Mais toutes les passions déchaînées venaient de se soulever à la fois ; l’envie verse de toute part son fiel ; la calomnie aiguise ses poignards ; et l’amour-propre offensé, le plus implacable des ennemis, fait un appel à tous les ressentiments, et rallie toutes les haines. […] Les injures des faux dévots ne vont guère sans la délation ; il ne fallait pas seulement, pour assouvir leur vengeance, signaler Molière comme un ennemi de l’autel ; il fallait encore le dénoncer comme un ennemi du trône. […] Cependant le critique ne veut pas avoir l’air trop partial ; il donne pour interlocuteur à l’ennemi de Molière un personnage qui embrasse sa défense, mais il la prend d’une singulière façon. […] Cette pièce fut le signal d’un déchaînement universel de ses ennemis, et la guerre de Tartufe commença par l’attaque de Don Juan. […] Le roi, si imprudemment accusé, vengeait sa propre cause : les ennemis du poète lui avaient préparé un nouveau triomphe ; ils avaient servi à sa fortune en travaillant à sa ruine, contribué à sa gloire en voulant lui ravir sa renommée : tel est le châtiment, tel est le véritable supplice de l’envie.
Il en prit occasion de représenter au roi qu’il était plus juste que jamais de lui permettre de faire jouer Le Tartuffe, puisqu’il n’avait que ce moyen de prouver au public l’innocence d’un ouvrage si odieusement calomnié par ses ennemis. […] C’était surtout abuser des droits de la prédication, que de désigner si clairement l’écrivain qu’on dénonçait comme ennemi de Dieu et de l’église. […] Un seul écrit atteste le dépit dont les ennemis de Molière durent être animés dans cette circonstance si glorieuse pour lui ; c’est une ignoble satire en forme dramatique, intitulée Critique du Tartuffe. […] Et pourquoi ces deux vices, éternels ennemis de toute prudence humaine, ne l’aveugleraient-ils pas lui-même, ne le précipiteraient-ils pas malgré lui vers sa ruine ? […] Toujours en présence de sa dupe ou de ses ennemis, il ne dit pas un mot qui doive détromper l’un ou donner aux autres quelque avantage sur lui.
On lui a persuadé dès son enfance, et depuis il n’en a pas douté, qu’un fils ne peut jamais s’acquitter de tout ce qu’il doit à une mère, voire à une mauvaise mère qui est devenue sa marâtre, et qu’un citoyen est toujours obligé à sa patrie, voire à son ingrate patrie et qui l’a traité en ennemi. » Plus loin, il montre le consul romain à la tête de l’armée. […] L’appréhension de lui déplaire était la seule chose que craignait l’armée romaine ; jamais les soldats ne méprisèrent autant l’ennemi et ne redoutèrent si fort leurs chefs ; jamais ne furent tous ensemble si ders et si dociles, ne se débordèrent avec tant d’impétuosité à la campagne, et ne reprirent leur place dans le camp avec moins d’apparence d’en être sortis. […] Ce caractère rend inviolable à des ennemis irrités, lie les mains à des traîtres. […] « Sans douceur, les assemblées des hommes ne seraient que des troupes d’ennemis, ou des cercles d’admirateurs réciproques.
C’est peut-être en cette circonstance que Molière reçut de Louis XIV l’ordre exprès de se moquer encore une fois de ses ennemis, ordre auquel il obéit en composant L’Impromptu de Versailles, où il ne craignit pas d’en faire mention à plusieurs reprises, et dans les termes les moins équivoques. […] Un homme d’esprit et de goût entreprend de la défendre un peu méthodiquement contre les attaques sournoises d’un auteur, grand partisan des règles et surtout grand ennemi des succès d’autrui. […] Connaissant tout l’avantage de l’attaque sur la défense, il songe moins à parer les coups de ses ennemis qu’à leur en porter lui-même ; il ne perd pas le temps à prouver froidement qu’ils ont eu tort en le critiquant, il fait voir qu’ils ne pouvaient avoir raison, tant leur esprit est faux, bizarre, inconséquent et rempli d’absurdes préventions ; ils ont voulu chasser L’École des femmes du théâtre, il les y traduit eux-mêmes ; ils n’ont pas voulu rire à cette pièce, il fait rire d’eux, en les peignant au naturel : ce n’est pas la vengeance d’un auteur entêté de son mérite et qui veut en convaincre les autres ; c’est celle d’un artiste, d’un homme de génie, qui peint gaiement ses ennemis ou plutôt ceux de son art, et qui pense que le meilleur argument en faveur de son talent méconnu est d’en donner une nouvelle preuve. […] Palissot, abusa de la vengeance. » Sans me livrer, pour la défense de Molière, à des récriminations trop faciles, qui d’ailleurs ne décideraient point la question, je me bornerai à dire qu’il ne fut point l’agresseur ; que, s’il blessa cruellement l’amour-propre de Boursault, qui l’avait provoqué, il ne porta pas du moins la plus légère atteinte à son honneur, et qu’en cela il fit preuve d’une modération dont son ennemi ne lui avait point donné l’exemple. […] Molière combattant sur le même terrain que son ennemi, et avec les mêmes armes, si ce n’est avec des armes égales, sera sans doute trouvé plus excusable, et c’est tout l’avantage qu’on veut ici réclamer pour lui.
Ils projettent de faire assassiner leurs ennemis. […] Leurs ennemis se sont ligués avec le comique larmoyant, le drame & plusieurs autres tyrans, qui tous ont usurpé un grand crédit. Etudiez nos Auteurs, vous verrez que les ennemis de l’ancien genre, du bon comique, se déchaînent contre lui, parcequ’ils se sentent hors d’état de le traiter avec succès.
Dans sa conduite avec ses ennemis, ses rivaux, ses protecteurs, les grands personnages, le roi, on voit un homme très honnête, très droit, mais très souple et très avisé. […] Telle est la version de ses ennemis, et elle ne manque pas de vraisemblance, bien que Molière n’ait jamais renoncé à la tragédie. […] Il s’y incarnait si bien que ces deux noms furent quelque temps des sobriquets acceptés par le public et sous lesquels amis et ennemis le désignaient communément. […] Ses ennemis profitaient naturellement, pour le peindre en laid d’une manière d’être qu’il exposait lui-même si complaisamment. […] Bien entendu, ses ennemis dénaturaient cette façon d’agir.
Molière se fit dans Paris un très-grand nombre de partisans, et presque autant d’ennemis. […] Il lui fit composer la tragédie de Théagène et de Chariclée ; et quoique cette pièce fût trop faible pour être jouée, il fit présent au jeune auteur de cent louis, et lui donna le plan des Frères ennemis. […] La réputation naissante de Molière souffrit beaucoup de cette disgrâce, et ses ennemis triomphèrent quelque temps. […] Molière ayant opposé la protection et le zèle de ses amis aux cabales naissantes de ses ennemis, obtint du roi une permission verbale de jouer Le Tartuffe. […] On admire la conduite de la pièce jusqu’au dénouement ; on sent combien il est forcé, et combien les louanges du roi, quoique mal amenées, étaient nécessaires pour soutenir Molière contre ses ennemis.
Ils accusèrent les jansénistes de faire cause commune avec les protestants, et ceux-ci d’être des républicains, et de dangereux ennemis du pouvoir royal. Ils frappaient ainsi deux ennemis à la fois. […] Dès 1677, les remontrances de l’assemblée du clergé, ou les jésuites avaient de puissants amis, les sollicitations de la cour de Rome, provoquées par les intrigues de la société, les conseils du chancelier Le Tellier et du marquis de Louvois son fils, tous deux ennemis de Colbert, qui protégeait les protestants comme des sujets utiles, enfin l’intérêt particulier de Louvois, ministre de la guerre, qui était atterré, dit Saint-Simon, par le poids d’un armistice de vingt années, à peine commencées, et qui voulait rendre ses troupes nécessaires par la persécution des huguenots, (elles furent les causes des dragonnades de 1683 et 1684. […] On voit que madame de Maintenon n’y était pour rien : c’est ce que pensaient le duc de Saint-Simon et Voltaire ; l’un, détracteur impitoyable de cette femme illustre, l’autre, ennemi juré de toute persécution, ardent ennemi du fanatisme religieux. […] Victorieux depuis qu’il régnait, n’ayant assiégé aucune place qu’il n’eut prise, supérieur en tout genre à ses ennemis réunis, la terreur « de l’Europe pendant six années de suite, enfin son arbitre et son pacificateur, ajoutant à ses états la Franche-Comté, Dunkerque et la moitié de la Flandre ; et ce qu’il devait compter pour le plus grand de ses avantages, roi d’une nation alors heureuse et alors le modèle des autres nations. » Les armées qui avaient conquis les pays dont sa longanimité rendait la plus grande partie par la paix de Nimègue, étaient florissantes, pleines de gloire et de confiance.
Toutes les femmes sont des animaux, ennemis jurés de notre repos. […] Indignés du secours qu’on venait de leur donner, ils mettent l’épée à la main, courent sur leurs ennemis, les poursuivent jusques dans Auteuil, et les voulaient tuer.