L’état dans lequel il le trouve, l’effraie ; il en demande la cause à Julie. […] Vous voyez qu’à vous plaire il fait tout son possible ; De l’état de son cœur c’est la preuve sensible.
Ici, le grand poète, obéissant à son désir de peindre, de mettre en scène les hommes et les femmes livrés aux épreuves de la vie, aux luttes de conscience, et de faire sortir de leur exemple des leçons pour l’Humanité, se trouve réaliser instinctivement la haute pensée que des moralistes, comme Adam Smith, des philosophes, comme Comte, conçurent de nos jours à l’état abstrait. […] Le premier, celui sur lequel il revient sans cesse, est d’être simples : Monsieur Purgon a beau s’affubler d’une longue robe noire et parler latin, il n’en tue pas moins ses malades ; Monsieur Lysidas invoque Aristote et fait d’exécrables pièces ; le philosophe Pancrace est un âne avec toute son érudition ; Marphurius, qui feint de douter si le monde extérieur existe ou non, a besoin de quelques coups de bâton pour se souvenir qu’il existe des juges ; Trissotin, qui mêle en ses vers les calembours aux soupirs, est insupportable. — Molière dit à Arsinoé qu’elfe s’y prend un peu tard pour devenir prude ; à Dorante, ami de Monsieur Jourdain, qu’en dépit de ses belles manières et de son titre, il est un escroc ; à Don Juan, fils insolent, révolté contre toute idée de devoir individuel ou social, égoïste et méchant, au seigneur qui s’abaisse à user de son prestige pour intimider et congédier un créancier, au séducteur de Dona Elvire, repenti tardivement et s’en remettant hypocritement au ciel du soin de réparer ses fautes : « Apprenez que la vertu est le premier titre de noblesse, que je regarde bien moins au nom qu’on signe qu’aux actions qu’on fait, et que je ferais plus d’état du fils d’un crocheteur qui serait honnête homme, que du fils d’un monarque qui vivrait comme vous » ; Clitandre, amant d’Angélique et plein de mépris pour le roturier Georges Dandin : « Vous avez une étrange façon de mentir et de vous parjurer, pour un gentilhomme !
De même Ariste a élevé Léonor avec une philosophie très indulgente ; elle a vu « les belles compagnies, les divertissemens, les bals, les comédies ; » on lui permet de satisfaire ses goûts d’élégance, de « dépenser en habits, linge et nœuds. » Il est, ce rôle d’Ariste, plein d’une franchise de brave homme, d’une bonté sereine et douce, avec une pointe de mélancolie ; et les beaux vers qui le composent, d’un tour si net et d’un mouvement si aisé, ont jailli sans effort du cœur du poète, car ils traduisaient l’état de son âme. […] Molière en convenait, mais en ajoutant : « Je suis accoutumé à ses défauts, et il faudrait que je prisse trop sur moi pour m’accommoder aux imperfections d’une autre ; je n’en ai ni le temps ni la patience. » Il y a bien des choses dans ce peu de mots : de la tristesse, de la résignation, le dédain amer de soi-même et d’autrui, peut-être aussi cette espèce d’inconscience qui résulte de certains états d’esprit et de certaines situations. […] Sa femme est près de lui et s’efforce à le calmer ; sincèrement affligée de l’état où elle le voit, elle le raisonne comme un enfant ; si Chalussay lui prête quelques duretés de parole, c’est qu’il en veut à tout ce qui touche Molière et qu’il tient à ne pas représenter sous un aspect trop sympathique la femme de son ennemi.
De plus, le roi avait publié, en 1641, une déclaration par laquelle il défendait que l’état de comédien pût être désormais imputé à blâme, et préjudiciât à la réputation du comédien dans le commerce public. […] sont bien en état de l’entendre ! […] Molière ne les attaqua pas seulement dans une compagnie ; il vit qu’ils existaient partout, dans tous états, sous tous habits. […] Environ ce temps-là une coureuse, nommée la Raisin, directrice ambulante d’une troupe d’enfants, ruinée par suite de désordres, comptant sur la générosité de Molière, vint le prier de lui prêter son théâtre pour trois représentations seulement, afin de pouvoir, par le gain qu’elle espérait y faire, remettre sa troupe en état. […] Boileau, tout attendri, ne put s’empêcher de lui dire, avec des larmes dans les yeux : « - Mon pauvre Monsieur Molière, vous voilà dans un pitoyable état.
J’observe dans les Femmes savantes des traces de l’état pathologique de Molière, qui du reste n’ôtait rien à son génie. […] Je le veux bien ; mais comme dans la neurasthénie à l’état ordinaire il entre beaucoup d’un travers qui consiste à s’exagérer ses maux et du reste à exagérer tout ce qui peut nous chagriner, il y a une telle part d’imagination dans la neurasthénie que le neurasthénique est un malade au moins à moitié imaginaire. […] La nature enseigne et inspire des états d’âme bien divers. […] On dira peut-être plus tard que vous n’êtes point malade imaginaire, que vous êtes vraiment malade, d’une maladie qui tient des vapeurs, de l’état des nerfs, il est possible, je n’entre guère dans ces subtilités de la science ; je vois en vous un simple poltron qui a peur de la mort comme Orgon a peur de l’enfer. […] Il est sensuel, curieux et avide de mettre dans sa vie le plus de sensations neuves possible, et c’est déjà le libertin, mais le libertin jeune dont le libertinage ne vient pas de la méchanceté, ou dont la méchanceté est encore à l’état latent : « Quoi ?
Il ne s’était pas mis hors d’état de reparaître, fût-ce les jours des Italiens, sur une scène qui leur était commune avec les Comédiens-Français et qu’il s’était fermée lui-même par son inqualifiable procédé envers Molière. […] La situation de Racine était assez embarrassée pour qu’il n’eût pas d’objection à faire lorsque sa famille l’envoya dans le Languedoc prendre, auprès d’un de ses oncles, l’habit ecclésiastique, et se mettre en état d’être pourvu d’un bénéfice. […] Molière ne l’offrit pas autrement au public du Palais-Royal, puisqu’il la laissa telle qu’elle était : le premier acte en vers ; le reste, ou peut s’en faut, à l’état de canevas. […] Il y eut un mouvement de joie générale ; la recette se releva ; mais, deux jours après, l’état de la reine recommençait à inspirer des craintes. […] Il est certain qu’elle éprouvait une déception d’autant plus vive que les événements politiques, compliqués d’un état alarmant de la santé publique, ne lui permettaient pas de s’éloigner.
Une licence épouvantable règne partout, et les magistrats qui sont établis pour maintenir l’ordre dans un état, devraient mourir de honte en souffrant un scandale aussi intolérable que celui dont je veux parler… N’est-ce pas une chose horrible, une chose qui crie vengeance au ciel que d’endurer qu’on dise publiquement la forme d’un chapeau.
Messieurs, si vous voulez absolument remplir le théâtre, & figurer seuls sur un lieu destiné à tous les états, souffrez qu’on vous y fasse voir tels que vous êtes, tels même qu’il le faut pour faire aller la machine dont vous voulez seuls faire mouvoir les ressorts.
Je pourrais encore dire qu’il connaît les Ennemis qu’il a à combattre, qu’il sait l’ordre de la bataille, qu’il ne les attaquera que par des endroits dont il sera sûr de sortir à son honneur, et qu’il se mettra en état de ne recevoir aucun coup qu’il ne puisse parer.