/ 191
4. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VII. Le théâtre français contemporain des Gelosi » pp. 119-127

Le théâtre français contemporain était bien éloigné d’égaler sous ce rapport les Italiens. […] Nos acteurs français représentaient alors les pièces informes d’Antoine de Monchrétien, de Nicolas de Montreux (Olenix de Mont-Sacré) et d’Alexandre Hardy qui était au début de sa longue et féconde carrière. […] Mais combien, dans la Farce française, la satire était déjà plus directe et plus pénétrante ! […] Henri IV, qui aimait à se divertir des parades comiques qui commençaient à faire la réputation de l’acteur français, le faisait appeler quelquefois. […] L’un, français, éprouvait la plus grande difficulté à se débrouiller ; quand il ne se traînait pas terre à terre, il subissait les influences les plus diverses et semblait osciller dans le vide.

5. (1884) Molière et les Allemands pp. 3-12

Oppert, reprochait à un autre savant français d’attribuer à un Allemand une découverte archéologique réalisée par M.  […] Les Français sont coutumiers de ces faits d’abnégation inconcevable. […] Mais c’est là une question que nous débattrons entre Français. […] n’a rien stipulé contre la gratuité de la gaîté française ! […] Et dire que les Français, et ils sont nombreux, qui n’ont pas eu le privilège, comme M. 

6. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

De même que la société russe, la poésie française manque d’un tiers-état163. — L’art n’est pas un plat miroir reproduisant telle quelle la réalité élégante ou vile. […] Dans cette comédie unique, si je ne me trompe, sur le théâtre français, Molière met en scène sa propre personne, et se joue hardiment de tout le monde comme de lui-même : ce qui est, vous le savez, Monsieur, un des éléments du vrai comique. […] Les Espagnols ont produit plus de comédies que les Français et les Italiens ensemble. […] La poésie française n’est qu’une épigramme prolongée. Pour un Français le sens commun, la vraie logique, c’est un bon mot.

7. (1861) Molière (Corneille, Racine et Molière) pp. 309-514

Le critique étranger et le critique français auront raison l’un et l’autre. […] Avant Molière, l’esprit français ne songeait qu’à se satisfaire lui-même. […] Ce n’est pas une œuvre isolée dans la poésie française. […] Si dans la poésie française l’hypocrite a joué un grand rôle , c’est que l’hypocrisie en a joué un semblable dans la société française. […] Or, il faut rendre à Molière cette justice, et je ne saurais en faire un plus grand éloge, qu’il est à la fois le plus humain et le plus français des poètes français.

8. (1818) Épître à Molière pp. 6-18

De quelques écrivains la féale éloquence Dans de fervents sermons nous prêche l’ignorance, Et, pour mieux convertir les mécréants français, Elle invoque sur eux ses ténébreux bienfaits. […] Espérons que bientôt l’union des Français De leur pacte sur eux répandra les bienfaits, Et nous délivrera de ces chaînes serviles, Vestiges odieux des discordes civiles. L’auguste liberté, le plus noble des biens, Peut seule des Français resserrer les liens, Et, soutenant la voix des fils de l’harmonie, Rendre enfin le courage et l’essor au génie. […] loin de toi l’on peut à des succès Prétendre sans orgueil : le théâtre français, Quand de la liberté semble briller l’aurore, De revoir ses beaux jours peut se flatter encore. […] Pourquoi le Gouvernement n’accorderait-il pas un encouragement à l’auteur d’une comédie ou d’une tragédie qui aurait eu du succès au Théâtre Français ?

9. (1862) Corneille, Racine et Molière (Revue chrétienne) pp. 249-266

Tel homme (il nommait Vinet) parle assurément le français aussi purement qu’on puisse le parler en France ; il y a mieux : il donne assez ordinairement aux mots le sens que, dans leur mobilité, ils revêtent à Paris, à l’heure où il parle ; et cependant ses expressions, comme ses idées, ont un point de départ et un rayonnement différent de celui qu’ils ont sur terre française. […] La littérature française y était enseignée par Monnard et Vinet. […] Il est facile de l’indiquer. » Un prédicateur français et protestant, M. […] On s’étonne que la révolution française ait commencé par une déclaration des droits de l’homme ; mais ne voit-on pas que c’est là un des tics du génie français et qu’il n’a fait en ce cas que ce qu’il avait fait cent fois? […] L’hypocrisie a donc joué un grand rôle dans la poésie française, parce qu’elle en a joué un grand dans la société française.

10. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

N’en parlons pas, et causons un peu des misères de notre goût français. […] La pièce, à tout prendre, est-elle trop française ? […] Assurément des Français la comprendront, et des Allemands aussi. […] Personne n’ose dire : nationale aussi, française sous la plume d’un Français, allemande sous celle d’un Allemand, et toute pleine de patriotisme. […] Voltaire, Lettre à l’Académie française.

11. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Depuis longtemps, les acteurs français, du moins les acteurs comiques, s’efforçaient de suivre, sur ce terrain difficile pour eux, les artistes italiens. […] Quand ce groupe de bouffons fameux disparut, la farce française expira avec eux sur les planches de plus en plus littéraires de l’Hôtel de Bourgogne. […] Au mois de mai 1659, nous voyons ces deux Français s’unir à Scaramouche, Gratian, Trivelin, Horace, Aurelia, dans un divertissement donné par le cardinal Mazarin au château de Vincennes. […] Peu après le départ des Italiens, le 18 novembre, les Français représentèrent au Petit-Bourbon Les Précieuses ridicules. […] En revanche, rien n’est plus français que l’esprit qui anime d’un bout à l’autre le dialogue ; on y trouve le tour naïf et des réminiscences nombreuses de nos conteurs du seizième siècle.

12. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Chez les Grecs, chez les Romains, chez les classiques français du dix-septième et du dix-huitième siècle, chez la plupart des écrivains, des causeurs qui, dans nos journaux, dans nos salons, portent sur les œuvres de l’art et de la poésie des jugements d’éloge ou de blâme, la critique littéraire n’a jamais douté d’elle-même. […] Et puis, il y a tel dogme, tel jugement dont elle ne doute pas plus que de deux et deux font quatre, d’un côté des Alpes, des Pyrénées et du Rhin, bien entendu ; car, de l’autre côté, elle ne doute pas davantage du dogme et du jugement contraires : mais qu’importe aux Français que les étrangers soient absurdes, et qu’importe aux Allemands, aux Espagnols, que les Français le soient ? Comme exemple, je citerai deux axiomes de la critique française, que bien certainement aucun esprit assez mal fait, en France, n’a jamais eu, n’aura jamais l’idée de mettre en doute. […] J’ai dit que les Grecs, les Romains, les classiques français du dix-septième et du dix-huitième siècle, la plupart de ceux qui écrivent ou qui causent, ont toujours dogmatisé en littérature et jugé d’après des dogmes. […] Je vais, suivant la règle de l’école dogmatique française, disparaître moi-même derrière eux, et je prie instamment le lecteur de vouloir bien se souvenir que jusqu’à la Conclusion ce n’est plus moi qui parle, et qu’un auteur comique n’est point responsable des sottises que débitent ses personnages.

/ 191