Boileau a beaucoup loué Molière, et vivant et mort, mais dans L’Art Poétique, où il paraît plus particulièrement le juger, il dit que Molière : Peut-être de son art eût remporté le prix Si, etc. […] Molière est l’esprit le plus original et le plus utile qui ait jamais honoré et corrigé l’espèce humaine, et Boileau même en jugeait à peu près ainsi ; car Louis XIV lui ayant demandé quel était le génie qu’il devait regarder comme ayant le plus illustré son règne, il nomma sans balancer Molière. […] On sait que Molière fut frappé à mort sur le théâtre, en contrefaisant le mort dans le Malade imaginaire, circonstance qui a fourni des épigrammes, tandis que l’événement devait arracher des larmes ; on sait qu’il mourut dans les bras de la piété, et qu’il s’en était rendu digne par sa charité ; il donnait l’hospitalité à deux de ces pauvres religieuses qui viennent quêter à Paris pendant le carême ; elles lui prodiguèrent par devoir et par reconnaissance, les consolations et les soins dans ses derniers moments ; on sait jusqu’à quel point la rigueur de nos usages (qu’il ne s’agit pas ici de juger) fut adoucie en sa faveur à la prière de Louis XIV.
Je jugeai à propos de différer pour deux raisons ; premiérement, pour n’avoir pas l’air de vouloir lutter avec le Discours couronné. […] En second lieu, mon amour-propre me persuada sans peine que puisque l’Académie avoit jugé l’extrait de ma Poétique digne de servir aux progrès de la bonne comédie, le corps même de l’ouvrage pourroit, à plus forte raison, être de quelque utilité. […] Elles peuvent premiérement servir aux amateurs de la vraie comédie, parceque de l’esprit & le plus grand usage du théâtre ne suffisent pas pour juger des beautés ou des défauts d’une comédie. […] Elle est pitoyable, ou elle est délicieuse, s’écrie un merveilleux, qui de sa vie n’a su juger que par contagion : une jolie femme confirme son jugement du bout de la table, en ajoutant seulement que les actrices étoient bien ou mal coëffées. […] Heureusement pour eux, un jeune homme instruit, & qui ne craint pas de déroger en le paroissant, éleve la voix, expose l’avant-scene, rend compte du but de l’Auteur, rapporte en passant quelques détails saillants, s’étend sur les principaux événements qui conduisent au dénouement, & met ses auditeurs à portée de juger par eux-mêmes du juste mérite de l’ouvrage.
De même que les habitants d’un canton montagneux ne sont pas bien placés pour apprécier la hauteur absolue ou relative des sommets qui les environnent, et qu’ils doivent, pour en mieux juger, se placer à distance en différentes perspectives, ainsi se trouvent situés les contemporains par rapport aux hommes de génie qu’ils voient s’élever autour d’eux, et dont ils ne peuvent juger absolument la grandeur, parce qu’il leur faudrait les pouvoir considérer avec l’abandon des préjugés de leur époque et la perspective du temps. […] C’est cette morale-là qu’il importe de connaître et de juger, parce qu’elle n’est pas une opinion personnelle, mais une action universelle. […] Ce génie, c’est le rire : il subjugue ; on s’y laisse aller d’autant mieux qu’il est délicat et franc ; en sorte qu’insensiblement on s’attache à ce qui plaît, en oubliant absolument de juger si cet attachement s’applique au bien ou au mal. […] En un mot, il faut juger, et le triomphe du comédien est de passionner si bien les cœurs que le jugement soit séduit et forcé. […] On s’imagine trop facilement qu’il suffit de savoir lire pour savoir juger, et de savoir juger ce qui est bien pour pouvoir le pratiquer.
» J’ai représenté Molière dans son beau, comme dans son mauvais ; mais j’ai jugé à propos de faire paraître ses situations et ses sentiments, par ses actions, pour attacher d’avantage ceux qui lisent. […] Et à suivre la règle de mon Auteur, si les Journaux ne lui imposent point pour juger d’un Ouvrage, le Public ne m’impose point aussi pour juger d’une Pièce de Théâtre. […] Je n’ai point jugé des Adelphes par l’événement ; son quatrième acte m’aurait fait passer sur bien des défauts. […] Il savait que ce Public ne jugeait pas avec autant de discernement que Sa Majesté. […] Je ne crois pas que mon Censeur veuille rabattre du sentiment d’un Prince qui jugeait si sûrement de toutes choses.
1775, Anecdotes dramatiques, tome I, p. 394-395 Boileau a beaucoup loué Molière, et vivant et mort ; mais dans l’Art Poétique, où il paraît plus particulièrement le juger, il dit que Molière : Peut-être de son art eut remporté le prix, Si moins ami du peuple, en ses doctes peintures, Il n’eut point fait souvent grimacer ses figures ; Quitté pour le bouffon, l’agréable et le fin, Et sans honte à Térence* allié Tabarin. […] Molière est l’esprit le plus original et le plus utile qui ait jamais honoré et corrigé l’espèce humaine, et Boileau même le jugeait à peu près ainsi.
Mr Ménage, qui était à la première représentation de cette Pièce, en jugea favorablement. […] On en jugea dans ce temps-là, comme on en juge en celui-ci. […] Il s’en forma une meilleure, dans laquelle était Mademoiselle de Beauval : Baron jugea à propos de s’y mettre. […] Molière, dit Chapelle, puisque vous voilà, jugez si j’ai tort. […] Il devait du moins frapper ceux qui jugent avec équité par les connaissances les plus communes.
La première, que j’aie convenu de juges touchant son mérite, et m’en sois rapporté au sentiment de ceux qu’on a prié d’en juger. […] Ce n’est pas que je sache, si ceux qui ont jugé du Cid en ont jugé suivant leur sentiment, ou non : ni même que je veuille dire qu’ils en aient bien ou mal jugé, et que peut-être je l’aurais justifié, sans beaucoup de peine, si la même raison qui les a fait parler ne m’avait obligé à me taire. » Au-devant d’Horace et de Cinna sont les passages latins de Tite-Live et de Sénèque d’où ces sujets sont tirés ; et une lettre de M. de Balzac, imprimée dans la seconde partie de ses Lettres choisies, livre III, lettre IX, qui contient l’éloge de la dernière de ces tragédies. […] On jugerait de même des autres imitations prétendues que les Anglais ont faites des pièces de notre théâtre, si c’était ici le lieu d’en faire la comparaison ? […] Quiconque ignore les mystères de l’art, en jugera de la sorte. […] Voici un passage de cette brochure qui pourra faire juger du goût et du talent de cet écrivain.
Un homme tel que Molière devait lui appartenir : le prince jugea le poète, et le poète jugea le roi. […] Le roi l’avait jugé sans reproche, il était donc intéressé lui-même à ce qu’il parut ; après trois ans d’épreuve il en permit la représentation. […] Je m’érigerai en censeur des actions d’autrui, jugerai mal de tout le monde, et n’aurai bonne opinion que de moi. […] La décence ne permet pas de pousser plus loin la citation ; mais d’après le commencement de la scène on peut juger de la fin. […] C’est surtout comme peintre de mœurs et comme philosophe qu’il faut juger Molière ; les intérêts de la morale doivent passer avant les scrupules de la grammaire.
Baillet††† ce qu’il faut juger de son talent. […] Peut-être cela vient-il de ce que les graces & les finesses d’Aristophane ne sont pas à la portée de tous ceux qui peuvent sentir le sel & les agrémens de Moliere ; car il faut demeurer d’accord que pour bien juger des Comiques Grecs, il faudroit conoître à fond les défauts des Atheniens. […] Moliere persuadé de sa vertu par ses larmes, lui fit mille excuses de son emportement, & lui remontra avec douceur, que ce n’étoit pas assez pour la reputation, que la pureté de la conscience nous justifiât ; qu’il falloit encore que les apparences ne fussent pas contre nous ; sur tout dans un siecle où l’on trouvoit les esprits disposez à croire mal, & fort éloignez de juger des choses avec indulgence. […] Il s’empressa fort à la faire revenir, en la conjurant de considerer que l’amour seul avoit causé son emportement, & qu’elle pouvoit juger du pouvoir qu’elle avoit sur son esprit, puis que malgré tous les sujets qu’il avoit de se plaindre d’elle, il étoit prêt de lui pardonner, pourveu qu’elle eût une conduite plus reservée.