Ces réflexions font comprendre la prédilection de Molière pour cette œuvre mal entendue par ses contemporains134. […] Mais il a tort, quand, au lieu d’accepter qu’on garde au moins le silence sur les défauts des autres qu’on n’est pas chargé de corriger, il veut qu’on aille déclarer à chacun le mal qu’on pense de lui136. […] Il est admirable dans sa loyauté en amour139, dans son indignation contre les mensonges du cœur140, dans sa bonté à pardonner une tromperie d’autant plus indigne qu’elle s’adresse à un homme comme lui141 ; mais il exprime ridiculement un amour mal fait pour une âme comme la sienne, et mal placé sur une femme incapable de le comprendre142. […] Vous voulez un grand mal à la nature humaine ? […] Toute la galerie de portraits des Fâcheux 161 est une revue de cette société raffinée et inoccupée, qui pense bien faire tant qu’elle ne fait pas clairement le mal.
Alors elle n’était point encore assez bien avec le roi pour être mal avec madame de Montespan. […] Il est bien juste que je passe ici pour sa mère, moi qui en ai toute la tendresse et qui partage avec vous tous ses maux. » À la même, Anvers, 20 avril 1674 : « Madame, le médecin visita hier le prince. […] « J’en parlai hier au matin à madame de Montespan, et je lui dis que je priais le roi et elle de ne point regarder la mauvaise humeur où je leur paraissais être, comme une bouderie passagère contre eux ; que c’était quelque chose de plus sérieux ; que je voyais à n’en pouvoir douter que j’étais très mal avec elle et qu’elle m’avait brouillée avec le roi. » Brouillée avec le roi ! […] Je partage en mère ses maux. […] Cette lettre du 25 mai est évidemment mal placée parmi celles de 1675, puisqu’au mois de mai 1671 madame Scarron était à Barèges.
Car, ne pouvant causer qu’un mal de cœur extrême, Tel qu’on l’auroit pour vous, vous l’auriez tout de même. Mal de cœur, en amour, est un drôle de mal. […] L’Auteur l’étoit bien moins, lorsqu’il fit parler ainsi son la Montagne, & sur-tout lorsqu’il imagina d’employer cinq à six intrigants de différents états, de différents sexes, pour filer une intrigue qui se dénoue très mal.
Mais il y a un excès de perversité qui trouve sa satisfaction dans le mal lui-même. […] Si la délicatesse des premiers est blessée par le mal, le raffinement des seconds l’est par le bien. Non seulement Don Juan éprouve du plaisir à faire le mal, mais encore il éprouve une jouissance à faire commettre le mal par autrui, pour le méchant plaisir de le lui voir commettre. […] a des limites du côté du bien, il semble que du côté du mal elle n’a pas de bornes. […] Mais cet étranger est fort mal payé du service qu’il voulait rendre.
Non ; c’est que l’un plaide bien sa cause, & que l’autre défend mal la sienne ». […] J’ose penser que si le public ne croit pas dans la premiere scene voir autant le Philanthrope que le Misanthrope, ce n’est ni au titre ni à l’annonce que l’Auteur en a l’obligation : c’est encore moins à la précaution de mettre dans la bouche d’Alceste des raisons triomphantes & de faire de Philinte un sot ; de bien plaider la cause du Misanthrope, de mal plaider celle du prétendu Philanthrope ; mais à l’adresse de différencier les deux rôles sans les faire contraster, puisqu’Alceste est l’ennemi déclaré du genre humain, & que Philinte, loin d’être l’ami déclaré des hommes, les plaint sans les aimer, souffre leurs défauts uniquement par la nécessité de vivre avec eux, & l’impossibilité de les rendre meilleurs. […] Vous voulez un grand mal à la nature humaine ! […] Chaque succès, bien ou mal mérité, fait établir de nouvelles regles sur la scene. […] Dans le Cocu imaginaire, qui fait tant de bruit pour rien, je vois aussi peu le cocu réel qui prend son mal en patience.
Il l’annonce à sa fille qui se trouve mal de chagrin, & laisse tomber le portrait de Lélie qu’elle contemploit. […] Eléonora, seule sur la scene, se plaint de l’absence de Célio qu’elle aime, prend son portrait, s’attendrit & se trouve mal. […] Célie fait admirer à sa suivante le portrait de Lélie, est bien fâchée qu’il soit absent, & se trouve mal. […] Lélie reste sur la scene pour déclamer contre la figure de Sganarelle, qu’il croit son rival, & pour se trouver mal. […] La femme de Sganarelle sort, voit Lélie prêt à tomber en foiblesse, craint pour lui les suites d’un évanouissement, & le prie d’entrer dans sa maison, en attendant que son mal soit passé.
Je crois très à propos de faire remarquer ici que les Italiens, & Moliere après eux, ont mal traduit le titre espagnol. […] Il est question de briser des nœuds mal assortis, pour en former de plus heureux. […] Dans le Baron d’Albicrac, le personnage annoncé ne se montre jamais : on charge seulement, vers la fin de la comédie, un valet de paroître sous son nom, pour dénouer la piece ; aussi est-elle aussi mal dénouée que mal intitulée.
Les Romains cependant reconnurent mal ses soins, & blâmerent son affectation à ne parler que le langage des Grands. […] Ces vers sont beaux pour la plupart : on y reconnoît le grand Corneille ; mais ils sont aussi mal placés dans une comédie, qu’ils le seroient bien dans une inscription. […] Si votre pere étoit marchand, tant pis pour lui ; mais pour le mien, ce sont des mal avisés qui disent cela. […] Il faut à votre fille un mari qui lui soit propre ; & il vaut mieux pour elle un honnête homme riche & bien fait, qu’un gentilhomme gueux & mal bâti. […] Peu d’Auteurs ont la force de lutter contre le goût du siecle ; & voilà le mal.
S’il n’avait pas prévu le mal que lui fera sa franchise, elle serait une étourderie et non pas une vertu. […] Donc la peinture du vrai, encore qu’il soit le mal, est légitime et même utile. […] Il y a des gens, dira quelqu’un, un de ces jours, qui sont mal logés, mal couchés, mal habillés, plus mal nourris ; qui essuient les rigueurs des saisons ; qui se privent eux-mêmes de la société des hommes et passent leur vie dans la solitude ; qui souffrent du présent, du passé et de l’avenir ; dont la vie est une pénitence continuelle et qui ont trouvé ainsi le secret d’aller à leur perte par le chemin le plus pénible ; ce sont les avares. […] que vous la connaissez mal ! […] Quand elles y lisent mal, c’est leur faute, ou quelque passion les aveugle.