Armande, inconsciemment ou de propos délibéré, n’en a pas moins été, dix ans durant, l’instrument de son supplice, et, dans un corps épuisé, nous ne saurions douter que les ravages du désespoir et de la jalousie aient abrégé la vie de Molière. […] « Le corps, dit un témoin oculaire, pris rue Richelieu, devant l’hôtel de Crussol, a été porté au cimetière saint-Joseph et enterré au pied de la croix.
Est-il vraisemblable que Valère, encore sous les yeux du bourru, de l’argus qui l’observe, et dont il veut capter la bienveillance, permette à son valet de se clouer pour ainsi dire à lui, et que, la tête immobile, le corps droit, le jarret tendu, ils aillent, côte à côte, et comme deux soldats alignés, depuis le milieu d’une rue jusque dans leur maison ? […] Une stature colossale interdit à l’esprit, comme au corps, les mouvements prestes ; ils font plutôt souffrir qu’ils ne font rire : la nature avait formé Desessard exprès pour peindre les lourds Midas, et tous les ridicules de l’épaisse finance. […] Préville remplissait merveilleusement le rôle de Bourgeois gentilhomme, il y était gauche de corps et d’esprit, d’un bout à l’autre, mais gauche à faire plaisir, et voilà le difficile. […] D’après cela, mon cher habitué, parcourez la ville et la province, choisissez l’acteur le plus adroit à démentir son extrait de naissance, chargez-le de représenter l’amant de Lucile ; je n’ai pas besoin de le voir, de l’entendre ; je le devine d’avance, je le sais par cœur : c’est inutilement que, pour se donner une physionomie agréable, il aura soin de quarrer sa bouche et d’épanouir son visage, à l’aide d’un demi-sourire ; c’est inutilement qu’en parlant de son cœur, une main convulsive le cherchera sur toutes les parties de son corps, et, trop souvent, sans le trouver ; enfin, c’est inutilement que, pour paraître mieux pénétré de sa passion, et pour éluder les désagréments d’une voix aigre et chevrotante, il martèlera chaque syllabe des mots amour, tendresse, âme, sensibilité, de ces mots qui doivent voltiger avec tant de grâce sur la bouche d’un amant : vain et pénible effort !
Elle a envie de lui donner trois ou quatre coups d’épée, pour tirer tout le vin qu’il a dans son corps.
C’est un bon vieillard qui conseille à un pere de veiller de près sur sa fille, de l’enfermer, & de ne s’en fier qu’à lui-même ; & il lui dit ceci entre autres choses : Les femmes sont comme le verre Qu’il ne faut jamais éprouver S’il casseroit ou non en le jettant par terre ; Car on ne sait enfin ce qui peut arriver : Mais comme il casseroit selon toute apparence, Faut-il pas être fou pour vouloir hasarder Une semblable expérience Sur un corps qu’on ne peut souder ?
Vous étiez dieux aussi, jeunes gens, mêlés aux déesses joyeuses : Saint-Aignan, La Meilleraye, Maulevrier, Langeron, Thémines, Sillery, Fiesque, Coligny, Richelieu, danseurs choisis de Clio et de Melpomène, de Thalie et de Calliope, et autres cruautés aimables, mademoiselle de Praslin, et les trois Mazarins, suivies de tout le corps de la musique. […] vous n’avez sous ces ajustements qu’un vieux corps, une âme vide, un pauvre esprit, un fantôme, un mensonge, un copiste, un faux Shakespeare, un faux Schiller ! […] Et quand vous les avez toutes parcourues, il vous reste encore votre corps à assurer ; et une nouvelle compagnie enterre vos os dans ce jardin charmant — le cimetière de Londres !
Mais la pudeur ou la puderie, comme on voudra, à mesure qu’elle se développait, emplissait certains mots, pris un peu au hasard par elle, d’images ou libertines ou grossières, ou répugnantes, qui finissaient par faire corps avec la signification première du mot, si bien qu’elles s’éveillaient toutes à la fois quand il était prononcé. […] Ainsi, voilà un homme qui a passé sa vie à lutter contre une éventualité qui, pour lui, est la plus cruelle de toutes, et, pour s’en parer, il a pris la nature corps à corps ; il a chassé l’amour de son jeu et lui a dit : « Tu n’existes pas ; rien de plus aisé que de triompher de toi, ou même de s’en passer. » Et l’amour a repris l’offensive, et il l’a forcé, le couteau sur la gorge, à faire amende honorable et à dire : « Eh bien, je renonce à tout ce qui a été ma préoccupation depuis que j’ai l’âge d’homme ; je n’ai redouté qu’un malheur au monde, c’est d’être… trompé. […] Le père Provost, sans bouger de place, mais se levant sur ses pieds, et le corps à demi penché vers sa femme, d’un geste immense : Je vous le dis, criait-il, et il appuyait sur chacune de ces quatre syllabes ; puis, retombant sur ses talons, et faisant du buste un quart de conversion, comme s’il achevait un mouvement commencé : — Ma Sœur ! […] L’art de Molière, c’est d’avoir placé une personne de ce tempérament près d’un homme qui se croit malade, enfoncé dans la contemplation de ses maux, triste, maussade, atrabilaire, toujours une médecine dans le corps ou un lavement dans le ventre. […] J’aurais souhaité que ces jeunes gens à qui l’on a donné la charge de nous restituer Regnard y eussent apporté moins de soucis de correction, plus de verve et de diable au corps.
Épicarie comparaît au nom du corps des précieuses et plaide sa cause.
Rien n’est plus propre à la comédie que ces sortes de personnages, en qui un principe faux est devenu un travers d’esprit habituel, et qui sont au point d’être dans l’ordre moral ce que les corps contrefaits sont dans l’ordre physique. […] Ce ridicule a disparu, parce qu’il ne tenait qu’aux formes extérieures; mais l’esprit de corps qui ne change point, et tous les préjugés, tous les travers qui en résultent, ont fourni au poète observateur une foule de mots heureux, devenus proverbes, et qu’on cite d’autant plus volontiers, qu’ils sont encore aujourd’hui tout aussi vrais que de son temps.
La Médecine est déshonorée par les enfants de l’ignorance : sans dire précisément comme Sganarelle que le cœur est du côté droit & le foie du côté gauche, ils connoissent aussi peu la structure du corps humain que le Fagotier.