Tout cela ne vient pas des individus, mais bien de la profession elle même, et c’est de là que naît le comique, c’est là ce qui fait rire même de l’idée de la mort, à chaque instant brutalement répétée ; car autrement, un homme qui de lui-même se jouerait de la vie d’un autre serait odieux, tandis que le médecin, entêté de ses règles, « vous expédiera de la meilleure foi du monde6. » Mais, en conservant cette même idée, ne faisons que changer de robe; nous voici en Cour d’assises : cet avocat qui est là plaide pour sauver un accusé de la mort ; l’intérêt est le même, c’est de même aussi l’exercice d’une profession, seulement ici le sourire ne saurait trouver place. […] L’élévation des idées, la variété des conceptions devraient la protéger contre cette uniformité de défauts ; et cependant ici nous la retrouvons encore : c’est l’amour-propre; c’est l’affection exagérée pour ses œuvres, la tiédeur ou la malveillance pour celles d’autrui. […] Molière revient souvent sur cette idée, qui fait le fond de notre article : Critique de l’École des femmes, scène VII.
J’ai du moins toujours été dans cette idée ; mais comme je n’ai pas voulu me fier à mes conjectures, j’ai cherché dans une infinité de livres italiens, même dans tous les canevas, & je n’ai rien trouvé qui ressemble à notre Misanthrope. […] La façon dont il a traité Cotin n’a pas peu contribué à donner du crédit à cette opinion ; mais je la crois fausse, parceque j’ai trouvé dans le Convié de pierre espagnol, un couplet de chanson qui offre précisément l’idée la plus recherchée du fameux sonnet. […] « Il peut se faire aussi, me dira-t-on, que quelque Auteur précieux & maniéré eût lu le couplet espagnol, qu’il eût trouvé l’idée charmante, qu’il en eût voulu enrichir notre langue ; & que Moliere, toujours guidé par son bon goût, en eût montré le faux ».
De notre temps, il faut le dire (permettez-moi cette réflexion en passant), les idées reçues traversent une phase pénible. […] Pépin d’Herstall n’a jamais possédé le domaine d’Herstall ; la consultation adressée par Pépin le Bref au pape Zacharie n’a peut-être jamais eu lieu; l’inquisition et les dragonades étaient « la manifestation naturelle et jusqu’à un certain point légitime de certaines idées particulières ; » la Saint-Barthelémy trouve son excuse dans ces mêmes idées. […] Usons, si vous le voulez bien, Messieurs, d’une sorte de droit provincial, en restant fidèles, aussi longtemps que nous le pourrons, aux idées consacrées. […] Du temps des Pères de Saint-Acheul, vers 1828, on faisait lire encore dans certains collèges un livre qui peut vous donner une idée de ces moralités. […] Ces six personnages se mettent en idée de construire un nouveau monde.
Quant aux doubles titres, ils semblent annoncer un défaut de netteté ou d’unité dans l’idée principale d’une pièce, puisqu’il a fallu s’y prendre à deux fois pour l’exprimer. […] C’est la même idée, comme le titre l’indique ; mais ce n’est pas le même sujet, si, par ce mot, ou entend la nature et la disposition des incidents, en un mot l’action. […] Deux frères, d’Ouville et Boisrobert, l’y avaient montré, l’un dans sa comédie d’Aimer sans savoir, qui fut jouée en 1645, l’autre dans La Belle invisible, représentée en 1656 ; mais tous deux, soit qu’ils eussent puisé dans le Secchi ou dans quelque autre source, n’avaient pris que l’idée principale qu’ils avaient employée au gré de leur imagination. […] François de Neufchâteau, mon confrère à l’Académie française, a développé la même idée dans un charmant quatrain dont il m’a permis de faire usage : La guerre, et puis la paix ; puis, guerre et paix encore : Voilà du tendre amour tout l’assaisonnement.
Je me borne à chercher, dans ceux connus déjà, la justification des idées que m’a pu suggérer le texte même de Molière sur l’interprétation la plus vraie de ses personnages. […] Molière donna à Orgon l’idée de ce mariage ; un moliériste, M. […] Ne se pourrait-il pas que cette idée de dénouement fût venue de Paris avec la pièce ? […] Quelle idée anime le dévot ? L’idée du salut.
Au début de l’acte II, six scènes sont consacrées à un stratagème macabre de Mascarille, dont l’Inavvertito ne donnait aucune idée : Molière l’a pris à Noël du Fail. […] N’est-ce pas là un des contes qu’a vus Mascarille et qui lui ont donné l’idée du stratagème qu’il met en œuvre au quatrième acte de l’Étourdi ? […] Il est vrai que Lisandre est déguisé en Turc, non en Arménien : mais l’idée même de faire de Lélie un faux Arménien peut avoir été soufflée à Molière par le capitan du Parasite : Il faut le confronter à quelque Arménien, Qui sache le pays, qui sache le langage, Pour voir s’il n’a pas fait un fabuleux voyage. […] Or, il n’y a ni momon ni masques dans l’Inavvertito, mais des serruriers ; ne sont-ce pas les deux passages du Parasite qui ont donné à Molière l’idée de cette substitution ?
La cause principale en est peut-être dans la fausse idée que les auteurs se sont faite de leur art, et par suite de laquelle ils ont quitté la bonne route pour s’engager dans des voies funestes. […] Outre le principal caractère, développé et soutenu jusqu’à la fin avec un art admirable, on y remarque des personnages et des détails qui donnent une idée des mœurs du temps. […] À soixante ans passés, il a conservé les airs sautillants, le ton évaporé, les idées, les préjugés, les mœurs des nobles d’avant 1789. […] Il ne l’est pas, non, comme le dit La Harpe, parce qu’il pousse la vertu jusqu’à l’excès, mais plutôt parce qu’il s’en fait une idée complètement fausse. […] Mais vraiment, à sa place, personne n’en eût eu l’idée.
Le moraliste ayant des points de contact avec le psychologue, je me permettrai d’exprimer quelques idées à ce sujet. […] On voit alors l’imagination créer des chimères, des idées absurdes, immorales ; et ces idées, étant basées sur ce qui a le plus de puissance sur l’esprit, sa manière de sentir, ont toute la confiance du passionné ; elles représentent à ses yeux le vrai, le juste, le bien ; aussi les prend-il pour prémisses des raisonnements qu’il forme sur ce qui intéresse ses passions. […] Dans le Cocu imaginaire, Sganarelle, absorbé par l’idée que Lélie le trompe, ne peut retenir son indignation. […] C’est ainsi que l’imagination engendre les idées délirantes chez les passionnés, soit malades du cerveau, soit en santé. […] Mais avant de l’abandonner, elle défend avec toutes les ressources de son intelligence les idées absurdes que sa passion lui a suggérées.
Vacherot Mon cher Professeur, C’est à vous que je dois mes meilleures idées sur la critique. […] Vous m’avez communiqué le goût des questions de critique générale, et, ce qui est plus, beaucoup d’idées : je vous devais ce livre.
Mais les Adelphes ont fourni tout au plus l’idée de L’École des maris. […] Le reste de la fable n’est qu’un tissu sans ordre, et sans liaison, d’idées détachées et éloignées du point principal. […] Riccoboni tâche, autant qu’il lui est possible, de rapprocher toutes les idées du théâtre du côté des poètes italiens ; c’est pourquoi, malgré les louanges qu’il donne à Molière, il veut que ce grand auteur comique ait puisé le fond de L’École des maris chez les auteurs de sa nation, et ne dit pas un mot de Térence, à qui Molière doit la principale idée de sa comédie. […] Un passage de la préface qui précède cette critique va donner l’idée de cet ouvrage. […] Dans ce dessein, elle sort pour le chercher, mais sans communiquer son idée aux spectateurs, à qui elle donne en même temps une grande curiosité de savoir ce que produira cet entretien.
Cette idée nous étonne aujourd’hui. […] Ici l’image c’est l’idée même, l’idée qui est devenue chair et os. […] Idées de Molière sur l’éducation des femmes. […] Elles roulent d’un bout à l’autre sur cette seule idée. […] Enfin l’idée chevaleresque vint lui ouvrir une carrière.
Cette consécration par la sculpture, de la gloire nationale qui chez les anciens imprimait de nobles idées à la multitude, est presque nouvelle en France. […] C’était le caractère de son génie ; la vue du mal lui donnait l’idée du bien. […] On voit combien cette idée était féconde. […] L’idée ne lui venait pas que le pays pût devoir quelque chose à ce farceur qui, rejeté avec exécration hors de l’Eglise, n’était pour les sept huitièmes de la France qu’un réprouvé. […] Aimé Martin qui précède ce poème, l’idée du monument appartient à un de nos acteurs comiques les plus distingués, M.
Et quand vous jeûnez, ne faites pas comme les hypocrites à l’air triste, qui s’abîment le visage pour que, les hommes voient qu’ils jeûnent ; car je vous dis en vérité, ils ont reçu leur récompense774. » L’idée haute que Molière avait de la religion, le respect qu’elle lui inspirait775, expliquent cette vigueur d’indignation contre les hypocrites et les prudes776. […] Chercher le principe de sa morale dans la philosophie d’Épicure, sous prétexte qu’il fut ami de Chapelle et disciple de Gassendi, c’est commettre une erreur non moins grave : quel rapport y a-t-il entre le système d’Épicure et toutes les idées morales de Molière qui font le sujet du présent livre793 ? […] La morale naturelle est celle que chacun peut tirer de soi : morale de création divine comme nous-mêmes, qui existe essentiellement en nous tous, qui dit secrètement au cœur de chacun ce qui est bien ou mal ; lumière universelle, plus ou moins affaiblie çà et là, mais jamais éteinte ; dont les préceptes sont appuyés en chacun par le sentiment, par la raison morale, par l’opinion commune, par l’idée plus ou moins prochaine de Dieu : en un mot naturelle, c’est-à-dire fondée sur la nature que Dieu créateur nous a imposée formellement ; dont les règles immuables sont connues par l’observation de nous-mêmes ; dont la pratique est commandée par le sens moral et la conscience, et dont l’éternelle valeur, en dehors de toute révélation, est corroborée, chez les peuples chrétiens, par l’influence latente et générale du christianisme même sur les esprits qui lui sont en apparence rebelles. […] Cette morale naturelle est nécessairement liée à l’idée de Dieu : elle ne va point sans religion, et quoique la morale de Molière ne parle guère de Dieu ni de religion, elle ne peut être confondue avec la morale que certaines gens appellent orgueilleusement indépendante 801 ; car, au fond, elle n’est morale, c’est-à-dire règle, que parce qu’elle est infuse en notre nature par la puissance divine, et elle n’est définie que parce que nous avons l’idée du bien, inséparable de l’idée de Dieu. […] Et c’est rendre service aux hommes que de les accoutumer, comme fait Molière, à élucider l’idée du bien, à user de leur conscience, de leur bon sens et de leur liberté, à se fortifier dans le discernement et la pratique de l’honnête.
Ces deux pièces, sous le rapport de l’examen, sont aussi parfaites, aussi admirables l’une que l’autre ; mais je préfère le Misanthrope, parce que l’idée fondamentale de ce chef-d’œuvre me paraît plus profonde, plus philosophique que celle du Tartuffe. […] L’art dramatique, comme tous les autres, est une combinaison d’idées puisées dans la nature, reproduites par l’imitation, que les convenances sociales, l’usage et la civilisation ont ensuite modifiées. […] Après ce que nos grands maîtres ont écrit sur cette matière, il est impossible d’en parler sans s’exposer à répéter leurs idées. […] Mais si le peuple a perdu cet amour du naturel, fondement de tous les arts, il n’en est pas de même des enfants, trop jeunes pour être parfaitement imbus de nos idées sociales : partout ils reconnaissent la nature. […] La vérité et la nature sont un cercle autour duquel nos préjugés, nos idées nous font souvent tourner ; mais tôt ou tard nous sommes forcés d’y rentrer.
Décidez-vous, me dira-t-on : comment accorder votre antipathie pour les scenes amoureuses avec l’idée où vous êtes qu’une fable amoureuse est absolument nécessaire dans une comédie ? […] Que cette idée est jolie ! […] Ce couplet répete trois fois l’idée du premier vers. […] Je plains bien les personnes de l’un & l’autre sexe qui applaudissent à cette scene ; il faut qu’elles n’aient pas eu dans leur vie des tête-à-tête fort piquants, ou qu’il ne leur en reste qu’une bien foible idée. […] Combien de gens n’ont pas l’idée qu’ils devroient avoir de l’intérêt théâtral !
Le fameux Comte de Grammont a fourni à Moliere l’idée de son Mariage forcé. […] La troisieme nouvelle de la troisieme journée du Decameron de Bocace, a fourni à Moliere l’idée de sa Comédie de l’Ecole des Maris. […] du même Acte se trouve dans le Case Svaliggiate, dont nous venons de parler ; & qu’enfin la seconde & la troisieme Scene du cinquieme Acte paroissent entiérement imitées de l’Amante Tradito, quoique l’idée de celle-ci soit dans Plaute. […] Mais la comparaison que l’on peut faire des deux Scene de Rotrou avec les deux de Moliere, loin de faire tort à ce dernier, doit faire sentir la finesse de son goût, & combien les plus foibles idées devenoient supérieures entre ses mains. […] Moliere avoit peut-être en vue cette idée, quand à la fin de sa premiere Scene de l’Ecole des Femmes, il fait dire d’Arnolphe par Chrisalde : Ma foi, je le tien fou de toutes les manieres, Arnolphe dit de son côté de Chrisalde : Il est un peu blessé sur certaines matieres.
C’est ainsi que, de nos jours, quand le retour de l’ancienne maison de France imposa l’obligation de renier, de détester tout le passé, quand ce n’était pas assez de le mettre en oubli, qu’il fallait en avoir horreur, les romans de Walter Scott, où étaient peintes des mœurs inconnues, acquirent en France une vogue inouïe et contribuèrent au grand changement qui s’opéra alors dans les idées et dans la littérature. […] Ce roman est une pastorale allégorique dans laquelle l’auteur a décrit ses propres amours dégagés de toute idée grossière, et où, « par plusieurs histoires et sous personnes de bergers et d’autres, sont déduits les divers effets de l’honnête amitié ». […] Quand une nation se repose après une révolution ou après de grandes dissensions, le parti victorieux s’applique encore quelque temps après la victoire à exercer une espèce de vengeance morale sur les opinions qui régnaient avant le combat ; il réprouve tout le système des anciennes idées, des anciens principes en morale, en littérature, en philosophie, même dans les arts.
ce titre alors, au lieu de donner une idée du sujet, ne ferait que rappeler une des moindres circonstances de la pièce. […] Voici ce que Molière raconte au sujet de cette petite comédie, dans sa préface de L’École des femmes : « L’idée de ce dialogue me vint après les deux ou trois premières représentations de ma pièce. […] Il y avait, ce semble, un peu de présomption de la part d’un homme du monde, quel que fût son esprit, à travailler d’après une idée de Molière, pour le compte de Molière même. […] Boursault, qui eut, dit-on, la malheureuse fantaisie de se reconnaître dans le Lysidas de La Critique, eut l’idée plus malheureuse encore d’en vouloir tirer vengeance, en faisant Le Portrait du peintre, ou la Contre-critique de l’École des femmes. […] Cet emploi, dont presque personne n’a d’idée aujourd’hui, était d’une très grande importance dans un temps où les comédiens parlaient tous les jours au public.
On a dit que ce fut cette pièce qui inspira à Milton, voyageant quelques années plus tard en Italie, la première idée du Paradis perdu. […] Est-ce en souvenir du séjour que les Fedeli avaient fait à Paris en 1624-1625, ou à l’occasion d’un nouveau voyage de cette troupe, qu’un des organisateurs des divertissements de la Cour eut l’idée de faire danser « un ballet du roi représentant les comédiens italiens » pour lequel Bordier fît des vers 23 ? […] Nous reproduisons ce dessin qui donne une idée du costume des premiers rôles féminins dans la troupe des Fedeli.
Par quel contre-sens étonnant le génie de Molière a-t-il conçu l’idée la plus élevée du mariage, ] et n’a-t-il jamais entrevu l’idée de la famille ? […] Nous insultons à la mémoire du Roi-Soleil ; nous voulons croire que toute idée de justice ou de liberté devait sécher aux feux de ses rayons absolus. […] Cette tirade, qui date de février 1665 au plus tard (la première représentation est du 15 février 1665), donna à Boileau l’idée de sa Satire V, qui fut composée la même année, et qui avait d’abord pour titre : Discours sur la noblesse dépourvue de vertu. Ce fut un renfort pour Molière, qui dut être heureux de voir ses idées si nettement développées : il y a même un passage traduit : Ce long amas d’aïeux que vous diffamez tons Sont autant de témoins qui parlent contre vous ; Et tout ce grand éclat de leur gloire ternie Ne sert plus que de jour à votre ignominie. […] Il est curieux de remarquer que cette idée, qui est de Juvénal (Satire VIII, v. 138) : Incipit ipsorum contra testare parentum Nobilitas, claramque facem præferre pudendis, va s’affaiblissant un peu à chaque traduction : servir de jour est plus faible qu’être un flambeau, qui est plus faible que præferre facem.
Cette année, à pareil jour, les sociétaires du Théâtre-Français ont eu l’heureuse idée de célébrer le 225e anniversaire de la naissance de Molière par une autre ovation non moins éclatante, quoique toute littéraire, par la reprise (on pourrait dire par la résurrection) d’un de ses chefs-d’œuvre, le Festin de Pierre. […] On ne peut se faire une idée de la fureur du parti dévot, quand il vit s’élever contre lui sur la scène un nouvel adversaire, non moins habile et non moins redoutable que n’avait été Pascal. […] Enfin, le progrès des idées et le respect dû aux chefs-d’œuvre aidant, elle vient de reparaître sur le théâtre, cette courte et belle scène que n’aurait pas désavouée Shakespeare ; nous l’avons vue enfin et entendue tout entière, telle qu’elle a jailli de l’âme et du cerveau de son auteur, telle que bien peu même des contemporains de Molière ont pu l’entendre et l’admirer ; et, pour comble de bonheur, elle a été interprétée d’une manière sublime par Ligier, qui, avec quatre ou cinq paroles sorties du cœur, sans cris, sans gestes, a ému profondément toute la salle. […] C’est là l’idée terrible et profonde que le grand comique philosophe a su couvrir, sans la cacher, de toutes les fleurs de sa sérieuse gaieté. […] Je regretterais pourtant la beauté des décorations de Ciceri, qui allongent un peu les entr’actes, si l’on n’avait eu la bonne idée de les remplir par quelques morceaux de Mozart.
Cette scene est encore de l’invention de Moliere, & on ne peut disconvenir que l’idée n’en soit plaisante ; & elle est d’autant mieux imaginée, que les deux Sosie ayant ouvert la scene, il paroit raisonnable qu’ils se retrouvent aux prises dans le reste de la piece. […] Je le répete, & mes Lecteurs seront certainement de mon avis, Boileau & Madame Dacier ont été entraînés dans leurs jugements par le respect aveugle que l’on avoit jadis pour l’antiquité, & par l’idée où l’on étoit que nos génies ne pouvoient se mesurer avec les anciens, sans se montrer inférieurs : idée presque aussi ridicule, mais bien moins impertinente que notre mépris actuel pour les ouvrages du siecle passé, & la haute estime que nous avons de nos monstrueuses productions. […] J’ai vu des personnes soutenir, avec la derniere opiniâtreté, que Moliere devoit à Rotrou l’idée du dialogue si plaisant entre Sosie & la lanterne figurant pour Alcmene, ainsi que toutes les scenes de Cléanthis avec son époux. […] Il m’est bien aisé de prouver le contraire en rapportant une scene dans laquelle les deux Auteurs ont suivi le même plan & les mêmes idées. […] Nous devons, je pense, trouver beaucoup d’art dans ce dernier couplet, dont l’idée n’est ni chez Plaute ni chez Rotrou.
Des mots nets et précis, représentant des idées claires, sont la mort de toute discussion : si l’on comprenait bien les termes dont on se sert, peut-être parviendrait-on à s’entendre ; on écrirait moins, on penserait et on agirait davantage. […] S’il est un écrivain qui ne doive rien à son temps, c’est assurément Fénelon : il n’y a pas une de ses idées qui ne soit une protestation contre les opinions dominantes, officielles et approuvées. […] L’aversion que Fénelon éprouvait pour le système de Louis XIV lui a souvent inspiré des idées excessives, comme l’amour de la paix à tout prix et une simplicité par trop pastorale, dues à son horreur pour les conquêtes et pour le faste de Louis XIV. […] Le XVIe siècle, ce siècle si malheureux, est celui qui a jeté dans le monde toutes les idées fécondes sur lesquelles nous avons vécu depuis. […] Louis XIV devenu roi, Colbert eut l’idée de donner des pensions à tous les auteurs qui semblaient tenir un rang distingué dans l’estime des contemporains.
Si l’on a bien dans la mémoire l’ensemble des œuvres du comique français, on discerne sans peine l’élément important que lui a transmis la double veine, littéraire et populaire, de l’art italien ; élément important, non par le fonds des idées satiriques et morales, mais par l’abondance des moyens d’expression ; élément en quelque sorte matériel, artificiel, mis à la disposition du grand ouvrier. […] Ils lui apprirent surtout à donner un relief vigoureux aux idées comiques ; ces incidents variés à l’infini, ces situations singulières, ces jeux de théâtre, ces pantomimes expressives, jusqu’à ces lazzi que les Italiens multipliaient et prodiguaient souvent sans autre but que l’action elle-même, Molière les employa avec réflexion. […] Molière s’empare de cette idée, il l’introduit dans L’Avare.
Lulli, justement décrié pour ses mœurs infâmes, ne méritait d’entrer dans aucune compagnie honorable ; et, suivant les idées du siècle, il venait peut-être de s’en rendre plus indigne encore, en montant comme farceur sur un théâtre. […] Jourdain est le type de cette manie universelle : il n’y a qu’à descendre ou à monter, en idée, l’échelle des rangs ; et, dans ce bourgeois qui fait le gentilhomme, on reconnaîtra toutes les espèces de gens qui veulent sortir de leur condition. […] Puisque j’ai commencé à examiner comparativement les différents étages de la société, j’en prendrai occasion de faire remarquer ici que Molière, presque toujours, donne aux enfants des expressions plus élégantes, des idées plus raffinées, et même des sentiments plus élevés qu’à leurs parents. […] Ce fut probablement cette publication qui donna à Molière l’idée de traiter ce sujet si propre, satisfaire les intentions du monarque, ce sujet qui, comme a dit ingénieusement Lamotte, « eût pu faire inventer l’opéra ». […] La latinité d’Apulée, comme celle de tous les Africains qui ont écrit dans la langue des Romains, est rude, obscure, remplie de termes à la fois barbares et affectés ; mais ses idées sont plus naturelles que ses expressions ; son style, infecté des vices communs à son siècle et propres à son pays, brille néanmoins de toutes les qualités d’un esprit vif et gracieux, éloquent et poétique.
Il est si difficile de s’approprier les idées d’autrui, de les revêtir de couleurs propres à son sujet & à son pays, que je ne comprends pas pourquoi quelques Auteurs modernes, loin d’avouer qu’ils ont imité tel Romancier ou tel Auteur comique, s’en défendent au contraire comme d’un crime énorme, & regardent comme autant d’ennemis les personnes qui découvrent les sources où ils ont puisé. […] Nous le verrons séparer le bon d’avec le défectueux, le médiocre d’avec le détestable ; changer un défaut en beauté ; rendre cette même beauté plus sensible en la plaçant dans son véritable point de vue, & coudre à un même sujet des idées & des scenes qui paroissent tout-à-fait opposées.
Car il est bien plus difficile de faire des tableaux d’après nature, c’est-à-dire, où on ne s’écarte jamais des idées du commun des hommes, que de s’abandonner à des caprices où le pinceau joue en liberté, et donne comme fait à dessein, ce qui n’est souvent que l’effet du hasard, ou quelquefois même de l’inhabileté, ou de quelque fougue d’imagination, enfin d’une sorte de libertinage de génie qui a secoué le joug... » « Il semble que Molière ait choisi dans les maîtres leurs qualités éminentes pour s’en former un talent particulier. […] Enfin s’il s’agissait de se faire l’idée d’une comédie parfaite, il me semble qu’aucun des comiques anciens ne fournirait autant de traits que Molière ; il a ses défauts, j’en conviens ; par exemple, il n’est pas souvent heureux dans ses dénouements ; mais la perfection de cette partie est-elle aussi essentielle à l’action comique, surtout quand c’est une pièce de caractère, qu’elle l’est à l’action tragique ?
Idées sur Molière L’éloge d’un écrivain est dans ses ouvrages. […] il est vrai que dans ton excellente farce de Scapin, tu as pris à ce bon Cyrano la seule idée vraiment plaisante qu’il ait jamais eue ; que dans le Misanthrope tu as imité une douzaine de vers de Lucrèce; que les canevas italiens et les romans espagnols t’ont guidé dans tes premiers ouvrages ; mais n’est-ce pas toi qui as inventé ce sublimé Misanthrope, le Tartuffe, les Femmes savantes, et même l’Avare, malgré quelques traits de Plaute, que tu as tant surpassé? […] quelle richesse d’idées sur un fonds qui paraissait si stérile !
Ceux qui se sont fait de Julie de Rambouillet une idée romanesque, veulent nous persuader qu’après que le duc de Montausier eut demandé sa main, elle le fit languir treize ans, le soumit à toutes les épreuves imposées aux amours fabuleux des romans du temps, exigea qu’il parcourût, dans toute son étendue, le royaume de Tendre, dont mademoiselle de Scudéry n’eut l’idée et ne publia la carte que dix ans plus tard. […] Pour faire briller la finesse et la délicatesse de son esprit, on alambiqua toutes ses idées.
Il les disposoit & les colloit les unes auprès des autres, selon que le sujet le demandoit ; il lui arrivoit même de changer l’expression des têtes qui ne convenoient pas à son idée, en supprimant les yeux, la bouche, le nez & les autres parties du visage, & y en substituant d’autres qui étoient propres à exprimer la passion qu’il vouloit peindre : tant il étoit sûr du jeu de ces parties pour l’effet qu’il en attendoit. […] L’idée de cette scene est dans l’Italien. […] A la vérité l’Auteur moderne, en saisissant cette idée, a changé le reste de l’intrigue, le dénouement, & les autres personnages ; & l’on doit d’autant plus excuser cette faute, où il n’est tombé que cette seule fois ». […] Parfait, que Dufresny a commis le plus grand crime en rajeunissant une idée oubliée, & noyée dans une très mauvaise piece.
Il fait tout ce qu’il peut pour se redonner la vue dont il conserve nuit & jour une si chere idée ; mais la grande contrainte où l’on tient sa bergere, lui en ôte tous les moyens. […] Collalto 49 en a rajeuni l’idée dans l’un de ses canevas intitulé : Les Intrigues d’Arlequin. […] La même idée a été depuis assez heureusement renouvellée dans une comédie intitulée La Foire des Poëtes. […] « Quelle idée folle, va-t-on s’écrier peut-être ! […] Il est à parier que Moliere, plein de son idée, laissa couler sur son papier les quatre vers que nous avons rapportés, & qui sont ceux de Boileau mis en action & en dialogue.
Il est bien entendu, toutefois, que ce n’est qu’avec une certaine crainte que nous exposons nos idées, et que nous sommes tout disposé à les reconnaître fausses si les raisonnements qui vont suivre paraissent insuffisants. […] Auger), semble appuyer notre idée d’un Pourceaugnac différent de celui que nous connaissons. […] On a aussi cherché si Molière n’aurait pas pris l’idée de Pourceaugnac dans quelque pièce composée antérieurement Parmi celles que l’on a reconnues comme ayant pu lui servir à « prendre son bien » où il le trouvait, on a cité : le Disgrazie dArlechino, pièce qui paraît avoir fourni à Molière l’idée de quelques-uns des tours que l’on fait à Pourceaugnac. […] Si Lully voulait faire rire le roi et en retirer quelque avantage, il fallait qu’on sût que c’était lui qui jouait ; et, outre que les rôles des opérateurs étaient insignifiants, ces rôles étaient masqués5 ; Lully ne pouvait avoir l’idée de plaire et de rester en même temps inconnu. […] Mais ce fait imputé à Molière parait douteux, bien que plus tard il ait affiché encore plus crûment, dans un autre ordre d’idées, l’abbé Gotin.
Tabarin a vraisemblablement pris l’idée de ses sacs dans la source où le Seigneur Straparole a puisé ses Nuits facétieuses. […] Avant que d’abandonner le théâtre italien, parcourons tout ce qui peut avoir fourni des idées à Moliere pour composer la piece dont il est question. […] L’idée est fort plaisante, Moliere l’a adoptée. […] Ici les personnages sont dans la même situation que dans la piece latine, mais Scapin rend la scene françoise bien meilleure par l’idée qui lui vient de contrefaire le pere. […] Qu’on me permette de finir cet article par une idée qui me vient.
Il ne se doute pas même de l’idée de Hobbes. […] Le lecteur sera transporté hors des idées Européennes. […] J’ai eu cette idée il y a deux ou trois ans. […] Ceci est une idée du moment. […] Cette idée est peut-être téméraire.
On aperçoit dans les canevas nouveaux ou refaits à cette époque, bien des idées comiques qui, à coup sûr, avaient passé par là scène française. […] Je sais qu’il connaissait parfaitement les anciens comiques ; mais enfin il a pris à notre théâtre ses premières idées. […] C’est Molière qui probablement donna l’idée de cette résurrection en nommant Pierrot le paysan du Festin de Pierre.
Mais lui-même, dans son enfance, en avait fourni l’idée à Cyrano*. […] C’est de cette dernière, que Molière a pris l’idée de la Princesse d’Elide ; et plusieurs Poètes modernes ont plus d’une fois employé cette situation. […] Molière se trouvant chez le Nonce du Pape avec deux Ecclésiastiques, dont l’air mortifié et hypocrite rendait assez bien l’idée qu’il avait alors dans la tête, en travaillant à sa Comédie de l’Imposteur, on vint présenter à son Excellence des Truffes à acheter. […] Molière, qui était toujours un Spectateur attentif et observateur, prit de-là l’idée de donner à son Imposteur le nom Tartuffe. […] Grand rumeur d’idées, La Motte fut l’hôte des café philosophiques et l’un des habitués de ceux de la Veuve Laurent, de Graudot, et du Café Procope.
On reconnaît là l’idée fondamentale de la « philosophie » de Rabelais. […] Non pas déjà qu’en y regardant bien, on ne puisse y voir poindre l’idée de Molière, et, déjà, la liberté de sa plaisanterie préluder à de plus grandes hardiesses. […] Quelle place cette philosophie assigne-t-elle à Molière dans l’histoire des idées ? […] Par là sa place est considérable dans l’histoire des idées et dans l’histoire de la morale. […] L’Influence : sur la direction de l’art dramatique ; sur les contemporains ; sur certaines idées.
Le cardinal goûta cette idée. […] Je me trompe en accusant ici la prévention ; non : c’est simplement le besoin d’écrire qui fait adopter sans examen et sans conviction un texte de déclamations reçues et en fait exagérer l’expression, pour ne pas reproduire les mêmes idées précisément sous les mêmes paroles.
L’aide-mémoire de Dominique Biancolelli, dont nous parlerons plus loin, ne traçant qu’un seul rôle, ne permet point de se former une idée suffisante de l’ensemble des pièces. […] Il s’en pare, en disant qu’il en vendra mieux son bois à la ville, quand Trivelin paraît à la tête de quelques soldats, reconnaît l’habit de l’homme qui a blessé Ottavio, fouille dans ses poches, trouve une lettre d’Aurelia, se confirme dans l’idée qu’il arrête Valerio, et emmène Arlequin. […] Il se confirme dans cette idée, lorsque après avoir visité les clefs, il en trouve une qu’il ne reconnaît pas. […] On en aura une idée par les situations scabreuses du canevas de Scaramouche, pédant scrupuleux.
Riccoboni ignoroit d’où Moliere avoit pris cette idée : le Lecteur va l’apprendre. […] Moliere a bien pu prendre dans cette comédie l’idée d’introduire une intrigante chez son avare ; mais il l’a fait avec plus d’adresse & de décence, puisque la Dame d’intrigue de Chappuzeau se sauve chez Crispin, riche avare, en feignant d’éviter le courroux de son mari. […] Il est clair que Moliere ne peut avoir employé les idées particulieres des différents Auteurs dont nous venons de parler, sans avoir emprunté auparavant d’eux des idées plus générales, c’est-à-dire, celles qui amenoient les scenes & les situations qu’il a transportées sur son théâtre. […] Quelle idée avez-vous de notre bonne foi & de notre probité ? […] Cette idée me désespere, me poignarde.
Corneille avait élevé les idées des Français. […] Les Poètes que la loi privait de la satire personnelle, furent dans la nécessité d’avoir du génie ; et cette idée sublime de généraliser la peinture des vices fut une ressource forcée où ils furent réduits par l’impuissance de médire. […] On ne voit point qu’une grande idée philosophique, une vérité morale utile à la société, ait présidé à l’ordonnance de leurs plans. […] Tout ce qui peut donner l’idée d’une situation, développer un caractère, mettre un ridicule en évidence, en un mot toutes les ressources de la plaisanterie, lui parurent du ressort de son art. […] Avec quelle candeur comique un personnage grossier, dévoilant des idées ou des sentiments que les autres hommes dissimulent, ne trahit-il pas d’un seul mot la foule de ses complices !
En 1661, au château de Vaux, Molière venait de donner les Fâcheux, lorsque, entre un impromptu et une pièce de circonstance, l’idée lui vint d’écrire l’Ecole des Femmes. […] Peut-être est-ce pour cela, messieurs, que vous êtes accusés de tyrannie par beaucoup d’écrivains généreux; quant à moi, je vous prie de croire que j’ai tout le respect voulu pour votre suprématie sociale, puisque je le partage, mais je n’en suis pas plus fier, et si un de mes fils a l’idée de faire des comédies, je l’engagerai paternellement à ne s’occuper que de nos victimes. […] L’Ecole des Femmes ne lui suggérait aucune idée sanguinaire. […] Cette idée morale de l’ignorance; employée comme cadenas pour emprisonner un cœur enfant, tout ingénieuse qu’elle est et prêtant aux développements les plus comiques, ne nous suffirait point. […] Si vous voulez le résumé de mon opinion en trois mots, le voici : Comme idée philosophique, je m’abstiens de juger; peut-être que je ne m’y connais pas; comme comédie, c’est douloureux et c’est amer; comme pièce enfin, comme drame, puisque c’est le mot générique, je trouve que c’est très dangereux parce que c’est très beau.
S’ils acceptent sans discussion et pour toujours les idées de leurs maîtres, qu’ils sachent bien que le public ne verra jamais en eux que des doublures. […] Quand on essaie de l’ébranler, de la déraciner, on se trouve en face d’un argument puéril, mais qui pour la foule est souvent sans réplique : Croyez-vous donc qu’une idée fausse ait pu durer si longtemps ? […] Si le lecteur en effet a bien voulu suivre avec attention l’enchaînement de mes idées et les preuves que j’ai apportées pour établir la légitimité de mes regrets, il arrivera comme moi à cette conclusion, que Molière n’est pas compris au Théâtre-Français, qui s’appelle pourtant la maison de Molière. […] S’ils ne saisissent pas ou s’ils oublient l’enchaînement des idées, ils se dédommagent en créant, en exprimant des intentions qui ne s’accordent pas avec la nature du personnage. […] On n’aurait pas à redouter le danger de l’imitation, car il n’y a pas de procédés connus pour jeter une idée nouvelle dans le moule du Misanthrope ou de Cinna.
L’idée d’exposer les pièces controversées est également excellente. […] Je soumets humblement cette idée à mon illustre maître M. […] Quelle est au juste l’idée qui se personnifie dans l’homme aux rubans verts, ce frondeur bourru de tous les travers sociaux ? […] Si Molière eût trempé dans le jansénisme, si seulement il eût franchement imprégné Alceste des idées de Port-Royal, croyez que l’œil éveillé de ses nombreux ennemis n’eût pas manqué de le voir. […] Voilà l’idée jetée au vent : que de plus habiles la fécondent.
quelle richesse d’idées sur un fond qui paraissait si stérile! […] L’idée de ce système absurde, qui est celui d’Arnolphe, se trouve dans une nouvelle de Scarron, tirée de l’espagnol, qui a pour titre la Précaution inutile. […] Les spectateurs ne purent pas l’atteindre : il avait franchi de trop loin la sphère des idées vulgaires. […] La malédiction dans la bouche d’Harpagon n’est qu’une façon de parler, et Rousseau nous la représente comme un acte solennel : c’est ainsi qu’on parvient à confondre tous les faits et toutes les idées. […] On ne peut nier que Molière ne doive à Scarron cette idée si ingénieuse, de faire de l’aveu d’une conscience coupable un acte d’humilité chrétienne.
La liaison d’amitié qu’il avoit avec Regnard, l’engageoit à lui faire part de ses idées. […] Je prétends te prouver qu’elles n’ont rien de semblable que le fond du sujet, & deux ou trois idées de scenes qui se sont trouvées dans les mémoires que l’un des deux Auteurs a dérobés à l’autre. […] Tu ne me répetes que ce que j’ai vu dans tant d’autres prologues : je suis las de cette monotonie ; en un mot, je veux du neuf, & si tu n’as pas l’imagination assez fertile pour trouver & pour mettre en œuvre quelque idée heureuse, ingénieuse, délicate, qui me plaise, ne me dis rien du tout : ce long préambule que tu me veux faire essuyer, va m’indisposer contre toi, peut-être à n’en pas revenir..... . . . . . . . . . […] Mais, toute réflexion faite, pourquoi perdre du temps & du papier à mettre sous les yeux du public les mêmes idées en deux langues différentes ?
Tour à tour naïve, tendre, morale, et guerrière, elle fait éclore les idées les plus riantes et les sentiments les plus élevés ; elle inspire l’amour, cimente l’amitié, frappe le ridicule, enflamme le courage ; enfin, est à la fois l’interprète du cœur et l’organe de l’esprit. […] Denys, tyran de Syracuse, s’étant adressé à Platon, afin d’avoir une idée positive du gouvernement et du peuple d’Athènes, le philosophe, pour toute réponse, lui envoya le théâtre d’Aristophane. […] Quel mouvement rapide dans la marche des idées !
Cette sympathie, en s’exaltant dans leur âme, aidait le roi à concevoir le véritable amour où les puissances morales surpassent les jouissances physiques, et à substituer en lui des idées de bonheur aux idées de plaisir. […] Je ne puis lui parler seule, parce qu’elle ne me le pardonnerait jamais ; et quand je lui parlerais que je dois à madame de Montespan ne peut me permettre de parler contre elle. » Une lettre explicative de celle qu’on vient de lire, et qui heureusement porte la date précise du lundi 29 juillet, détermine très approximativement cette de la précédente, la voici : « Je pense toujours de même, quoique le changement de mon style vous ait fait craindre un changement d’idée. » (Cette phrase suppose une lettre intermédiaire d’un ton moins triste que la précédente.)
Au surplus, je ne puis qu’approuver cette idée, qui est très décente et très noble de la part de la Comédie. […] De toutes les pièces de Molière, Dom Juan est assurément celle qui convient le mieux à nos goûts et à nos idées. […] Nous aimons à retrouver en eux des allusions et comme des citations à l’appui de nos propres idées. […] Ce sont les mêmes idées, exprimées de façons différentes. […] etc., la première idée du fameux : Demandez plutôt à Lazarille !
Les Adelphes de Térence n’ont fourni que l’idée de l’école des maris : dans les Adelphes, deux vieillards d’humeurs opposées, un pere & un oncle, donnent une éducation très-différente, l’un à son fils, l’autre à son neveu ; dans l’école des maris, ce sont deux tuteurs chargés d’élever chacun une fille qui leur a été confiée ; l’un sévere, l’autre indulgent : le poëte françois a enchéri sur le poëte latin, en donnant à ces deux personnages, non seulement l’intérêt de peres, mais encore celui d’amans ; intérêt si fin, si vif, qu’il forme une piéce toute nouvelle, sur l’idée simple de l’ancienne. […] Boursault ne laissa pas de faire jouer à l’hôtel de Bourgogne la contre-critique, ou le portrait du peintre ; il suivit l’idée & le plan de la critique, mais il alla trop loin, en supposant une clef connuë de l’école des femmes, qui indiquoit les originaux copiés d’après nature. […] On fut forcé de convenir qu’une prose élégante pouvoit peindre vivement les actions des hommes dans la vie civile ; & que la contrainte de la versification, qui ajoûte quelquefois aux idées, par les tours heureux qu’elle donne occasion d’employer, pouvoit quelquefois aussi faire perdre une partie de cette chaleur & de cette vie, qui naît de la liberté du stile ordinaire. […] Suivant cette idée générale, Moliere réunit à la hâte dans différens intermédes, tout ce que le théatre48 lui pût fournir de divertissemens propres à flater le goût de la cour. […] Ce progrès ne se fait jamais mieux sentir, que par le paralléle des idées semblables, qu’un même auteur a exprimées en différens tems.
Il est possible que cette manie de Sganarelle ait fourni à Collé l’idée du principal personnage de Dupuis et Desronais. […] Rousseau n’avait pu venger le sauvage Alceste des prétendus outrages que Molière avait faits à la vertu dans sa personne, sans lui immoler l’homme du monde, le sage et doux Philinte : il avait proposé ses idées pour une nouvelle comédie du Misanthrope, mais en avertissant qu’il serait impossible qu’elle réussît. […] De toutes les pièces de Molière, c’est peut-être la seule où ne se trouve aucune idée de scène ni aucun trait de dialogue emprunté aux comiques anciens ou modernes ; c’est la seule aussi que n’aient pu mettre à contribution les successeurs de Molière, qui sont tous plus ou moins ses imitateurs ; c’est en même temps celle que les étrangers se sont le plus empressés d’adopter, soit en la traduisant simplement, soit en l’accommodant aux mœurs nationales. […] Comme il est douteux que Molière employât son temps à lire les relations de Grotius, les annales d’Olearius, ou le Mensa philosophica, de l’Irlandais Thibault Anguilbert, et que, d’un autre côté, il est certain qu’il trouvait plaisir et profit à la lecture des récits de nos vieux conteurs, c’est vraisemblablement dans le fabliau intitulé Le Médecin de Bray, autrement, Le Vilain Mire (le Paysan médecin), qu’il a pris l’idée de sa farce du Médecin par force, devenu Le Médecin malgré lui. […] Plusieurs de ceux qui ont écrit sur Molière, affirment qu’il avait puisé lui-même l’idée de sa pièce dans l’épisode du roman de Cyrus.
Marton se confirme dans l’idée où elle étoit que sa maîtresse aime Lindor. […] Tant fut disputé de part & d’autre, que nous nous perdions dans nos idées, quand tout à coup mon mari arriva. […] L’idée est neuve ! […] quelle foule d’idées ! […] je commence à entrevoir quelques idées ; promenons-les, pour les étendre. . . .
D’ailleurs, si l’on donne carriere à son imagination, les acteurs, grands ennemis de la dépense, ne veulent pas se charger de la piece : si l’Auteur, gêné par leurs mesquineries, resserre ses idées, il ne pourra pas soutenir l’admiration du spectateur ; & lorsqu’on cesse, dans ces pieces, de le surprendre, tout est perdu. […] Il est nécessaire que mes Lecteurs aient une légere idée de cette piece.
« Cette piece ne fut jouée qu’à la Cour, & ne pouvoit guere réussir que par le mérite du divertissement & par celui de l’à-propos. » Ecoutons l’Editeur de Moliere : « Le Roi donna l’idée du sujet des Amants magnifiques. […] Cela est vrai : mais voilà précisément ce qui me confirme dans mon idée.
Que l’Auteur ingénieux des Fausses Infidélités ait eu le dessein d’imiter les Commeres de Windsor, ou que l’idée ne lui en soit pas venue, peu nous importe. […] Quant à mes pieces données au théâtre italien par la troupe lyrique, un Conte m’a fourni l’idée du nouveau Marié, ou les Importuns, opéra comique d’un acte.
Marcella se trouble : elle dit à Lisardo que son secret & sa vie sont dans ses mains, ce qui confirme Lisardo dans l’idée où il étoit que la maîtresse de son ami a du goût pour lui. […] Je me suis appesanti sur cet article, pour prévenir la mauvaise interprétation qu’on pourroit donner aux idées de Riccoboni, un peu louches à la vérité dans les premieres phrases. […] Riccoboni semble dire que le spectateur est flatté de voir des incidents amenés par le hasard, parceque le hasard est la divinité qui préside à tous les événements de la vie ; mais Riccoboni avoit trop de goût pour avoir une pareille idée.
Je soupçonne même l’Auteur d’avoir pris son idée dans l’inscription de la ville de Venise, par Sannazar. […] Le style de Plaute, plus simple, moins recherché que celui de Térence, lui sert à exprimer les idées du bourgeois. […] Les Auteurs qui sont venus après le pere de la vraie comédie, ont, je n’en doute point, tenté de marcher sur les traces de ce grand homme, & de présenter leurs idées avec des expressions naturelles, comiques, intelligibles aux spectateurs les moins éclairés : mais la nature a épuisé ses dons en faveur de Moliere, & s’est montrée avare pour ses successeurs, qui n’ayant pas un génie capable d’imaginer des fables nouvelles, d’imiter heureusement celles des Anciens, ou de profiter des idées des nations voisines ; ne pouvant enfanter que des pieces dont l’action & le mouvement suffisent à peine pour soutenir un seul acte, & ne voulant pas ressembler à Poisson, qui se nommoit plaisamment un cinquieme d’Auteur, parcequ’il n’avoit fait que de petites pieces, imaginerent d’amuser le spectateur & de l’éblouir par des pensées brillantes.
Ce fut alors que le mot de précieuses commença à trotter dans toutes les bouches, chacun le prenant dans le sens qui s’accordait avec l’idée qu’il avait des personnes. […] Pour se faire une idée des ruelles et des alcôves, il faut savoir que dans le xviie siècle, et longtemps encore dans le xviiie , les lits ne se rangeaient pas comme aujourd’hui, le long d’une des laces de l’appartement. […] Ce fut par la rumeur des précieuses de haut rang ou de mérite considérable, et par la nécessité où se trouva l’auteur de faire une distinction entre les précieuses, que ce mot cessa d’exprimer seul une idée déterminée. […] Pour les unes, précieuse était synonyme de prisée, l’opposé de méprisée, ou femme de grand prix, opposée à femme commune ; pour les autres, le mot était synonyme de femme qui se prise beaucoup, surfait son mérite, fait la renchérie, et n’est au fond qu’une hypocrite bel-esprit, Une seule idée commune aux précieuses de tout genre resta attachée à ce mot, ce fut celle de femmes qui se sont tirées du pair par des mœurs irréprochables, par un esprit plus ou moins cultivé. […] Mais, par le mot Galantes, il entend parler d’un esprit tourné vers les idées et les sentiments romanesques et vers les ouvrages de galanterie, et non des habitudes désordonnées d’une vie galante.
L’on aurait ainsi tous les élémens nécessaires pour se faire une idée juste de la personne de Molière. […] Dans tout cela, il faut le reconnaître, la pensée maîtresse du siècle, l’idée chrétienne tient fort peu de place. […] On rapproche d’ordinaire de cette théorie celle d’un autre grand poète-comédien, Shakspeare, qui, dans Hamlet, expose lui aussi ses idées sur la récitation dramatique. On a tort, car les idées de l’acteur anglais sont assez différentes. […] Et, de même, la morale qui se dégage de son œuvre n’eût-elle pas gagné à s’inspirer des idées de son siècle ?
Suivant cette idée générale, Molière réunit à la hâte dans différents intermèdes tout ce que le théâtre lui put fournir de divertissements propres à flatter le goût de la Coura. […] Cette comparaison des deux scènes de la comédie de La Sœur, de Rotrou, avec deux autres des Fourberies de Scapin, loin de faire tort à Molière, doit faire sentir la finesse du goût de cet auteur, et combien les plus faibles idées devenaient supérieures entre ses mains. […] [Note marginale] Idée des spectacles anciens et nouveaux, par l’abbé de Pure, in-12, 1668, p. 311 et suivantes. […] Despréaux qui fournit à Molière l’idée de la scène des Femmes savantes entre Trissotin et Vadius. […] Despréaux donna l’idée du latin macaronique du Malade imaginaire.)
Voici l’endroit qui a fourni quelques idées à Moliere. […] Mendoce s’en retournoit consolé de toutes les disgraces qui lui étoient arrivées, quand le valet du jaloux Don Diegue, nommé Ordogno, qui passa auprès de lui, fit semblant d’avoir une idée confuse de sa personne, & commença de l’appeller Pays, quoiqu’il ne l’eût jamais vu que cette fois-là.
Ceux qui n’ont pas lu la pièce ne peuvent s’en faire une idée. […] Lorsqu’on part de cette idée, que nous croyons vraie, le caractère d’Alceste est le plus beau qu’ait conçu Molière. […] C’est cette pièce qui a fourni peut-être à Beaumarchais l’idée du Barbier de Séville ? […] La marmite pleine d’or du vieil Euclion a donné l’idée de la cassette d’Harpagon. […] Au mot de baigneur, il lui vient une idée bizarre.
Le Roi, voulant donner à sa belle-sœur une idée éblouissante des pompes et des plaisirs de sa cour, choisit lui-même les plus beaux endroits des divertissements qui avaient été représentés devant lui depuis plusieurs années, et ordonna à Molière de faire une comédie qui enchaînât tous ces différents morceaux de musique et de danse. […] Harpin lui fournît l’idée de M. […] Désespérant d’exprimer combien la supposition est grossière, je prends le parti de transcrire le monologue d’Argan, appelé Orgon par le faussaire : à peine cet échantillon donnera-t-il une idée du reste. […] Dufresny, qui avait, dit-on, le malheur de ne pas trouver assez d’esprit à Molière, et qui pourtant en avait beaucoup lui-même, a eu la singulière idée de refaire Le Malade imaginaire, en changeant le sexe du principal personnage. […] On ne peut pas douter que la mort de Molière n’ait été envisagée de cette manière par quelques-uns de ses contemporains, médecins on malades superstitieux, quand, dans le siècle suivant, on voit un docteur renommé attacher à cet événement la même idée de châtiment et de fatalité.
Mais qu’importe qu’on differe sur le nom, pourvû qu’on ait la même idée de la chose ? […] Voici le titre de deux de ces pieces, par où le lecteur pourra s’en former quelque idée. […] Il étoit foible quand il marchoit sur les pas d’autrui, & presque toûjours parfait, quelquefois meme sublime, lorsqu’il suivoit le feu de ses propres idées. […] Il étoit satyrique par méchanceté, ordurier par corruption de moeurs, impie par goût ; par-dessus tout cela pourvu d’une certaine gaieté d’imagination qui lui fournissoit des idées folles, ces allégories bisarres qui entrent dans toutes ses pieces, & qui en constituent quelquefois tout le fond. […] Cette idée de grandeur n’éleve pas seulement Aristote ou Platon dans l’esprit de beaucoup de gens, elle imprime aussi du respect pour tous ceux qui les ont commentés, & tel n’auroit pas fait l’apothéose de son auteur, s’il ne s’étoit imaginé comme enveloppé dans la même gloire.
C’est la loi universelle ; s’il est très vrai de dire que les idées font le tour du monde, et qu’elles aillent, de peuple en peuple et de siècle en siècle, cherchant leur vie jusqu’au jour où elles revêtent définitivement la forme lumineuse qui les fait éternelles, un temps arrive, beaucoup plus rapide, où dans un certain lointain, favorable à la poésie autant qu’à la réalité, les choses humaines vous apparaissent sous un jour tout nouveau. […] Imprudent qui s’amuse à déplacer des idées, c’est l’expression même qu’il faut déplacer, l’idée arrive ensuite, obéissante à la parole nouvelle. […] ), avait créé, chez nous, toute une série de mœurs nouvelles, étranges, incroyables, dont les salons du siècle passé ne pouvaient avoir aucune idée, pas plus que nous n’avons l’idée aujourd’hui des salons du vieux Paris, dans lesquels les moralistes ont trouvé les héros de leurs comédies : Alceste, Orgon, Tartuffe et Célimène, M. et madame Jourdain, Sganarelle, Élise, Valère, Marianne ; le distrait Ménalque, Argyre la coquette, Gnathon le glouton, Ruffin le jovial, Antagoras le plaideur, Adraste le libertin et dévot, Tryphile le bel esprit, « bel esprit comme tant d’autres sont charpentiers ou maçons ». […] Il faut avoir partagé l’émotion de cette soirée, dramatique, s’il en fut, pour arriver à un juste idée de ce que peut être une réunion d’honnêtes gens qui aiment sincèrement les beaux-arts. […] C’est l’histoire et c’est le conte des amoureux qui se séparent, l’homme et la femme bien décidés à ne pas se revoir, mais chacun d’eux voulant laisser à son complice, la meilleure idée de son esprit et de sa personne.
Il n’a pas voulu de ce pistolet que Scapin attache à la ceinture du Turc, pour l’accuser d’être un perturbateur, ou du moins ne l’a-t-il pas mis en action ; il a renchéri sur l’idée de faire acheter l’esclave par le beau-pere de Gélio, puisque c’est au pere même de son Etourdi que Mascarille propose d’acheter Lélie. Nous devons à Plaute la premiere idée de cette scene. […] Qu’il eût pris de Quinault l’idée de transporter la scene en France, qu’il eût banni de notre théâtre ces marchands d’esclaves, cette fille qu’on veut vendre & acheter, sa piece étoit infiniment meilleure.
L’être aimé, c’est une idée aimée que l’imagination a revêtue de forme humaine, le rêve qui cherche à se réaliser. […] Il fallait lui reprocher d’avoir ignoré l’essence même du dénouement, c’est-à-dire l’invasion de l’idée planant sur les faits, les ramenant à elle, les illuminant, les pacifiant, les transfigurant. Les idées, au dix-septième siècle, étaient isolées comme les sentiments.
Il est honnête et plein de bon sens, en sorte qu’il se fait de l’honnêteté une idée élevée et pratique, qu’on peut dégager de l’ensemble de ses tableaux. Cette idée est digne qu’on la recherche et qu’on l’étudie, parce que c’est l’idée d’un observateur hors ligne et d’un génie exceptionnel ; il est utile de la bien connaître pour se rendre compte de l’influence morale d’un auteur si attachant.
Le marchand est bien surpris lorsqu’il voit à l’audience le voleur de son drap ; ses idées se confondent ; il parle toujours de six aunes de mouton : ses coq-à-l’âne & les bées du berger persuadent au Juge que les deux parties sont folles ; il les met hors de cour. […] Palaprat s’applaudit d’avoir donné cette idée à son camarade. […] Il s’agissoit de mettre sur la scene quelque autre chose qu’un Eunuque ; après y avoir rêvé, j’eus le bonheur d’imaginer le premier un Muet : cette idée me rit ». […] Idée d’Arlequin bouffon de Cour.
Le bon Henri est enchanté de se voir traité comme un homme ordinaire : il aide à préparer tout ce qu’il faut pour le couvert ; il trouve Cateau gentille, lui dit des douceurs : il délibere à part, si pour abréger les formalités il lui dira ce qu’il est ; mais il rejette cette idée & respecte les droits de l’hospitalité. […] Le Chevalier rejette bien loin une pareille idée. […] Il le renvoie en lui disant qu’il lui vient une idée excellente : il projette d’avoir Madame Gasparin, en lui jouant un tour sanglant, & de se venger de M. […] Dufresny emploie la même idée dans l’Esprit de contradiction.
., comme Shakspeare, lorsqu’il conçut l’idée de mettre sur la scène un misanthrope, devait être plus porté à la mélancolie qu’à la gaieté, et voir surtout le côté triste des choses humaines; mais ses plaintes amères contre l’humanité, qu’il a mises dans la bouche de son héros, ne sont pas pour cela l’expression vraie de :ses sentiments personnels, une diatribe sociale derrière laquelle se cache l’auteur20 Non, Molière n’est pas Alceste tout entier; car, si parfois il semble s’être identifié avec son personnage, souvent ; aussi il l’abandonne : on en voit ,1a preuve dans les avertissements et les leçons qu’il lui fait donner par ceux qui l’entourent ; tel est en particulier le rôle de Philinte. […] Avant d’essayer un jugement sur la question qui nous occupe, il importe, pour avoir un fil conducteur dans ce dédale de conjectures, de .se faire une idée nette et précise de la poésie dramatique en général, et de la manière dont Molière a compris son art. […] « Il ne plaçait aucuns traits qu’il n’eût des idées fixes, dit Grimarest ; c’est pourquoi il ne voulut point ôter du Misanthrope ce grand flandrin qui crachait dans un puits pour faire des ronds, que Madame défunte lui avait dit de supprimer... […] Pour se faire une idée de cette troupe accomplie que dirigeait Molière, on peut consulter L’Histoire du théâtre français, par les frères Parfait, t.
Il est une supposition plus naturelle, que j’ai déjà fait pressentir, et qui dispense d’expliquer une chose étonnante par des choses plus étonnantes encore ; c’est qu’un ami de Molière, ayant entrepris sa défense, a eu communication de son manuscrit, aussi bien que de ses idées, et que, pour cacher cette collusion innocente qu’une trop grande exactitude dans les citations aurait mise à découvert, non sans affaiblir beaucoup l’effet de l’apologie, il a pris soin de faire des altérations de texte qui pussent paraître des infidélités de mémoire. […] On a beaucoup cherché où Molière pouvait avoir pris l’idée du Tartuffe, et plusieurs sources ont été indiquées. […] Finissons par une remarque qui achève de prouver, contre l’opinion de La Bruyère, quelle idée juste Molière s’est formée du personnage d’hypocrite, et en même temps quel art il a employé dans la peinture de ce caractère. […] Comme, chez les anciens, la tragédie et la comédie se jouaient sous le masque, il est probable que la facilité de donner à deux acteurs la même figure leur a suggéré l’idée de ces intrigues dramatiques qui se fondent sur la ressemblance de deux personnages. […] Ce sont des idées qui appartenaient également aux notes et à la Notice : celle-ci eût été incomplète, si je les en eusse écartées.
Outre qu’il est assez ennuyeux, que je crois, D’avoir toute sa vie une bête avec soi, Pensez-vous le bien prendre, & que sur votre idée La sureté d’un front puisse être bien fondée ? […] Enfin, l’on voit clairement que le discours de Don Pedre a fourni l’idée de celui d’Arnolphe. […] Moliere a pris encore l’idée d’une petite scene dans une piece italienne intitulée Pantalon jaloux. […] Le plus fâcheux pour Dorimon est que Moliere lui a pris l’idée de son sot Docteur, & a mis à la place un Chrisalde, dans la bouche duquel il met des choses excellentes. […] Marc Antoine le Grand, comédien du Roi, s’est servi de cette idée dans l’Aveugle clairvoyant, comédie en un acte, en vers, représentée en 1718.
Qu’il me suffise de préciser, au point de vue spécial de la philosophie positive, quelles furent les idées de Molière en matière de morale, de quels procédés il usa pour dénoncer les vices et les travers de ses contemporains et des hommes en général, et quelle est la valeur de son enseignement. […] Acteur par vocation dès l’adolescence, bientôt directeur responsable d’une troupe ambulante, improvisateur de farces, de pièces appropriées au besoin du moment ; puis, une fois établi à Paris, obligé de défendre son théâtre contre la jalousie de l’hôtel de Bourgogne ; sa vie privée contre la calomnie, venimeuse, acharnée ; ses idées contre des attaques véhémentes ; chargé de divertir le plus autoritaire des souverains et non le moins exigeant, Molière suffit à tout, à force d’énergie, lutta jusqu’au bout, quoique malade et rongé de soucis, mourut enfin à son poste en jouant le rôle d’Argan sur cette scène qu’il avait tant aimée. […] J’exposerai dans les deux parties de cette étude : 1º Comment, en admettant qu’on trouve à la base de la morale de Molière ce vieux principe recueilli de l’antiquité et cher à Rabelais et à Montaigne, qu’il faut vivre conformément à la nature, que la nature est bonne, que tout ce qui tend à la corrompre est détestable ; on doit reconnaître que cette idée vague ne sert à l’auteur du Tartuffe que pour atteindre le but négatif de ruiner les préjugés et les superstitions de l’époque ; 2º Comment c’est sur la base de l’opinion publique, représentée par les « honnêtes gens », qu’il ose spontanément édifier sa morale, comme Adam Smith et A. […] Monsieur Lysidas, appelez les choses par leur nom et, sur ce terrain, je ne vous redoute guère. » Molière n’a pas obéi aux préceptes d’Aristote et d’Horace par aveugle respect de la tradition, mais il s’est trouvé en fait amené à les suivre parce que ces règles, « dont vous embarrassez les ignorants, ne sont que quelques observations aisées que le bon sens a faites sur ce qui peut ôter Je plaisir que l’on prend à ces sortes de poèmes » ; Molière ne condamne donc pas les règles, mais ne veut point qu’on les entoure de mystère et de vénération ; et là, comme en toute autre matière, il ne se paye point de mots… La nature et l’honneur féminin Les idées de Molière sur l’honneur féminin, la liberté qu’il sied de laisser aux jeunes filles et aux épouses durent sembler de son temps étrangement hardies. […] Le premier, celui sur lequel il revient sans cesse, est d’être simples : Monsieur Purgon a beau s’affubler d’une longue robe noire et parler latin, il n’en tue pas moins ses malades ; Monsieur Lysidas invoque Aristote et fait d’exécrables pièces ; le philosophe Pancrace est un âne avec toute son érudition ; Marphurius, qui feint de douter si le monde extérieur existe ou non, a besoin de quelques coups de bâton pour se souvenir qu’il existe des juges ; Trissotin, qui mêle en ses vers les calembours aux soupirs, est insupportable. — Molière dit à Arsinoé qu’elfe s’y prend un peu tard pour devenir prude ; à Dorante, ami de Monsieur Jourdain, qu’en dépit de ses belles manières et de son titre, il est un escroc ; à Don Juan, fils insolent, révolté contre toute idée de devoir individuel ou social, égoïste et méchant, au seigneur qui s’abaisse à user de son prestige pour intimider et congédier un créancier, au séducteur de Dona Elvire, repenti tardivement et s’en remettant hypocritement au ciel du soin de réparer ses fautes : « Apprenez que la vertu est le premier titre de noblesse, que je regarde bien moins au nom qu’on signe qu’aux actions qu’on fait, et que je ferais plus d’état du fils d’un crocheteur qui serait honnête homme, que du fils d’un monarque qui vivrait comme vous » ; Clitandre, amant d’Angélique et plein de mépris pour le roturier Georges Dandin : « Vous avez une étrange façon de mentir et de vous parjurer, pour un gentilhomme !
D’où viennent donc, et son idée de Dieu, et le principe de sa morale ? […] Il n’est pas besoin de connaître à fond l’histoire des idées au dix-septième siècle, pour savoir que nous sommes ici en présence d’une révolution qui semble avoir brisé en deux la pensée humaine. […] Enfin, et pour passer tout d’un coup des petites choses aux grandes, et accord est plus visible encore à propos de l’idée de Dieu. […] Prenez ses pièces, en effet ; voulez-vous avoir son idée propre sur la manière dont il faut se conduire avec les femmes ; cherchez un juste milieu entre Sganarelle et Ariste, entre la sévérité par trop farouche de l’un, et la facilité par trop complaisante de l’autre. — Voulez-vous avoir sa théorie propre sur l’éducation ? […] Si de sa vie nous passons à ses écrits, pour que ces critiques aient tort, de ses écrits il but encore effacer tous les passages : 1° Où il nie l’existence des idées innées (Cinquièmes objections, p. 275); 2° Où il établit l’existence des atomes, bien qu’il leur refuse l’éternité (Damiron, p. 421); 3° Où il déclare que toute science est des sens ou vient des sens (Damiron, p. 400 ; Cinquièmes objections, p. 274) ; 4° Où à propos de la pensée, il trouve qu’elle pourrait bien convenir à la matière (Cinquièmes objections, p. 325, p. 259) ; 5° Où sur l’âme il déclare qu’il « balbutiera » seulement, où il admet en l’homme deux âmes, l’une matérielle, l’autre raisonnable, mais où il échoue quand il veut prouver que l’âme raisonnable n’est pas matérielle comme l’autre (Damiron, p. 478, 479, 480) ; 6° Où sur Dieu il déclare que nous ne le concevons que sous la forme corporelle : « Sub idea viri alicujus senis venerabilis » (Log., p. 93); En sorte qu’en dernière analyse nous ne concevons rien : « Quod nihil ornnino habeat corporeitatis., — quia mens nostra, quamdiu est illigate corpori, haurit per sensus notiones rerum; » 7° Où enfin comme conséquence de tout son système, il avoue son scepticisme.
Il fallait donc que Molière effaçât de l’esprit, et qu’il arrachât du cœur des spectateurs les idées d’un comique scandaleux, mais reçu pourtant et applaudi. […] Nous donnons dans celui-ci, non seulement des extraits que nous croyons capables de satisfaire ceux qui n’ont qu’une idée superficielle des poèmes dramatiques dont nous parlons ; mais qui doivent piquer aussi la curiosité de ceux qui les connaissent avec plus de détail, par les faits historiques qui accompagnent ces mêmes extraits. […] « Au reste, comme j’ai toujours rendu justice aux Espagnols, de qui j’ai emprunté presque tous les sujets comiques que j’ai traités avant celui-ci, je n’en dois pas moins à l’incomparable auteur de la Cléopâtre *, et je croirais mal répondre à la profession que je fais de l’honorer, si je n’avouais hautement que l’histoire d’Alcamène et de Ménalippe m’a fourni les premières idées de cet ouvrage. […] Cette comédie qui ne contenait qu’un acte, et quelques autres de cette nature, n’ont point été imprimées : il les avait faites sur quelques idées plaisantes, sans y avoir mis la dernière main ; et il trouva à propos de les supprimer, lorsqu’il se fut proposé pour but, dans toutes ses pièces, d’obliger les hommes à se corriger de leurs défauts. […] Voici l’idée de cette pièce.
Loin de nous à jamais cette idée si fausse, que les heureuses dispositions tiennent lieu d’étude. […] Le troisieme volume contiendra toutes les imitations de Moliere : nous reconnoîtrons qu’il n’est jamais plus grand que lorsqu’il est imitateur ; & pour nous convaincre de la difficulté qu’il y a à s’approprier les idées des autres, à les revêtir des couleurs convenables à son sujet, nous comparerons dans le quatrieme volume Moliere imitateur à Moliere imité, & nous y décomposerons les imitations de ses successeurs, en rapprochant toujours les copies des originaux. […] De cette façon mon ouvrage, s’il est bien fait, joindra le mérite de la variété à celui de donner une idée des théâtres de toutes les nations, de tous les âges, & par conséquent une esquisse de leurs mœurs.
Si, au contraire, Madame Murer a assez bien peint les transports qui l’animent, & sa résolution violente, pour qu’on tremble de voir exécuter l’indigne assassinat du Comte, pourquoi nous rendre la même idée dans un tableau plus foible ? […] Si au contraire elle est intéressante, les personnages intéressants doivent, avant leur sortie, avoir employé les gestes, la voix & les expressions les plus fortes pour nous pénétrer de son importance : pourquoi donc faire succéder à des coups de pinceau fort énergiques, un barbouillage qui ne rend que foiblement la même idée ? […] Le curieux me montre ensuite un second tableau, où la même idée est rendue, mais différemment.
Un acte d’une piece jouée devant Moliere lui a fourni l’idée de ses Fâcheux. […] Quoi qu’il en soit, l’idée appartient à Moliere. […] Quant au dernier trait des deux Satyres, si des créanciers ou des sergents ne délivrent pas Eraste de son Marquis, c’est que l’idée, bonne, excellente, plaisante même dans une satyre, n’auroit pas été réjouissante pour une assemblée composée à coup sûr d’un grand nombre de débiteurs : la piece auroit pu s’en ressentir.
Dans l’intimité d’êtres très délicats et très-sensibles, les causes d’irritation, d’ennui, de douleur se multiplient presque à l’infini : si bien qu’en face de tant de difficultés et de peines incessantes, l’idée de l’obligation et de la nécessité finit par s’amoindrir, et disparaît même aux yeux de certains esprits malades de délicatesse ou de tempérament. […] VI, Ce que c’est que les mariages du théâtre : « On commence par se livrer aux impressions de l’amour sensuel ; le remède des réflexions ou du mariage vient trop tard ; déjà le faible du cœur est attaqué, s’il n’est vaincu ; et l’union conjugale, trop grave et trop sérieuse pour passionner un spectateur qui ne cherche que le plaisir, n’est que par façon et pour la forme dans la comédie… Toute comédie, selon l’idée de nos jours, veut inspirer le plaisir d’aimer ; on en regarde les personnages, non pas comme gens qui épousent, mais comme amants ; et c’est amant qu’on veut être, sans songer à ce qu’on pourra devenir après (chap. […] L’élude de Molière est infinie : je demande qu’on réfléchisse à ces deux gradations, et à ce quelles contiennent d’idées, de bon sens, d’indulgence, d’esprit et d’ironie.
L’Auteur dit dans la Préface : « En lisant les odes d’Anacréon, la troisieme & la trentieme me firent naître l’idée de cette petite comédie ; il me parut que le tableau en seroit riant ». […] Dans la Piece, l’Amour, voulant s’insinuer dans le cœur de trois Nymphes & les séduire, s’annonce comme un malheureux jeune homme qui vit depuis trois jours de fruits sauvages, qui a passé la nuit au pied d’un arbre : cette idée paroît effectivement prise dans Anacréon.
Voltaire a dit avec justice de Balzac, que la langue française lui avait de grandes obligations : « Homme éloquent, dit-il, qui donna le premier du nombre et de l’harmonie à la prose. » Chapelain était un mauvais poète, mais il était homme d’honneur et de probité ; il possédait une érudition profonde et judicieuse ; il eut, le premier, l’idée du Dictionnaire de l’Académie française. […] La pièce des Visionnaires est de 1637 ; le cardinal de Richelieu en avait donné l’idée.