Dans Arlequin Valet étourdi, piece Italienne, on charge Arlequin de deux lettres ; l’une est pour Rosaura, l’autre pour Leonora.
J’eus le chagrin mortel de voir soutenir « qu’un Auteur sage doit, pour être plus sûr de réussir, ne placer dans chaque acte qu’une seule scene brillante & forte par sa situation ; que les autres doivent être faites seulement pour amener celle-là ; que dans les actes où il y a plusieurs grandes scenes, le spectateur, étourdi par des beautés qui se croisent mutuellement, les sent moins que lorsqu’il en voit seulement quelques-unes joliment enchassées, & distribuées avec prudence ».
Dans la fameuse scène de l’acte II de l’Etourdi, Anselme s’écrie en voyant Pandolfe qu’il croit mort : Ah ! […] Molière partit avec sa troupe, qui eut bien de l’applaudissement en passant à Lyon, en 1653, où il donna au public l’Étourdi, la première de ses pièces, qui eut autant de succès qu’il en pouvait espérer. […] Étourdi, acte I, scène VI. […] Voyez la note de l’acte IV de l’Etourdi, page 269. […] Ces acteurs ne faisaient pas partie de la troupe au moment de son départ de Paris ; mais Molière, s’étant arrêté à Lyon, où il donna l’Étourdi, y obtint un tel succès, qu’il fil tomber deux autres troupes dont les premiers acteurs s’empressèrent de se joindre à lui.
Je n’essaierai point de refaire l’admirable page de Port-Royal, où Sainte-Beuve a défini la tristesse de Molière ; il me suffira de dire qu’ayant commencé par la gaîté exubérante et sans arrière-pensée dans l’Étourdi et le Dépit amoureux, le poète s’achemine peu à peu vers la gaîté réfléchie et raisonneuse. […] Ce serait seulement après tous ces échecs qu’il se serait résigné à revenir au comique, et les deux pièces qu’il rapportait de province, l’Étourdi et le Dépit amoureux, lui auraient enfin valu le succès. […] C’est encore de Visé qui nous renseigne sur ce point, et de façon très complète : « Après le succès de l’Étourdi et du Dépit amoureux, son théâtre commença à se trouver continuellement rempli de gens de qualité ; non pas tant pour le divertissement qu’ils y prenoient (car l’on n’y jouoit que de vieilles pièces) que parce que, le monde ayant pris l’habitude d’y aller, ceux qui aimoient à se faire voir y trouvoient amplement de quoi se contenter ; ainsi l’on y venoit par coutume, sans dessein d’écouter la comédie et sans savoir ce que l’on y jouoit. » Il n’y a rien de tout à fait nouveau en matière de théâtre ; l’un des plus habiles directeurs qu’ait eus la Comédie-Française ne s’y prit pas autrement pour raffermir la fortune chancelante de la maison ; doucement attirée, la société élégante y vint par mode, et le grand public, suivant l’exemple, y vint par imitation et y resta par goût.
L’ÉTOURDI.
C’était un roi de vingt ans, lorsque Molière donna la première représentation de l’Étourdi à Paris ; un roi de trente-cinq ans, lorsque Molière joua le Malade imaginaire et mourut ; et quel roi, depuis cette aurore jusqu’à ce midi de sa fortune !
Il n’y a pas lieu non plus d’être sévère pour les personnages chimériques et irréalisables comme les esclaves de l’Etourdi et de l’Amour peintre 401, ou l’étrange garçon du Dépit amoureux 402.
Arlequin, valet étourdi, représenté à Saint-Germain-en-Laye le 2 avril 1682.
L’Auteur fait faire ici un personnage à Molière d’homme désintéressé et juste ; mais il me semble qu’il pouvait dissuader le jeune étourdi de prendre sa profession, sans lui en faire voir le ridicule et l’indignité : C’est, dit-il, la dernière ressource de ceux qui ne sauraient mieux faire, ou des libertins qui veulent se soustraire au travail : c’est enfoncer le poignard dans le cœur de vos parents, de monter sur le Théâtre : je me suis toujours reproché d’avoir donné ce déplaisir à ma famille : c’est la plus triste situation que d’être l’esclave des fantaisies des Grands Seigneurs ; le reste du monde nous regarde comme des gens perdus, et nous méprise.