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22. (1765) Molière dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (compilation) pp. 2668-16723

) c’est l’imitation des mœurs mise en action : imitation des mœurs, en quoi elle differe de la tragédie & du poëme héroique : imitation en action, en quoi elle differe du poëme didactique moral & du simple dialogue. […] Les comédies appellées motoriae, celles où tout étoit en action, comme dans l’Amphitrion de Plaute. […] Livius Andronicus, grec de naissance, leur montra la comédie à-peu-près telle qu’elle étoit alors à Athènes, ayant des acteurs, une action, un noeud, un dénouement, c’est-à-dire les parties essentielles. […] Tout est plein d’action chez lui, de mouvemens & de feu. […] On lui reproche de n’être pas souvent heureux dans ses dénouemens ; mais la perfection de cette partie est-elle aussi essentielle à l’action comique, surtout quand c’est une piece de caractere, qu’elle l’est à l’action tragique ?

23. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Leurs actions, partant de leur personnalité comme centre, enveloppaient toute la société dans un cercle d’activité généreuse. […] Mais la comédie est autre chose qu’une psychologie en action. […] Son esprit a soif d’action, et sa poitrine de liberté. […] … Toute action n’est pas déjà comique parce qu’elle est vaine et fausse. […] C’est une contradiction par laquelle l’action se détruit elle-même et le but s’anéantit en se réalisant.

24. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE III. Choix du lieu de la Scene. » pp. 76-93

Je crois même qu’en transportant l’action & les spectateurs dans le péristile, on ne sera plus surpris de voir Amphitrion arriver à pied de l’armée. […] Voulez-vous faire passer devant la porte d’une maison des scenes qui ne seroient pas vraisemblables dans les rues d’une ville, transportez l’action à la campagne. […] Voulez-vous que le Turc, le Juif, le Maure, & les habitants des quatre parties du monde contribuent à votre action ? […] Les Auteurs qui connoissent la marche aisée des Drames anciens, les entrées & les sorties forcées des modernes, ne peuvent pas nier que la rue ne soit le champ le plus commode pour faire passer une action comique. […] Je me félicitois intérieurement ; je croyois que leurs ris partoient du fonds comique de l’aventure, de la situation des quatre amants, de l’adresse de la coquette, de l’air naturel qu’auroit sa promenade mise en action, & son sac à ouvrage descendu par le balcon.

25. (1706) Lettre critique sur le livre intitulé La vie de M. de Molière pp. 3-44

Et content de l’admirer dans ses Ouvrages, je m’embarrassais peu ni qui il était, ni d’où il était ; l’État n’est nullement intéressé dans sa naissance ni dans ses actions. […] Cette action de Molière est belle, et je doute qu’il y ait beaucoup de personnes capables d’en ménager si bien une pareille. […] L’Auteur fait bien connaître par cette proposition, qu’il n’entend ni l’action de la Chaire, ni l’action du Théâtre : car je ne puis m’imaginer que cela soit sorti de la bouche de Chapelle, qui était un homme d’esprit et de goût. […] Ses actions nuement rapportées, avaient assez de quoi satisfaire ceux qui s’intéressent à le connaître, sans les faire servir de divertissement au Public. […] On donne la vie d’un homme quand ses actions inspirent de la sainteté dans les mœurs, et de l’élévation dans les sentiments, ou qu’elle fournit des moyens de gouverner, et de se conduire dans les grands emplois.

26. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE X. De la Diction. » pp. 178-203

Il faut que la diction d’une comédie soit, comme toutes ses autres parties, assujettie aux regles de la nature & de la vraisemblance, qui, devant régler & conduire l’action d’une fable, sans perdre un instant de vue l’intrigue, les caracteres, le dénouement, &c. ne doivent pas moins présider l’une & l’autre à la diction. […] Les esprits justes, les esprits vrais ne souffrent qu’avec peine que l’on préfere aujourd’hui des comédies composées de saillies & d’épigrammes ou de déclarations amoureuses, aux bonnes comédies, qui ne sont parées que d’une action simple & naturelle. […] Ce qu’on appelle trait d’esprit, défigure les caracteres, en affoiblit le ridicule, & substitue à des traits naturels, si essentiels pourtant, des bons mots, des pensées brillantes, qui fixent l’attention du spectateur à tout autre objet que l’action de la comédie ; aussi les Auteurs se dispensent-ils d’en mettre. […] La plupart des Auteurs, oubliant que la diction n’est faite simplement que pour expliquer l’action, pensent au contraire que cette derniere partie, si essentielle & la plus nécessaire sans contredit, est tout-à-fait subordonnée à la premiere. […] Il résulte de tout ce que je viens de dire dans ce chapitre, qu’un poëte comique doit parler la langue de toutes les nations, & savoir prendre à propos le ton du bourgeois, de l’homme de Cour, du savant, de l’ignorant ; & malheur à tout Auteur dramatique, de qui la diction fait perdre de vue l’action & ses personnages, pour nous montrer l’Auteur dans son cabinet.

27. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

L’action dramatique ne paraît pas avoir été très naturelle à l’esprit français qui a toujours été fort enclin aux discours. Dès le principe, dès les premiers essais, le dialogue prit sur notre scène un développement préjudiciable à l’action ; celle-ci est vive sans doute dans la Farce primitive, mais combien le dialogue domine dans les Mystères et les Moralités ! […] En Italie, au contraire, le mouvement, l’action règne souverainement sur le théâtre.

28. (1819) Notices des œuvres de Molière (III) : L’École des femmes ; La Critique de l’École des femmes ; L’Impromptu de Versailles ; Le Mariage forcé pp. 164-421

Un double nom porté par un des personnages, voilà tout le nœud de l’action : ce nom révélé par hasard à un autre personnage qui l’ignorait, en voilà tout le dénouement. Quelle est, du reste, cette action ? […] Louis XIV, témoin de cette action vigoureuse, lui en fit compliment, en lui demandant s’il n’était point blessé. […] Il est faible ; mais le nœud n’était pas fort, et l’action était bien légère : les proportions sont donc observées. […] Ce mérite est faible, en ce qui regarde l’action, la conduite de la pièce, et l’on en doit être peu surpris.

29. (1901) Molière moraliste pp. 3-32

C’est du jugement porté par un spectateur impartial sur les actions des hommes qui l’entourent, que Smith a fait le critérium de sa morale de la sympathie. C’est à l’opinion publique que Comte remet le contrôle et l’appréciation des actions individuelles. […] Tout heureux qu’il puisse être de se voir habillé à la dernière mode de la Cour, il éprouvera quelque gêne en entendant Nicole rire de lui, et le contrôle de toutes ses actions par deux femmes de tête fait admirablement ressortir aux yeux du public tous les ridicules du bourgeois gentilhomme. […] Elle s’occupe des faits et des nécessités, puis des moyens d’action. […] Et c’est cette foi merveilleuse en l’action, subsistant en dépit de toutes les misères physiques et morales attachées à notre nature, en dehors de tout espoir, de toute crainte d’un caractère métaphysique — et cela dans le même temps où le christianisme janséniste abêtissait Pascal.

30. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XII. M. COLLÉ. » pp. 354-380

J’ai vu de grandes maisons & très peu d’hospitalité ; de grands hommes faire de petites actions, de belles Dames ne rien faire qui vaille. […] La grandeur qui s’abaisse à des actions aussi viles, perd son rang & se dépouille de tous ses honneurs. […] Non Milord, non, le véritable grand homme est celui qui fait de grandes actions. […] Milord, vous voyez à quel degré de bassesse les actions infames réduisent les plus grands Seigneurs. […]   Action.

31. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE XI. De la Religion. Principe et Sanction de la Morale de Molière. » pp. 217-240

Pour trouver des expressions qui en fassent sentir la haute moralité, on ne peut que citer Molière lui-même, quand il fut obligé d’implorer la puissance royale pour obtenir le droit de dire tout haut qu’un hypocrite est un scélérat et qu’un tartuffe est un sacrilège : J’ai mis tout l’art et tous les soins qu’il m’a été possible pour bien distinguer le personnage de l’hypocrite d’avec celui du vrai dévot ; j’ai employé pour cela deux actes entiers à préparer la venue de mon scélérat ; il ne tient pas un seul moment l’auditeur en balance ; on le connaît d’abord aux marques que je lui donne ; et d’un bout à l’autre il ne dit pas un mot, il ne fait pas une action qui ne peigne aux spectateurs le caractère d’un méchant homme, et ne fasse éclater celui du véritable homme de bien que je lui oppose772. […] Quand Elmire oppose le ciel aux vœux de Tartuffe, « si ce n’est que le ciel..., » répond-il, et tout de suite il lui développe cette précieuse doctrine de la direction d’intention : Selon divers besoins, il est une science D’étendre les liens de notre conscience, Et de rectifier le mal de l’action Avec la pureté de notre intention784 . […] Qu’on se rappelle son indulgence, son dévouement, sa charité, ses belles paroles sur la vraie piété789 ; et l’on dira que voilà le vrai chrétien, qu’il serait à souhaiter que tout le monde fût chrétien comme lui ; et l’on pensera avec lui Que les dévots de cœur sont aisés à connoître… : Ce ne sont point du tout fanfarons de vertu : On ne voit point en eux ce faste insupportable, Et leur dévotion est humaine, traitable : Ils ne censurent point toutes nos actions ; Ils trouvent trop d’orgueil dans ces corrections ; Et, laissant la fierté des paroles aux autres, C’est par leurs actions qu’ils reprennent les nôtres. […] Ce genre de dénouement n’est ni moral, ni vrai, ni vraisemblable : il est simplement pratique, et s’il est volontiers accepté par le public, c’est parce qu’il répond au désir secret qu’éprouve chacun de voir le bonheur des bons et le châtiment des méchants : il répond à notre sens moral, mais il ne peut aucunement être accepté. comme une sanction morale ; car, au contraire, la morale serait détruite, si chaque bonne ou mauvaise action entraînait immédiatement récompense ou peine ; la liberté disparaîtrait, et l’homme, esclave d’une crainte continue, n’aurait plus d’autre conscience que l’intérêt immédiat et la conservation. […] I), mais il lui en fait accomplir les actions, surtout dans les actes IV et V.

32. (1850) Histoire de la littérature française. Tome IV, livre III, chapitre IX pp. 76-132

Cette légère création de l’Étourdi, par exemple, bien qu’elle ne soit pas de force à porter tout le développement d’une comédie et à être un centre d’action, est plus vraie que celle du Menteur. […] Les monologues, quoique plus dans l’action, y sont trop nombreux. […] Le théâtre veut de l’action ; et dans le Misanthrope, quoiqu’il ne se dise rien de trop, on n’agit qu’en parlant. […] Il y a plus d’intérêt, plus d’action, plus de passion. […] Une autre fois Molière met en action ce qu’il a trouvé en dialogue chez ses devanciers, ou en dialogue ce qui y est en action.

33. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIV. Des Monologues. » pp. 261-273

Mais si le monologue ne tient pas à l’action générale, s’il ne tient pas à l’action particuliere des deux scenes qu’il sépare, & ne les enchaîne pas ensemble, il est défectueux. […] Je vois d’ici un monologue qui est gai, dans lequel le personnage se livre, nous expose son affaire la plus pressante, ses projets, & les met en action ; qui fournit à lui seul plus de jeu théâtral que bien des pieces ; qui est très applaudi, sur-tout quand il est joué par un bon acteur ; & qui avec cela, toute réflexion faite, ne vaut rien. […] « Troisièmement, les monologues ralentissent l’action ».

34. (1747) Notices des pièces de Molière (1666-1669) [Histoire du théâtre français, tome X] pp. -419

C’est ici où l’esprit de Molière se fait remarquer, puisqu’en deux vers joints à quelque action qui marque du dépit, il fait voir ce que peut l’amour sur le cœur de tous les hommes, et sur celui du Misanthrope même, sans le faire sortir de son caractère. […] Il la presse de se déclarer, et de faire un choix entre lui et ses rivaux : ce qui donne lieu au Misanthrope de faire une action qui est bien d’un homme de son caractère. […] Si l’on regarde les danses, il n’y a point de pas qui ne marque l’action que les danseurs doivent faire, et dont les gestes ne soient autant de paroles qui le fassent entendre. […] Pour observer ce précepte, et pour animer davantage le mouvement de l’action, Molière s’est servi en grand maître des deux plus puissants ressorts qu’il soit possible d’imaginer dans un pareil sujet. […] Ceux qui connaissent le théâtre trouveront dans la peinture des caractères cette vérité qui est si nécessaire à la scène ; ils y découvriront l’art ingénieux du poète dans la conduite, dans les liaisons et dans le nœud de l’action : car, bien que l’action soit double, le caractère de l’Avare a réuni et confondu, pour ainsi dire, les deux actions.

35. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IV. Du Choix du Titre. » pp. 94-102

Titres qui annoncent une chose utile à l’Action. […] Titres qui fixent la saison pendant laquelle l’action se passe. […] Titres qui marquent en même temps la saison pendant laquelle l’action se passe, & l’état ou le caractere des personnages.

36. (1824) Notice sur le Tartuffe pp. 91-146

Je m’érigerai en censeur des actions d’autrui, jugerai mal de tout le monde, et n’aurai bonne opinion que de moi. […] Le style et l’action vont toujours en s’échauffant : tel est le bon goût ; telle est la délicatesse de ces hommes qui reprochaient à Molière de prêcher l’impiété et le libertinage. […] Qu’une telle action est bien digne de toi, Et que tu connais mal le cœur d’un si grand roi ! […] Cette scène rattachait mieux encore le deuxième acte à l’action principale, et faisait vivement désirer aux spectateurs l’entrevue de Tartuffe et de la femme d’Orgon. […] Pour jouer les personnes, il faut les montrer telles qu’elles sont ; si l’on ne met sur le théâtre que ce que fait un honnête homme qui a des sentiments religieux, on ne représentera que de bonnes actions, et alors la religion ne sera pas compromise.

37. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [29, p. 54-59] »

que je ne vous assomme, dit-il à ces pauvres gens, paraissant en colère ; je vous trouve bien hardis de vous opposer à de si belles actions. […] doucement, répondit Moliere : ce n’est point ici une affaire à entreprendre mal-à-propos ; c’est la dernière action de la vie, il n’en faut pas manquer le mérite.

38. (1882) Molière (Études littéraires, extrait) pp. 384-490

L’action. […] N’entrant pas dans l’action, ses vertus philosophiques opposent une trop faible antithèse aux manœuvres qu’elles sont impuissantes à prévenir, ou à châtier. […] L’action. […] Quelques mots suffiront à l’analyse d’une action aussi simple que naturelle. […] Dont les menées servent à l’action.

39. (1886) Revue dramatique : Les Fâcheux, Psyché (Revue des deux mondes) pp. 457-466

Pour la Princesse d’Elide, il n’a le temps de mettre en vers que le premier acte et les premières scènes du second, de sorte que la comédie, au dire d’un témoin, vient ici « donner des marques de son obéissance un pied chaussé et l’autre nu. » Pour Mélicerte, il n’en a pu faire que deux actes, où l’action est nouée à peine, et « Sa Majesté en ayant été satisfaite, » selon la déclaration des éditeurs, « il ne l’achève pas. » Elle ne sera jamais jouée à la ville, cette Mélicerte, non plus que la Pastorale comique qui la remplace bientôt dans la troisième entrée du Ballet des Muses. […] Ce ne sont pas des caractères comiques en action, ils ne concourent pas à un effet dramatique ; ils passent un à un devant le compère de cette revue de salon, ils déroulent de la sorte et pourraient allonger à l’infini, pour peu qu’ils fissent des recrues, une sorte de charade sans énigme. […] Molière, qui, le plus souvent, nous montre en action et en conflit des types universels et éternels, nous donne ici la lanterne magique avec des fantoches qu’il a pris au passage ; si l’on découvre, à cette occasion, que le grand homme ne dédaigna pas d’être de son temps, on lui en sait gré ; on s’amuse de le surprendre dans cette occupation familière. […] Mais le moyen de rendre clair l’artifice naïf et compliqué de cette comédie où une fantasmagorie est encadrée, — les personnages de celle-ci, à la fin, jouant une tragédie qui forme une troisième action dans la seconde ?

40. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XII. Des Scenes. » pp. 223-249

Il en est cependant qui servent encore davantage au drame, puisqu’elles donnent plus de rapidité, plus de ressort, plus de mouvement à l’action. […] L’intrigue d’une scene doit encore être plus ou moins filée ; elle doit avoir plus ou moins d’action & d’imbroglio, selon la situation des personnages. […] Voilà pourquoi, dans toutes les scenes de dépit que Moliere fait jouer à ses amants, il file des intrigues où il y a une action & un imbroglio inconcevables. […] signifioit je parviendrai à lier fortement toutes les parties de mes drames à l’action principale, à rendre tous mes personnages si nécessaires, qu’on ne puisse pas les accuser d’être épisodiques, & de n’être amenés sur la scene que pour faire briller le principal ; à unir si bien mes plus petits ressorts au ressort principal, qu’ils concourent ensemble à un dénouement qui satisfasse le spectateur sur le sort des principaux personnages, & non sur celui des subalternes : enfin je parviendrai à faire des pieces plus propres à être jouées sur un Théâtre qu’à être lues dans une Académie. […] c’est vous qui vous portez à ces honteuses actions !

41. (1820) Notices des œuvres de Molière (V) : L’Amour médecin ; Le Misanthrope ; Le Médecin malgré lui ; Mélicerte ; La Pastorale comique pp. 75-436

L’action simple et peu animée, les beautés fines, délicates, mais quelquefois un peu sérieuses du Misanthrope n’étaient pas de nature à frapper, à saisir, à enlever des spectateurs, que Molière lui-même avait accoutumés à des intrigues plus vives et à un comique plus populaire. […] Les nombreux personnages qui concourent à l’action de la pièce, ou dont les portraits seulement sont encadrés dans le dialogue, offrirent aux yeux des attitudes si naturelles, des formes si bien senties, des traits si bien modelés, qu’on voulut voir des individus peints avec ressemblance, où il n’y avait que des espèces représentées avec vérité, et qu’on chercha partout, à la cour comme à la ville, les originaux dont Molière avait pris les figures à leur insu pour les transporter et les distribuer dans sa composition. […] Ce n’était pas assez toutefois d’un tableau complet de la société vue sous deux aspects différents, montrée dans ce qu’elle a d’odieux et dans ce qu’elle a de risible : il fallait que cette peinture fût un drame, c’est-à-dire une action capable d’exciter quelque intérêt. […] Tout consiste dans une action plaisante et même bouffonne, à laquelle les divers personnages concourent en raison seulement de leur situation respective, et presque sans aucune différence spécifique d’âge, d’humeur et de condition. […] L’action ne reçoit de leur manière de juger ou de sentir, aucune impulsion ; et leur langage est simplement déterminé par l’action même.

42. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXV. » pp. 500-533

Moliere a sur-tout ajouté au comique en donnant aux amants devenus tout-à-coup musiciens plusieurs témoins intéressés à l’action. […] A-t-on plus ou moins de mérite à le traiter, à le mettre en action sur notre scene, à l’assujettir aux regles, aux bienséances du théâtre, à l’accommoder aux usages, aux mœurs de son pays, à faire ressortir du fond même une morale qui soit propre aux hommes de sa nation ? […] voir jouer une scene sur le Théâtre Italien, la lire dans un Auteur Espagnol, la voir en action dans la société, ou l’entendre narrer par quelqu’un qui pese sur les circonstances & les détails, n’est-ce pas de même à peu de chose près ? […] Il est à parier que Moliere, plein de son idée, laissa couler sur son papier les quatre vers que nous avons rapportés, & qui sont ceux de Boileau mis en action & en dialogue. […] Elle affecte une nonchalance dans son parler & dans ses actions....

43. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

Il fallut se compléter par les couples amoureux, autour desquels s’agite nécessairement toute action comique : les Horace et les Isabelle se joignirent aux masques bouffons. […] Parfois aussi, lorsque les pièces devinrent très compliquées, très chargées de personnages et d’incidents, les canevas entraient dans tous les détails de l’action ; la trame était tissue avec soin ; à l’acteur d’y broder les arabesques d’une libre fantaisie, suivant la disposition du moment et celle que montrait le public. […] Ces lazzi, quoique inutiles à la scène, parce que si Arlequin ne les faisait pas, l’action marcherait toujours ; quoique absolument inutiles, dis-je, ne s’éloignent point de l’intention de la scène, car, s’ils la coupent plusieurs fois, ils la renouent par la même badinerie qui est tirée du fond de l’intention de la scène. » Les lazzi auraient dû, en effet, être toujours suggérés par la situation ou tout au moins d’accord avec elle.

44. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXII. Des Caracteres principaux ou simples, des Caracteres accessoires, des Caracteres composés. » pp. 337-349

Les Auteurs doivent toujours, par préférence, faire choix des caracteres principaux, parcequ’ils sont plus frappants & bien plus propres à fournir l’action nécessaire à une Comédie que les caracteres accessoires, puisque ceux-ci ne sont qu’un diminutif des autres dont ils émanent : la chose est bien facile à prouver. […] Si l’Auteur se détermine à peindre le soupçonneux, il n’aura que des soupçons à mettre en action : s’il choisit je jaloux, il pourra mettre non seulement sur la scene tous les transports dont la jalousie est capable ; mais il pourra y placer encore toutes les craintes, toutes les fausses alarmes qui naissent dans la tête d’un soupçonneux, parcequ’un jaloux est toujours soupçonneux, & qu’un soupçonneux peut n’être pas jaloux. […] Non sans doute : il est sage ; mais il n’est étourdi ni dans ses actions, ni dans ses propos : il peut en avoir l’air, voilà tout, & l’air ne fut jamais un caractere.

45. (1898) Molière jugé par Stendhal pp. -134

Le Caractère y est assez en action, mais pour le Libertinage seulement. […] L’action commence à cette dernière scène. L’action est le désabusement d’Orgon. […] L’action se repose pendant cette scène. […] L’action de Valère pouvait le mener à être pendu.

46. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Plus vous étudierez les maîtres et les disciples venus après eux, —  pater et juvenes patre digni , et plus vous trouverez qu’ils obéissent au même art poétique, où il est enseigné que la poésie est une imitation des actions, des paroles et des mœurs de nos semblables ; que cette imitation, pour être exacte et fidèle doit être conforme aux mœurs et aux usages des temps dont on parle, et que c’est justement dans la juste expression des caractères que les poètes font paraître cet art de l’imitation qui est un art si charmant, lorsqu’il est fidèle et complet ; même le mensonge est agréable s’il a les apparences de la vérité. […] Ajoutez à ces habiletés merveilleuses, l’harmonie et l’éclat de la parole, la grâce et la force du langage, la véhémence de la passion, l’intérêt de l’action coupée avec art, et cette heureuse façon d’amonceler, sur un point donné, tous les mérites du héros de la comédie ou du drame, à condition que tous ces mérites si divers, se feront sentir, en même temps et tout à la fois . […] Cette dernière action de l’action, pour ainsi dire, a fait dans le théâtre moderne, un pas immense, un trop grand pas, puisque aussi bien il n’y a plus, au-delà, que l’abîme. […] Les poètes grecs, en pareille occasion, et lorsqu’ils voulaient se reconnaître au milieu des divers membres de plusieurs familles, avaient soin de marquer d’un certain signe le genre et l’espèce : ainsi tous les Séleucides étaient marqués d’une ancre, imprimée sur la cuisse gauche. — On rirait bien, de nos jours, de cette précaution dramatique des Séleucides, et comme on se moquerait de cette loi du drame antique qui exigeait que l’on fît grâce au spectateur de certaines actions des honnêtes ou criminelles, également offensantes à la conscience et à l’honnêteté publiques. […] il faudrait tout citer de cette rhétorique en action) : « J’ai remarqué une chose de ces messieurs-là, c’est que ceux qui parlent le plus de règles et qui les savent mieux que les autres, font des comédies que personne ne trouve belles.

47. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXI. Des Caracteres de tous les siecles, & de ceux du moment. » pp. 331-336

Des actions d’autrui je ferai la critique, Médirai saintement, & d’un ton pacifique ; Applaudissant à tout ce qui sera blâmé, Ne croirai que moi seul digne d’être estimé. […] Cette tirade fut certainement applaudie dans sa nouveauté comme elle l’est encore, & je ne doute point que Moliere n’ait senti dès-lors qu’après avoir mis sur la scene la fausse dévotion en récit, il pouvoit l’y mettre en action.

48. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VI. Des Prologues. » pp. 118-138

Dans quelques autres il fait paroître un Dieu qui raconte au spectateur ce qui s’est passé avant le commencement de l’action : tel est celui du Mercator & de l’Amphitrion. […] Prologues qui la mettent en action. […] Nos Romanciers remplissent ordinairement un premier volume de la vie du pere & de la mere de leurs héros : les Dramatiques Chinois ont le même défaut ; ils mettent en action, dans un prologue, l’histoire du pere & de la mere de leur premier personnage : tel est celui qui précede Tchao-chi cou ell, ou le petit Orphelin de la Maison de Tchao, piece que M. de Voltaire a rendu fameuse en y puisant le sujet de son Orphelin de la Chine. […] Ce sont les prologues qui exposent les caracteres de tous les personnages du drame, qui les mettent en action, & qui font marcher l’intrigue & l’intérêt de façon qu’ils en font un véritable premier acte.

49. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IX. Du Genre larmoyant. » pp. 103-122

Il prie Hégion de voir l’action de Tindare du bon côté, & de lui pardonner : il lui en fait remarquer toute la magnanimité, mais il ne peut rien obtenir ; le vieillard est infléxible, la nature ne lui dit rien en faveur de son fils : la sentence qu’il a portée est exécutée : Tindare, chargé de chaînes, est jetté dans les carrieres. […] En voilà suffisamment, je pense, pour prouver aux Auteurs du genre larmoyant que les Anciens faisoient des pieces dans lesquelles ils mettoient des situations attendrissantes, des actions généreuses, des exclamations pathétiques, des reconnoissances gauches. […] Mon fils, je ne puis du tout croire Qu’il ait voulu commettre une action si noire. […] D’un souverain pouvoir, il brise les liens Du contrat qui lui fait un don de tous vos biens, Et vous pardonne enfin cette offense secrete Où vous a d’un ami fait tomber la retraite : Et c’est le prix qu’il donne au zele qu’autrefois On vous vit témoigner en appuyant ses droits : Pour montrer que son cœur sait, quand moins on y pense, D’une bonne action verser la récompense ; Que jamais le mérite avec lui ne perd rien, Et que, mieux que du mal, il se souvient du bien.

50. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IV. » pp. 57-70

  Cette contradiction entre le pere & la fille donne à la Scene Françoise une action, une vie que l’Italienne n’a pas. […] Mais l’action des scenes que nous venons de citer est moins rapide que celle de l’Italien. […] Je me sens là pourtant remuer une bile Qui veut me conseiller une action virile.

51. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Quelqu’un reproche à la comédie qu’on vient de voir, de manquer précisément d’action, et de consister toute en des récits que vient faire ou Agnès ou Horace. À cette critique spécieuse, Uranie répond que dans L’École des femmes les récits sont des actions, suivant la constitution du sujet. […] Dans le récit où Agnès explique à son tuteur comment elle a fait la connaissance d’Horace, n’y a-t-il pas autant d’action, plus même que nous n’en pourrions voir, si la chose se passait sur le théâtre ? J’avoue que dans L’École des femmes tout est récit ; mais avouez que tout paraît action, ou plutôt avouez que tout est action, bien que tout semble être en récit307. […] Mais elle sait aussi que plus ses idées seront nombreuses, variées, justes et frappantes, plus elle aura d’action à la longue sur l’intelligence des hommes savants qui l’écoutent et la contredisent.

52. (1819) Introduction aux œuvres de Molière pp. -

Molière ne pouvait manquer de mettre en action ces traits d’observation générale. […] Voilà, dans cette seule scène, tous les personnages connus et le sujet de l’action même indiqué. […] Il y a le dénouement de l’action ; il y a aussi le dénouement du sujet, c’est-à-dire de la partie comique et morale de l’ouvrage. […] J’ai osé, ailleurs, juger le poète et analyser ses ouvrages : c’est assez d’une fois ; je dois me contenter ici de peindre l’homme et de raconter les actions de sa vie. […] Nul genre d’action, nulle classe d’hommes n’échappait à ses regards ou ne lui en paraissait indigne.

53. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXV. De l’Illusion Théâtrale. » pp. 426-433

Ils interrompent le fil d’une action pour adresser la parole au spectateur : rien ne porte un coup plus mortel à l’illusion, & nous ne saurions trop rejetter une pareille faute. […] Le public ne s’intéresse à la peine, au plaisir d’un personnage, & à ses diverses situations, qu’autant qu’il se persuade voir le héros véritable d’une action réelle.

54. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXVII. Des aparté. » pp. 446-462

Accoutumons-nous donc à juger de toutes les parties de la comédie, eu égard à l’action, à la scene seulement, & oublions tout-à-fait le spectateur. […] A-t-on jamais oui parler d’une action pareille à celle-là ? […] Alors Clitandre a un champ vaste ; il peut parler tout le temps que dure la rêverie de Damis : il le doit même ; sans cela la scene resteroit muette, & jetteroit du vuide dans l’action.

55. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XLI. Des Episodes. Maniere de les lier aux Caracteres principaux, & de placer les Caracteres accessoires. Embonpoint d’une Piece. » pp. 475-492

La plus facile est celle d’amener un personnage pour faire une seule scene qui ne tient pas à l’intrigue, & qu’on pourroit retrancher sans nuire à l’action. […] Dans cette même piece du Joueur, que je viens de citer, nous voyons une Comtesse & un Marquis très souvent en action. […] Les Prêtres de ce Dieu le trouverent alors fort mauvais, & s’en plaignirent, disant que dans ces épisodes il n’y avoit rien qui eût rapport aux actions, aux bienfaits, & aux mysteres de leur Divinité, ce qui donna lieu au proverbe : En tout cela, rien de Bacchus.

56. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VII. La Chaussée, imitateur de Regnard, d’un Auteur Espagnol, d’un Auteur Italien, d’un Romancier François, &c. » pp. 262-276

Le Marquis fut sourd à tout ce que l’Evêque put lui dire de plus touchant ; &, malgré les conseils des plus honnêtes gens de la ville, il intenta une action contre sa femme, & prétendit que son mariage étoit nul. […] Non, Monsieur, vous n’êtes pas capable d’une pareille action. […] Il en est ainsi de tous les Poëtes qui se bornent à mettre en action des romans, & sur-tout des romans françois.

57. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE X. Du Père, de la Famille, de l’Etat. » pp. 193-216

Aussi, nous n’avons part à la gloire de nos ancêtres qu’autant que nous nous efforçons de leur ressembler ; et cet éclat de leurs actions qu’ils répandent sur nous nous impose un engagement de leur faire le même honneur, de suivre les pas qu’ils nous tracent, et de ne point dégénérer de leur vertu, si nous voulons être estimés leurs véritables descendants. Ainsi, vous descendez en vain des aïeux dont vous êtes né ; ils vous désavouent pour leur sang, et tout ce qu’ils ont fait d’illustre ne vous donne aucun avantage ; au contraire, l’éclat n’en rejaillit sur vous qu’à votre déshonneur, et leur gloire est un flambeau qui éclaire aux yeux d’un chacun la honte de vos actions. Apprenez enfin qu’un gentilhomme qui vit mal est un monstre dans la nature ; que la vertu est le premier titre de noblesse ; que je regarde bien moins au nom qu’on signe, qu’aux actions qu’on fait, et que je ferois plus d’état du fils d’un crocheteur, qui seroit honnête homme, que du fils d’un monarque, qui vivroit comme vous713. » Devant cette cour infatuée de noblesse, devant ces grands seigneurs qui ne voulaient pas qu’il mangeât à la même table qu’eux, il fait parler un honnête homme justement fier de ses ancêtres roturiers, et aimant mieux perdre sa maîtresse que se déshonorer par un titre usurpé. […] I : « Gusman : Un homme de sa qualité feroit une action si lâche ?

58. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. » pp. 357-396

Harpagon, croyant à la déposition de Maître Jacques, accable Valere de reproches, & lui dit de venir confesser l’action la plus noire, l’attentat le plus horrible qui jamais ait été commis. […] C’est très bien à lui, sans contredit, de ne pas faire violer Elise par Valere : mais pourquoi n’a-t-il pas mis en action la demande qu’Anselme fait d’Elise, lorsqu’il veut l’épouser sans dot ? […] Que pensez-vous de nos actions ? […] Comme, dans les pieces bien faites, les principaux personnages se peignent plus souvent par leurs actions que par leurs paroles ; ou, comme leurs paroles tiennent si bien à la scene, qu’elles sont pour ainsi dire en action, nous ne séparerons pas du même cadre ce que chacun des Avares a fait d’avec ce qu’il a dit. […]   Harpagon fait voir qu’il est plus raisonnable qu’Euclion, puisqu’il fouille seulement les personnes qu’il a droit de fouiller, & qu’il ne chasse de chez lui que les domestiques qui n’y sont pas absolument nécessaires ; mais Euclion mettant à la porte sa propre servante, Euclion fouillant de force un esclave sur lequel il n’a aucune autorité, fait bien mieux éclater son avarice qu’Harpagon : l’avarice ne mesure pas toutes ses actions.

59. (1861) Molière (Corneille, Racine et Molière) pp. 309-514

Ils donnent bonnement dans le panneau des grimaciers, et appuient aveuglément les singes de leurs actions. […] De manquer d’action, d’abord. […] Les unes ne sont que l’expression d’une idée ou d’un sentiment; les autres sont des actions réelles. […] Elle renferme encore une véritable action, toute intérieure sans doute, mais réelle: second élément dramatique. […] Racine n’aborde l’action dramatique, dans ce qu’elle a de plus fort, que par la voie détournée du récit; Molière représente hardiment l’action comique dans ce qu’elle a de plus saillant et au besoin déplus vulgaire.

60. (1848) De l’influence des mœurs sur la comédie pp. 1-221

On n’était point encore à la Régence, mais on y marchait à grands pas, et le cynisme se répandait dans les discours parce qu’il était déjà dans les actions. […] Peu lui importe d’ailleurs que ces entreprises soient bonnes ou mauvaises, elle n’achète pas les actions pour les garder, mais seulement pour les revendre. […] La presse alors acquiert une importance inouïe; son action sur les masses est si grande, si prompte, si étendue, que chacun veut l’avoir pour soi. […] Dans ses discours comme dans ses actions, sa supériorité sur Alceste est incontestable. […] Par cette action, qui s’accorde au mieux avec ce qu’il vient de dire et faire, il achève jusqu’au bout le rôle qu’il s’est tracé et que le fourbe sait bien être le plus propre à porter sa dupe aux dernières extrémités.

61. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIX. » pp. 397-410

Je m’en suis convaincu en voyant jouer Pantalon avare, comédie italienne, dans laquelle on a mis en action le conte de Bocace. […] Ma fille a été trop bien élevée pour être capable d’une action si lâche. […] Remercions Moliere de l’avoir mise en action.

62. (1802) Études sur Molière pp. -355

L’exposition. — Très bonne ; elle est en action. […] Dénouement encore plus défectueux, car le spectateur s’intéresse très peu au sort des personnages les moins utiles à l’action, toute faible qu’elle est. […] La scène de dépit entre Valère et Marianne, tient-elle bien essentiellement à l’action ? […] L’exposition. — En action, mais ne nous faisant connaître que le héros de la pièce. […] Voilà l’avant-scène, voici l’action.

63. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Ils lui apprirent surtout à donner un relief vigoureux aux idées comiques ; ces incidents variés à l’infini, ces situations singulières, ces jeux de théâtre, ces pantomimes expressives, jusqu’à ces lazzi que les Italiens multipliaient et prodiguaient souvent sans autre but que l’action elle-même, Molière les employa avec réflexion. […] Le voisinage des acteurs italiens le tenait en haleine, l’obligeait à revenir toujours à l’action rapide.

64. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IV. Brueys & Palaprat, imitateurs, comparés avec Térence, Blanchet, un Auteur Italien, & la nature. » pp. 100-132

Patelin suit avec sa femme, qui le gronde, lui dit qu’il a fait une vilaine action en prenant chez Guillaume un habit qu’il ne sauroit payer : Patelin prétend qu’il est difficile d’être honnête homme lorsqu’on est pauvre. […] Mais ici l’amour d’Henriette & de Valere ne rend-il pas l’action plus animée ? […] Les Auteurs qui voudroient introduire sur notre théâtre toutes les indécences & les impertinences possibles, & qui pensent les excuser en disant qu’elles sont dans la nature, n’ont qu’à mettre en action les abominations dont nous venons de parler, & qu’on traite de gentillesses dans le monde : ils seront peut-être approuvés par quelques personnes sans goût, sans délicatesse, sans mœurs ; mais les connoisseurs & les ames honnêtes les siffleront à coup sûr. […] on diroit, à ton action, que ce seroit un archer du Prévôt qui l’auroit demandé, & non pas un homme de condition.

65. (1873) Le théâtre-femme : causerie à propos de L’École des femmes (Théâtre de la Gaîté, 26 janvier 1873) pp. 1-38

C’était tout uniment un pendant à l’École des Maris : et même, sous peiné de refaire ce dernier chef-d’œuvre, Molière ne pouvait placer l’action de l’École des Femmes dans le mariage. […] Parce que, enfin, sous la provocante toilette de la forme, derrière le mot qui ose, le trait qui porte, la saillie qui éclate et flambe, il y a le fond : une action forte, comprise largement, étudiée puissamment, conduite selon l’art approfondi du théâtre, selon la science exacte de la vie... […] En France, parmi les œuvres illustres, nous n’avons ni la tragédie shakespearienne vibrant aux souvenirs de nos vieux temps, ni même le drame de Schiller poussant nos cris d’indépendance, encore moins l’épopée en action de Guilhen de Castro : chez nous, ces choses-là se chantent. […] Vous allez entendre ce singulier chef-d’œuvre marqué au coin d’une simplicité si excessive vous allez entrer, dans cette intrigue qui vit toute seule, dans cette action où certes l’intérêt ne languit jamais, mais où vous chercheriez en vain l’ombre de ce qu’on appelle une péripétie.

66. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VI. Baron, imitateur, comparé à Moliere, à Cicognini, à Térence, &c. » pp. 219-261

Nous avons vu chez eux, dès le premier acte, les héros se peindre par des actions aux yeux du spectateur : dans celui-ci, Moncade nous apprend qu’il est jaloux ; mais tout s’y passe en récit, à l’exception des soufflets & des coups de pied que Pasquin reçoit. […] Nous avons remarqué dans le premier volume de cet ouvrage, Chapitre VII, de l’Exposition, que Térence étoit bien long dans le récit de son avant-scene, & qu’il avoit tort de faire une aussi longue confidence à un personnage qui n’avoit aucune part à l’action. Baron auroit dû sentir ce défaut comme nous, & le corriger ; mais au contraire, trouvant trop courte une scene sans action & de cent quarante-quatre vers, il l’a alongée de quatre-vingt-trois. […] Ce dernier ne pouvoit mettre décemment sur la scene la sage-femme, ses ordonnances, & les cris de l’accouchée ; cela est vrai : mais il devoit substituer quelque chose d’équivalent, & non pas refroidir l’action par les inconstances de Chrémès, & sur-tout en traînant encore une fois sur la scene le malheureux Sosie pour lui faire entendre un second récit. […]   Baron se peint, dit-on, dans son Homme à bonne fortune, & met en action quelques-unes de ses propres aventures.

67. (1900) Molière pp. -283

On ne dira jamais qu’il a exposé régulièrement ce qu’on appelle une action. […] Je m’érigerai en censeur des actions d’autrui, jugerai mal de tout le monde, et n’aurai bonne opinion que de moi. […] C’est ainsi que l’entend Sganarelle, quand le valet de Dona Elvire vient lui dire : « Est-ce qu’un homme delà qualité de Dom Juan ferait une action si lâche ?  […] Je voudrais aujourd’hui étudier le genre d’influence et d’action sociale qu’il a exercé sur le développement de nos mœurs et de notre vie sociale. […] Ce n’est pourtant pas à dire qu’on puisse leur attribuer directement un rôle politique, et ce n’est pas ma pensée, quand je parle de l’action sociale de Molière.

68. (1823) Notices des œuvres de Molière (VII) : L’Avare ; George Dandin ; Monsieur de Pourceaugnac ; Les Amants magnifiques pp. 171-571

Il y a un trop grand danger pour moi à sortir du rang des ânes, pour m’élever au rang des bœufs. » Molière, a-t-on dit, qui devait avoir souvent sous les yeux l’Aululaire, en composait son Avare, a pu être frappé de ce passage sur le danger des alliances inégales, et concevoir dès lors le projet de le mettre en action. […] Hors de ces cas qui doivent être fort rares, le poète ne peut placer la punition d’un personnage vicieux ou ridicule que dans l’action des autres personnages qui l’entourent ; et ceux-ci sont, pour ainsi dire, chargés de représenter les désordres, les disgrâces, les dangers, les inconvénients de tout genre, conséquences naturelles et accoutumées du défaut qu’il s’agit de corriger. […] Ce qui, sortant de la plume du moraliste ou de la bouche du prédicateur, obtiendrait l’approbation publique, le poète comique le met en action. […] De l’emploi des mêmes acteurs, résulte nécessairement une action du même genre. […] Ce n’est pas une action de bonne foi, où les incidents naissent les uns des autres ; c’est une pièce concertée d’avance.

69. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE PREMIER. Regnard imitateur comparé avec la Bruyere, Plaute, & la nature. » pp. 5-50

Outre les traits que j’ai rapportés, Regnard en a pris encore plusieurs chez la Bruyere, qu’il a mis tant en action qu’en récit ; mais nous eussions été trop minutieux, si nous nous fussions arrêtés sur tous. […] Action. […] Outre le louche qu’une avant-scene forcée jette ordinairement dans l’action, voyons comme les événements de la piece françoise sont amenés avec peu de vraisemblance. […] Quant au fond de la comédie, Regnard n’a fait que mettre en action une aventure arrivée dans le Languedoc. […] L’aventure que je viens de rapporter est très vraisemblable dans toutes ses circonstances ; il est même à parier que dans les campagnes elle se renouvelle souvent, parcequ’une telle fourberie peut s’exécuter avec beaucoup de facilité : cependant, transportée sur la scene, le principe de l’action manque de vraisemblance, & blesse par conséquent tout-à-fait la nature.

70. (1909) Deux ennemis de la Compagnie du Saint-Sacrement : Molière et Port-Royal (Revue des deux mondes) pp. 892-923

D’autant plus « frondeuse » en paroles qu’elle était guérie de la Fronde en action, de tradition toujours un peu sceptique et déplus en plus gallicane, sévère pourtant au fond, et touchée de jansénisme, elle s’effrayait des complaisances que Mazarin, son vainqueur, paraissait avoir pour les Jésuites; elle se scandalisait de voir (octobre 1660), brûlées par la main du bourreau, ces Provinciales qui respiraient la bonne odeur française de la Satire Ménippée. […] Ce n’est pas davantage la ressemblance de l’intrusion et de la tyrannie exercée par Tartufe chez Orgon, de son goût avoué pour toutes les intrigues souterraines, avec les méthodes d’action clandestine que la Compagnie du Saint-Sacrement s’imposait, et avec ces ingérences tyranniques dans la vie privée dont les parlemens, — nous l’avons vu tout à l’heure, — s’étaient émus. […] C’est à l’action, nous l’avons vu, à l’action perpétuelle, universelle, ardente, souple, ingénieuse, que la* Compagnie du Saint-Sacrement faisait appel. […] Cinquante ans plus tard, en 1701, l’auteur de la Science du Salut, un intéressant manuel de « perfection » janséniste, n’enseigne pas autre chose : le péril spirituel, c’est la vie courante, quelque innocente qu’elle soit, mais affairée qu’elle est ; c’est l’action, dont les obligations prétendues et les soucis nécessaires s’accroissent et se compliquent, captivans, absorbans, à mesure que l’existence s’écoule. […] Lui aussi, il affirmait que l’action était « autant maligne que la science et la volupté. » Nul ne croyait plus que lui « à la malignité du monde » et « à la nécessité de s’en écarter ; » c’est encore M.

71. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIX. De la Gradation. » pp. 342-351

J’ai déja critiqué les scenes dans lesquelles les valets parodient leurs maîtres, parcequ’indépendamment de la langueur qu’elles jettent dans l’action, en offrant deux fois la même situation, un de leurs grands défauts est de pécher contre les regles de la gradation. Comment pourroit-on s’intéresser pour l’amour subalterne & grossier d’un valet & d’une servante, qui ne fait pas marcher l’action, lorsqu’on vient d’être affecté par la tendresse délicate de deux jeunes amants bien nés, qu’on desire de voir heureux ?

72. (1886) Molière, l’homme et le comédien (Revue des deux mondes) pp. 796-834

C’était inévitable : la tendance qui portait à mettre du romanesque dans toutes ses actions et à tout amplifier dans son génie pouvait-elle l’épargner lui-même ? […] Il avait un autre ami intime, le physicien Rohault, et à tous deux « il se livrait sans réserve. » Avec les autres, il était « civil et honorable dans toutes ses actions, » dit Chappuzeau, « parfaitement honnête homme, » ajoute La Grange, qui s’y connaissait, « d’une droiture de cœur inviolable, » répète Grimarest, sur le témoignage de Baron. […] Toutes les sortes d’amour lui portent bonheur ; il les exprime avec une vérité suprême, soit en de petites scènes où l’action se pose un moment, mais qui ne tiennent à l’intrigue que par un fil léger, ou dans des pièces entières, inspirées de lai seul. […] Dans la première, sans aucune nécessité d’intrigue ni d’action, le poète fait de Sganarelle un médecin pour rire, à seule fin, semble-t-il, de pouvoir placer sur les médecins et la médecine une opinion trop nette pour n’être pas sérieuse et raisonnée. […] Cette fois, le naturel du poète comique reprend le dessus sur la rancune de l’homme ; la pièce ne contient plus de profession de foi invraisemblable ; elle est toute en action et les traits portent d’autant mieux.

73. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

Tout était académie : académie ne se bornant pas à lire, à écouter, à disserter ; mais académie en action, en inspirations, en conceptions, en création ; jugeant aussi, corrigeant, rebutant au moins les plus grosses erreurs de goût, et réprimant les écarts et les bizarreries. […] On pourrait croire que l’unité de ton était, au moins pour notre théâtre, la conséquence nécessaire de cette loi de l’art qui établissait l’unité de lieu, de temps, d’action : Qu’en un lieu, qu’en un temps, un seul fait accompli Tienne, jusqu’à la fin, le théâtre rempli.

74. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIII. Des Reconnoissances. » pp. 399-421

Le jeu de l’acteur qui fera la narration, le ton qu’il prendra, la situation des personnages intéressés à l’écouter, tout pourra contribuer à rendre comique en récit ce qui seroit triste en action. […] Il falloit qu’Andrès & Célie reconnussent Trufaldin pour leur pere, qu’ils se reconnussent eux-mêmes ; ce qui étoit très difficile, puisqu’Andrès étoit amoureux de Célie : tout cela auroit fait surement une cacophonie beaucoup plus ennuyeuse en action qu’en récit. […] On peut conclure, je crois, de cet article, que les reconnoissances comiques, soit en action, soit en récit, sont les seules avouées par Thalie, mais qu’elle chérit plus particuliérement celles de la premiere espece ; qu’elle trouve celles qui ne sont ni comiques ni larmoyantes, tout-à-fait insipides ; & qu’elle cede les reconnoissances tout-à-fait larmoyantes à cette petite bourgeoise pigrieche, qui, depuis quelque temps, prend place, avec effronterie, entre elle & Melpomene, & leur dispute le terrein.

75. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XV. M. DE CHAMFORT. » pp. 420-441

Action. […] J’ai cru faire une action honnête. […] Tâchons au moins de bien placer notre bonne action.

76. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVI. » pp. 294-322

Le Docteur est, à la vérité, un hypocrite, qui, tout en faisant des leçons à son éleve, pour l’exhorter à fuir les femmes, cede pourtant aux agaceries de Colombine ; mais il soutient si peu de temps son caractere, il y a si loin de la façon dont il se peint aux actions & aux propos de Tartufe, qu’ils ne sont pas faits pour entrer en comparaison. […] Ces actions de vertu du moins vertueux de tous les hommes lui donnerent en peu de temps la réputation d’un Saint. […] Remercions Moliere d’avoir transporté sur notre scene les adieux des amants Espagnols ; je suis fâché qu’il n’ait point pu, ou qu’il n’ait pas osé mettre en action le verre d’eau que Don Diegue demande : il est sublime. […] Il semble donc que Moliere n’ait pas eu grand mérite à mettre le roman en action ; maintenant que nous voyons la copie, il nous paroît qu’elle étoit très facile, & que le Comique le moins accoutumé à faire parler des acteurs s’en seroit aussi bien acquitté.

77. (1825) Notices des œuvres de Molière (IX) : La Comtesse d’Escarbagnas ; Les Femmes savantes ; Le Malade imaginaire pp. 53-492

Sous le rapport de l’action, cette comédie est mille ; elle n’est qu’une suite de conversations, que suspend la représentation d’un divertissement, interrompue elle-même par l’apparition d’un personnage qu’on n’attendait pas, et que termine l’arrivée d’un billet qu’on attendait encore moins. […] Je ne parle plus du personnage principal ; je ne considère que ceux qui sont groupés autour de lui, uniquement pour mettre en action son ridicule, ou pour lui donner du relief. […] Sur le titre seul, on avait jugé que le fond était trop stérile pour qu’il pût en sortir autre chose qu’un ouvrage languissant et froid, où le défaut d’action entraînerait l’abus du dialogue, et où quelques portraits satiriques tiendraient lieu de caractères. […] La peinture des mœurs y est moins étendue, moins générale que dans Le Misanthrope ; mais l’action en est plus vive et plus animée. […] Quel dialogue, quelle scène en action peindrait mieux Argan et sa manie, que ce monologue où il règle et réduit les parties de M. 

78. (1825) Notice sur Molière — Histoire de la troupe de Molière (Œuvres complètes, tome I) pp. 1-

Les leçons d’un sage ne contribuèrent pas peu à doter son âme de cette modération qui fut toujours le fonds de son caractère et la base de ses actions. […] La comédie épisodique doit être une galerie de tableaux de mœurs ; elle ne comporte qu’une faible action, pour laisser briller la richesse des détails ; c’est ce que Molière a supérieurement accompli. […] Le merveilleux de l’action, et les fréquents changements de lieu, font de cette pièce un ouvrage à part : il ne mérite pas moins d’être mis à côté des meilleures productions dramatiques. […] Il est cependant certain que si la poésie convient mieux aux sujets où les caractères se développent surtout par le discours, la prose est plus avantageuse dans ceux où ils ressortent principalement de l’action. […] Le roi, témoin de cette action, eut la bonté de lui demander s’il n’était point blessé, et de lui dire qu’il n’avait jamais vu donner un si vigoureux coup d’épée.

79. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXVIII. Du Comique, du Plaisant, des Causes du rire. » pp. 463-473

Un trait comique prend sa source dans la chose même, naît de la situation des personnages, & tient d’elle seule l’avantage de faire rire : un trait plaisant est au contraire une saillie qui ne fait rien à l’action, qui ne tient rien de la situation des personnages, qui fait rire, à la vérité, mais aux premieres représentations seulement. Un comique de mots perd son sel avec sa nouveauté, & finit même par devenir fade, insipide : celui qui naît d’une situation, se renouvelle, & rajeunit toutes les fois que la situation est mise en action sur le théâtre.

80. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXI. Du Genre mixte. » pp. 241-252

Pour distinguer les pieces mixtes d’avec les pieces à caractere, nous donnerons le premier titre à celles où le spectateur remarque en même temps un ou plusieurs caracteres avec une intrigue filée & mise en action par les ruses préméditées d’un autre personnage ; aux pieces enfin où l’intrigant agit autant que l’acteur à caractere. […] S’ils se partagent les ressorts à eux deux, l’intérêt que le spectateur partage aussi entre les deux personnages, risque d’affoiblir l’intérêt qu’il prend à l’action.

81. (1877) Molière et Bourdaloue pp. 2-269

Ils exigent que le poète rassemble des caractères variés dans une action prompte qui ne s’écarte pas de la vraisemblance et qui laisse au spectateur une utile leçon. […] Ils ne censurent point toutes nos actions, Us trouvent trop d’orgueil dans ces corrections ; Et, laissant la fierté des paroles aux autres, C’est par leurs actions qu’ils corrigent les nôtres. […] Car il existe aussi des hypocrites de cette espèce, des hommes qui, s’étant endormis sur le mobile secret de leurs actions, deviennent hypocrites quasi sans le savoir, dans une sorte de bonne foi. […] On se figurera que j’ai mes vues, et que je tends à mes fins : on empoisonnera mes plus saintes actions : on donnera à mes plus droites intentions un mauvais tour, et l’on en rira. […] Ils ne censurent pas toutes nos actions.

82. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [46, p. 78-80] »

[46, p. 78-80] Les situations comiques sont les moments de l’action qui mettent plus en évidence l’adresse des fripons, la sottise des dupes, le faible, les travers, le ridicule enfin du personnage qu’on veut jouer.

83. (1800) De la comédie dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VI) pp. 204-293

Suivre un galant n’est pas une action infâme ? […] C’est que cette action le met en jalousie. […] Faites parler la •vérité, et vous pourrez prévenir un arrêt injuste, c’est-à-dire une mauvaise action, un scandale, un mal réel. […] L’exposition vaut seule une pièce entière : c’est une espèce d’action. […] La dernière observation que je ferai sur ce rôle, c’est que l’auteur ne lui a donné ni confident ni monologue ; il ne montre ses vices qu’en action.

84. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE XII. Réflexions Générales. » pp. 241-265

C’est cette morale-là qu’il importe de connaître et de juger, parce qu’elle n’est pas une opinion personnelle, mais une action universelle. […] Et puis, en même temps, il est navré de l’action de nos théâtres, qui, surtout dans les plus grandes villes, ne cherchent à attirer la foule que par une obscénité à peine déguisée, et par l’étalage en grand de nudités physiques et morales, que la police ne laisserait pas un instant dans la rue. […] La morale est belle en théorie, mais pénible en action.

85. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE V. D’Ancourt imitateur, comparé à Moliere, la Fontaine, Saint-Yon, le Sage, Montfleury, &c. » pp. 133-184

Don André lui dit que l’action de Don Garcie n’étant pas d’un galant homme, il faut le traiter comme il mérite, & saute par-dessus la muraille de son jardin, pour l’assassiner chez lui. […]   Le conte du Cocu battu & content présente d’abord deux écueils à quiconque forme le dessein de le mettre en action ; premiérement, l’indécence du tête-à-tête entre les deux amants ; secondement, les coups de bâton que la femme fait donner ou laisse donner à son époux ; ce qui certainement n’est pas honnête. […] Mais sais-tu bien que tu fais là une méchante action, mon pauvre Charlot ? […] D’Ancourt n’a pas été aussi heureux toutes les fois qu’il a voulu mettre en action des faits particuliers. […] Regnard, dans son Retour imprévu, emploie l’idée de Saint-Yon ; mais il ne la met pas en action.

86. (1819) Deux pièces inédites de J.-B. P. Molière [La Jalousie du Barbouillé, Le Médecin volant] pp. 1-4

Ni sous le rapport de l’action, ni sous celui du dialogue, les deux farces du Barbouillé et du Médecin volant ne seront jugées indignes de Molière par aucun de ceux qui voudront bien considérer à quelle époque, à quel âge et pour quelle destination il les a composées.

87. (1769) Éloge de Molière pp. 1-35

C’est la représentation naïve d’une action plaisante, où le Poète, sous l’apparence d’un arrangement facile et naturel, cache les combinaisons les plus profondes, fait marcher de front d’une manière comique le développement de son sujet et celui de ses caractères mis dans tout leur jour par leur mélange et par leur contraste avec les situations, promenant le spectateur de surprise en surprise, lui donnant beaucoup et lui promettant davantage, faisant servir chaque incident, quelquefois chaque mot, à nouer ou à dénouer, produisant avec un seul moyen plusieurs effets tous préparés et non prévus, jusqu’à ce qu’enfin le dénouement décèle par ses résultats une utilité morale, et laisse voir le Philosophe caché derrière le Poète. […] Molière à son exemple renversa l’ancien système, et tirant le Comique du fond des caractères, il mit sur la Scène la morale en action, et devint le plus aimable Précepteur de l’humanité qu’on eût vu depuis Socrate. […] Cotin, le protégé de l’Hôtel de Rambouillet, comblé des grâces de la Cour ; Boursault, qui força Molière de faire la seule action blâmable de sa vie, en nommant ses ennemis sur la Scène ; Montfleuri qui, de son temps, eut des succès prodigieux, qui se crut égal, peut-être supérieur à Molière, et mourut sans être détrompé : tous ces hommes et la foule de leurs protecteurs avaient triomphé de la chute de D. 

88. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIX. Des Méprises, des Equivoques & de ce qu’on appelle quiproquo au Théâtre. » pp. 474-489

Il y a une grande différence d’une action à l’autre : cependant lorsque l’Avare, qui prend Valere pour son voleur, lui dit de confesser l’action la plus infame, il est tout simple que Valere croyant son intrigue découverte, réponde en conséquence, & qu’il s’avoue coupable.

89. (1663) Nouvelles nouvelles pp. 210-243

Jamais homme ne s’est si bien su servir de l’occasion, jamais homme n’a su si naturellement décrire ni représenter les actions humaines et jamais homme n’a su si bien faire son profit des conseils d’autrui. […] Et ce qui fait voir que les gens de qualité sont non seulement bien aises d’être raillés, mais qu’ils souhaitent que l’on connaisse que c’est d’eux que l’on parle, c’est qu’il s’en trouvait qui faisaient en plein Théâtre, lorsque l’on les jouait, les mêmes actions que les Comédiens faisaient pour les contrefaire.

90. (1922) La popularité de Molière (La Grande Revue)

L’art d’exprimer la disproportion et l’antinomie entre la valeur des causes et leurs effets, entre les raisons de nos actions et nos actions elles-mêmes et non pas seulement, comme chez les bouffons italiens qui furent ses premiers maîtres, des jeux artificiels et faciles de mots et d’attitudes, voilà certes par quoi sa force comique est particulièrement irrésistible.

91. (1881) La philosophie de Molière (Revue des deux mondes) pp. 323-362

Non : il y a toujours un Dieu qui veut être adoré en esprit et en vérité : et quand tous les hommes lui refuseraient les justes hommages qui lui sont dus, ils ne lui seraient pas moins dus par chacun des hommes, et chacun des hommes ne serait pas moins criminel en les lui refusant. » C’est tout à fait dans le même sens et dans la même pensée que Kant a dit quelque part : « Il est absolument impossible de prouver par l’expérience avec une entière certitude qu’il y ait jamais eu un seul cas où une action, extérieurement conforme au devoir, a reposé uniquement sur des principes moraux et sur le respect intérieur du devoir. Mais quand même il n’y aurait jamais eu d’action de ce genre, il ne s’agit pas de ce qui a lieu ou de ce qui n’a pas lieu, mais de ce qui doit avoir lieu ; quand même il n’y aurait pas encore eu jusqu’ici d’ami sincère, la sincérité n’en serait pas moins obligatoire pour tous les hommes. »On voit que la question de l’hypocrisie posée par le Tartuffe s’applique à la morale en général aussi bien qu’à la piété : je puis douter de la vertu des hommes comme de leur dévotion ; mais la réponse est la même de part et d’autre : le libertin ne peut tirer aucun avantage de l’hypocrisie des faux sages ou de l’hypocrisie des faux dévots. […] Ces représailles, ce retour offensif, cette habile diversion peuvent être loués comme fait de guerre et de stratégie, et au point de vue historique, c’est un trait curieux que ce renvoi réciproque d’une même injure ; mais il faut dire que cette tactique, quelque heureuse qu’elle soit en elle-même, enlève beaucoup de force au sermon : il n’y a plus unité d’action. […] Le drame, surtout notre drame classique avec sa loi d’unité, ne permet pas toujours de suivre par degrés le développement d’une action et d’une passion : ici il faut accorder quelque chose à la fiction ; mais ce n’est que la forme et non le fond qui a besoin de cette justification. […] En réalité, la méchanceté n’est pas tant dans les actions que dans l’âme : or Molière a eu soin de nous peindre une âme scélérate sans avoir besoin d’y joindre des actions.

92. (1788) Molière (Dictionnaire encyclopédique) « article » pp. 588-589

Il vaudrait mieux peut-être que ces contre-temps vinssent toujours de l’étourderie de Lélie, l’action en serait plus nette et plus morale.

93. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre IV. — Molière. Chœur des Français » pp. 178-183

Tirant le comique du fond des caractères, et mettant sur la scène la morale en action, un poète français est devenu le plus aimable précepteur de l’humanité qu’on eût vu depuis Socrate274.

94. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXI. De l’Amour. » pp. 367-384

Cette action, Monsieur, n’est point selon les loix. […] Que les Auteurs s’appliquent donc à rendre leurs amants intéressants, à mettre leurs scenes amoureuses en action, & qu’étudiant l’art inconcevable de Moliere, ils apprennent à tout vivifier comme lui, & sur-tout à ne point affadir leurs pieces en croyant les rendre touchantes.

95. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXVI. De l’opposition des Caracteres. » pp. 398-416

Que seroit-ce, s’ils eussent souvent été en action ? […] Plus ces scenes sont brillantes, plus elles font oublier le véritable héros, lui pour qui le spectateur vient sur la foi du titre, qu’il veut voir briller de préférence, qu’il veut sur-tout voir toujours en action, ou duquel il veut du moins être entretenu quand il ne le voit pas.

96. (1765) [Anecdotes et remarques sur Molière] (Récréations littéraires) [graphies originales] pp. 1-26

Moliere s’est servi pour la composition de la premiere Scene & pour l’exposition de toute la Piece dont je viens de parler, de la Satyre IX du premier livre d’Horace ; Ibam forte via sacra, &c ; mais il imagina un motif, une intrigue ou action, & un dénouement. […] Contentez vous de composer, & laissez l’action théatrale à quelqu’un de vos camarades.

97. (1858) Molière et l’idéal moderne (Revue française) pp. 230-

Le drame, c’est l’action. […] Mais si le bonheur est une passion, il est aussi et surtout une action.

98. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IV. Jugement sur les Hommes de Molière. » pp. 65-82

240 Mais il importe d’insister sur l’immoralité d’un spectacle où l’intérêt, le charme, la passion sont sans cesse inspirés par des hommes indignes, chez qui l’auteur fait survivre des qualités d’esprit et de cœur inconciliables avec la bassesse de leurs actions, en sorte qu’on leur pardonne leur vice en faveur de leur grâce, de leur sensibilité, de ce reste d’honneur qui leur a été artistement laissé ; elle gai spectacle de leurs succès finit par insinuer doucement au spectateur séduit, que le vice, après tout, n’est pas si noir qu’on le fait. […] C’est le héros de notre siècle pour les exploits dont il s’agit : un homme qui, vingt fois en sa vie, pour sauver ses amis, a généreusement affronté les galères ; qui, au péril de ses bras et de ses épaules, sait mettre noblement à fin les entreprises les plus difficiles ; et qui, tel que vous le voyez, est exilé de son pays pour je ne sais combien d’actions honorables qu’il a généreusement entreprises.

99. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

Ajoutons ce qui est plus important à constater pour les rapprochements que nous aurons à faire, c’est que, dans de telles pièces, l’action est presque tout ; on compte peu sur les discours pour dessiner les caractères, pour traduire les mouvements de l’âme. […] Lorsque celle-ci vint s’installer en France, elle apporta par conséquent à notre théâtre les exemples dont il avait le plus grand besoin ; elle enseignait l’action à notre comédie qui penchait naturellement vers la conversation et la tirade, et qui finit toujours par tomber de ce côté-là.

100. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVII. » pp. 323-356

Moliere termine la scene par ces quatre vers : Enfin je l’ai fait fuir, &, sous ce traitement, De beaucoup d’actions il a reçu la peine. […] Vit-on jamais un dernier acte plus vuide d’action, plus mal tissu, plus plein de répétitions & d’indécences ? […] On y voit à-peu-près les mêmes beautés & les mêmes défauts, avec cette différence que les acteurs n’y ont pas la mal-adresse de ne laisser rien à desirer au spectateur, & de l’instruire toujours de tout ce qui doit arriver ; mais, en revanche, Rotrou, supérieur à Plaute en cela, lui est inférieur quand il fait débiter son prologue par Junon, personnage tout-à-fait étranger à l’action, qui s’amuse à déclamer contre ses rivales l’une après l’autre, & à détailler les travaux qu’elle prépare au fils d’Alcmene.

101. (1853) Des influences royales en littérature (Revue des deux mondes) pp. 1229-1246

Au XVIIe siècle, on ne l’employait guère que pour désigner l’action que les astres avaient alors sur la destinée des hommes ; aujourd’hui il sert assez souvent à désigner des influences qui ne sont pas beaucoup plus réelles. […] Qu’on se l’appelle le mot si souvent cité de Mmede Sévigné sur la conversion de Racine : « Il aime Dieu comme il a aimé ses maîtresses. » Mmede Champmeslé d’abord, et la religion ensuite, voilà peut-être les deux influences les plus profondes qu’il dut subir : non qu’il faille méconnaître l’ascendant que Louis XIV exerçait sur le poète, puisque Racine ne put se consoler d’avoir perdu, par une bonne action, la faveur royale et que sa disgrâce le tua. […] En outre, si l’on doit croire, comme nous le pensons, que les génies supérieurs ne relèvent que d’eux-mêmes, qu’ils se forment seuls et échappent à ces prétendues influences dont on fait tant de bruit, on conçoit que les talens secondaires, plus souples et plus dociles, puissent subir plus aisément l’action du pouvoir.

102. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XLIII. Du But Moral. Philosophie de Regnard comparée à celle de Moliere. » pp. 504-548

Je dis que nous devons les traiter lestement, & résister nous-mêmes à la mode aussi facile que ridicule de faire de ces pieces remplies de portraits & vuides d’action, dans lesquelles on peint jusqu’à la coeffure de chaque actrice, & jusqu’aux couleurs qui nuancent les fleurs de sa robe. […] Un des moyens les plus propres à rendre une piece morale, est de mettre les moralités en action, c’est-à-dire de placer les principaux personnages dans des situations qui fassent bien projetter au spectateur d’en éviter de pareilles. […] Que diroit-on dans le monde si en ma présence je vous laissois faire une action aussi extravagante ?.. […] Des actions d’autrui l’on nous donne le blâme : Si nos femmes, sans nous, font un commerce infame, Il faut que tout le mal tombe sur notre dos : Elles font la sottise, & nous sommes les sots.

103. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIV. Des Tableaux. » pp. 422-425

Outre le froid insupportable qu’il jette par là dans l’action, je crois voir le peintre d’un tableau informe obligé de mettre au bas de la toile le nom de toutes les choses qu’il a voulu peindre.

104. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Ils étaient inutiles à l’action. D’action, il n’y en a pas ombre. […] Vous allez par la pensée d’un côté ; la parole et l’action vous mènent d’un autre ! […] Tous ces ballets nous semblent ralentir et interrompre l’action. […] Le public semble donner raison à Cadet, qui possède sur lui une action que je ne conteste pas.

105. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Ce fut, comme l’a dit Chamfort, la seule action blâmable de sa vie. […] doucement, répondit Molière, ce n’est point ici une affaire à entreprendre mal à propos ; c’est la dernière action de notre vie, il n’en faut pas manquer le mérite. […] Rien dans ses ouvrages, dans ses actions, ne peut porter à croire qu’il ait eu jamais le dessein de fuir devant de tels ennemis, ou le regret de se les être attirés. […] Les Romains avaient pensé que ce drame convenait mieux à cette solennité que le tableau en action de quelque haut fait de ce maître du monde. […] ce qu’annoncerait l’orateur, le poète n’a fait que le peindre ; et la comédie de Molière n’est autre chose que cette morale en action.

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