En contrastes fécond, le siècle où tu naquis, S’il eut ses grands héros, eut ses petits marquis, Ses faux savants gonflés de leurs minces mérites, Ses méchants écrivains, ses dévots hypocrites. […] De l’hôtel Rambouillet le héros favori, Cotin, le grand Cotin, Boursault et Montfleuri Lançaient contre tes mœurs d’injurieux libelles, Ou même décriaient tes œuvres les plus belles. […] Si tu voyais les Arts, courtisans de Louis, Du faste de son règne esclaves éblouis, Demander leur salaire à son royal caprice, C’est le peuple à présent dont la main protectrice, De ses dignes élus sanctifiant les droits, Couronne les héros, les poètes, les rois.
Au premier acte, un mariage se fait ; au second, le héros de la piece naît ; au troisieme, il est grand garçon ; au quatrieme, il est amoureux ; au cinquieme, il épouse une jeune personne qui, vraisemblablement, n’étoit pas née avant l’ouverture de la scene. […] Wicherley, le héros paroît, s’embarque, fait une campagne, revient, & tout cela sans que le spectateur ait changé de place. […] Mais on doit prodiguer des éloges à ce même Moliere, qui, dans moins de vingt-quatre heures, nous fait voir son héros refuser le nécessaire à ses enfants, conseiller à son fils, qui se trouve mal, de boire un verre d’eau, parceque l’eau ne coûte rien ; donner sa fille à un vieillard, parcequ’il la prend sans bien ; cacher son argent, prêter à usure, ordonner un repas mesquin, donner ordre qu’on ne frotte pas trop fort les meubles crainte de les user, & qu’on ne presse pas trop les convives de boire ; vouloir se pendre s’il ne trouve pas la cassette qu’on lui a volée, renoncer enfin à son amour, & consentir à donner sa maîtresse à son fils, si on lui rend son argent, & si l’on lui fait présent d’un habit neuf. Tous ces traits, s’ils n’arrivent pas à un homme dans l’espace de vingt-quatre heures, peuvent cependant arriver, sans choquer la vraisemblance ; aucun ne jure avec l’âge, l’état & le caractere actuel du héros.
Notre héros néglige tout cela pour dire en passant un quolibet à Criseis. […] Il semble que Regnard se soit étudié à choisir un fonds excellent, & à mettre son héros dans des situations qui promettent les moralités les plus essentielles, & tout cela pour tromper l’espérance du spectateur. […] Dans la derniere de ces pieces, le héros trouve entre les mains de sa femme le portrait d’un jeune homme ; un instant après, il voit dans sa maison l’original du portrait. […] Le poëte tragique fut désespéré de perdre le cœur de son héroïne favorite. […] Alexandre, ce Prince qu’on nomme un héros parcequ’il fut le plus destructeur des hommes, Alexandre, dis-je, avoit le cou un peu tendu en avant ; ses courtisans affectoient de porter la tête comme lui.
On ne sauroit définir le caractere de l’héroïne ; c’est une espece de Malade imaginaire, ou plutôt une folle, une imbécille, qui joint au ridicule de se croire malade sans l’être, un amour extravagant, & qui joue pendant toute la piece un rôle dégoûtant, ennuyeux, insipide. […] Ariste, le héros de cette comédie, lui ressemble beaucoup : c’est un misérable, sans mœurs, sans délicatesse, sans probité, qui se fait un jeu de nier les dépôts, qui paie ses dettes en jurant qu’il ne doit rien, qui veut séduire toutes les femmes. […] On pourroit encore reprocher à l’Auteur d’avoir fait une troisieme & mauvaise copie du Tartufe dans son Faux Sincere, puisque le héros n’affecte beaucoup de franchise que pour enlever un dépôt, & que l’Auteur, en peignant le caractere de son héros, nous dit : Hypocrite en franchise est à-peu-près le mot.
Le comique naît encore de la simplicité de l’héroïne, qui blesse mortellement son jaloux sans penser faire le moindre mal, & le lui avoue avec l’ingénuité la plus piquante. […] A ce discours, ami Lecteur, Vous ne croiriez jamais, sans avoir quelque honte, Que l’héroïne de ce conte Fût propre femme du Docteur ? […] Moliere fait mettre comme Scarron son héros dans un fauteuil, & lui donne un ton de pédant. Il place aussi devant lui l’héroïne, qui, se tenant debout, le regarde entre deux yeux, & fait la révérence lorsqu’Arnolphe lui parle de l’honneur qu’il lui fait en l’épousant, & du courroux du ciel lorsqu’on trompe son mari. […] Il lui doit, comme nous l’avons vu, la matrone & ses discours : il lui doit l’opposition sublime d’une fille simple avec un Jaloux qui se croit fort rusé : il lui doit la morale amenée naturellement par les malheurs que le héros éprouve en préférant une sotte à une femme d’esprit.
Mascarille & Jodelet s’introduisent chez les Précieuses sous les titres de Marquis & de Vicomte, charment les héroïnes par leur abord familier, une parure outrée, de grands airs, un jargon affecté. […] Leurs valets, qu’ils emploient à leur vengeance, sont bien plus propres à punir l’orgueil déplacé des héroïnes, que le pensionnaire du pédant.
L’héroïne italienne va droit au but et appelle les choses par leur nom ; elle reproche à son jaloux la passion qui aveugle; l’héroïne française parle de l’erreur du trouble où elle le voit. […] Déjà dans le roman de la Rose, le personnage de Faux-Semblant fait songer au héros de Molière. […] Mais quelle différence entre le duc de La Rochefoucauld et le héros de Molière ! […] Ainsi le modèle que nous propose Molière n’est pas le héros inflexible de Corneille; il a plus de rapports avec le parfait cavalier des héroïnes de Racine. […] Il n’y avait pas place à côté de Tartuffe pour un héros de sa taille.
Par exemple, dans la même piece de George Dandin, & dans la même scene que je viens de citer, le héros dit à M. de Sotenville : Oh bien ! […] & Mad. de Sotenville exaltent moins la vertu des héroïnes de leur famille, le trait n’est plus rien ; preuve qu’il doit tout à la situation, & qu’il tient tout-à-fait à la scene. […] Ils nous font rire dans un temps où la scélératesse du héros jetteroit indubitablement du noir dans notre ame.
Il faut d’abord que le Lecteur connoisse à fond le héros de la piece. […] Nous avons dit ailleurs qu’un Auteur devoit donner à son héros l’âge où sa passion, son vice, son ridicule ont ordinairement le plus de force ; mais ne pourroit-on pas aussi, à l’exemple des Italiens qui font plusieurs pieces sur le même sujet pour suivre une intrigue, ne pourroit-on pas, dis-je, faire plusieurs pieces pour épuiser un caractere, en nous peignant sa naissance, ses divers progrès, & sa fin ? […] On rendroit le héros plaisant en lui faisant faire des efforts pour rappeller ses anciennes graces auprès d’une jeune personne qui en riroit, & ne l’avertiroit que trop bien, par son indifférence, de se ménager une retraite honorable.
Voilà notre héroïne bien satisfaite, quand Sganarelle la surprend, ainsi que le spectateur, par une idée tout-à-fait naturelle, il veut ouvrir la lettre, & dit : Bon ! […] Melpomene en a beaucoup plus que sa sœur, graces au poignard que ses héros & ses héroïnes portent toujours à leur côté par provision : mais Thalie n’en manque point.
L’héroïne n’y est point nue, un Satyre n’est pas prêt à la violer ; mais il y a dans le dialogue des détails très lestes, sur-tout lorsque l’Amour, en faisant l’exercice, bande son arc, & qu’il attend, dit-il, d’être dans le bois pour lâcher son trait. […] « J’ai chanté les bergers, les laboureurs & les héros. […] Je ne le rapporterai pas, mais j’essaierai de peindre ce Philosophe singulier par des anecdotes qui, en amusant le lecteur, feront bien mieux connoître le cœur, l’esprit, les sentiments du héros.
Imitons Moliere : tous les héros de ses pieces à caractere ont des caracteres principaux, témoins son Misanthrope, son Imposteur, son Avare, ses Femmes savantes, son Prince jaloux même ; aucun héros de ces différentes comédies n’est caractérisé par des demi-teintes, & des nuances seulement. […] Cette scene est de la plus grande beauté, & elle ne doit, ainsi que plusieurs autres, tout son mérite qu’à la contrainte où se trouve le jaloux, qui n’ose le paroître : je conviens de tout cela ; mais le Lecteur intelligent doit convenir aussi que Dufresny s’est mis volontairement des entraves qui l’ont forcé de donner le même ton à-peu-près à toutes les scenes de son héros, au lieu que s’il eût tout uniment fait le Jaloux, il auroit pu mettre le Président tantôt dans une situation qui lui auroit permis de laisser voir son caractere à découvert, tantôt dans une autre qui l’auroit forcé de se déguiser comme Harpagon, l’inimitable Harpagon, qui dans un moment dévoile toute son avarice aux yeux de ses enfants, de son intendant, de Maître Jacques, & la déguise ensuite de son mieux en présence de sa maîtresse, lorsque son fils le poignarde en lui arrachant la bague qu’il a au doigt pour la donner à l’objet qu’il aime.
Le Héros enchaîné par le decorum de la divinité est sur la scene pour donner des conseils, recevoir des plaintes, débiter des moralités ou des épigrammes, & point du tout pour être de moitié dans aucune espece de rivalité avec de simples mortels. […] Dites à votre Héros, Air : Branle de Metz. […] J’ai cité de préférence cette piece, non qu’elle soit parfaite dans son espece, puisque malgré le champ vaste qui se présentoit à l’Auteur, ses acteurs n’y font que lire des titres ou des almanachs, ce qui rend les épigrammes très monotones, & ennuyeuses par conséquent, puisque la Divinité qui est censée être l’héroïne de la piece, & qui pourroit dire les choses les plus fines, les plus ingénieuses, n’y dit rien ; puisqu’enfin la partie morale, qui devroit être excellente dans un siecle où les choses les plus sérieuses sont du ressort de la frivolité, se réduit à sept à huit vers, excellents à la vérité, mais ridicules dans la bouche du Chevalier avec le caractere duquel ils jurent.
Elle reconnoît l’objet de son amour dans le héros qui lui sauve la vie. […] Le héros lui secoue si fort le bras, qu’il les cede bien vîte ; mais il enferme Samson à triple tour : celui-ci force les portes, & les met sur ses épaules avec son pere. […] Le héros ne peut rassurer son amante qu’en lui confiant le secret de sa force : elle consiste dans ses cheveux. […] Sigismond est frappé de sa beauté, il s’écrie : Elle a dans un instant changé mon caractere : Le seul son de sa voix a dompté ma fureur ; La douceur de ses yeux a passé dans mon cœur : Elle vient de verser dans mon ame charmée Le desir de la gloire & l’oubli de mes maux ; Pour la seule vertu je la sens enflammée : Et d’un tyran, en moi, l’amour fait un héros.
Sans doute, il ne faut pas être médiocrement libre penseur pour attaquer aussi ouvertement l’hypocrisie et pour ne pas craindre de mettre le blasphème dans la bouche de son héros. […] C’est que Boileau tenait à honneur d’être le héros de la scène du sonnet et d’en avoir fourni lui-même à Molière le modèle dans une scène semblable, à laquelle celui-ci avait assisté15. […] Mettez un héros de Corneille en face d’une jolie femme, d’une reine de salon, et dites-nous qui aura raison des deux. […] C’est un héros de Corneille au sein d’une société frivole, un héros rongeant son frein, vaincu, raillé, humilié par une Dalila sans pitié. […] On retrouve encore dans Le Demi-Monde la scène de la jalousie ; de part et d’autre, c’est une lettre compromettante qui met aux prises les deux amants ; de part et d’autre, l’héroïne se joue du héros : d’un côté, en n’avouant rien ; de l’autre, en avouant tout.
Le caractere de l’héroïne est beau : les motifs & les moyens principaux y sont puisés dans le sentiment : les degrés des passions y sont traités avec des nuances très fortes & même très délicates ; elles annoncent, dans l’Auteur, toutes les finesses de son art : les situations sont intéressantes : il y a des scenes où le cœur de l’homme est développé en entier. […] Mais si Marivaux avoit conservé à sa Marquise le caractere de la premiere héroïne, il eût été obligé de faire de la dépense en sentiment, & tout le monde sait qu’il n’avoit que de l’esprit. […] Oui, cette passion, de toutes la plus belle, Traîne dans un esprit cent vertus après elle : Aux nobles actions elle pousse les cœurs, Et tous les grands héros ont senti ses ardeurs. […] N’avez-vous pas assez honoré celles d’un époux, en repoussant les vœux de tous les Monarques & de tous les Héros de l’Afrique & de la Libye ?
Ici la scene de raccommodement est, quant au fond, fort semblable à la latine : les deux héros ne se ressemblent pourtant guere. […] Moliere l’a fondu non seulement tout entier dans une scene, mais il a encore su ennoblir son héros, le faire parler & agir en Général d’armée. Chez Plaute, Amphitrion se félicite & se fait féliciter par ses amis de la fortune qu’il va faire : chez Moliere, Amphitrion est un héros qui, remplacé par un Dieu dans le cœur de sa femme, est accablé par la toute-puissance, gémit en secret, & va cacher sa honte. […] Non pas cela, mais pour achever le héros qu’il a commencé. […] Cependant mes chevaux deviendront rétifs, faute d’exercice, & il naîtra des épines dans la carriere du soleil ; les hommes languiront dans les ténebres : & tout cela pour bâtir ce beau héros !
Il n’en est pas ainsi des incidents qui nouent l’action de Pourceaugnac ; ils sont tous favorables aux amants, & contraires au héros. […] Il a paré le coup en grand maître ; il n’est pas un seul de ces incidents qui ne serve au dénouement, puisque tous tendent à faire prendre la fuite au héros qu’on veut chasser.
On veut profiter de l’absence du héros pour déterminer l’héroïne à épouser le Docteur. […] Il la fait remarquer au Maréchal, & lui dit ensuite, avec un air de vérité, que notre héroïne étant un jour à table, en déshabillé, devant une jatte de crême qu’elle distribuoit à son mari & à ses enfants, une épingle, trop foible pour soutenir un énorme poids, avoit laissé tomber sa gorge, & qu’afin de ne point scandaliser ses gens, ses enfants & leur précepteur, elle avoit été obligée de la relever bien vîte pêle mêle avec ses larcins.
Riccoboni ne connoissoit donc pas le théâtre de Boursault : s’il avoit pris la peine de le parcourir, il y auroit vu le Mercure galant 6 ou la comédie sans titre, en cinq actes en vers, dans laquelle la plupart des acteurs viennent uniquement pour faire parler d’eux dans le Journal du mois ; il y eût trouvé les Fables d’Esope, comédie en cinq actes en vers, dans laquelle les divers personnages qu’on y voit sont amenés par la curiosité de consulter Esope, qui les renvoie en leur récitant une fable analogue à leurs demandes ; il y auroit vu encore Esope à la Cour, comédie en cinq actes en vers dans le genre des Fables d’Esope, avec cette différence que le héros de la premiere donne ses audiences à la Ville, & l’autre à la Cour. […] Dans le Mercure galant le héros ou son valet s’amusent aux dépens des divers personnages qui se succedent sur la scene ; le spectateur n’y rit que de leurs ridicules : ici la chose est bien différente, chaque fâcheux empêche Eraste ou d’aller joindre une maîtresse adorée dont il est attendu avec impatience, ou de s’informer si elle lui est réellement infidelle, ou de s’excuser d’une perfidie dont on l’accuse. […] Moliere, qui a senti combien cela étoit forcé, a vainement essayé de prévenir la critique, en faisant dire au héros : Sous quel astre, bon Dieu !
Il avait, de son vivant la taille des héros d’Homère, vingt coudées ! […] Il a fait un héros comique, de Tartuffe ! […] Cette Thaïs qui parle si bien d’amour, soyez-en sûrs, elle ne sera pas inutile à la Didon, l’héroïne du quatrième livre. […] Faites-en autant que Regnard, même sans piano, et vous passerez pour un héros de l’amour. […] Don Juan est gentilhomme ; nos héros sont à peine chevaliers.
je vous prie, si ce travail eût été fait, des mille nuances de la vie humaine, seulement à partir d’Aristophane ou seulement à partir de Théophraste, quelle histoire plus variée à la fois et plus charmante, avec un plus grand nombre d’événements, d’enseignements, de héros, de personnages ! […] si l’on peut dire, aujourd’hui, comment Paris sera vu et jugé dans cent ans, nul ne peut savoir de quelle comédie il sera le héros, de quel drame il sera la victime ! […] Nos grands hommes, autant de marionnettes dont le fil est tenu par des mains déliées et cachées ; héros, tant qu’ils obéissent aux passions populaires, martyrs, s’ils veulent briser cet esclavage ! Ces grandeurs passagères, un rien les crée, un rien les tue ; — aujourd’hui a disparu le héros de la veille, et le lendemain (décoration nouvelle !) […] Elle a salué toute cette foule enthousiaste avec une dignité bien sentie ; ses adieux ont été simples, touchants, sérieux ; elle tenait son cœur à deux mains, et elle aussi elle aurait pu dire comme cette héroïne de Corneille : — Tout beau, mon cœur !
Il est inutile de passer en revue tous les exploits parfaitement comiques, quoique pendables, de ce héros qui veut Qu’au bas de son portrait on mette en lettres d’or : Vivat Mascarillus, fourbum imperator ! […] C’est le héros de notre siècle pour les exploits dont il s’agit : un homme qui, vingt fois en sa vie, pour sauver ses amis, a généreusement affronté les galères ; qui, au péril de ses bras et de ses épaules, sait mettre noblement à fin les entreprises les plus difficiles ; et qui, tel que vous le voyez, est exilé de son pays pour je ne sais combien d’actions honorables qu’il a généreusement entreprises. […] C’est en 1671, dans toute la force de son génie, quand il ne manque plus à ses chefs-d’œuvre que les Femmes savantes et le Malade imaginaire, que Molière donne les Fourberies de Scapin, et qu’il exalte un héros de la même volée que Mascarille et Sbrigani, roi de la pièce d’un bout à l’autre, qui dresse les fils de famille à courir les filles258 et à insulter leurs pères259, qui vole plus effrontément que tous ses prédécesseurs260, avec un entrain si victorieusement comique qu’il est impossible à l’âme la plus ferme de résister au fou rire causé par le mulet et la galère 261, et de n’être pas, malgré tous les principes, enchantée de voir réussir ces admirables fourberies.
Dans Pourceaugnac, Sbrigani rapporte à Julie & à Eraste tout ce qu’il sait de son héros. […] Enfin il en est fou ; c’est son tout, son héros ; Il l’admire à tous coups, le cite à tous propos : Ses moindres actions lui semblent des miracles, Et tous les mots qu’il dit sont pour lui des oracles. […] Le héros des Fourberies de Scapin, qui ne doit briller que par ses fourberies, ne vante que son adresse dans son portrait qu’il fait lui-même. […] Vos affaires ne pouvoient être mises en de meilleures mains, & c’est le héros de notre siecle pour les exploits dont il s’agit : un homme qui, vingt fois en sa vie, pour servir ses amis, a généreusement affronté les galeres ; qui, au péril de ses bras & de ses épaules, sait mettre noblement à fin les aventures les plus difficiles ; & qui, tel que vous le voyez, est exilé de son pays, pour je ne sais combien d’actions honorables qu’il a généreusement entreprises.
Et, comme si c’était de sa part un parti pris d’amoindrir la portée de la catastrophe, il fait intervenir la statue vengeresse à point nommé pour empêcher la conclusion d’une des mille et une amourettes du héros, vraie peccadille assurément dans une vie aussi abominable. […] La figure même de don Juan, et c’est là le point capital, sort d’un tout autre mode de création que celles des héros ordinaires de nos comédies classiques. […] Il fait débuter son héros par le parricide.
Regardez donc favorablement, ô très ridicule héros, ce combat scolastique, et, par vos effroyables grimaces, défendez-moi de celles de nos trop critiques savants. […] Pendant ces années qui précédèrent immédiatement le retour de Molière à Paris, les Italiens eurent une grande vogue ; ils étaient les héros comiques du moment ; on leur faisait jouer des scènes burlesques, même à la ville, et hors du théâtre. Loret, dans La Muse historique, raconte ou invente, sous la date du 14 février 1654, l’anecdote suivante dont le docteur Lolli et le Pantalon Turi sont les héros : Baloardo, comédien, Lequel encor qu’Italien N’est qu’un auteur mélancolique, L’autre jour, en place publique, Vivement attaquer osa Le Pantalon Bisognoza, Qui pour repousser l’incartade, Mit soudain la main à l’espade, Et se chatouillèrent longtemps Devant quantité d’assistants ; Qui, croyant leur combat tragique N’être que fiction comique, Laissèrent leurs grands coups tirer Sans nullement les séparer.
Les Femmes Savantes, comédie en cinq actes, & en vers, comparée, pour l’un des caracteres, avec une des héroïnes des Visionnaires de Desmarets. […] Il en a fait la base comique de plusieurs scenes, & met sa folle dans des situations bien plus piquantes, en substituant à la sœur de l’héroïne l’homme même qu’elle croit épris de ses charmes, qui lui répete qu’il ne l’aime point, qu’il est amoureux d’une autre, qui le lui jure, & qui ne peut le lui persuader.
Le héros lui-même la raconte. […] Dans la comédie des Graces, l’Amour, attaché à un arbre par les Nymphes qu’il veut surprendre, est en butte à leurs railleries, & il les prie en vain de lui laisser un bras libre, comme le héros de l’histoire : il les menace comme lui de s’endormir, & leur dit que cela ne leur fera pas honneur.
L’héroïne raconte qu’elle a fait semblant de tomber, & qu’un jeune homme a profité de cette occasion pour lui remettre un billet en lui donnant la main. […] Dans l’Ecole des Maris, Isabelle se fait servir dans ses amours par une personne qui croit voir en elle l’honneur le plus rigide, & c’est d’après les héroïnes de Bocace, de la Fontaine, de Dorimon, de Lopès de Vega ; mais les trois premieres sont mariées, & font faire leurs messages amoureux, l’une par son confesseur, la seconde par une parente de l’amant, la troisieme par son précepteur. […] Il faut encore remarquer que les héroïnes de Bocace, de la Fontaine, de Lopès de Vega, de Dorimon, font très indécemment des avances à des hommes qui ne songent point à elles : Isabelle répond à une passion dont elle connoît toute la sincérité ; témoin ces vers : ACTE I.
Ce gouverneur d’Euryale, qui, au lieu de blâmer ou de réprimer les tendres sentiments de son élève, les justifie et les encourage, lui confesse qu’il s’inquiétait jusque-là de voir qu’un jeune prince, en qui brillaient tant de belles qualités, ne possédât pas la plus précieuse de toutes, ce penchant à l’amour, qui peut tout faire présumer d’un monarque, et auquel les héros doivent leurs plus grandes actions, mais lui déclare que, rassuré par la passion dont il vient de lui faire l’aveu, il le regarde à présent comme un prince accompli ; cet Arbate, dont le langage convient si peu à son grave emploi, parle en courtisan de Louis XIV, charmé des faiblesses de son maître, et empressé de les flatter, dans l’espoir d’en tirer parti pour sa fortune, ou du moins pour ses plaisirs. […] L’organe du parti fut un sieur de Rochemont, avocat en parlement, qui publia, sous le titre d’Observations sur le Festin de Pierre, un odieux libelle où Molière était dénoncé au roi et à l’église comme un athée, un scélérat pire que son héros, et digne plus que lui de tous les châtiments de la justice humaine et de la justice divine. […] Quant à l’action elle-même, elle n’est formée que d’une succession d’incidents qui n’ont aucune liaison entre eux, et n’aboutissent pas même à un terme commun : on dirait que l’auteur, en outrant sur ce point la licence du théâtre espagnol, a voulu peindre en partie, par le mouvement capricieux de l’intrigue, l’humeur changeante et vagabonde de son héros, qui se pique d’aller de belle en belle, et de les abandonner l’une après l’autre pour toujours.
Dans notre admiration pour le poète et pour son héros, en effet, nous avons été jusqu’à identifier la créature et le créateur. […] On l’approuve d’un air accablé ; on maudit avec lui cette société gangrenée qui le fait souffrir ; c’est un héros, c’est un saint ; tranchons le mot, un tragédien. […] C’est elle qu’on veut qu’il ait maudite en public, au dénouement du Misanthrope, mettant dans la bouche de son héros le cri de ses douleurs et la condamnation de son mépris : — ce que, pour ma part, je. ne crois ni très prouvé, ni très vraisemblable. […] S’il y a dans l’aveu quelque franchise, ce qui l’apparente avec les façons d’Alceste, il y a aussi, convenons-en, une immodestie qui n’est pas trop dans le caractère de notre héros. […] que nous voilà loin du héros qu’on rêve en Alceste !
Je ne parle pas de l’Ecole des Femmes & de l’Ecole des Maris, parceque les héros de ces pieces n’ont pas de caracteres décidés ; ils n’ont que des nuances de plusieurs autres caracteres, du Jaloux, du Bourru, &c. […] La franchise, l’honnêteté, la crédulité y sont continuellement en contraste avec la scélératesse & l’imposture ; mais ce même contraste qu’on oppose au héros, est partagé entre plusieurs personnages ; aussi aucun d’eux n’écrase-t-il le principal.
Les murs auraient amplement contenu Toute sa vie…………………………… Au fond du temple on eût vu son image, Avec ses traits, son souris, ses appas, Son art de plaire et de n’y penser pas… J’aurais fait voir à ses pieds, des mortels, Et des héros, des demi-dieux encore, Même des dieux : ce que le monde adore Vient quelquefois parfumer ses autels. Les mortels, les héros, les demi-dieux, les dieux dont parle La Fontaine, comme composant la société de madame de La Sablière, étaient les Chaulieu, les Lauzun, les Rochefort, les Brancas, les La Fare, les de Foix, et, entre plusieurs étrangers illustres, Jean Sobieski, lequel fut depuis roi de Pologne.
Juan, dans laquelle Molière avait peint, avec trop d’énergie peut-être, la scélératesse raisonnée de son héros, éleva les clameurs des hypocrites et des faux dévots.
Je vais plus loin : tout le monde sait que la piece du Joueur n’est pas intéressante, & je soutiens que c’est parceque le héros n’est pas riche, & que, toujours mesquin dans ses pertes & dans ses gains, sa bonne ou sa mauvaise fortune peut affecter seulement son valet, sa selliere & son tailleur. […] Qu’on donne dix ans de moins à celui-ci, il cesse d’être ridicule, par conséquent d’être comique ; dix ans de plus à l’héroïne, loin d’être intéressante, elle n’est plus qu’une femme ordinaire, qui, sans savoir ni pourquoi ni comment, & guidée par son seul caprice, donne la préférence à un homme sur un autre : la piece cesse en même temps d’être morale, puisqu’elle n’offre plus le tableau d’un amour mal assorti, & de ses ridicules. […] Le cœur de l’héroïne résiste à cet attrait séducteur, qui éblouit tant de femmes ; elle compare la prudence, l’honnêteté de son tuteur, avec l’étourderie, l’impertinence de l’amant qu’on lui destine, & son cœur donne la préférence au premier. […] Cléon veut dire un homme qui se distingue, qui s’illustre : le héros du Dissipateur s’illustre, se distingue par sa dépense.
Tout petit qu’était Molière par sa naissance et par sa profession, j’ai rapporté des traits de sa vie que les Personnes les plus élevées se feraient gloire d’imiter ; et ces traits doivent plus toucher dans Molière que dans un Héros. […] « Je crois, dit-il, que le tout ensemble a coûté à l’Auteur ; il a travaillé son Ouvrage avec autant de soin que si c’était la Vie d’un Héros. » Je ne l’ai donc pas broché, comme il le prétend dans un autre endroit. […] Si elle ne l’est pas, c’eût été le calomnier, Mais la belle morale que mon Censeur débite à cette occasion, est inutile pour moi ; car je lui déclare que je ne connais point son Provençal, et que les rares qualités qu’il lui donne me le font encore plus méconnaître ; car je m’en rapporte beaucoup plus au jugement de Molière, qui était Connaisseur, qu’à tout ce que le Censeur nous dit de son Héros ; et pour lui faire voir que je n’y entends point finesse, qu’il le nomme, je veux bien être chargé de la confusion de l’avoir mis sur la Scène dans la Vie de Molière, supposé que je n’aie pas rapporté la vérité. […] dira peut-être mon Censeur, comme vous parlez de Molière, il semble que ce soit un Héros !
D’Ancourt ne borne pas là ses plagiats & sa mal-adresse : n’a-t-il pas l’effronterie de donner à l’héroïne de sa piece le caractere du Tartufe ? […] Le héros, sot comme le Limousin de Moliere, vient épouser une fille qui ne l’aime point. […] D’Ancourt a sauvé la premiere indécence en donnant à ses amants un but légitime, & une suivante à son héroïne ; mais les coups de bâton lui ont paru trop plaisants pour les ôter : il a trouvé tout simple que la pupille se vengeât ainsi des ennuis que son tuteur lui causoit. […] Remarquons que Julien, n’ayant pas encore contracté son second mariage, doit nous paroître bien moins scélérat que la Pivardie : il est plus propre par conséquent à figurer dans une comédie ; il finit même par devenir intéressant, quand, moins cruel que l’héroïne de la seconde histoire, il se montre dès qu’il sait qu’on fait le procès à sa femme, & n’a pas le courage de la laisser plus long-temps dans le chagrin. […] Ce que nous venons de lire nous rappelle aisément la scene dans laquelle Eraste, feignant de connoître la famille de Pourceaugnac, l’engage à nommer tous ses parents l’un après l’autre ; mais si la scene de Pourceaugnac est forcée, celle-ci est tout-à-fait contre nature, puisque Julien s’apperçoit que l’Epine veut lui tirer les vers du nez, qu’il projette de ne rien dire, qu’il est bien plus intéressé que Pourceaugnac à se taire, & qu’il n’est pas stupide comme le héros de Limoges.
Mais avec un peu de réflexion, l’on verra que le héros de la pièce italienne, en passant en France, a pris cette grâce, cette amabilité, cette galanterie si naturelles à sa nouvelle patrie. […] Dans Boccace, l’héroïne est mariée, Molière nous épargne cette indécence. […] Félicitons Molière d’avoir substitué, à l’héroïne hébétée et rebutante de Scarron, une jeune personne intéressante par sa simplicité même. […] et voilà ce qu’il fallait pour faire ressortir celle qu’il a pour son héros. […] L’exposition. — En action, mais ne nous faisant connaître que le héros de la pièce.
« Nous reconnoissons toujours les hommes dans les héros des tragédies, soit que la scene soit à Rome ou à Lacédémone, parceque la tragédie nous dépeint les grands vices & les grandes vertus. […] Sbrigani dit au Héros de Limoges, acte I, scene V : « Je vous ai vu ce matin, Monsieur, avec le coche, lorsque vous avez déjeûné ; & la grace avec laquelle vous mangiez votre pain m’a fait naître de l’amitié pour vous ».
Le héros de la piece Danoise est un très petit Monsieur : opposons-le à quelqu’un des nobles personnages qui embellissent notre scene, à l’Ambitieux de Destouches, par exemple. […] Mais il nous faudroit un Aristophane qui eût l’esprit souple, adroit, délié ; qui eût de la gaieté, de l’imagination ; qui sût donner une tournure plaisante aux choses & les fondre dans un plan ; & qui, pour ne pas blesser nos loix & celles de l’honnêteté, ne dit pas tout cruement à ses héros, vous êtes des frippons.
Ni le roman intime (feu le roman intime, faudrait-il dire), ni feu le drame moderne, toujours escortés de quelques héros mystérieux sans explication et sans nom, et tout noir, n’ont jamais préoccupé la curiosité et la sagacité du lecteur, autant que l’a fait ce bel Alceste, créé tout exprès et mis au monde par Molière, quand Molière voulut dire à tous et à chacun, enfin, les plus secrètes pensées de son esprit et de son cœur. […] dites-vous avec dédain et pitié, en rejetant le manteau sur le cadavre du héros ; au contraire l’énigme transparente de Molière, après tant d’explications de tout genre, reste encore inexpliquée.
Si les petites choses qui enthousiasment si fort nos élégants beaux esprits, suffisoient pour fournir les matériaux nécessaires à une piece, je conseillerois à nos Auteurs de prendre bien vîte un de ces Messieurs pour héros : mais comme leur caractere est accessoire & tient à mille autres, qu’il n’offre que des superficies de quelque côté qu’on le tourne, qu’il seroit minutieux sur la scene, qu’il n’intéresseroit qu’un très petit nombre de spectateurs, qu’il a été traité en détail dans plusieurs pieces différentes, je n’exhorterai personne à les prendre pour modele.
Moliere, mon héros éternel, lui qui a purgé la scene des horreurs qui l’avilissoient, a cependant des choses qui effarouchent encore la vertu, & qu’elle voudroit pouvoir retrancher de ses ouvrages. […] Dans la nouveauté des Femmes Savantes, le héros portoit le nom de Tricotin. […] Le héros des personnages mistifiés croyoit sans doute que tout le monde devoit regarder les mistifications du même œil.
Nous avons vu chez eux, dès le premier acte, les héros se peindre par des actions aux yeux du spectateur : dans celui-ci, Moncade nous apprend qu’il est jaloux ; mais tout s’y passe en récit, à l’exception des soufflets & des coups de pied que Pasquin reçoit. […] Les héros des deux premieres pieces ne s’amusent pas à de pareilles minuties. […] Le héros enfin, insupportable à tout le monde, est un brutal bon à jetter par les fenêtres. […] Baron n’ose pas annoncer la grossesse de l’Andrienne : louons-le de cette délicatesse, & d’avoir laissé deviner au spectateur le genre de maladie de l’héroïne.
Ce grand homme a débuté comme les héros de Scarron. […] Rousseau prétend que Molière a dégradé, avili son héros, et l’a rendu ridicule. […] Voici le portrait qu’un des personnages trace du chevalier de Villefontaine, le héros de la pièce. […] Coquettes, galantes, dépensières, glorieuses, telles sont les héroïnes de Dancourt. […] Les héros qui revenaient de l’armée faisaient la conquête de tous les cœurs.
Si je n’avois pas d’armes assez fortes pour combattre les ennemis des aparté, je pourrois alléguer que le spectateur va à la comédie dans le dessein de se prêter aux aparté, ainsi qu’aux différentes illusions qu’il est obligé de se faire pour sa propre satisfaction ; comme de prendre une toile pour une ville, pour un jardin, pour un palais magnifique ; une actrice vieille & laide pour Vénus, ou l’une des Graces ; un tel comédien pour un héros en tendresse, en délicatesse, en bravoure ; & Mademoiselle une telle pour une Agnès, tandis que, malgré son énorme panier, nous voyons clairement le contraire. […] Quelques jours après son combat, déja guéri de sa blessure, il va à la comédie ; il voit dans le foyer mon héroïne entourée d’un essaim de jeunes gens, qui soupiroient après la pomme de discorde.
« Le héros est un provincial, tout prêt à reprendre le chemin de sa petite ville. […] Dans ma comédie, elles font la base, les principaux ressorts de la machine entiere, & servent à duper un tuteur, le héros de la piece.
Le héros y est poursuivi, comme Arlequin, par un destin contraire. Il trouve enfin un protecteur qui écrit au Roi pour lui vanter les services de l’infortuné : il parvient aux pieds du Trône ; son maître prend le papier, commence à le lire : le héros croit ses malheurs finis ; point du tout : le hasard veut que le Roi s’endorme dans ce moment.
Les héros de la Chaussée, mariés comme chez Regnard, se sont quittés par antipathie, se trouvent sans se connoître, & s’aiment. […] Nous avons encore vu dans le second volume de cet ouvrage, Chapitre XIX, des Pieces intriguées par un déguisement, que cette comédie, imitée de l’espagnol, étoit passée sur notre théâtre avec tous les défauts de son modele, puisque, comme dans l’original, l’héroïne déguisée en femme y suit son amant, vit familiérement avec lui, le charme par les agréments de sa voix, & lui donne son portrait sans en être reconnue, quoiqu’elle ait déja été très bien avec lui sous l’habit de femme.
Qu’on se figure Louis XIV dans sa galerie de Versailles, entouré de sa cour brillante : un Gilles couvert de lambeaux perce la foule des héros, des grands hommes et des beautés qui composent cette cour ; il leur propose de quitter Corneille et Racine pour un saltimbanque qui a des saillies heureuses et qui fait des contorsions344 ! […] que Racine est le plus grand des poètes qu’on ne lit pas, et je me mis à blâmer en particulier le langage poli de ses héros et les rôles de confidents, avec une énergie de conviction dont je ne me serais jamais cru capable, et qui me fait bien rire quand j’y pense. […] Est-ce parce que le héros de cette tragédie tue son excellente femme, par un point d’honneur qui consiste à vouloir épouser une princesse du sang royal, dont il n’est pas amoureux, afin de devenir le gendre du roi ? […] Dans une pièce de Caldéron385, le héros, don Gutierre, tue sa noble femme, par un motif qui ne paraîtra pas beaucoup meilleur aux étrangers que celui du héros d’Alarcos. […] Il place Sophocle en Grèce, à côté de Phidias et de Platon ; Corneille sous Richelieu et Mazarin, à côté des héros et des fanfarons de la Fronde ; Racine, à la cour de Louis XIV, à côté de Boileau et de madame de La Fayette ; et il se réjouit en voyant tant de personnes, tant de mœurs, tant de physionomies différentes, de la diversité de la littérature.
C’est son tout, son héros : Il l’admire à tous coups, le cite à tous propos.
Car je ne puis m’imaginer que M. le Prince de Conti ait voulu faire son Secrétaire du Héros de notre Auteur. […] Je crois néanmoins que le tout ensemble a coûté à l’Auteur, il a travaillé son Ouvrage avec autant de soin que si c’était la Vie d’un Héros, à quelques endroits près, qui sont un peu négligés.
La France, en ses jours les plus beaux, A fait naître mille héros, Et n’a vu naître que Molière.
Ajoutez à ces habiletés merveilleuses, l’harmonie et l’éclat de la parole, la grâce et la force du langage, la véhémence de la passion, l’intérêt de l’action coupée avec art, et cette heureuse façon d’amonceler, sur un point donné, tous les mérites du héros de la comédie ou du drame, à condition que tous ces mérites si divers, se feront sentir, en même temps et tout à la fois . […] Comessantes, disaient les Romains en parlant des héros du premier roman comique. […] En un mot, si vous voulez que votre héros, malgré tout son génie, soit quelque peu supportable, au nom de ce que vous avez de plus cher, au nom de Tartuffe, au nom du Misanthrope, au nom du Festin de Pierre, au nom des vingt-deux ou vingt-trois comédies de Molière, n’en parlez plus !
En vain, on les cherche à Paris : Paris, qui oublie assez souvent même la gloire, les a complètement oubliés ; on les cherche en province, on ne les trouve guère plus que les héros du Roman comique ; M. […] ils.comprenaient l’originalité de l’œuvre ; ils comprenaient que pas un, par exemple, depuis qu’il y avait des poètes comiques, n’avait imaginé le Misanthrope, un héros de vertu, tourmenté et complété par Célimène. […] Le roi, qui déjà passait à d’autres amours, se consola bien vite de la perle de sa maîtresse, et s’en fut chercher sur les bords du Rhin une autre héroïne de Bossuet, Henriette d’Angleterre, les brèves amours de l’Angleterre et de la France.
Ils poussoient la licence jusqu’à les nommer : mais comme le nom d’un personnage quel qu’il soit n’a rien d’assez piquant pour fournir le comique nécessaire à une comédie, il est indubitable que les Auteurs après avoir nommé leurs héros, représentoient leurs vices, ce qu’ils ne pouvoient faire sans peindre leur caractere.
Ils sont plus ingrats, parceque si vous réussissez à peindre si bien la laideur de votre modele, que les originaux disparoissent, votre ouvrage ressemble aux portraits qui n’ont plus de valeur dès que la personne qu’ils représentoient est morte, à moins que le Peintre n’ait réuni au mérite de la ressemblance celui du dessein, du coloris, & des autres parties de son art, & qu’il ne captive par-là le suffrage des connoisseurs : c’est ce qui fait survivre, comme nous venons de le dire, les Précieuses de Moliere aux héroïnes de la piece.
Avant-scene racontée par l’une des héroïnes.
On vit en 1635, entre les femmes qui se jetèrent dans cette société, mademoiselle de Bourbon-Condé, sœur du grand Condé et du prince de Conti, la même qui fut depuis l’héroïne de la Fronde sous le nom de duchesse de Longueville.
C’est ainsi qu’ils passoient le temps l’un & l’autre, jusqu’à ce qu’ils eussent inventé un nouveau langage, à la faveur duquel notre jeune héros dit à sa maîtresse, qu’il s’estimeroit bien heureux de la pouvoir posséder dans le pays de sa naissance, où elle iroit habillée d’étoffe de soie, comme celle de sa veste ; où il la feroit porter dans des maisons traînées par des chevaux à l’abri du vent & de la pluie, & où ils ne seroient pas exposés à toutes ces craintes & à ces alarmes qui les agitoient alors. […] M. de Chamfort donne à ses héros plusieurs compagnons d’esclavage, & fait la critique de leurs états, de leurs professions, de leurs ridicules.
Laure (c’est l’héroïne de la nouvelle tragi-comique), Laure est une véritable sotte. […] Madame, avez-vous vu, dans ces tapisseries, Ces héros de roman ? […] Le fameux comte de Grammont, le héros des mémoires. dont Hamilton, son beau-frère, est l’auteur, avait, pendant son séjour en Angleterre, fait une cour assidue à la sœur de son futur historiographe, et pris avec elle des engagements plus sérieux qu’il ne convenait à son humeur fort changeante. […] Il est vrai que la date de l’aventure et celle de la pièce s’accordent assez bien8 ; et, quelque différence qu’il y ait entre le héros de l’une et celui de l’autre, on peut reconnaître un certain rapport de situation entre Sganarelle contraint au mariage par des coups de bâton qu’avait précédés une proposition de duel, et Grammont se résignant au même parti pour échapper à la même proposition ; mais ce qui empêche de croire que Molière, quand il a mis le premier sur la scène, ait eu l’autre en vue, c’est que l’idée n’était pas nouvelle, et que, dans un de ces canevas italiens où il ne dédaignait pas de puiser, on avait déjà montré un personnage ridicule, contraint par la violence à contracter un mariage dont il était détourné par les plus justes motifs de répugnance.
Guirot, riche paysan, Giliole sa femme, un bourgeois nommé Rossi, sont les héros de l’aventure. […] Je suis fâché qu’il lui doive la confession générale du héros. […] Et c’est pourtant le héros de mon histoire ! […] Qu’on lise Moliere, en comparant le plan de ces deux pieces, on conviendra, & je suis obligé de l’avouer moi-même, malgré mon enthousiasme pour Moliere, on conviendra, dis-je, que le plan de Térence l’emporte de beaucoup sur celui de Moliere, sur-tout si l’on se transporte au temps où les belles esclaves étoient en possession de faire tourner la tête à la jeunesse, & devenoient les héroïnes de toutes les aventures amoureuses.
De cette passion la sensible peinture Est pour aller au cœur la route la plus sûre : Peignez donc, j’y consens, les héros amoureux; Mais ne m’en formez pas des bergers doucereux. […] L’antiquité même la plus vénérable n’offre pas un asile sûr : ce Codrus, que nos souvenirs de collège semblaient protéger contre toute atteinte, ce dernier roi d’Athènes, ce héros dévoué à son pays « pro patria non timidus mori, » n’est plus qu’un vulgaire, spéculateur qui se fait tuer dans le combat pour assurer le trône à ses enfants. […] Le sentiment national s’était développé dans la longue guerre contre les Anglais; une simple fille du peuple avait été l’héroïne de la délivrance ; le peuple lui-même, jadis serf, était devenu bourgeois et le beffroy communal tenait le donjon en respect.
Elles n’en étaient pas moins l’opposé des comtesse de Soissons, des princesse Colonna, des duchesse de Mazarin, des comtesse d’Olonne, des maréchale de la Ferté, et autres héroïnes célébrées par Bussy-Rabutin dans ses Amours des Gaules.
Tout à coup, le roi étant à l’armée de Flandre, le 5 août 1667, la troupe du Palais-Royal joue en public l’lmposteur, comédie en cinq actes, dont le héros est un certain M. […] Cela expliquerait, dans notre pièce actuelle, ces deux actes employés à préparer l’entrée en scène de Tartuffe (habileté que dans sa préface Molière semble présenter comme une correction, en même temps que Je changement d’habit de son héros). […] Molière se hâta de mettre l’autorisation à profit ; et, pour surcroit de précaution, il changea encore le nom de son héros : Tartuffe devint Panulphe. […] Je ne pousserai pas plus loin l’analyse ; le cinquième acte, d’ailleurs, est l’acte fait après coup en vue de gagner Louis XIV et de rallier les vrais dévots ; plein de choses admirables, mais d’altérations évidentes à la physionomie du héros, qui y devient on ne sait quel traître de mélodrame, fort différent dans ses noirceurs du Tartuffe à l’oreille fleurie que nous ont présenté les premiers actes.
Discours sur les héros de roman.
Importuné des contes de certains biographes, il en a voulu débarbouiller la statue du héros et nous dire exactement sur la vie de Molière tout le peu qu’il est possible de savoir. […] On fait de Molière un héros parce qu’il a, nous avons déjà vu et nous verrons mieux encore comment, démasqué les hypocrites. […] Si l’on parle de guerre courageuse et hardie contre les vices du temps, il nous semble que le jésuite Bourdaloue est un autre héros que le comédien Molière. […] En un sens, la combinaison est belle et vraie : il est naturel qu’un héros de fausse vertu comme Alceste soit absurdement amoureux d’une femme peu digne de lui, et qu’ainsi succombe cette pompe d’austérité qui se pique de ne tolérer aucune faiblesse humaine. […] Pendant trois mois de l’année 1865, toutes les âmes sensibles de France ont adoré une héroïne de roman nommée Sybille, que je ne trouve en rien plus noble et plus touchante que Célimène, qui plutôt, à mon sens, lui est inférieure, et qui fait exactement le même calcul.
Le public ne s’intéresse à la peine, au plaisir d’un personnage, & à ses diverses situations, qu’autant qu’il se persuade voir le héros véritable d’une action réelle.
Bobinet ont tous un caractere aussi marqué, ou peu s’en faut, que celui de l’héroïne.
L’auteur expose le plus gravement du monde, dans la dédicace, l’analogie qu’il aperçoit, d’abord entre la partie supérieure et noble de ses personnages et la dédicace qu’il présente à Sa Majesté, puis entre la partie basse et monstrueuse de ses héros et l’œuvre qu’il dépose aux pieds de la reine. » Après avoir passé en Italie l’été de 1623, les Comici Fedeli revinrent en France et y représentèrent pendant l’année 1624 et le commencement de l’année 1625.
Un de ses interlocuteurs dit à l’autre, en parlant des héroïnes qui vont y figurer : « A-t-on jamais vu, dites-moi, deux peckes50 provinciales plus ridicules que celles-là ? […] L’estime de Boileau pour mademoiselle de Scudéry ne l’avait pas empêché de parodier ses écrits dans ses héros de roman. […] C’est certainement bien elle qu’il désigne dans la quatrième scène des Précieuses, lorsqu’il met dans la bouche de Madelon des plaintes contre l’incongruité de demander tout crûment une personne en mariage ; lorsqu’il lui fait dire que le mariage ne doit jamais arriver qu’après les autres aventures, et après que l’amant a parcouru la carte du tendre, suivant l’exemple de Cyrus et de Mandane, d’Aronce et de Clélie, héros des deux premiers romans que mademoiselle de Scudéry publia sous son nom après la dispersion de l’hôtel de Rambouillet.
Je me bornerai à remarquer dans cet ouvrage quelques sorties contre les précieuses, des mots grossiers qui reproduisent vingt fois une idée grossière, une scène licencieuse depuis longtemps interdite au théâtre, Arnolphe (c’est le vieillard), après un entretien avec Agnès dont la simplicité l’enchante, adresse cette apostrophe aux précieuses : Héroïnes du temps, mesdames les savantes, Pousseuses de tendresse et de beaux sentiments, Je défie à la fois tous vos vers, vos romans, Vos lettres, billets doux, toute votre science, De valoir cette honnête et pudique ignorance.
Oublions pour un moment que le Joueur ait été représenté trente ans après le Misanthrope, & jugeons des deux héros par leur ton ; nous croirons le cadet bien plus voisin de la barbarie que son aîné ; ou, si nous nous souvenons de la date des deux pieces, tout l’honneur que nous puissions faire à Regnard, est d’imaginer qu’il a voulu parodier son prédécesseur. […] Philaminte, indignée contre son héros, couronne les vœux de son rival.
Toute la fin de son art, c’est qu’on soit comme son héros, épris des belles personnes, qu’on les serve comme des divinités, en un mot, qu’on leur sacrifie tout, si ce n’est peut-être la gloire ! […] Il y a même un passage où il indique clairement Shakespeare en parlant des Anglais « qui se sont élevés contre nos héros de comédie, galants à propos et hors de propos, et poussant à toute outrance les sentiments tendres ! […] La tragédie, avant de se permettre des héros français, a attendu jusqu’à Voltaire. […] Cet amour d’Alceste a précédé tous les amours sérieux des héros de Racine ; Le Misanthrope est plus vieux d’un an qu’Andromaque, et je ne sais personne qui ressemble plus à notre Alceste, que Pyrrhus. […] Personat…… Et parmi ces illustres, n’oublions pas les deux avocats, les deux héros qui auront bientôt pour clients le roi et la reine de France, M. de Sèze et M.
Mais est-il possible que, sur le point de tenter l’expérience qui fait le sujet de l’École des maris, il n’ait rien mis de lui-même et de sa fiancée dans deux des héros de sa pièce : cet Ariste qui lui ressemble comme un frère, cette Léonor où l’on retrouve si aisément Armande Béjart ? […] Les renseignemens positifs manquent aussi sur le personnage qu’elle fit dans les Amans magnifiques ; on voudrait pouvoir lui attribuer en toute certitude celui d’Ériphyle, la princesse aimée par un homme d’une condition inférieure à la sienne et qui lutte entre l’amour qu’elle-même ressent et le sentiment de sa dignité : sorte de Grande Mademoiselle, tendre et fière, engageante et réservée, chez laquelle on a vu, non sans raison, le premier modèle de quelques héroïnes de Marivaux. […] Quant à l’héroïne, bien éloignée assurément de son modèle antique, charmante encore cependant, avec sa pudeur fière, sa tendresse réglée par le sentiment de « sa gloire » et de son rang, elle est entourée d’une véritable idolâtrie. […] Le poète dut éprouver les mêmes souffrances que son héros, avec ce surcroît d’irritation et d’inquiétude que donne la qualité de mari, c’est-à-dire la crainte de perdre non pas seulement ce que l’on désire, mais ce que l’on possède, et le souci de l’honneur en danger.
Faguet, « ménage son héros en tant qu’athée ne lui pardonne pas en tant que dévot. » Cette hypocrisie, dernier avatar du grand séducteur, c’est, comme l’avait aperçu Paul Mesnard 21, « le moyen que trouve Molière pour accommoder le Festin de Pierre à sa lutte contre les dévots, » pour le rattacher au Tartufe qu’il complète. […] Perdu de dettes et de débauches comme le héros de Molière, libertin accompli et d’esprit et de mœurs comme lui, et, comme lui encore, spirituel en son « libertinage ; » séducteur de femmes et de filles dont les trahisons et les « férocités de cœur » ne se comptaient plus; dévot enfin, lui aussi, au dernier acte, il avait, jusque dans ce dénouement, ce nouveau point de ressemblance avec Don Juan que la sincérité de sa conversion avait, au moins au début, excité bien des doutes; les médisans pouvaient se demander si ce converti par maladie et par peur avait d’abord pris la précaution de « croire en Dieu33. » Mais encore que l’extrême dissemblance physique entre Don Juan et Conti pût être au poète une espèce de garantie contre des réclamations qui auraient encouru le ridicule d’une fatuité trop injustifiée; — encore que Conti fût alors assez mal en cour et Molière au contraire très fort patronné par Louis XIV, — on hésite tout de même à admettre, jusqu’à plus ample informé, que Molière ait osé s’en prendre à une Altesse Sérénissime, au cousin du Roi. […] Et justement, il y eut, en ce temps-là, un « dévot »dont le public de 1664 ne mit pas, que je sache, le nom sous celui de Tartufe, mais que les historiens du XIXe siècle, lorsqu’ils le rencontrèrent, il y a soixante ans, dans la chronique de Tallemant des Réaux, ont tout de suite rapproché du héros de Molière35.
S’il eût commencé par le dernier moyen, les lavements, les créanciers, les femmes, les enfants, loin de produire le moindre effet sur le héros & le public, auroient été du dernier pitoyable.
Il est aisé de voir que Moliere a pris de l’Auteur Italien la feinte maladie de l’héroïne, le déguisement de l’amoureux, les impertinences que Sganarelle dit en parlant à tort & à travers d’Hippocrate & des matieres de la malade, d’une façon moins grossiere pourtant qu’Arlequin & Crispin : il lui doit aussi le lazzi de tendre la main derriere le dos pour recevoir de l’argent, & l’enlevement de la fausse malade ; mais la vengeance de la femme, & l’idée si singuliere de faire un Médecin à grands coups de bâton, sont puisées dans une histoire connue en Russie vingt ans avant que Moliere fît un Médecin malgré lui.
Il doit y avoir du plaisir à servir un héros et un bienfaiteur.
Et comme les Athéniens recommandaient à leurs femmes, afin qu’elles procréassent de beaux enfans, d’orner leurs maisons avec les statues des gladiateurs et des héros, de même on pourrait conseiller aux matrones de notre temps de placer dans leurs alcôves le portrait de Molière. […] Les deux faces de cette morale, exagérées pour les besoins de l’antithèse et de l’effet comique, se présentent avec un puissant relief dans les deux héros du Misanthrope, Alceste et Philinte. […] La preuve, c’est qu’en signant un contrat d’association avec ses premiers camarades, il se réservait « les héros, » c’est-à-dire les grands rôles tragiques ; peut-être même faut-il en partie rapporter à ce choix l’insuccès de l’l’Illustre Théâtre à Paris. […] Avec quelques autres passages de ses œuvres, elles expliquent le reproche que lui adressaient quelques délicats d’être un peu « grimacier. » Le souvenir de ses plus grands succès se rattache, du reste, à ses rôles bouffons, très en dehors ; il faut lire, dans Élomire hypocondre, la description de la manière dont il jouait le héros de Sganarelle et Mascarille de l’Étourdi.
Le héros de la piece a le front de laisser son maître à ses pieds, & d’exiger qu’il lui permette une vengeance sanglante contre son pere, auquel il a l’audace de donner une volée de coups de bâton.
Lucien, empruntant la fable du Plutus d’Aristophane, fit de ce Timon, véritable ennemi des hommes, le héros d’un de ses meilleurs dialogues : c’était déjà, peu s’en fallait, en faire un personnage de comédie. […] Ni Plaute ni Térence n’ont mis sur la scène de véritables villageois ; car le rustre opulent qui est le héros du Truculentus, n’est pas d’une condition si basse, qu’il ne puisse parler le latin comme on le parlait à la ville : c’est un paysan de la même espèce que George Dandin qui ne s’exprime pas plus grossièrement que lui.
Dans le manuscrit que j’ai entre les mains & que nous allons extraire, on a tranché la difficulté, en donnant les deux épithetes au héros. […] Les Italiens ont une piece dont le héros est le véritable Tartufe d’Italie.
Forlise, le héros de la piece, est un de ces prétendus protecteurs qui voudroient avilir les véritables personnes à talent, & s’engouent des originaux qui savent leur en imposer à force d’impudence. […] Son héroïne ne ressemble guere au portrait qu’il en fait.
Le héros de cette farce italienne est Italien ; ne pourrait-il pas se faire encore, si cette source est vraie, qu’on y trouve un argument en faveur d’un premier Pourceaugnac, gentilhomme italien ? […] Quant au rôle de Pourceaugnac, gentilhomme italien, le mélange de sa langue avec le français mal baragouiné (mélange excusé et expliqué par la nationalité du héros) pouvait amener un élément de bouffonnerie comme on le voit parfois encore au Théâtre-Italien dans les rôles comiques.
Au contraire, à coté de ces figures si saisissantes et si pathétiques, ses héros ont bien peu de physionomie : qu’est-ce que Pyrrhus auprès d’Hermione, Bajazet auprès de Roxane, Hippolyte auprès de Phèdre ? […] Si l’on voulait juger de l’esprit de l’époque par les pièces contemporaines, celles de Regnard et de Lesage, qui toutes se rapportent à ces lugubres années, on croirait vraiment qu’alors la France était déjà la France de la régence ; valets escrocs, financiers ridicules, coquettes effrontées, gentilshommes aux gages de quelque vieille débauchée, tous ces héros de Lesage et de Regnard ne songent qu’à se bien divertir, sans scrupule et sans fin.