Dorante est tout autre chose : il n’est nullement ridicule, et il est excessivement vil. […] Autour du ridicule principal qui domine toute la composition, quel nombreux et plaisant cortège de ridicules secondaires, qui, tour à tour, lui donnent ou en reçoivent du lustre ! […] Il est peut-être plus nécessaire encore qu’aucun personnage comique ne soit entièrement exempt de vice ou de ridicule. […] Rousseau attaque Molière, comme favorisant les mauvaises mœurs, comme immolant l’honnêteté sotte et ridicule au vice ingénieux et élégant. […] Oui, sans doute ; mais parce que ces tours sont la punition d’un homme ridicule et répréhensible, et non pas parce qu’ils sont l’ouvrage d’un homme élégant et vicieux.
« La comédie veut, en nous faisant rire aux dépens des personnages ridicules, nous corriger des défauts qu’elle joue, afin que nous devenions meilleurs pour la société. La comédie ne sauroit donc rendre le ridicule de ses personnages trop sensible aux spectateurs. Les spectateurs, en démêlant sans peine le ridicule des personnages, auront encore assez de peine à y reconnoître le ridicule qui peut être en eux. […] Les Auteurs Comiques de toutes les nations ont un privilege dont il ne faut pas abuser ; c’est celui de tourner en ridicule dans la capitale, les habitants des provinces. […] Je vous ai donné le temps de déployer toute votre impertinence, & j’ai voulu voir si vous étiez aussi ridicule qu’on me l’avoit dit.
Qu’y a-t-il de plus ridicule que la peinture d’un roi de Perse, qui marche avec une armée de quarante mille hommes, pour aller sur une montagne d’or satisfaire aux infirmités de la nature. […] Il a peint par des traits forts presque tout ce que nous avons de déréglé et de ridicule. […] Il a voulu par cette liberté plaire au Parterre, frapper les spectateurs les moins délicats, et rendre le ridicule plus sensible. […] Un autre défaut de Molière, que beaucoup de gens d’esprit lui pardonnent, et que je n’ai garde de lui pardonner, est qu’il a donné un tour gracieux au vice, avec une austérité ridicule et odieuse à la vertu. […] Despréaux, que Molière, qui peint avec tant de beauté les mœurs de son pays, tombe trop bas, quand il imite le badinage de la Comédie italienne : Dans ce sac ridicule, où Scapin s’enveloppe,Despr.
Il s’attacha à jeter du ridicule sur ces deux vices, ce qui a eu un effet beaucoup au-delà de tout ce qu’on pouvait en espérer. […] Contre le défaut qui regarde les femmes il fit aussi deux Comédies ; l’une intitulée : Les Précieuses ridicules ; et l’autre : Les Femmes savantes. […] Cette Pièce lui fit des affaires, parce qu’on en faisait des applications à des Personnes de grande considération, et aussi parce qu’on prétendit que la vertu et le vice en cette matière se prenant aisément l’un pour l’autre, le ridicule tombait presque également sur tous les deux, et donnait lieu de se moquer des Personnes de Piété et de leurs remontrances. […] On peut dire qu’il se méprit un peu dans cette dernière Pièce, et qu’il ne se contint pas dans les bornes du pouvoir de la Comédie ; car au lieu de se contenter de blâmer les mauvais Médecins, il attaqua la Médecine en elle-même, la traita de Science frivole, et posa pour principe qu’il est ridicule à un Homme de vouloir en guérir un autre. […] Suivant cette règle il n’a pu trop mal-traiter les Charlatants et les ignorants Médecins, mais il devait en demeurer-là et ne pas tourner en ridicule les bons Médecins, que l’écriture même nous enjoint d’honorer.
Qu’il égaie le parterre, je le veux bien, mais à la condition qu’il sera ridicule sans le savoir. […] Sincère dans son aveuglement, il s’étonne de ses mécomptes, et n’a pas conscience de la situation ridicule où il s’est placé. C’est précisément parce qu’il ignore le côté ridicule de ses espérances, de ses prétentions, qu’il intéresse, qu’il est vrai. […] Arnolphe ridicule et sachant qu’il est ridicule n’est plus qu’un personnage de tréteaux. […] S’il a conscience du ridicule auquel il s’expose, s’il le témoigne publiquement, s’il se moque de lui-même, toute la comédie devient impossible.
Molière a principalement fait la guerre à des ridicules. […] Dans ces unions ridicules de la roture opulente et de la noblesse nécessiteuse, l’une était presque toujours condamnée à supporter les mépris de l’autre. […] La mission du poète comique consiste à combattre les vices et les ridicules, et plus souvent ; les ridicules que les vices, par la raison que ceux-ci ont quelque chose d’odieux et de révoltant qui répugné à une condition essentielle du genre, celle d’amuser et de faire rire les honnêtes gens. […] Mais, cette fois, il change son plan d’attaque ; il ne va pas chercher dans leur doctrine ce qu’il y a de plus absurde, dans leur langage ce qu’il y a de plus ridicule, pour le rendre plus ridicule et plus absurde encore. […] Molière alors se déclara l’auteur des vers ; et Benserade fut puni, par des moqueries, de sa ridicule vanité.
Une critique fine & délicate des mœurs & des ridicules qui étoient particuliers à son siécle, lui parut être l’objet essentiel de la bonne comédie. […] Ce fut dans ces conjonctures que parut la comédie des précieuses ridicules ; jamais succès ne fut plus marqué. […] Mais si l’on y retrouve Moliere en quelques endroits, ce n’est pas le Moliere des précieuses ridicules. […] On reconnut dans monsieur Jourdain un ridicule commun à tous les hommes dans tous les états ; c’est la vanité de vouloir paroître plus qu’ils ne sont. […] Il a voulu y peindre le ridicule du faux bel-esprit & de l’érudition pédantesque.
Tous les moralistes reconnaissent qu’il n’y a pas de vice au-dessus de l’hypocrisie sur l’échelle de l’immoralité : pourquoi donc, étant digne de tous les châtiments, ne serait-elle pas justiciable du ridicule ? […] Après la religion vient la vertu, que Molière a été accusé de tourner en ridicule. […] Le fond de la misanthropie est un orgueil tyrannique qui n’exclut pas la probité, mais qui la rend insociable : c’est là seulement ce que Molière attaque par le ridicule. […] Qu’on ne croie point, par exemple, que Le Bourgeois gentilhomme soit une protestation contre l’anoblissement de la roture, contre la marche ascendante du tiers état, ni contre l’aristocratie elle-même ; en traduisant sur la scène un bourgeois ridicule et un marquis dépravé, il signale un double abus : l’avilissement des titres dans ceux qui les portent ; le ridicule d’y prétendre quand on n’y est pas né. […] Dans cette double exécution, Molière prouve sa haute impartialité : de souche bourgeoise, il n’épargne pas les ridicules de la bourgeoisie, obligé de vivre avec les grands, il ne ménage pas davantage les vices de la cour.
Ce sont les ridicules proprement dits que la comédie doit combattre de préférence. […] Il est quelques vices, quelques ridicules qui, pour ainsi dire, engendrent leur contraire. […] Molière avait-il si fort besoin qu’on lui indiquât des ridicules ? […] Le reste est une vision ridicule qui ne mérite pas même d’être combattue. […] À Dieu ne plaise que je méprise les recherches ; mais il y a un point où il est bien ridicule de les pousser, et où il est bien plus ridicule encore d’enêtre fier.
Les Précieuses ridicules furent représentées, sur le théâtre du Petit-Bourbon, le 18 novembre 1658. […] On reconnaît la meilleure et la plus honnête nature du monde dans le peintre hardi des ridicules de son époque. […] Rousseau prétend que Molière a dégradé, avili son héros, et l’a rendu ridicule. […] On voit qu’il ne manque aucun ridicule à cette honorable compagnie. […] Sottise de jeune homme ; air ridicule de bonne fortune ; pure impertinence ; envie de donner matière à parler.
— Par le ridicule. […] S’il y a (et on le recherchera22), dans la comédie de Molière, une autre sanction morale que le ridicule ou le miracle, c’est une sanction cachée, comme la morale elle-même, et par là bien différente de celle que doit proposer un vrai moraliste. […] La vigueur avec laquelle sont accusés les traits des personnages, la mesure savante avec laquelle le ridicule est porté graduellement jusqu’à sa dernière limite, excitent des sentiments d’une vivacité insolite et forcent absolument le rire. […] Il a voulu par cette liberté plaire au parterre, frapper les spectateurs les moins délicats, et rendre le ridicule plus sensible. […] — « Oui, Molière a tourné l’honnêteté pure et simple en ridicule dans le personnage de M.
Nous avons dans La Métromanie de Piron l’exemple d’un ridicule qui n’est point comique. […] Ici point de ridicule, mais seulement du comique. […] Je traiterais donc sans gaieté une matière ridicule. […] Il y a des ridicules complètement ignorés de la personne qui en est atteinte. […] Il consiste, comme nous l’avons vu tout à l’heure, dans les ridicules ignorés ou caches, et j’ai dit que ces ridicules ne doivent se trahir que par des traits presque imperceptibles.
Quel brutal, quel grossier personnage que ce Gorgibus, reprochant aux « précieuses ridicules », sa fille et sa nièce, leur parure et leurs caprices ! […] Alceste est sympathique, mais il faut qu’il soit ridicule, et sa critique du sonnet d’Oronte est outrée, risible comme la tirade de Chrysale contre l’instruction des femmes. […] Mais ne vaut-il pas mieux encore tromper le prétendant jaloux et ridicule que le futur mari ? […] Ils entourent le personnage vicieux ou ridicule que Molière les charge de conseiller ou de juger ; ils le connaissent à merveille, depuis longtemps. […] Cette nécessité absolue, il la proclamait en rendant Alceste ridicule et la déplorait en nous le faisant aimer.
Mais il est des vices, des ridicules, des travers qui vont à tous les hommes. […] La folie qu’ont tous les hommes de vouloir paroître plus qu’ils ne sont, a frappé Moliere : il a senti tout l’avantage qu’il pouvoit tirer d’un ridicule général, puisque les Princes prennent le titre de Rois, que les grands Seigneurs veulent être des Princes, qu’un simple Gentilhomme se fait appeller Monseigneur par son Laquais & par le Barbier de son village : ainsi des autres. […] Moliere s’est gardé de prendre pour son héros un Prince ou un homme élevé à la Cour : ce n’est point que le ridicule qu’il vouloit peindre ne se trouve aussi complettement chez eux que chez leurs inférieurs ; mais il n’auroit pas été aussi frappant, grace à l’adresse qu’ont les Grands, dit M. de Voltaire, de couvrir toutes leurs sottises du même air & du même langage. […] Enfin Moliere a préparé par le seul état de son héros, toutes les richesses comiques amenées par le bon sens de Madame Jourdain, l’ingénuité de Nicole, le bon esprit de Lucile, la noble franchise de Cléonte, la subtilité de Covielle, ils se trouvent très bien en opposition avec le caractere principal, & font ressortir le ridicule de M.
Ils en font, en un mot, une mijaurée excessivement ridicule. Faire de Julie une amoureuse ridicule, c’est faire de Montausier un amoureux plus ridicule encore. […] Le mariage de Julie de Rambouillet avec le duc de Montausier est un fait de si peu d’importance historique, qu’il ne mériterait pas qu’on en recherchât les circonstances, s’il ne concourait d’abord à marquer l’époque où la société de l’hôtel Rambouillet commença à se dissoudre, et ensuite à faire tomber les applications que nos biographes modernes lui ont faites, des traits lancés par Molière en 1650 contre Les Précieuses ridicules. […] Quand la société-mère se dispersa, les femmes ridicules qui étaient contenues par le grand nombre les autres, et surtout par la marquise de Rambouillet et sa fille, voulurent avoir à leur tour leur petit empire et leur petite cour. […] Toutefois, ce serait être injuste et aussi frivole que ces écrivains, dont l’observation n’a pas été plus loin que le ridicule des précieuses, de ne pas remarquer qu’elles eurent leur côté estimable, et ne servirent pas médiocrement au progrès de la socialité.
Après lui avoir donné les instructions les plus ridicules sur le devoir des femmes mariées, il la quitte pour quelque temps. […] Le personnage d’Arnolphe est un chef-d’œuvre de passion et de ridicule. […] Diverses personnes, les unes ridicules et extravagantes, les autres spirituelles et sensées, arrivent successivement dans un salon et y font cercle. […] J’y ai joint des notes du même genre sur ceux des comédiens de l’hôtel de Bourgogne, dont Molière tourne le jeu en ridicule dans cette comédie. […] Molière, dans La Critique, les couvrit de ridicule, mais ne les réduisit pas au silence.
Jourdain un ridicule commun à tous les hommes dans tous les états ; c’est la vanité de vouloir paraître plus qu’ils ne sont. […] Jourdain ; il reçoit de tout ce qui l’environne une nouvelle espèce de ridicule qui rejaillit sur lui, et de lui sur tous les états de la vie. […] Il a voulu y peindre le ridicule du faux bel esprit et de l’érudition pédantesque. […] Le ridicule entêtement qu’une mère, que la lecture a gâtée, fait voir pour ce M. […] “Que m’importe, s’écriait M. le marquis …, de voir le ridicule d’un pédant ?
Un bourgeois sensé qui vient à la comédie pour se délasser en y riant du ridicule de ses semblables, & à qui l’on donne une piece qui roule sur les intrigues des grands, ne seroit-il pas tenté de répéter à l’Auteur ce que le savetier disoit à sa femme ? […] Il y a entre la crapule de la canaille & les nobles travers des grands, des ridicules roturiers dignes de l’œil du philosophe, & qui méritent d’occuper le premier rang dans une piece. […] Qu’on propose un pareil ridicule à nos comiques de la bonne compagnie, ils croiroient déroger en le traitant. […] S’il peut saisir quelques-uns de leurs ridicules, les portraits qu’il en fera ne produiront aucun effet dans un siecle où ils sont érigés en agréments. […] Que d’enthousiastes en effet n’aurions-nous pas à traîner sur la scene, pour les y couvrir de ridicule & leur faire avouer leur néant !
La première partie de l’art dramatique, appelée comédie, fut consacrée à corriger les hommes, à attaquer leurs vices, leurs ridicules. […] Quel esprit pénétrant pour saisir les nuances, les aperçus fugitifs d’un vice ou d’un ridicule, quelque passager qu’il paraisse ! […] Quel talent, quelle force comique Molière n’a-t-il pas déployé dans les Précieuses ridicules ! […] comment espérer de corriger ses semblables, lorsqu’au lieu de leur inspirer du mépris pour un vice ou un ridicule, on ne laisse dans leur esprit que le souvenir de la vertu ? […] Cependant il existe plusieurs pièces très estimables, où tout l’intérêt ne roule que sur le ridicule et les vices des personnages.
Moliere, fâché de voir la plus belle moitié de l’espece humaine déguiser ses graces naïves sous de pareils ridicules, les expose sur la scene dans les Précieuses ridicules ; ils frappent même ceux qui les érigeoient en agréments : on rit, on se reconnoît, on applaudit, on se corrige, & la piece produit une réforme aussi subite que générale. […] Moliere leur prouve leur ridicule dans le Malade imaginaire, le Médecin malgré lui, l’Amour Médecin, &c. […] Ils ne font, à la vérité, que changer de ridicule ; mais si le malade n’en voit pas moins le sombre bord, il a l’avantage de faire plus gaiement les apprêts de son dernier voyage. […] Vadius leur peint ce ridicule d’après nature, & les avertit de s’en corriger. […] Moliere les tourne si bien en ridicule, que s’il n’a pu bannir de la Faculté tous les ignorants, il en a du moins diminué le nombre.
Pourquoi Molière n’a pas joué les avocats C’est surtout dans la peinture des caractères que Molière a excellé ; l’intrigue tient peu de place dans la plupart de ses pièces, mais tour à tour les conditions et les professions les plus diverses y viennent étaler leurs ridicules et leurs vices. […] Il l’a dit quelque part en parlant de lui-même : « Ce ne sont point les médecins qu’il joue, mais le ridicule de la médecine 4. » Or, il aurait bien pu faire rire aux dépens de tel ou tel avocat, mais jouer le ridicule de la profession elle-même, cela était impossible; il le comprit et n’en parla point. […] En un mot, un avocat peut avoir des ridicules, pire encore peut-être, mais tout cela lui appartient en propre et nullement à sa profession. […] - Ce ne sont point les médecins qu’il joue, mais le ridicule de la médecine.
Pour ne parler que de ces premières ébauches de comédies, au lieu de caractères, on y trouve des situations ; au lieu des ridicules de la nature, des ridicules exagérés ou imaginaires ; au lieu de personnages, les types de certaines professions, un docteur, un capitan, un juge ; au lieu de la vraisemblance dans l’action, tout l’esprit de l’auteur employé à y manquer. […] L’Étourdi est suivi du Dépit amoureux, des Précieuses ridicules, autre ébauche admirable, d’où sortiront les Femmes savantes ; de Sganarelle : quatre comédies d’intrigue, même les Précieuses ridicules, quoique le fond en soit un portrait des mœurs du temps. […] Les galants emportent l’attache de ridicule que Célimène leur a mise au dos. […] Il y a d’autres vilaines gens dans son théâtre, et il ne les a pas ménagées ; mais la preuve qu’il ne leur en veut guère, c’est qu’il se contente de les rendre ridicules. […] La comédie voulait pourtant qu’il y eût du ridicule dans la pièce ; Molière l’a mis tout entier du côté des dupes de Tartufe ; mais, comme pour ajouter à la force du préservatif, ce ridicule est à la fois si honteux et si odieux, qu’il a désormais contre lui notre conscience et notre vanité.
La Troupe passa en Languedoc, où Moliere fut reçu très-favorablement de M. le Prince de Conti : il y fit representer l’Etourdi, le Dépit amoureux & les Précieuses ridicules. […] Moliere est un des hommes ausquels la France a le plus d’obligation, pour avoir travaillé à en bannir le mauvais goût, & à corriger le ridicule & les défauts des hommes dans chaque état. Les personnes qui tenoient le premier rang dans Paris pour le bel esprit, s’apperçurent à l’arrivée de Moliere en cette Ville, qu’il connoissoit mieux qu’un autre le vrai & la belle nature, le faux & le ridicule. […] Novembre 1659. des Précieuses ridicules de Moliere au petit Bourbon. […] Les Précieuses ridicules, Comédie en Prose, un Acte, 1658.
Le plus souvent même, il jette du ridicule sur les personnages raisonnables de ses pièces qui devaient au moins, par leurs réflexions, flétrir la licence de ces mœurs. […] L’Espérance font assez voir combien était ridicule et décevant le triste métier de solliciteur. […] Bien des ridicules, bien des travers actuels sont finement raillés dans cette charmante comédie. […] La manière dont il s’éloignait d’eux n’avait rien de ridicule et paraissait au contraire fort naturelle. […] Je puis vous dissiper ces craintes ridicules, Madame ; et je sais l’art de lever les scrupules.
Si les modernes méritent des louanges à raison des distinctions qu’ils ont faites, nous allons ne pas tarir sur leur éloge, puisqu’ils ont encore distingué des caracteres ou des mœurs, les vices du cœur, les vices de l’esprit, la coutume d’une nation, les travers, les foiblesses, les ridicules de l’homme. […] Il nous restera d’ailleurs assez de distinctions à faire, ainsi nous appellerons tout uniment pieces à caractere, celles ou les mœurs, les passions, les coutumes, les vices, les ridicules, les travers, &c. […] Celui qui aura tracé un portrait des travers, des ridicules, des foiblesses, des vices du cœur ou de l’esprit d’un homme, nous aura peint nécessairement le caractere de cet homme, du moins en partie.
M. de Molière a donc fait un grand nombre de comédies, tant en vers qu’en prose que l’on a partagées en sept volumes, dont le premier en comprend 4. savoir, Les Précieuses ridicules, Le C[ocu] imaginaire, ou Sganarelle, L’Étourdi ou Les Contretemps, et Le Dépit amoureux. […] Il faut convenir que personne n’a reçu de la Nature plus de talents que M. de Molière pour pouvoir jouer tout le genre humain, pour trouver le ridicule des choses les plus sérieuses, et pour l’exposer avec finesse et naïveté aux yeux du public. […] Tous ces grands défauts à la correction desquels on veut qu’il se soit appliqué, ne sont pas tant des qualités vicieuses ou criminelles que quelque faut goût, quelque sot entêtement, quelques affectations ridicules, telles que celles qu’il a reprises assez à propos dans les prudes, les précieuses, dans ceux qui outrent les modes, qui s’érigent en marquis, qui parlent incessamment de leur noblesse, qui ont toujours quelque poésie de leur façon à montrer aux gens. […] Au contraire il n’y a rien de plus propre pour inspirer la coquetterie que ces sortes de pièces, parce qu’on y tourne perpétuellement en ridicule les soins que les pères et les mères prennent de s’opposer aux engagements amoureux de leurs enfants. […] Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe, Je ne reconnais plus l’Auteur du Misanthrope.
Le jargon des Précieuses ridicules disparut ; celui des Femmes Savantes devint intelligible. […] On vit encore, je l’avoue, des avares et des hypocrites ; c’est qu’un vice est plus difficile à réformer qu’un ridicule, et que souvent on en rougit moins. […] Depuis ce temps-là, Molière n’a cessé de tourner en ridicule les Médecins qu’il avait déjà attaqués dans le Festin de Pierre. […] Le jargon des Précieuses ridicules disparut ; celui des Femmes Savantes devint intelligible. […] Selon Clément et de Laporte, la comédie joué est Le Concert ridicule de Palaprat.
Il y a un ridicule commun à tous les tems & à tous les peuples, & un ridicule particulier à certains siecles, & à certaines nations. Il y a des scênes d’Aristophane qui nous paroissent insipides, qui charmoient peut-être les Atheniens, parce qu’ils connoissoient le defaut qu’il tournoit en ridicule. C’étoit un defaut que peut-être nous ne savons pas ; c’étoit le ridicule ou de quelques faits particuliers, ou de quelque goût passager & commun en ce tems-là, mais qui nous est inconnu lors même que nous pouvons consulter les originaux. […] Moliere n’est pas sujet à ce contre-tems : nous savons à qui il en veut, & nous sentons facilement s’il peint bien le ridicule de nôtre siecle ; rien ne nous échape de tout ce qui lui réüssit. […] Chapelle, qui le croyoit être au dessus de ces sortes de choses, se railla de ce qu’un homme comme lui, qui sçavoit si bien peindre le foible des autres hommes, tomboit dans celui qu’il blâmoit tous les jours, & lui fit voir que le plus ridicule de tous étoit d’aimer une personne qui ne répond pas à la tendresse qu’on a pour elle.
Quelquefois, il est vrai, ton austère férule En passant près de lui frappa le ridicule, Dont la vie éphémère, en son obscurité, Eût échappé, sans elle, à la postérité : Mais plus souvent, aussi, ta généreuse audace Brave le vice altier, l’attaque et le terrasse, Et, marchant droit au but, sans le laisser en paix, Torture le méchant qui ne change jamais. […] que j’aime à voir le ridicule Expirer à tes pieds sous les flèches d’Hercule ! […] Ainsi donc la sottise en liberté circule Sans redouter, chez nous, le fouet du ridicule, Et les méchants en paix, sûrs de l’impunité, Échappent au carcan de l’immortalité. […] Le sort les prive eu vain des faveurs de Plutus, Sa rigueur les poursuit, mais on ne les voit plus À la table des grands, affamés parasites, Partager bassement avec de vils Thersites Le ridicule emploi d’amuser monseigneur ; Ou, plus lâches encor, caresser sa Grandeur Dans de serviles vers que l’honneur désavoue. […] J’ai tort : le vaudeville du Combat des Montagnes nous prouve que l’on peut attaquer hardiment certains ridicules, et je fais amende honorable à messieurs les censeurs, car c’est toujours à eux que s’adressent mes humbles remontrances.
Les Précieuses ridicules. […] Autre tradition aussi ridicule pour le moins ! […] L’intrigue italienne est ridicule. […] À moins de cela, vous ne devez pas exposer votre réputation, en produisant une pièce si ridicule ». […] — Parce que… — Je vous devine…, plate, ridicule, niaise, vicieuse tradition !
C’est, me dira-t-on, la critique d’un travers ou d’un vice, avec la peinture des ridicules ou des malheurs qu’ils entraînent, selon leur nature. […] Qu’on donne dix ans de moins à celui-ci, il cesse d’être ridicule, par conséquent d’être comique ; dix ans de plus à l’héroïne, loin d’être intéressante, elle n’est plus qu’une femme ordinaire, qui, sans savoir ni pourquoi ni comment, & guidée par son seul caprice, donne la préférence à un homme sur un autre : la piece cesse en même temps d’être morale, puisqu’elle n’offre plus le tableau d’un amour mal assorti, & de ses ridicules. […] Enfin si le vieillard a dix ans de moins, ses prétentions seront moins ridicules & moins plaisantes : par conséquent si le Marquis a dix ans de plus, sa fatuité, loin d’exciter à rire, fera pitié. […] Et c’est précisément la timidité d’un homme qui ne doit pas en avoir, qu’il faut tourner en ridicule. […] Il n’étoit pas nécessaire, pour faire ressortir la malice, que Crispin nous dise : Voilà pour un Notaire un nom bien ridicule.
Par Montaigne et par Rabelais, l’auteur des Précieuses ridicules appartient aux derniers jours du seizième siècle. […] Cela fut ainsi pourtant, à dater du jour où fut affichée la comédie des Précieuses ridicules. […] Les Précieuses ridicules du Petit-Bourbon firent un grand bruit dans la ville. […] On eût dit qu’il voulait compléter, par le ridicule, le nivellement de Richelieu par la hache. […] Des Précieuses ridicules, il finit par faire les Femmes savantes.
Un bourgeois pourra faire dans les rues d’une capitale ce qui seroit ridicule dans un homme distingué. […] Il est encore plus ridicule que le Souverain des Dieux choisisse une rue pour s’y jetter aux genoux d’Alcmene, comme il fait dans la sixieme scene de l’acte II. […] Dandin est fou ; il peut fort bien braver le qu’en dira-t-on, & vouloir juger au milieu de la rue : mais est-il raisonnable que Léandre, son fils, consente à rendre publique la folie de son pere, qu’il l’expose au mépris de la plus vile populace, & qu’il se couvre lui-même du plus grand ridicule ? […] J’ai fait cette précieuse découverte dans un souper, où je fus bien persifflé, à la vérité ; mais n’importe, je voudrois tous les soirs pouvoir recueillir des ridicules à ce prix. […] Quel ridicule !
Chaque profession a, comme chaque homme, son vice, son ridicule, son caractere enfin, plus ou moins prononcé. […] D’abord les professions n’ont plus de ridicules saillants comme autrefois. […] S’il est vrai qu’on doive mettre les caracteres à la portée de tout le monde, comment veut-on que les travers, les ridicules, les vices d’une profession, connus seulement par ceux qui sont initiés dans les mysteres, puissent frapper le grand nombre ? […] Il en est des vices d’une profession comme de ses ridicules, ils sont très souvent inconnus à ceux même qui en sont les victimes. […] Il est question de peindre les vices de la finance moderne pour corriger ceux d’entre ses membres qui les ont adoptés, ou les tourner en ridicule pour préserver les autres de la contagion.
Les Précieuses ridicules. […] « J’étais, dit Ménage, à la première représentation des Précieuses ridicules. […] Dès ce moment, il s’engage à nous faire rire aux dépens de nos ridicules ; il se propose pour but de nous en corriger. […] Il s’attacha à y faire ressortir le ridicule des accusations portées contre la pièce, et leur évidente mauvaise foi. […] Tous comparurent sur la scène avec leurs défauts et leurs ridicules.
Il y a un ridicule commun à tous les tems & à tous les Peuples, & un ridicule particulier à certains Siecles, & à certaines Nations. Il y a des Scênes d’Aristophane qui nous paroissent insipides, qui charmoient peut-être les Atheniens, parce qu’ils connoissoient le défaut qu’il tournoit en ridicule. C’étoit un défaut que peut-être nous ne savons pas ; c’étoit le ridicule ou de quelques faits particuliers, ou de quelque goût passager & commun en ce tems-là, mais qui nous est inconnu lors même que nous pouvons consulter les originaux. […] Moliere n’est pas sujet à ce contre-tems : nous savons à qui il en veut, & nous sentons facilement s’il peint bien le ridicule de notre Siecle : rien ne nous échape de tout ce qui lui réussit. […] Dans ce sac ridicule où Scapin*Comedie de Moliere.
Si Cléante eût été instruit de tout cela, il eût été fort ridicule de vouloir le lui apprendre. […] celui qu’a pris l’ingénieux Moliere dans les Précieuses ridicules. […] Quelques vers de la scene nous feront mieux voir son ridicule. […] L’air précieux n’a pas seulement infecté Paris ; il s’est aussi répandu dans les provinces, & nos donzelles ridicules en ont humé une bonne part. […] Il voit avec plaisir Mascarille dans les Précieuses ridicules, parceque son maître a fait naître l’envie de le connoître.
Tour à tour naïve, tendre, morale, et guerrière, elle fait éclore les idées les plus riantes et les sentiments les plus élevés ; elle inspire l’amour, cimente l’amitié, frappe le ridicule, enflamme le courage ; enfin, est à la fois l’interprète du cœur et l’organe de l’esprit. […] De grands généraux, de grands écrivains en ont immortalisé la gloire : Molière en a immortalisé les ridicules et les vices. […] La bourgeoisie veut copier la cour, elle n’en imite que les ridicules et les vices, sans en emprunter l’éclat et les grâces ; enfin, le noble se dégrade, et le bourgeois ne s’ennoblit pas. […] Ne semblent-ils pas nous dire : Il n’y a plus de vices, plus de ridicules ? […] Et d’ailleurs, les êtres ridicules ou vicieux que Molière a traduits sur la scène, sont encore au milieu de nous.
En troisième lieu, Molière va chercher le rire aux vraies sources du ridicule. […] Le ridicule n’est pas surajouté aux personnages par la fantaisie de l’auteur, il est, pour ainsi dire, intérieur aux personnages ; il prend sa source dans leur vie, dans leur réalité. […] Au lieu de prier tout simplement M. de Mascarille de s’asseoir, lui dites-vous peut-être, avec les demoiselles Gorgibus : « Contentez donc un peu l’envie que ce fauteuil a de vous embrasser », vous êtes parfaitement ridicule, comme n’étant pas du tout naturel : vous n’êtes pourtant que ridicule. […] Ce qu’il a contre lui, c’est donc uniquement de vouloir forcer la nature, et il n’est sot, il n’est ridicule, il n’est odieux qu’en ce point. […] Non ; mais la vérité, c’est qu’à ses yeux, les prétentions des médecins ne sont pas moins ridicules, en leur genre, que celle des dévots.
La coterie se défend avec les faibles secours d’une vogue que le ridicule a ralentie, que poursuit la risée publique. […] Il ne souffrira, près du berceau de son fils, ni vice, ni ridicule. […] Si quelque biographe imprimait aujourd’hui cette phrase dans une vie de Louis XIV : « Le 1er novembre 1661, le roi nomme pour gouvernante de M. le Dauphin, une des personnes de la société représentée par Molière, dans ses Précieuses ridicules, et bafouée par le public depuis deux ans », ne croirait-on pas que cet écrivain est tombé en imbécillité ou en démence ?
Les Scudéri, les Desmarets ont fait passer sur notre Théâtre l’emphase ridicule des mauvais Auteurs Italiens & Espagnols, & on les a admirés : grands Dieux ! […] Cette diction simple nuit-elle au ridicule de M. […] Tout le monde connoît le ridicule de Marivaux là-dessus. […] Piron a semé du ridicule sur le ton poétique de Francaleu, quelle nuance différente ne devoit-il pas mettre entre celui de M. de l’Empirée & celui de Lisette ! […] La piece est applaudie à Paris dans sa nouveauté ; d’accord : mais la province, qui a le malheur de prendre le style de bon ton pour un entortillage insupportable, pour un jargon ridicule, prend la liberté de siffler la piece, en attendant qu’on la méprise à Paris ; ce qui ne peut tarder d’arriver.
Et Tartuffe est le personnage comique de la pièce, le ridicule, la dupe. […] Après Tartuffe triomphant, grâce à la sottise d’Orgon, c’est Tartuffe dupé : Tartuffe ridicule, maintenons le mot. […] C’est là qu’il est ridicule parce qu’il est pris par sa faute ; et les explications qu’il essaie ne font qu’aggraver sa situation : « Quoi ! […] La Lettre sur l’lmposteur a là-dessus quelques pages excellentes : « La disconvenance est l’essence du ridicule »,dit-elle. […] « Il est aisé de voir par là, continue l’ami de Molière, pourquoi la galanterie de Panulphe est ridicule… Le mauvais effet qu’elle produit le fait paraître si fort et si pleinement ridicule que le spectateur le moins intelligent en demeure pleinement convaincu. » Il est bon de se rappeler que cette appréciation du rôle date du moment où la pièce se jouait sous la direction de Molière, où ses intentions, scrupuleusement observées, éclataient dans tout leur jour.
Les caracteres de tous les temps sont préferables aux autres pour deux raisons : la premiere, parceque si l’Auteur réussit à les peindre comme il faut, sa gloire est plus durable ; il n’est pas douteux que le spectateur ne prenne plus de plaisir à voir jouer sur le théâtre des travers, des ridicules ou des vices qui le frappent tous les jours dans la société, que s’il ne les connoissoit que par tradition : de telles pieces bien faites réunissent le double avantage de frapper toujours les connoisseurs & le commun des hommes : elles ont sans cesse les graces de la nouveauté60. […] Les caracteres du moment sont donc plus difficiles à traiter que les autres, & plus ingrats : ils sont plus difficiles, parcequ’un Auteur n’a pas avec eux tous les avantages dont nous venons de parler, qu’il a besoin de prendre le ridicule sur le fait, de saisir ses traits au moment où ils sont à peine formés, de peindre sa laideur dès qu’elle commence à se faire remarquer, & de rendre cependant le portrait frappant. […] Je ne veux pas décourager les jeunes Auteurs qui entreprendroient de faire la guerre aux ridicules, aux travers, même aux vices naissants : au contraire, je leur ai fait voir les difficultés qu’il y a dans le succès, non pour ralentir leur zele, mais pour les engager à redoubler leurs efforts : je leur dirai même, pour les encourager, que si ces sortes de pieces procurent une gloire souvent moins durable, elle est ordinairement plus éclatante.
Telle est la vraie portée de cette réforme du goût, que commencèrent Les Précieuses ridicules. […] Arsinoé est dans ce moment critique, propice aux faiblesses ridicules, où échappe la jeunesse. […] Tous les courtisans ridicules y sont passés en revue. […] Le comique, dans les œuvres de Molière, ne jaillit que du choc des travers et des ridicules, contre d’autres ridicules et d’autres travers. […] Il serait ridicule de l’y confiner d’une manière absolue, et de faire une prison de sa demeure.
Nous venons de passer en revue une nombreuse société qui n’est pas moins en opposition avec celle de la cour qu’avec les précieuses ridicules de la ville. […] Elle partagea avec Molière l’honneur de faire tomber les affectations et tous les ridicules de la préciosité ; triomphe qui ne fut ni long ni difficile à obtenir ; car les précieuses avaient commencé en 1651, et, Boileau disait déjà, en 1677, en parlant d’une précieuse :reste de ces esprits jadis si renommés, que Molière a diffamés.Mais elle eut sur Molière l’avantage de réformer les mœurs et la grossièreté du langage. […] Je suis dans la persuasion que la bonne compagnie aurait suffi pour purger la société des affectations ridicules, et que sans elle la France aurait conservé longtemps encore une grossièreté de langage que Molière protégeait comme naïveté et franchise.
Tous les masques se détachaient, tous les caractères entraient en jeu, toutes les conditions étalaient leurs travers, leurs ridicules ou leurs vices. […] Nisard remarque avec finesse : « Les galants, dit-il, emportent l’attache de ridicule que Célimène leur a mise au dos. […] Car il l’avertit des ridicules qu’il se donne, et des malheurs qu’il se prépare. […] Ici, Harpagon est un peu comme maître Jacques : le père a disparu pour n’être plus qu’un soupirant ridicule par son âge, et odieux par sa supercherie ou sa jalousie. […] Le ridicule persistera plus tard.
En face de ce cœur qui ne bat pas, la colère d’Alceste tombe dans le ridicule. La première punition de l’honnête homme qui approche une coquette est de tomber dans le ridicule ; la seconde c’est l’ennui. […] J’admire profondément dans Alceste cette haute impartialité du poète qui s’est représenté, et s’est représenté ridicule. Se faire le héros d’un poème ou d’un roman, se peindre grand, majestueux, incompris, c’est l’habitude de la médiocrité ; mais se montrer petit, ridicule, bafoué par une misérable, voilà la force. […] Molière nous autorise à croire qu’il déleste le ridicule plutôt que le vice.
Il y réussit admirablement par la peinture de nos vices et de nos ridicules. Et comme le contraire du vice et du ridicule est le bien, en poursuivant tous les vices et tous les ridicules, il montre par contraste le bien sous toutes ses faces. […] Il faut protester contre le jugement raffiné de Boileau : Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe, Je ne reconnois plus l’auteur du Misanthrope 229. […] Dans toute la suite de la pièce, le ridicule excellent dont est couvert M. de Pourceaugnac fait qu’aux yeux du spectateur Sbrigani a raison, toujours raison, dans toutes les entreprises de son infâme industrie ; et, à la fin, on est si bien pris au charme de cette joyeuse corruption, qu’on entend sans indignation chanter par toute la troupe : Ne songeons qu’à nous réjouir : La grande affaire est le plaisir257 !
Vous croyez que la vertu se tient lieu de digne et de suffisante récompense, mais qu’elle accepte la gloire sans l’exiger ; que la gloire n’est pas tant une dette dont s’acquitte le public, qu’un aveu de ce qu’il doit, et tout ensemble une protestation qu’il est solvable. » Plusieurs trouveront les conversations rappelées par Balzac d’une gravité qui va jusqu’au ridicule ; les sujets qu’elles traitaient seraient ridicules, sans doute, dans la société d’une bourgeoise de petite fortune qui aurait à soigner elle-même son ménage et ses enfants. Ils seraient ridicules dans les entretiens d’une femme sans esprit, sans jugement, qui aurait la vanité de faire la savante. Ils seraient ridicules dans un pays où tous les esprits seraient tendus aux affaires publiques, soit par la nature de la constitution, soit par une révolution flagrante, ou récente, ou imminente.
Elle suivit de près La Comtesse d’Escarbagnas, pièce dans laquelle sont raillés avec tant de gaîté les ridicules que les provinciaux apportent à Paris. […] Les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne ne voyaient ses succès qu’avec une profonde envie ; les gens de cour lui gardaient rancune pour les peintures qu’il avait tracées de leurs ridicules. […] Son talent était borné aux rôles de niais, à quelques valets et aux vieilles ridicules ; mais il a toujours rempli ces deux emplois au gré du public. […] L’emploi de cette actrice était celui des troisièmes rôles dans le tragique, et des ridicules dans le comique. […] Il y avait en effet quelques-uns de ces rôles qui faisaient avec son âge un contraste trop frappant pour n’être pas ridicule.
Il nous apprend que la Comédie des Précieuses ridicules fut faite pour la Province, & que jouée à Paris, elle y fut applaudie, & servit à corriger les Prétieuses de la Capitale du Royaume. […] Ce misérable Ecrivain fit une Préface, dont je vais rapporter quelques morceaux, pour faire voir que les plus grands hommes sont exposés depuis long-tems à la fureur des plus ridicules barbouilleurs de papier. […] Voici comme débute ce Bavius : « Depuis que la modestie & l’insolence sont deux contraires, on ne les a jamais vûës mieux unies qu’a fait dans sa Préface l’Auteur prétendu des Précieuses ridicules.
Un petit amour larmoyant, souvent interrompu par de plates plaisanteries, ou toujours dans la même situation, depuis le commencement d’une piece jusqu’à la fin, n’est pas moins ridicule dans la comédie, que l’amour tout-à-fait tragique mêlé par les Anglois au comique le plus bas. […] Mais qu’il se garde bien de le déchirer, ou de l’affadir : ces deux extrêmes sont également ridicules. […] On projette de rompre ce ridicule mariage à force de jouer des pieces au prétendu. […] Les deux Médecins ridicules, la légion de seringues & d’apothicaires sont tout-à-fait de l’intermede, comme je l’ai déja dit.
Les paroles de Sganarelle ne sont que celles d’un valet ridicule, et le refrain qui ahurit M. de Pourceaugnac n’est que le couronnement d’une farce folle ; mais sous ce ridicule et cette folie demeure et brille une vérité morale de premier ordre, affirmée nettement par Henriette et Clitandre dans les Femmes savantes, prouvée implicitement de la manière la plus victorieuse et la plus touchante par Elmire dans le Tartuffe. […] En vain les débauchés comme don Juan persiflent la constance ridicule « de s’ensevelir pour toujours dans une passion, et d’être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux507 ; » en vain les hypocrites comme Tartuffe disent : Le ciel défend, de vrai, certains contentements, Mais on trouve avec lui des accommodements... […] Les Précieuses ridicules, sc. […] Les Précieuses ridicules, sc.
Ce qui décrédite dans cet ouvrage les paroles dirigées contre les précieuses, ce sont des in décences pires que les plus ridicules affectations. […] Molière, soutenu de ces autorités, donna bientôt La Critique de l’École des femmes, c’est-à-dire mit en scène et livra au ridicule les censures qui avaient été faites de sa pièce, dont il aggrava les indécences, se targuant de l’approbation de la cour. […] « Je ne vois, dit l’auteur de la pièce, rien de si ridicule que cette délicatesse d’honneur qui prend tout en mauvaise part, donne un sens criminel aux plus innocentes paroles, et s’offense de l’ombre des choses.
Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe, Je ne reconnois plus l’auteur du Misantrope. […] et quel fléau de ridicule ! […] Ariste permet que Leonor voye le beau monde et qu’elle aille vêtue comme une fille de qualité, sans néanmoins donner dans le ridicule outré des modes. […] quelle imitation des mœurs, quelles images, et quel fléau du ridicule ! […] C’est celui dont parle Boileau dans le Repas ridicule ; Nous n’avons, m’a-t-il dit, ni Lambert ni Molière.
Sganarelle, c’est le bourgeois ridicule, c’est le bourgeois enrichi. […] Molière a vu de l’homme, ses ridicules plutôt que ses vices. […] Vous dites que le Misanthrope est ridicule, et vous vous écriez : « Voilà donc la vertu ridicule ! » Vous vous trompez, la vertu d’Alceste n’est pas ridicule. […] Non, encore une fois, Molière n’a jamais eu l’intention de vouer au ridicule la vertu d’Alceste, pas plus qu’il n’a eu l’intention de rendre ridicule la probité commerciale de M.
M. de Molière fit un prologue en marquis ridicule qui voulait être sur le théâtre, malgré les gardes, et eut une conversation risible avec une actrice, qui fit la marquise ridicule, placée au milieu de l’assemblée. » Ainsi, non seulement les deux troupes qui se partagèrent la salle du Petit-Bourbon, à l’époque où Molière revint s’installer à Paris, avaient dans leur répertoire les mêmes œuvres, mais encore la méthode artistique des uns était fréquemment employée par les autres. […] « Il contrefaisait d’abord les marquis avec le masque de Mascarille, dit un des interlocuteurs de La Vengeance des Marquis 42 ; il n’osait les jouer autrement, mais à la fin il nous a fait voir qu’il avait le visage assez plaisant pour représenter sans masque un personnage ridicule. » Il faut entendre ces mots en ce sens que Molière, la première fois qu’il contrefit les marquis, dans Les Précieuses ridicules, eut recours au travestissement de Mascarille, le valet de L’Étourdi et du Dépit amoureux, rôles qu’il aurait joués avec le masque, suivant l’étymologie du nom (maschera, mascarilla). […] Peu après le départ des Italiens, le 18 novembre, les Français représentèrent au Petit-Bourbon Les Précieuses ridicules. Les Italiens avaient, paraît-il, effleuré ce sujet : « Molière, dit l’auteur des Nouvelles nouvelles, eut recours aux Italiens ses bons amis, et accommoda au théâtre français les Précieuses qui avaient été jouées sur le leur et qui leur avaient été données par un abbé des plus galants (l’abbé de Pure). » Malgré cette affirmation, il nous paraît fort peu vraisemblable que les Italiens eussent pu faire la satire du ridicule que la pièce nouvelle attaquait et qui git principalement dans le langage.
Si Jean-Jacques avait pu deviner ce mystère, il ne se serait pas mis en si grands frais de sophismes, pour nous prouver que Molière n’avait eu d’autre but, dans son Misanthrope, que de « rendre la vertu ridicule. » Et voilà comme on avilit le génie ! […] Ceci nous mène à « l’homme qui s’est jeté dans le bel esprit et veut être auteur malgré tout le monde. » Le duc de Saint-Aignan plaisantait un jour le duc de Montausier sur sa ressemblance avec Alceste : « Ne voyez-vous pas, mon cher duc, » lui répliqua Montausier, « que le ridicule du poëte de qualité vous désigne encore mieux ? […] Le poète comique puise .ses inspirations à deux sources différentes : l’une, la société qui l’entoure, avec ses ridicules et ses vices particuliers ; l’autre, le fond invariable -de la nature humaine. […] Comme ces sorciers du moyen âge, qui faisaient apparaître dans un miroir magique l’image de la création, Molière a évoqué l’homme du xvIIe siècle et les hommes de tous les siècles, les faiblesses et les vices qui survivent à toutes les transformations sociales, et les ridicules qui changent comme les modes24. » En admirant les créations de ce génie puissant, aussi vraies, aussi vivantes, aussi variées, que celles de la nature même, on est tenté de s’écrier, comme le critique Aristophane en admiration devant le génie de Ménandre : « O Molière! […] Du reste, sous l’égide du grand roi, il lui était permis d’immoler impunément les travers et les ridicules dont plus d’un homme de cour offrait le modèle.
Car vous êtes ridicule. […] Vous ne voulez pas être ridicule. […] Ou plutôt le ridicule n’existe pas chez eux ; j’entends le ridicule français, celui qui consiste à ne pas se conformer à l’usage établi. […] Tout cela est absurde et ridicule. Il faut que j’en montre le ridicule et l’absurdité !
Harpin dans la Comtesse d’Escarbagnas de Moliere, & l’on verra que tous les Financiers venus après ce petit Receveur des Tailles, même les Fermiers généraux les plus huppés, l’ont copié sans l’éclipser, comme toutes les Comtesses ridicules n’ont fait que suivre de bien loin Madame la Comtesse d’Escarbagnas. […] Crispin, magnifiquement paré, se donne devant Nérine tous les airs ridicules d’un petit-maître ; il déclare son amour, & reçoit un soufflet. […] Il est donc un fou, ou tout au moins un homme ridicule. […] Or, comme la folie ou le ridicule méritent bien mieux d’être joués que la délicatesse, le caractere d’Anselme est bien plus théâtral que celui de Léandre. […] On a dû nécessairement remarquer dans cette piece les traits les plus mâles, les scenes les plus délicates à côté des choses les plus invraisemblables, les plus forcées, ajoutons, les plus ridicules.
Car autant le piano d’Érard contient de mélodies odieuses, autant cette petite tête si mignonne, si bien faite et doucement abritée sous cette forêt blonde et bouclée, contiendra, à coup sûr, de scènes ridicules, insupportables ! […] Mais le ridicule qui est quelque part, il faut l’y voir, l’en tirer avec grâce et d’une manière qui plaise et qui instruise. » Il disait aussi, et l’on croirait entendre Molière, mais un Molière plus correct et plus châtié : « Le philosophe consume sa vie à observer les hommes, et il use son esprit à en démêler les vices et les ridicules. […] J’enrage de voir de ces gens qui se conduisent en ridicules, malgré leur qualité ; de ces gens qui décident toujours et parlent hardiment de toutes choses, sans s’y connaître ; qui dans une comédie se récrieront aux méchants endroits et ne branleront pas à ceux qui sont bons… Eh ! […] Vous avez aussi dans L’Impromptu un méchant poète, un marquis ridicule, un homme raisonnable comme Philinte. […] On venait leur apporter, des plus beaux salons, toutes sortes de petits ridicules frais éclos, dont ces messieurs et surtout ces dames faisaient leur profit immédiat.
L’avant-scene en est ridicule, & la fable n’est pas dénouée. […] Dans le Mercure galant le héros ou son valet s’amusent aux dépens des divers personnages qui se succedent sur la scene ; le spectateur n’y rit que de leurs ridicules : ici la chose est bien différente, chaque fâcheux empêche Eraste ou d’aller joindre une maîtresse adorée dont il est attendu avec impatience, ou de s’informer si elle lui est réellement infidelle, ou de s’excuser d’une perfidie dont on l’accuse. Le public s’amuse non seulement du ridicule des fâcheux, il rit encore de l’embarras où ils jettent celui à qui ils s’adressent, de l’impatience qu’ils lui causent, & des efforts qu’il fait pour se débarrasser d’eux. […] celui de peindre au public assemblé le ridicule des fâcheux qui inondoient alors la Cour & la Ville.
Je le sais très bien ; mais les gens du bel air voudroient qu’un comique les plaçât sur la scene, moins tels qu’ils sont, que tels qu’ils veulent paroître ; qu’il ne s’attachât qu’aux mines, aux grimaces, & ne dévoilât pas le fond du cœur ; qu’il peignît ces travers, ces ridicules qu’on a érigés en agrément ; & non ces vices que l’éducation, que la politesse masquent, mais qu’elles ne cachent pas à un observateur profond. […] Thomas Corneille est de tous les Auteurs celui qui a fait imaginer par des maîtres l’intrigue la plus fine, la plus agréable ; mais cette même intrigue, toute fine, toute agréable qu’elle est, nous prouvera que les ressorts imaginés par des personnages distingués ne peuvent pas conduire la machine bien loin, avec ce ton, cette décence, ces égards quelquefois ridicules, que les gens du monde exigent aujourd’hui, & ne sauroient suffire à une grande piece. […] Les termes que Léandre emploie sont injurieux, & un homme éduqué, un François sur-tout, ne peut tenir de pareils propos à une femme, quelque ridicule qu’elle soit d’ailleurs, sans se faire siffler. […] Un Petit-Maître de quarante ans, très ridicule par conséquent, envoie un billet circulaire à deux femmes qu’il veut mettre au nombre de ses conquêtes, & qui, malheureusement pour lui, se montrent les poulets qu’elles reçoivent.
Je vous en dirais davantage si je ne craignais qu’il se tînt offensé de ce que je vous pourrais dire et si je n’appréhendais de passer pour ridicule aux yeux de ceux qui n’adorent que les bagatelles, qui n’osent démentir la voix publique lorsqu’elle a une fois approuvé une chose et qui, pour donner des louanges à un homme, opinent du bonnet parce qu’ils voient que c’est le sentiment des autres. […] Chacun craint de passer pour ridicule en n’approuvant pas ce qu’il entend approuver à un autre, chacun parle contre son sentiment et aide de la sorte à se tromper soi-même, ce qui fait que les pièces qui paraissent généralement approuvées sont souvent celles que chacun condamne en particulier. […] — Tout ce que vous dites est véritable, lui répondit Clorante, mais je ne suis pas tout seul cause de ces abus et, pour m’y opposer, je me suis souvent efforcé de louer des pièces de théâtre qui, quoiqu’elles fussent bonnes, ont été condamnées par les mêmes raisons que vous venez de dire, ceux qui connaissaient la bonté de ces pièces n’osant les protéger, de crainte de passer pour ridicules, et disant par complaisance qu’elles ne valaient rien. […] Je dirai d’abord que, si son esprit ne l’avait pas rendu un des plus illustres du Siècle, je serais ridicule de vous en entretenir aussi longtemps et aussi sérieusement que je vais faire, et que je mériterais d’être raillé.
Argan, vieux, malade, ne serait point ridicule à prendre médecine et à craindre la mort : ce qui nous fait rire, c’est un Argan, gras et frais, tremblant devant les menaces d’un Purgon. […] Mais ce spectacle risible n’est pas moins lamentable, et c’est une des principales raisons de l’universel succès de Molière d’en faire sentir en même temps que le ridicule la profonde tristesse. […] Le ridicule étalé de nos passions et de nos travers n’est que le masque de misères plus profondes, dont une vague conscience émeut l’âme collective de la foule. […] Jourdain apparaît comme une caricature, et cependant, c’est cette caricature qui, depuis Molière, incarne tous les travers et tous les ridicules du bourgeois parvenu.
Guidé d’ailleurs par l’exemple des anciens et par leur manière de mettre en œuvre, il a peint la cour et la ville, la nature et les mœurs, les vices et les ridicules, avec toutes les grâces de Térence* et le feu de Plaute*. […] Il joua la cour, le peuple et la noblesse, les ridicules et les vices, sans que personne eût droit de s’en offenser.
Molière a tracé, dans la même pièce, trois portraits différents de ce ridicule, qui prouvent une fois de plus la fécondité de son génie et la finesse de son observation. […] On a souvent reproché à Molière d’avoir rendu la vertu ridicule dans la personne du Misanthrope, et beaucoup d’esprits timorés que cette critique inquiétait ont essayé d’y répondre. […] L’homme à qui la probité d’un mendiant arrachait des larmes et qui s’étonnait avec attendrissement que la vertu s’allât nicher là, n’a jamais pu songer à jeter le ridicule sur la vertu. […] Il est bien obligé de représenter leurs défauts, puisqu’enfin elles en ont, et que les défauts sont avec les ridicules la propre matière de la comédie. […] Les plus sages se plient à la destinée, et s’accommodent d’un mari de leur fortune et de leur rang ; mais celles-là mêmes rapportent de la pratique du monde des souvenirs qui les rendent malheureuses et des prétentions qui les rendent ridicules.
N’est-il pas étonnant que trois Auteurs, de trois nations différentes, aient puisé le titre d’une piece dans la plus mauvaise, la plus ridicule de ses scenes : c’est celle où la statue est à table avec Dom Juan. […] Titres qui distinguent les nuances que l’Auteur veut peindre dans un caractere, dans un état, un ridicule, une passion, &c. Le Curieux impertinent, de Destouches ; l’Avare amoureux, de Daiguebere ; le Bourgeois Gentilhomme, & les Précieuses ridicules, de Moliere ; les Folies amoureuses, de Regnard.
Ses comédies bien lues pourraient suppléer à l’expérience, non pas parce qu’il a peint des ridicules qui passent, mais parce qu’il a peint l’homme qui ne change point. […] Il ne voit pas que le prodige de ton art est d’avoir montré le Misanthrope de manière qu’il n’y a personne, excepté le méchant, qui ne voulût être Alceste avec ses ridicules. […] J’ai entendu blâmer Le pauvre homme répété si souvent; j’ai vu depuis précisément la même scène et plus forte encore, et j’ai compris qu’on ne pouvait guère charger ni les ridicules ni les passions.
Nous verrons qu’il fut, avec Ménage, des plus empressés à applaudir aux Précieuses ridicules de Molière. […] Remarquons que ces nouvelles recrues en hommes de lettres et en hommes du monde ne déprécient pas plus que les premières l’hôtel de Rambouillet, et n’annoncent pas davantage les ridicules qu’on lui attribue. […] M. le Prince disait de lui : « Si Voiture était de notre condition, on ne le pourrait souffrir. » Je remarque que nous n’avons rien dit encore que de vague et de banal concernant la personne sur qui pèse aujourd’hui le ridicule de la préciosité de mœurs et de langage ; parlons un moment de ses premières années et des premières apparences de son caractère.
On rit toujours aux Précieuses ridicules : il est convenu qu’on doit rire, et l’on rit, et l’on ne médite pas sur tous les mots. […] Dès la deuxième scène des Précieuses ridicules que voyons-nous ? […] Il est conforme à l’humeur de la comédie de grossir nos ridicules et même de nous en prêter d’invention pour exciter plus sûrement le rire. […] Quand on choque les idées de son temps, ou l’on tombe dans le ridicule, ou l’on devient un tyran pour solenniser le ridicule par la terreur ; ou bien encore on s’expose à être renversé par elles. […] Les Précieuses ridicules, sc.
Elle a laissé deviner que la donnée du mélodrame paraissait ridicule, elle a franchement avoué que les détails étaient incroyables. […] Les Précieuses avaient leurs ridicules, déjà signalés. […] Assurément aussi ces ridicules offraient quelque chose de plus respectable que la familiarité et la facilité dont on usait entre Béjarts. […] Si Molière a formé quelques plans contre le ridicule ou contre le vice, il ne s’est pas donné pour mission d’enseigner la vertu. […] Il lui plaisait que les censeurs de ses amusements parussent ridicules à Paris comme à Versailles.
— C’est qu’il voulut jouer Nicomède ou Pompée et qu’il n’est point merveilleux acteur, si ce n’est dans le ridicule. […] d’Agnès naturellement ; oui, d’un jeune objet, qu’entretient dans l’ignorance certain de la Zousse ou de la Source, vous pensez qu’il a bien autre chose à faire que de s’arrêter au nom, un homme riche, mais un fou, un ridicule… Le connaissez-vous point ? […] … Tourner la religion en ridicule ! […] C’est exactement la contre-épreuve de la Critique ; les rôles ridicules y sont dévolus aux partisans de Molière, voilà tout, et Molière a dit juste : « Ils ont retourné ma pièce comme un habit pour faire la leur ». […] Mais pourquoi, me dira-t-on, tenez-vous tant à prouver que Molière ne s’est pas mis en scène dans ce ridicule Arnolphe, qu’il nous représente si gaiement berné par sa pupille, une innocente, et par ses valets, deux imbéciles ?
De son côté Molière, observateur profond, avait jugé qu’il avait besoin de flatter son maître pour avoir le droit de ne pas flatter son siècle : sous une minorité orageuse, il n’eût pas été libre d’exprimer une seule vérité, parce que chaque faction régnait à son tour, et qu’elles étaient trop éphémères ou trop faibles pour supporter le ridicule. […] Mais rien n’est funeste à la comédie comme ces époques où il existe mille tyrans subalternes, qui forment une espèce d’assurance mutuelle en faveur du ridicule. […] Organe du démon, il corrompt les mœurs, il tourne en ridicule le paradis et l’enfer, il décrie la dévotion sons le nom d’hypocrisie, il prend Dieu à partie et fait gloire de son impiété à la face de tout un peuple. […] De même qu’un homme qui se noie se prend à tout, il ne se soucie pas de mettre en compromis l’honneur de l’église pour se sauver, et il semble, à l’entendre, qu’il ait un bref particulier du pape pour jouer des pièces ridicules, et que monsieur le légat ne soit venu en France que pour leur donner « son approbation ». […] Non, ce n’est point Molière qui a introduit dans la comédie la licence et le libertinage ; c’est au contraire lui qui, en peignant les ridicules du les travers des hommes, les a forcés à rougir d’eux-mêmes ; c’est lui qui a épuré à la fois l’art et les mœurs, qui a fait d’un divertissement une leçon, et du théâtre une école de morale.
Despois, dans la notice préliminaire des Précieuses ridicules (Œuvres de Molière, tome II, p. 11-13), émet cette opinion que Molière ne paraît pas avoir prévu le succès éclatant des Précieuses ridicules. […] Quels rapports y a-t-il entre cette pièce et Les Précieuses ridicules de Molière ? […] Les Précieuses ridicules. — Un certain auteur, M. […] On peut dire que pendant toute la saison elle fit concurrence aux Précieuses ridicules. […] On en revint à L’Héritier ridicule de Scarron.
Et en vérité la colonne n’est pas plus ridicule que les arcs de triomphe, lorsqu’il n’y a plus de triomphateurs. Elle est tout simplement aussi ridicule. […] Vous ne sortirez pas de là sans ridicule.
Je veux croire qu’après cette réponse consolante le Tailleur puisse naturellement se fier au Marquis ; je veux croire que le Marquis, ayant dessein d’emprunter encore au Tailleur, puisse naturellement se persuader qu’il y réussira en le traitant ainsi : mais on m’avouera que la scene de Moliere étant aussi naturelle pour le moins, & beaucoup plus agréable, Dufresny doit nous paroître aussi téméraire que ridicule d’avoir voulu lutter avec lui. […] Quinault l’introduisit dans sa Mere coquette : Moliere s’en empara, la rendit aussi utile à sa piece, qu’elle est fausse & ridicule dans Quinault. […] On ne sauroit définir le caractere de l’héroïne ; c’est une espece de Malade imaginaire, ou plutôt une folle, une imbécille, qui joint au ridicule de se croire malade sans l’être, un amour extravagant, & qui joue pendant toute la piece un rôle dégoûtant, ennuyeux, insipide. […] Nous avons vu que Regnard a mis aussi dans son Joueur un Marquis fanfaron, & qu’il l’a rendu tout-à-fait ridicule.
Que de plus le roi ait accordé à ce poète, qui était en même temps son domestique, la protection qu’il lui devait contre l’insolence du duc de La Feuillade : tous ces petits traits ont été soit embellis par les biographes ; mais ce sont des services qu’il serait injuste de méconnaître, comme il est ridicule de s’en extasier2. […] Il faut encore savoir gré au roi d’avoir permis à Molière d’attaquer les ridicules des marquis, comme Scarron d’ailleurs l’avait fait précédemment. […] Il serait fort ridicule de comparer Racine et Fénelon à Ovide ; mais avant eux on remarque également une génération d’écrivains d’une trempe plus vigoureuse ; après eux, la littérature s’énerve et dépérit. […] Vingt-deux écrivains sur cette liste, qui contient une trentaine de noms, y sont mieux rentés que Molière, et parmi eux figurent Cotin, Cassagne et les autres victimes de Boileau, sans parler de noms plus inconnus encore, qui n’ont pas même conservé l’illustration du ridicule. […] Les protections élevées, si intelligentes qu’on les suppose, ont leurs inconvéniens ; la dignité du poète en souffre toujours, sans parler des mauvais vers que lui arrache la reconnaissance, et dont il est trop puni par le ridicule de les avoir faits.
Grimarest croit qu’il donna aussi en Languedoc les Precieuses ridicules. […] On representa au Roi qu’il étoit de consequence que le ridicule de l’Hypocrisie ne parût point sur le Theâtre. […] Que m’importe, s’écrioit M. le Marquis... de voir le ridicule d’un Pedant ? […] Ridicules & l’Amphitryon, qui ayent pris tout d’un coup. […] & quel fleau du ridicule ?
Un divertissement gai ne peut se produire que dans la représentation des vices, des ridicules, des bizarreries de caractère. […] S’il est un exemple cependant où le ridicule déversé au théâtre sur un vice ait fait disparaître ce vice, ce résultat n’a été obtenu que par les Précieuses ridicules et les Femmes savantes. […] C’est donc par l’attrait d’une satisfaction que les êtres bizarres, ridicules, pervers, dominés par leurs, passions, suivent invariablement l’ornière fatale dans laquelle ils sont engagés. […] Nous y voyons d’abord Toinette froisser son maître par les remontrances qu’elle lui fait entendre sur ses manies ridicules. […] Rien ne saurait leur être plus odieux que les gens ridicules et méchants qui compromettent par leurs simagrées les choses qu’ils vénèrent.
L’esprit français voulait se mirer lui-même dans les œuvres de l’antiquité, et, comme il n’y trouvait pas son image, il osait, avec une effronterie tout aussi grande dans un camp que dans l’autre, ici les tourner en ridicule, là les façonner violemment à sa ressemblance. […] Quand la troupe de Molière donna Les Précieuses ridicules, la pièce fut jouée avec un applaudissement général, dit Ménage, et il est probable que les gens d’esprit de l’ancien hôtel Rambouillet applaudirent plus haut que tout le monde. […] La religion outrée, crédule, imbécile, mais enfin sincère, traduite en ridicule par un comédien ! […] Molière a montré moins d’indépendance dans la grande comédie qu’un an avant sa mort il fit sur un petit ridicule. […] Mais à l’époque de Molière, ce ridicule existait beaucoup moins dans les maisons bourgeoises que dans la haute aristocratie, où il n’était pas aussi ridicule, puisque le rang et la fortune laissent un loisir dont il semble que les dames elles-mêmes ne sauraient faire un meilleur usage qu’en s’instruisant.