit avoir quelque temps raisonnable pour la faire ; & s’il revient aussi-tôt que la musique assez courte & assez mauvaise a cessé, l’esprit des spectateurs est trop surpris en le voyant revenir si-tôt. […] Pour confirmer les regles qu’il y donnoit, d’après Aristote, il composa une tragédie intitulée Zénobie : jamais piece n’ennuya plus méthodiquement ; ce qui fit dire au Grand Condé : « Je sais bon gré à l’Abbé d’Aubignac d’avoir suivi les regles d’Aristote ; mais je ne pardonne pas aux regles d’Aristote d’avoir fait faire à l’Abbé d’Aubignac une si mauvaise tragédie ».

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