C’était un homme de qualité, un homme d’esprit, de belle figure, un homme de cour, mais non un de ces courtisans de profession, qui bornant leur ambition à obtenir une parole ou un regard du prince, se pâmaient de joie en s’entendant nommer pour un voyage de Mari y ou Ce Fontainebleau. […] L’entrée à l’hôtel Rambouillet de cette femme charmante, dont l’esprit et la grâce n’ont pas vieilli depuis deux siècles, dont la vertu a été aussi souvent citée que sa grâce et son esprit, n’est pas moins un hommage à la pureté de principes et de goût de la marquise de Rambouillet, que ne l’ont été la noble sagesse et l’austère vérité de Montausier, quand il s’y est établi. […] Il lui écrivait le 30 juillet 1654 : « Mon Dieu, que vous avez d’esprit, ma belle cousine, que vous écrivez bien, que vous êtes aimable ! […] Madame de Caylus parle aussi de l’hôtel de Richelieu : « Monsieur et madame de Richelieu avaient l’un et l’autre du goût pour les gens d’esprit. […] Madame de la Sablière disait de lui : « Il m’a donné de l’esprit, mais j’ai réformé son cœur. »C’était à l’occasion des Maximes, publiées en 1665, qu’ils faisaient l’utile échange de leurs sentiments et de leurs pensées.
Elle donne un choc à l’esprit, et de ce choc dangereux, l’esprit a peine à se remettre ; il se souvient longtemps du spectacle animé de ces licences ; il y revient complaisamment, il les médite, et c’est pourquoi Tertullien appelle le théâtre : « l’Église du diable : Ecclesia diaboli ! […] Alors, et malgré soi, l’on s’incline en présence de ces grandes œuvres, justement parce qu’elles sont les œuvres les plus dangereuses de l’esprit humain ! […] Aussitôt le parterre est charmé de ce jeune esprit et de ce charmant visage. […] Il n’est pas fâcheux, chemin faisant à travers les comédies et les drames, de rencontrer des préceptes et des exemples dont la critique, attachée à son œuvre, puisse faire son profit. — Entre l’ignorance et le défaut d’esprit, il y a encore ce danger : le trop d’esprit ! […] Grâce à cette excommunication permanente, on leur pardonnait de bon cœur leur esprit, leur grâce, leur beauté, leur succès.
Femme d’un esprit médiocre, la reine excusait ces emportements par les infidélités du roi, le roi excusait ses infidélités par les emportements de la reine : c’était l’histoire de tous les mauvais ménages2. […] En pleurant ce prince, on lui reprocha sa mort même ; ce furent en effet son malheureux amour pour la femme de son neveu, la persécution du jeune époux, et les préparatifs d’une guerre sans autre objet que celui de tirer la belle Charlotte de la cour de Bruxelles où le prince de Condé l’avait conduite, qui rallumèrent cet esprit de la Ligue que Henri alors dans sa sagesse et dans sa vertu avait pris tant de soin à calmer et à éteindre, cet esprit qui arma un bras fanatique contre lui4. […] La pipe, le cigare, la bière, le thé, le vin, mêlent leur excitation et leurs fumées au faible mouvement des esprits et des imaginations. […] C’était sous l’influence de l’heureux besoin dont les esprits étaient alors pressés, que s’ouvrait l’hôtel de Rambouillet aux gens de la cour ennemis des scandales, aux gens du monde poli de la capitale, aux gens de lettres de profession, aux esprits cultivés de toutes les classes ; c’était par cet intérêt que les femmes les plus distinguées y étaient amenées et reçues avec des hommes d’élite, par une des plus belles, des plus jeunes, des plus riches et des plus respectables femmes de la cour. […] Le fils et la bru du financier s’illustrèrent par leur esprit.
C’est d’ailleurs un homme d’esprit ; il a plus de ressources que Sganarelle pour donner une couleur honnête à ses travers ; mais, en revanche, son esprit lui tend plus de pièges. […] Quant aux maris affligés de femmes d’esprit, il n’est raillerie qu’il leur épargne. […] Sa vanité, l’idée qu’il a de son esprit le rassurent ; c’est par là pourtant qu’il aura le dessous. […] Chacun parle avec son tour d’esprit ou son travers. […] Arnolphe, mieux appris, tient le milieu entre l’esprit de Sganarelle et l’esprit des gens de cour ; il ne voit pas beaucoup plus loin que Sganarelle, mais il s’en fait plus accroire.
Les moindres bourgeoises voulurent prendre le genre à la mode, et parvinrent, à force de préciosité, à détruire en elles cet avantage accordé à leur sexe sur l’autre, de plaire, par la simplicité même, jusque dans la plus grande médiocrité d’esprit. […] Puis, à côté de cette peinture faite de verve, il voulut placer le portrait de la femme accomplie, et enseigner dans quelle juste mesure son esprit peut, doit s’appliquer aux sciences et aux lettres. […] Le luxe d esprit choquait Molière : il n’était pas moins choqué du luxe matériel qui régnait de son temps autant que du nôtre, et par lequel les femmes croyaient se faire estimer à raison de l’effet qu’elles produisaient. […] Il comprend que la simplicité de la parure, comme celle de l’esprit, est un charme qui n’appartient qu’aux âmes élevées par nature ou formées par une éducation supérieure ; il le dit et le montre, sans pouvoir, hélas ! […] Pour l’ignorance, qui est la prison de l’esprit, la leçon n’est pas moins bien donnée, et la sotte $ Arnolphe lui échappe aussi bien que la cloîtrée de Sganarelle.
Pendant le siècle de Louis XIV, elle ne fut en général cultivée et pratiquée que par quelques hommes d’esprit et de plaisir, et elle n’a régné que dans quelques salons suspects de libertinage d’esprit et de mœurs, dans la société du Temple et chez Ninon de Lenclos. […] Gassendi avait lui-même enseigné sa philosophie à quelques jeunes gens qui se faisaient remarquer par leur verve et leur esprit. […] Mais Molière a porté aussi dans ses comédies l’esprit philosophique de Gassendi. […] Jourdain de l’instruire dans la logique qui traite des trois opérations de l’esprit qui sont: la première, la seconde et la troisième. […] O esprit, dit Gassendi à Descartes; ô chair, répond Descartes à Gassendi.
Jamais il ne lui est venu dans l’esprit de se venger d’elle par une guerre civile, et il trouve bien plus honnête le nom d’innocent banni, que celui de coupable victorieux. […] Jamais les plaisirs de l’esprit ne furent mieux goûtés que par ces gens-là. […] Mais ils trouvèrent un fonds si heureux, que d’abord le bon esprit fut chez eux une chose populaire. […] Ils seraient ridicules dans les entretiens d’une femme sans esprit, sans jugement, qui aurait la vanité de faire la savante. Ils seraient ridicules dans un pays où tous les esprits seraient tendus aux affaires publiques, soit par la nature de la constitution, soit par une révolution flagrante, ou récente, ou imminente.
Comme exemple, je citerai deux axiomes de la critique française, que bien certainement aucun esprit assez mal fait, en France, n’a jamais eu, n’aura jamais l’idée de mettre en doute. […] Or, 1º la personne d’Alfred de Musset remplit son théâtre : il est l’amant de Camille, le neveu de Van Buch ; il montre trop d’esprit et trop de son esprit, quand il dispute contre son oncle ; 2º il rêve, il fait de la fantaisie sur la scène, de même que dans ses Nuits ou dans Rolla ; qu’est-ce qu’une comédie qui s’ouvre par le chant d’un chœur : « Doucement bercé sur sa mule fringante, Messer Blazius s’avance dans les bluets fleuris1 ? […] Fions-nous à toutes les impressions du beau et du laid, du sublime, du comique, du tragique, etc. sur notre esprit cl sur notre âme, en priant notre bon ange de nous garder des théories et des définitions, qui ôtent au sens littéraire sa candeur naïve, et de la logique, qui lue la liberté. […] Ce sont moins des écoles que trois différents esprits de la critique, et, pour ainsi dire, trois moments par lesquels doit passer successivement la pensée de tout homme qui, dans ce siècle où chaque chose est mise en question, examine la question de la critique littéraire : 1º le moment dogmatique (l’esprit humain affirme d’abord) ; 2º le moment critique (c’est vraiment la crise de l’intelligence ; nous ne croyons plus : resterons-nous sceptiques ?) […] Ce livre est l’histoire d’un esprit qui a passé par ces trois moments.
William Schlegel a beaucoup de savoir, beaucoup d’esprit, et le sens commun est faillible. […] Des gens d’esprit se réunissent dans sa loge. […] Lysidas, avec infiniment plus d’esprit, ne la goûte-t-il pas davantage ? […] Mais il n’a pas montré son esprit, en concluant de là que Molière n’est guère comique. […] Il voit jusque dans les plastiques tragédies d’Eschyle, la lutte de l’esprit et de la chair.