Le public n’y pense guère, ou, s’il y pense, ce n’est pas pour se plaindre ni réclamer ; et si, d’aventure, on lui proposait ce supplément de chefs-d’œuvre, il n’en ferait pas plus de cas, sans doute, que de ceux qu’on lui présente déjà. […] Parmi ses récréations publiques, celle que Louis XIV aimait le plus était le ballet : Molière fit des ballets pour ses yeux, et quelquefois pour ses jambes ; aussi pour ses oreilles, sans doute, car ces ballets avaient des récits : c’est même tout ce qui nous en reste, et c’est la plus grande partie des œuvres de Molière. […] J’entends bien que, plus ces cadres seront nombreux, mieux les plaisirs du public seront assurés et la gloire de Molière entretenue. […] Du moins l’ornement du ballet, jusque-là réservé à la cour, les recommandait au public. […] Coquelin, elle ragaillardit tout le public !
Le public voulut y prendre part. […] C’était tout à la fois honorer les lieux où vécut et mourut le grand poète, et populariser encore plus son souvenir en l’associant à un objet d’utilité publique et journalière. […] La fontaine Molière n’a pas manqué de provoquer les démonstrations de l’enthousiasme public : si avant tout elles étaient pour Molière, l’enfant de Paris, l’une des gloires hors ligne de la France, l’œuvre en elle-même y devait être pour quelque chose. […] Avant de terminer, qu’il nous soit permis d’émettre ici un vœu, qui, nous n’en doutons pas, ne peut être que bien accueilli par la majorité du public. […] Ne serait-il pas temps de réparer cet oubli, et d’élever sur la place publique, comme un témoignage d’orgueil national, un monument à celui qui fut si souvent et énergiquement l’apôtre de la vérité et du sens commun, et qui, comme Molière, n’a eu son pareil chez aucun peuple moderne ?
Mais il n’avait pas cru y manquer en permettant à Molière d’égayer plus d’une fois le public aux dépens de ces jeunes marquis éventés, dont Turlupin était le modèle, et Mascarille, des Précieuses, une copie à peine exagérée. […] Jourdain ; et, loin que, dans cet homme, le public vît le chapelier Gandouin, il n’y eut peut-être pas un seul spectateur qui n’y aperçût quelqu’un de son voisinage ou de sa connaissance. […] et le public n’applaudit-il pas à tous les tours qu’il fait à l’autre ? […] N’a-t-il pas (toujours le fripon), n’a-t-il pas pour lui l’intérêt, et le public n’applaudit-il pas à tous les tours qu’il fait à l’autre ? […] Le public applaudit à tous les tours qu’il fait à l’autre.
Il n’appella point du jugement du public ; il ne fit pas même imprimer sa piéce, quoiqu’il y eût des traits qu’il jugeât dignes d’être insérés depuis dans d’autres comédies, & sur tout dans le misantrope. […] Le public confus d’avoir pris le change, s’indisposa contre la piéce. […] Les personnes qui attirent les yeux du public, sont plus exposées que les autres à sa malignité & à ses plaisanteries. […] On s’étonnera peut-être que je n’aye point fait M. de Moliere avocat, mais ce fait m’avoit absolument été contesté par des personnes que je devois supposer en sçavoir mieux la vérité que le public ...... […] Chaque troupe avoit, dans ce tems-là, un acteur, qui seul faisoit l’annonce des piéces, & qui haranguoit le public dans l’occasion.
À la vérité, le]public d’alors ne le connaissait pas par la lecture autant que le public d’aujourd’hui ; mais on allait le voir. […] C’est en plein jour, et devant le public. […] Le public fit à Sancho, à Laforêt et à l’âne un accueil tout français. Laforêt, depuis ce jour-là, ainsi que Molière, aima toujours ce bon public, tant elle l’avait, disait-elle, trouvé honnête. […] Mais c’était au grand ami, c’était au public qu’il aspirait de montrer son élève.
Sa prémiere Comédie fut celle de l’Etourdi : il l’exposa au public dans la ville de Lion l’an 1653. […] C’est ici que l’on pouvoit dire, Médecin gueri-toi toi-même : Moliere, qui divertissez tant le public, divertissez-vous vous-même. […] Il faut donc qu’elle soit proportionnée au goût du public, c’est-à-dire, qu’elle soit capable d’attirer beaucoup de monde ; car sans cela, ne fût-elle qu’un elixir de pensées rares, ingénieuses, fines au souverain point, elle ruïneroit les Acteurs, & ne serviroit de rien au peuple. […] Begon35 a fait graver les Portraits, & dont il a procuré au public l’Eloge Historique. […] Elle fut établie dans l’Hôtel du Roi à la rue Mazarine38, & commença à se montrer en public le Dimanche 9 de Juillet 1673 : le Théatre du Palais Roial & celui du Marais furent interdits aux Comédiens.
Sa premiere Comedie fut celle de l’Etourdi : il l’exposa au public dans la ville de Lion l’an 1653. […] Fevrierb 1673, jour de la quatriéme representation du Malade Imaginaire, il fut si fort travaillé de sa fluxion qu’il eut de la peine à joüer son rôle : il ne l’acheva qu’en souffrant beaucoup, & le public connut aisément qu’il n’étoit rien moins que ce qu’il avoit voulu joüer : en effet, la Comedie étant faite il se retira promptement chez lui ; & à peine eut-il le tems de se mettre au lit, que la toux continuelle dont il étoit tourmenté, redoubla sa violence. […] On fit appercevoire Moliere, que le grand soin qu’il avoit de plaire au public lui ôtoit celui d’examiner la conduite de sa femme ; & que pendant qu’il travailloit pour divertir tout le monde, tout le monde cherchoit à divertir sa femme. […] Pour vous répondre donc sur la connoissance parfaite que vous dites que j’ai du cœur de l’homme, par les portraits que j’en expose tous les jours au public, je demeurerai d’accord que je me suis étudié autant que j’ai pu à connoître leur foible ; mais si ma science m’a appris qu’on pouvoit fuir le peril, mon experience ne m’a que trop fait voir, qu’il étoit impossible de l’éviter, j’en juge tous les jours par moi-même. […] C’est ici que l’on pouvoit dire, Medecin gueri-toi toi-même : Moliere, qui divertissez tant le public, divertissez-vous vous-même.
Notons ce symptôme excellent : le public accourt dès qu’on lui annonce Molière. […] Lewinski s’est avancé et a lu, aux bravos du public, une longue poésie, composée par lui. […] Il traçait une farce à la hâte et se donnait simplement la tâche d’amuser son public. […] Acteur et auteur, Molière succès avait séduit et pour toujours conquis le public. […] Roulès demandait pour lui « un dernier supplice exemplaire et public ».
On ne vous consulte pas sur cela, répondit Molière à Chapelle*. « Représentez-vous, ajouta-t-il, en s’adressant au jeune homme, la peine que nous avons ; incommodés ou non, il faut être prêts à marcher au premier ordre, et à donner du plaisir quand nous sommes souvent accablés de chagrin ; à souffrir les grossièretés de la plupart des gens avec qui nous avons à vivre, et à captiver les bonnes grâces d’un public qui est en droit de nous gourmander261 pour son argent. […] Il a trop de mérite pour brailler à un barreau ; et c’est un vol qu’il fait au public, s’il ne se fait prédicateur ou comédien. […] Lekain n’écouta point Voltaire et s’en trouva bien, et le public aussi.
La troupe dont il faisait partie éclipsa bientôt toutes les autres ; elle obtint des succès si brillants que le public lui donna le titre un peu emphatique d’Illustre théâtre. […] La faveur publique se déclara pour la troupe de Molière dans la cité de Lyon. […] Enfin, au bout de cinq ans, Louis XIV fit lever la défense qui protégeait l’hypocrisie, et les faux dévots furent, dans la personne de Tartuffe, livrés à la risée publique. […] Le public sait comme moi jusqu’à quel degré de perfection il l’a élevé : mais ce n’est pas le seul endroit par lequel il nous a fait voir qu’il a su profiter des leçons d’un si grand maître. […] Son talent était borné aux rôles de niais, à quelques valets et aux vieilles ridicules ; mais il a toujours rempli ces deux emplois au gré du public.
ils sont bien mal avec le public. […] fi du public ! […] Le public prodigue cet argent-là pour qu’il soit prodigué. […] Un comédien qui achète des rentes vole le public. […] Cependant le public veut le revoir.
Comme en outre il était grondeur et bourru, surtout avec ses inférieurs, ces défauts semblaient repousser l’apparence même des vices de cour, et promettre des vertus qu’il avait très-réellement, mais qu’il gâtait à la fois par un grand faste en public et par de secrètes complaisances. […] « Je rends au public ce qu’il m’a prêté, » dit l’auteur des Caractères... […] Écoutez les deux, interlocuteurs mis en scène pour éclairer un public toujours trop avide d’allusions : « — Juge-nous, un peu sur une gageure que nous avons, faite. […] Sans aucun doute, les contemporains ont placé des noms connus au bas de chacun de ces portraits, et plus d’un de ces beaux de cour, se donnant en spectacle sur les bancs de l’avant-scène, a dû offrir au public le malin plaisir de comparer la copie à l’original. […] Impromptu, de Versailles, scène III ; et dans, La Critique de l’École des femmes, qui renferme également de si précieuses leçons d’art : « N’allons point nous appliquer à nous-mêmes les traits d’une censure générale : ce sont miroirs publics, etc., etc. »(Scène VII.)
Les François dédaignerent pendant long-temps les pieces Espagnoles, par la raison seule qu’elles n’ont que trois actes ou trois journées ; comme s’il n’étoit pas permis à un Auteur de partager son poëme en autant de parties qu’il juge à propos, & si le plaisir du public devoit être plus ou moins vif selon le nombre de ces mêmes parties. […] Il suffit, dit-on, que le premier, le troisieme & le cinquieme frappent : le public glisse aisément sur les deux autres. […] Il faut finir cette scene par quelque trait intéressant, qui, réveillant toute l’attention du public, & piquant sa curiosité, lui fasse desirer l’acte suivant avec l’intérêt le plus vif ; & de façon, s’il est possible, que le desir de voir la suite, l’emporte sur le desir de critiquer. […] Le public veut voir clairement le commencement, le milieu, & la fin de tout. […] On avoit déja débité deux actes, que le public n’avoit pas approuvés : son impatience redoubloit, quand un éternuement qui partit des secondes loges fit retentir toute la salle, & déconcerta les acteurs.
Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps Le Feuilleton de 1830 et années suivantes parlait souvent de la comédienne unique et charmante, mademoiselle Mars ; c’est qu’à entendre parler de cette femme adorée, le public, inconstant d’habitude, ne se lassait pas ! […] Ni les uns ni les autres ne songent même à posséder cette belle : ce qu’ils veulent avant tout, c’est une bonne parole et devant témoins ; c’est un tendre regard, en public ; ce sont des lettres qu’ils puissent montrer à tout venant ; et quant au reste, le reste viendra, si veut Célimène. — Et justement voilà pourquoi Célimène, fidèle au rôle qu’elle s’est imposée, est si prodigue envers les uns et les autres de bonnes paroles, de tendres regards, de billets doux ; là est sa force, et elle a besoin d’être forte pour se défendre. […] Alors Baron s’avançant tout au bord du théâtre, et regardant dans cette foule, comme s’il eût pu découvrir les insulteurs : — Ingrat public que j’ai formel dit-il en les montrant du doigt ; et depuis ce jour-là, on eut beau le prier et le supplier de reparaître, il ne reparut plus. « Oui, ingrat public, qui ne voit pas ces insultes cachées ! Ingrat public, qui ne comprend pas tout ce qu’il va perdre !
Le coupable y étoit traduit, & le public se faisoit justice. […] fait mention d’un théatre public dressé à Lyon en 1540. […] ) personne qui fait profession de représenter des pieces de théatre, composées pour l’instruction & l’amusement du public. […] Voilà le public à qui Aristophane se proposoit de plaire. […] Il falloit plaire, & le nombre des connoisseurs étoit si petit, que s’il n’eût écrit que pour eux, il n’eût point du tout travaillé pour le public.
— « Ingrat public ! […] Pendant très longtemps, ce même public, qui la devait adorer, n’a voulu ni la voir, ni l’entendre ; il la trouvait vieille et laide à vingt ans ! […] Cette représentation, où Marivaux et sa légitime interprète se montraient dans tout leur éclat, pour la dernière fois, fut empreinte de je ne sais quelle fièvre inquiète avec toutes les agitations de la fièvre ; et le public et les comédiens semblaient animés des mêmes regrets ; les comédiens jouaient mal, le public écoutait mal, Tartuffe (on jouait encore Tartuffe !) […] Hier encore la flatterie n’avait rien de si lâche et de si rampant qui ne fût à leur taille… le lendemain le public prend sa revanche, et c’est à peine si l’on sait le nom de cette adorée. […] Heureusement la critique est plus humaine que le public.
Il est faux que Molière fasse aimer le fils insolent, car il n’est pas vrai que le public l’aime. Le public, dans cette pièce, ne prend réellement personne en affection. […] Que penser d’une pièce où le public applaudit à l’infidélité, au mensonge, à l’impudence de celle-ci, et rit de la bêtise du manant puni ? […] Rousseau prétend que, dans cette pièce, le public applaudit à la femme infidèle, et rit du mari trompé. […] Ce qui, sortant de la plume du moraliste ou de la bouche du prédicateur, obtiendrait l’approbation publique, le poète comique le met en action.
En 1662, Molière commence d’être attaqué par des écrits publics : une polémique de deux ans suivit l’École des Femmes. […] Mais ce qui importe ici, ce ne sont pas les jugemens plus ou moins téméraires de la médisance publique, c’est la piste où se dirigèrent, on le voit, dès l’origine, les soupçons des contemporains. […] La « Relation, » si documentée, par laquelle le pouvoir et le public furent saisis de l’existence et des menées du Saint-Sacrement, avait pour autours deux jansénistes, dont l’un n’est rien moins que Pierre Nicole. […] Même l’immixtion dans la vie publique de ces petites sociétés, créées et dirigées par les Jésuites, ne fut pas sans effrayer, vers cette époque, en province, les autorités locales: en 1631, en Normandie, le Parlement essayait de l’enrayer. […] N’est-ce pas cela que le public de Molière peut comprendre, doit sans doute comprendre et est presque forcé de conclure, » si ce n’est pas « ce que Molière a voulu faire entendre, car je n’en sais rien. »— L’histoire des hommes et des actes de la Compagnie du Saint-Sacrement nous permettent, ce me semble, de croire que nous en savons un peu plus.
Mais lorsque Mascarille prétend que sa subtilité de fourbe lui a acquis la publique estime, qui donc le prend au mot ? […] Molière, en effet, ne cessait de railler les acteurs de l’Hôtel de Bourgogne ; il faisait rire le public à leurs dépens. […] Le second reproche que Rousseau adresse à Alceste, est de ne s’en prendre qu’à des ridicules privés et non à des vices publics. […] Elles sont très bonnes comme équilibres de gouvernement ; c’est un tempérament excellent ; mais la comédie ne .peut s’occuper des affaires publiques, que lorsque les affaires publiques se mêlent intimement aux mœurs. […] Sbrigani est le type de ces aventuriers qui dupent le public, et que le théâtre a si souvent représentés depuis.
Comparé par les plus grands écrivains de son temps aux modèles du genre qu’il traitait, il a joui de son vivant de la protection d’un roi, de l’amitié d’une noblesse avare même d’estime, et de la constante adoration du public. […] Si ce n’est pas une rue, c’est une place publique; si ce n’est une place publique, c’est un théâtre qui porte son nom au fronton. […] Encore une millième fois, votre architecture, ce sont les rues, les places publiques, les ponts suspendus, les bateaux à vapeur.
Peu semblable aux gens qui raillent en pleine santé cet art dont ils implorent le secours au premier frisson de la fièvre, Molière était un malade tristement désabusé, qui n’avait plus de confiance que dans la nature, et ne trouvait plus la médecine bonne à autre chose qu’à divertir le public. […] Quelle confiance le public pouvait-il continuer d’avoir en des hommes qui se traitaient mutuellement de charlatans ? […] Comment croire, enfin, que Molière ait été irrité de ce qu’un homme, dont l’opinion n’était pas sans influence sur les jugements publics, avait pris la défense de sa pièce attaquée par tant de gens qui n’en sentaient pas ou qui affectaient d’en méconnaître le mérite ? […] Ce n’est la faute ni de l’auteur, ni du public : c’est celle de l’époque. […] Ne voyons donc dans ses paroles que le détour plus ou moins adroit d’un homme du monde, qui ne veut pas accepter un ridicule public, et refuse de se reconnaître dans un prétendu portrait plus fait, quoi qu’on en ait dit, pour offenser son amour-propre, que pour blesser sa modestie.
La prose dérouta le public. […] Molière fut vengé de ce jugement du public, lorsqu’il donna cette pièce pour la seconde fois, le 9 septembre 1668.
Quant à l’exécution matérielle, le public est à même d’en juger. […] Nous le verrons aimé du public. […] Le samedi 11 mai, elle avait donné en public L’Étourdi. […] Molière crut que ces publiques incriminations méritaient un châtiment public. […] Le 9 septembre 1668, il exposa aux yeux du public le tableau des vilenies d’Harpagon.
Le goût du public a trop changé. […] Elle a été abordée d’ailleurs pour le public hollandais par M. […] Si bien que la tragédie de Corneille ne parut devant le public parisien que vers le 13 février 1661. […] Il s’y donnait de brillantes représentations qui attiraient la foule ; après quoi, le public disparaissait. […] Sa pièce y a été reçue, elle y est promise au public, et Floridor en a parlé dans l’annonce.
Le public n’aime le théâtre qu’à la condition de n’y point trouver de vertu. […] U était mûr, en effet ; et l’intelligent public de Paris ne s’y trompa point. […] Il fut soudain en possession de l’estime et de l’admiration publiques et elles ne le quittèrent plus. […] Vous trompez et vous corrompez le public pour obtenir ses suffrages. […] Tartuffe et demi, si la popularité lui vient et si l’on voit que l’estime publique s’attache à lui !
Au commencement de 1672 on ignorait encore dans le public l’existence des enfants de madame de Montespan, et par conséquent on ignorait que madame Scarron fût leur gouvernante ; mais quelques amis, au nombre desquels était madame de Sévigné, la voyaient de temps en temps. […] Mais le ridicule d’étaler de la science ne pouvait être assez général pour être connu du public, pour le blesser et lui causer du plaisir sur la scène. […] Cette dégradation des femmes savantes sauvait Molière du danger d’essayer le ridicule contre des personnages sur lesquels le ridicule ne mordait point, et du danger des inimitiés puissantes, mais il n’allait point au but, qui était d’affaiblir la considération des gens du monde, dont le poids était incommode pour la cour et dangereux pour le spectacle de Molière ; et d’ailleurs il avait peu de succès à attendre d’un ouvrage qui reproduisait la préciosité au moment où elle venait de rassasier le public, et où, par l’influence du théâtre même, elle cessait d’exister dans le monde. […] La Bruyère, dans la préface qui précède son discours de réception à l’Académie française, s’élève contre ces gens « qui, au lieu de prendre pour eux les divers traits semés dans un ouvrage, s’appliquent à découvrir lesquels et donnent au public de longues listes ou clefs des originaux auxquels ils ont jugé à propos de les appliquer.
Déjà Cambrai, Dijon, Meaux, Bordeaux, Montbart, Périgneux, ont orné leurs places publiques des glorieuses images de Bossuet, de Fénelon, de Buffon, de Montesquieu et de Montaigne. […] On a dit que Molière avait été obligé de former son public. L’éloge est plus grand qu’on ne pense, car on n’a pas vu que former un public à des chefs-d’œuvre, c’était faire une nation. […] Les temps étaient venus, et en 1769, dans un concours public et solennel elle appela l’éloge de celui qu’elle regrettait de n’avoir pu compter parmi ses membres. […] Qu’ils sont gais ces labeurs si pleins d’insouciance Que le public charmé chaque soir récompense !
Les poètes qui leur succédèrent, ayant paru dans un temps où la cour de France était devenue le modèle de la galanterie, saisirent cette circonstance pour prendre une nouvelle route ; ils crurent devoir diminuer quelque chose de la sévérité de la tragédie, et pour en faire un spectacle plus riant aux yeux du public, ils rendirent l’amour le maître dominant de la scène. […] Ces pièces et quelques autres d’un moindre mérite durent les succès dont elles furent honorées, et à la nouvelle forme que les poètes leur avaient donnée, et à la persuasion où le public était que Corneille avait pour toujours renoncé au théâtre. […] « Je ne doute point que je ne hasarde beaucoup en donnant cet ouvrage au public ; il a eu tant de bonheur au théâtre qu’il est difficile qu’il en ait autant sur le papier, et que la méditation de la lecture n’y laisse découvrir des défauts que les agréments de la représentation semblent avoir jusqu’ici assez heureusement déguisés. […] Cette troupe, dont M. de Molière était le chef, et qui, comme je l’ai déjà dit, prit le titre de la Troupe de Monsieur, commença à représenter en public le 3 novembre 1658 et donna pour nouveautés L’Étourdi et Le Dépit amoureux, qui n’avaient jamais été joués à Paris. » Nous allons parler de la première de ces pièces. […] Ce Gilles le Niais était sans doute un vendeur d’orviétan, qui jouait des farces pour attirer le public et débiter ses drogues.
S’ils acceptent sans discussion et pour toujours les idées de leurs maîtres, qu’ils sachent bien que le public ne verra jamais en eux que des doublures. […] On ne sait pas à quel point le goût public est dépravé par les œuvres uniquement destinées à combattre l’ennui. « C’est une vieille pièce, disait-on près de moi ; mais elle est si bien jouée ! […] Aussi, quand je parle du spectateur exempt d’inquiétude, ce n’est pas du public pris en masse que j’entends parler, mais d’une minorité attentive. […] Il n’est donc pas inutile de signaler les bévues des comédiens et d’éclairer le public sur les contre-sens qu’ils commettent dans l’interprétation de ses œuvres. […] Je persiste à croire qu’il faut jouer les rôles écrits par Molière tels qu’il les a conçus, et laisser au public le soin d’en deviner le sens.
C’était narguer plaisamment les ennemis qu’il livrait à la risée publique. […] Mais un jour l’une d’elles le reconnaît, l’injurie et le malmène, en place publique. […] Mais elle ne put être publique que le 5 août 1667. […] Il le fallait bien pour répondre si ponctuellement au caprice du maître, et aux vœux du public. […] Le public n’hésita pas à voir dans le Tartuffe Escobar traduit sur le théâtre.
La troupe de Molière, fâchée sans doute d’avoir été devancée deux fois, mais estimant que la curiosité publique n’était pas encore épuisée, pressa Molière de faire à son tour parler et marcher la statue du commandeur ; et Molière, disposé en tout à se sacrifier aux intérêts de ses camarades, composa un troisième Festin de Pierre, qui fut représenté le 15 février 1665. […] La ligue des faux dévots, grossie d’un assez grand nombre de personnes dont la piété sincère s’alarmait des coups portés à l’hypocrisie, travaillait sans relâche à empêcher la représentation publique de ce chef-d’œuvre. […] Elle fut attribuée à un auteur de profession dont le nom, répandu alors dans le public, n’est point arrivé à notre connaissance. […] Enfin, ce singulier point d’histoire littéraire et bibliographique est maintenant éclairci ; et, ce qui vaut mieux encore, le public aura désormais dans son intégrité, sinon un des plus beaux, du moins un des plus étonnants ouvrages qu’ait enfantés le génie de Molière. […] C’est une question de morale publique et presque d’administration que je ne veux pas discuter ici.
Le duc de Saint-Simon, dans sa juste animadversion pour l’injure que fit aux pairs, aux princes, à la nation entière, à son droit public, à ses mœurs, l’élévation du duc du Maine, fruit d’un double adultère, mais devenu digne d’une haute destinée par les soins de madame de Maintenon ; le duc de Saint-Simon, dis-je, comparant la naissance du duc du Maine avec les honneurs démesurés dont cet enfant fut comblé, se laissa aller au plus cruel et au plus injuste mépris pour madame de Maintenon, à qui le jeune prince devait le mérite précoce et distingué qui avait favorisé son élévation. « Que penser, dit-il, d’une créole publique, veuve à l’aumône de ce poète cul-de-jatte (Scarron), et de ce premier de tous les fruits d’un double adultère, rendu à la condition des autres hommes, qui abusent de ce grand roi au point qu’on le voit, et qui ne peuvent se satisfaire d’un groupe de biens, d’honneurs, de grandeurs, si monstrueux et si attaquant de front l’honnêteté publique, toutes les lois et la religion, s’ils attentent encore à la couronne même ? […] Le total est à la vérité un tissu exact et continuel d’abus de puissance, de violence, d’injustice ; mais une fois prince du sang en tout et partout, il n’y a plus qu’un pas à faire ; et il est moins difficile donner la préférence à un prince du sang sur les autres, pour une succession dont on se prétend maître de disposer, puisqu’on se le croit de faire des princes du sang par édit, qu’il ne l’est de fabriquer de ces princes avec de l’encre et de la cire, et de les cendre ainsi tels sans la plus légère contradiction73. » Madame de Maintenon ne fut ni créole, ni créole publique, ce qui signifie femme publique, ni à l’aumône.
Le public connaissait l’intrigue de d’Urfé et l’aversion du roi pour lui. […] Les publications successives de L’Astrée furent reçues du public avec la même faveur que la première. « Ces ouvrages, dit Huet, furent reçus du public avec un applaudissement infini, et principalement de ceux qui se distinguaient par la politesse et par la beauté de l’esprit. » Rien ne nous apprend comment le Ier volume du roman du marquis d’Urfé fut accueilli à l’hôtel de Rambouillet, ni si l’auteur s’introduisit dans cette société.
Cette complication fit que le public sut fort inexactement l’époque où cessa l’intime liaison du roi avec madame de La Vallière, et où de vint exclusive celle qu’il eut avec madame de Montespan. Les mémoires de Bussy-Rabutin présentent l’étrange tableau du roi faisant à la fois la désolation de la reine par les honneurs publics décernés à madame de La Vallière, et celle de madame de La Vallière par la faveur secrète accordée à madame de Montespan. […] Les mémoires de mademoiselle de Montpensier nous apprennent que jusqu’à la mort de la reine-mère, arrivée le 20 janvier 1666, « le roi avait gardé quelques mesures de secret sur son amour pour madame de La Vallière, pour ne point donner de chagrin à la reine-mère ; mais que quand il fut hors de cette appréhension, cette affaire devint publique » ; et Mademoiselle ajoute que dans ce temps-là… madame de Montespan, qui était une des dames de la reine, « commença à aller chez madame de La Vallière, qui était ravie de la voir chez elle pour amuser le roi. » C’est cet amusement du roi qui commença l’intrigue dont Bussy-Rabutin raconte si bien l’origine. […] Les admirateurs du génie de Molière ont besoin de chercher des excuses à son Amphitryon, dans son désir immodéré de plaire au prince qui Pavait subjugué par sa gloire et ses bienfaits, da us la corruption générale qui demandait au poète comique de faire rire le public aux dépens des époux malheureux, peut-être même dans l’espèce d’héroïsme auquel le poète avait voulu s’élever en se rangeant du côté des rieurs, lui à qui les désordres de sa femme avaient couté tant de larmes amères.
Mademoiselle de Brie fut chargée du rôle d’Agnès, et le conserva, dit-on, jusqu’à l’âge avancé où elle se retira du théâtre, parce que le public n’y voulut jamais souffrir une autre actrice qu’elle. […] Lysidas, ces auteurs jaloux et pédants qui cachent leur malin vouloir sous un faux air d’impartialité, et qui dénigrent, pour la plus grande gloire des règles, l’écrivain coupable d’amuser le public qu’ils sont en possession d’ennuyer. […] Cet emploi, dont presque personne n’a d’idée aujourd’hui, était d’une très grande importance dans un temps où les comédiens parlaient tous les jours au public. […] Arrivé avec lui à Paris, en 1658, il s’y fit beaucoup de réputation ; et, quoique devenu boiteux par un accident qui honorait son courage, il n’en continua pas moins de plaire au public. […] L’honnêteté publique a-t-elle gagné à cette réserve ?
J’ose ajouter que mieux il sera fait, que plus il remplira les vues de ceux qui l’ont ordonné, que plus il aura l’espece de mérite qu’on aura voulu lui donner, plus il sera insipide pour le Public ; & sa réputation finira surement avec la fête. […] Ceux à qui la fête est donnée sont toujours indulgents ; mais le public libre est toujours sévere ». […] Il n’est pas nécessaire de citer Psyché, tragédie-ballet du même Auteur, pour prouver ce que j’ai avancé, & faire voir que les pieces composées pour des fêtes ne réussissent jamais quand on les livre au public, ou qu’elles n’ont du moins qu’un succès momentané.
Cependant, comme ce même intérêt que le public prend à la chose rejaillit sur les personnes qui se chargent de la faire réussir, j’ai remarqué qu’il aime à ne suivre que la marche d’un seul personnage, & à ne pas partager entre plusieurs l’obligation du succès. […] Il joue alternativement le rôle de Campagnard, de Veuve, de Géronte lui-même ; aussi devient-il un personnage conséquent dans l’esprit du public : le gré qu’on lui sait de sa peine rejaillit sur la piece & sur l’Auteur. Si Regnard, moins adroit, avoit employé trois intrigants, dont l’un eût imaginé de faire le neveu, l’autre la niece, un autre le testament, leurs efforts réunis auroient produit le même effet : cependant le public moins content n’auroit peut-être pas écouté la piece.
Plus d’une fois, pris au dépourvu par les besoins de son théâtre, il a dû se résigner à ne pas se contenter pour plaire au public, et renoncer à l’instruire pour l’égayer. […] En attendant qu’il se présente des comédies originales, des drames remplis d’une passion sincère, elle doit s’appliquer à élever le niveau du goût public, et, pour atteindre ce but, le chemin le plus court est de chercher dans l’ancien répertoire les modèles les plus purs. […] Venceslas et Turcaret peuvent servir à l’éducation du public.
Cependant, il m’est impossible de passer sur ces noms illustres en n’y laissant que du blâme, comme si rien n’eût racheté les fautes où ils ont été entraînés, et j’encourrais moi plus que le blâme public, si aucun hommage ne rachetait la témérité de ma censure. […] Il était grand citoyen aussi quand il livrait à la moquerie publique la manie de se faire noble, de se donner des titres, de se séparer du commun état. […] Mais il était ami plus fidèle que courtisan habile, quand il écrivait son élégie Aux Nymphes de Vaux, en faveur de Fouquet, il implorait pour lui la clémence de Louis XIV, sachant très bien, et son élégie même en contient la preuve, qu’il avait à défendre, non, comme le croyait le public, le ministre prévaricateur, mais le galant magnifique et téméraire, qui avait osé prétendre au cœur de la maîtresse du monarque et essayé de la séduire.
C’est dans le dernier quart du XVIIIe siècle que ce type fut fixé d’une façon définitive par Houdon, dans le buste qui décore aujourd’hui le foyer public de la Comédie-Française. […] On peut admettre que Molière ait alors conçu, dans ses heures de tristesse, quelque mépris pour son métier d’amuseur public et rêvé quelque autre emploi de son génie. […] D’abord il n’avait guère le physique de l’emploi et, avec un tragédien, le public ne saurait prendre son parti de certaines imperfections. […] Il s’y incarnait si bien que ces deux noms furent quelque temps des sobriquets acceptés par le public et sous lesquels amis et ennemis le désignaient communément. […] Mais qu’importe au public par quels efforts on parvient à lui plaire !
Molière, en homme qui connaissait le monde, donna le temps au Public de revenir, et ne rejoua l’Avare qu’environ un an après. […] Ce Divertissement a paru, pour la première fois, en 1675, pour amuser le Public, après qu’on en eut régalé la Cour. […] À l’égard de Vadius, le Public a été persuadé que c’était Ménage*. […] Le Public confus d’avoir pris le change, s’indisposa contre la Pièce. […] INCARTADE : Insulte ou affront qu’on fait à quelqu’un en public et par bravade.
Il faut, pour ces jeux de situation, des murs perméables, et surtout une absence innocente et primitive de précautions, qui facilite ces entrées et ces sorties dont l’entrecroisement amusait tant le public espagnol. […] Quant au public, il n’avait pas été encore averti qu’il n’y a pas pour lui d’amusement solide sur la scène, s’il n’en est pas la matière, et qu’il faut qu’il porte la comédie au théâtre pour l’y trouver. […] En outre, la convention y tenant plus de place que dans la comédie, le public se croit le droit d’y demander plus de changements. […] Voilà bien des choses entre l’art et le public ; or le propre du dramatique est de saisir le spectateur dès le lever de la toile, et de le transporter au milieu de l’événement dont il devient le témoin oculaire et dont il doit éprouver tous les contrecoups. […] Au lieu de regarder d’un coin de la salle, et dans l’ombre d’une loge, l’effet de la pièce sur le public, avec un parti pris de complaisance pour l’une et de prévention contre l’autre, et l’excuse toute prête de quelque cabale pour expliquer les sifflets, il interrogeait lui-même le public, et, selon la réponse, l’acteur corrigeait le poète, ou le poète l’acteur, sans complaisance de l’un pour l’autre, car il fallait réussir ; et si le poète eût hésité entre sa vanité et le succès, la pièce eût été en péril.
Malgré ces facilités d’entrée données au public, il n’entra pas. […] Peut-être ce motif la toucha-t-il faiblement ; mais l’espérance de plaire au public dans un rôle écrit pour elle, la décida. […] Mais, en pareille circonstance, il se trouve toujours un public à Paris. […] Une phrase, un mot, suffisaient, et rarement le public les laissait échapper. […] Le public ne voulut pas le laisser dans cet embarras : il finit par le renvoyer à ses drogues.
Ces deux farces sont tombées entre nos mains, et nous nous empressons d’en faire jouir le public. […] Molière ne fît donc que se conformer au goût du public et à l’usage établi, en composant ces espèces d’atellanes où, sans s’écarter de la trivialité obligée du genre, il mit du moins une bouffonnerie plus ingénieuse que celle des farces tant vantées alors de Guillot-Gorju de Gauthier-Garguille.
Le public, après tant de sérieux, a soif de rire. […] Sans doute si le public ajoute foi à une fausseté, la vérité n’aura pas de gloire. […] Ne serait-ce pas parce qu’un mari est un ennemi du public, qui retient un trésor qui devrait circuler. […] Le bonheur public ne demande qu’un nombre de savantes très limité. […] Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts.
Encore ne purent-ils avoir qu’un buste pour le foyer public de leur théâtre. […] On put constater même que ses pièces furent mieux appréciées, jugées avec plus de compétence par un public qui paraissait le connaître aussi bien qu’un public français. […] On n’avait pas encore accoutumé le public à de coûteuses magnificences. […] Ces grandes œuvres dominaient l’esprit public. […] Le public était tout disposé à revenir au vrai, au simple et au naturel.
Le public ne s’y habitua qu’à la reprise et peu à peu. En vérité, pour une fois je serais tenté de dire que le public avait raison. […] Les Chrysale sont assez nombreux pour former un très bon public. […] La supériorité de Molière en fait d’idées, c’est d’avoir très sûrement démêlé celles de son public qui devaient très probablement être celles du public de tous les temps ou du public, au moins, de quelques siècles après lui. […] Tout son contrat avec le public est celui-ci : « Suis-je amusant ?
Le 28 juin 1669, Perrin obtint des lettres patentes portant permission d’établir dans cette ville une académie de musique pour chanter en public des pièces de théâtre. […] Les comédiens étaient considérés comme pécheurs publics, de môme que les concubinaires et les usuriers, c’est-à-dire que leur péché était connu du prêtre par la notoriété publique et non par la confession. […] On pourrait même faire le public juge en dernier ressort de la question et de la solution donnée par les experts, en exposant dans le foyer du Théâtre-Français les quatre pièces controversées. […] Je m’incline d’avance devant sa haute compétence, et je profite de l’occasion pour lui soumettre une idée qui ferait, selon moi, son chemin dans l’esprit public si elle était lancée par une main autorisée. […] Joignez à cela les éditions de ses œuvres, les innombrables études dont il a été l’objet, et voyez quelle splendide collection on créerait, si l’on rendait ce musée permanent et public.
Le public s’amuse non seulement du ridicule des fâcheux, il rit encore de l’embarras où ils jettent celui à qui ils s’adressent, de l’impatience qu’ils lui causent, & des efforts qu’il fait pour se débarrasser d’eux. […] celui de peindre au public assemblé le ridicule des fâcheux qui inondoient alors la Cour & la Ville. […] Une petite bagatelle à scenes détachées peut échapper à un homme d’esprit, même à un homme de génie ; il la donne alors sans prétention ; c’est un enfant perdu qu’il livre au caprice du public : s’il fait plusieurs actes, l’ouvrage acquiert pour lors une certaine consistance qui le fait juger avec sévérité. […] Le sieur Devisé, auteur du Mercure, s’en plaignit à M. de la Reynie, Lieutenant de Police, qui se fit apporter la piece ; & l’ayant trouvée trop bien faite pour en priver le public, il permit qu’elle fût jouée sous le nom de comédie sans titre : elle eut le plus grand succès.
Je vous en dirais davantage si je ne craignais qu’il se tînt offensé de ce que je vous pourrais dire et si je n’appréhendais de passer pour ridicule aux yeux de ceux qui n’adorent que les bagatelles, qui n’osent démentir la voix publique lorsqu’elle a une fois approuvé une chose et qui, pour donner des louanges à un homme, opinent du bonnet parce qu’ils voient que c’est le sentiment des autres. […] Comme il y a des critiques, continua-t-il, qui n’approuvent jamais rien et qui entraînent les opinions de quelques gens faciles qui croiraient mal faire et devoir être raillés de ne pas témoigner qu’ils sont de leur sentiment, bien qu’ils n’en soient point, il y en a d’autres qui approuvent tout ce qu’ils voient : je connais un des plus galants Abbés du siècle, et à qui je puis, sans injustice, donner le nom d’obligeant, puisque, par une bonté naturelle, il loue indifféremment tous les ouvrages qu’il voit et tous ceux que l’on lui montre en particulier ; aussi dit-on de lui dans le monde que l’on ne saurait connaître s’il dit la vérité et qu’il ne fait point de Jaloux, puisqu’il met tous les auteurs en même degré et qu’il loue également leurs productions en public et en particulier, sans crainte de hasarder sa gloire. […] Il apprit que les gens de qualité ne voulaient rire qu’à leurs dépens, qu’ils voulaient que l’on fît voir leurs défauts en public, qu’ils étaient les plus dociles du monde et qu’ils auraient été bons du temps où l’on faisait pénitence à la porte des Temples, puisque, loin de se fâcher de ce que l’on publiait leurs sottises, ils s’en glorifiaient. […] Ce n’est pas que je ne doive dire, pour lui rendre justice, qu’il ne témoigne pas sa jalousie hors du Théâtre : il a trop de prudence et ne voudrait pas s’exposer à la raillerie publique.
À la fin se trouvera le jugement qui a été porté dans le temps par le public et les gens de lettres. […] Mais ayant de publier mon travail, j’ai cru devoir soumettre au public et aux critiques le Discours que j’ai fait sur la Comédie, et qui précédera les Œuvres de Molière. […] Si le public daigne accueillir favorablement ces parties détachées, je ferai de nouvelles recherches ; j’examinerai encore plus scrupuleusement tout ce que j’ai fait, et je tâcherai de rendre mon travail plus parfait et plus digne de son approbation. […] Que d’art pour bien graduer la peinture qu’il offre aux jeux du public, pour ne pas dissiper en un instant tous les matériaux qu’il a pu amasser ? […] Ce n’était pas assez pour Molière d’attaquer nos vices, de les poursuivre jusque dans leurs derniers retranchements, et de les livrer à la risée publique ; il ne pouvait pas s’arrêter là, il devait donner une leçon à la vertu même, lui apprendre à être heureuse au sein de la plus extrême corruption, en conservant encore sa pureté.
On est heureux, en mettant une pincée de sel dans son œuf à la coque, de penser qu’on subvient, pour sa petite part, aux frais du culte de Corneille, de Racine et de Molière : si tout l’argent public était assuré d’un aussi bon emploi, on ne réclamerait aucun dégrèvement. […] Il y a cinq ans déjà, cette maison a fêté le deux-centième anniversaire de sa fondation ; elle est, parmi nos institutions publiques, une des plus anciennes et des plus vénérables : un écho y répète, selon l’ordonnance royale du 21 octobre 1680, des paroles inspirées par le plus pur esprit de notre race et disposées par l’art théâtral le plus parfait que le monde ait connu. […] Plus que Racine, autant que Molière, le grand homme du jour a gardé la faveur publique ; il est même, sinon plus estime ni plus aimé, du moins plus respecté que Molière ; il tient le dessus dans cette trinité, il est Dieu le père : allons voir quels honneurs ses cardinaux lui rendent ! […] Est-ce le méchant goût du public, enfin, qu’il faut charger de tout le péché ? […] Athalie, Le Bourgeois gentilhomme, Le Légataire, pour ne citer à nouveau que ces trois-là, nous répondent heureusement de l’humeur de tout ce public.
Il fallut que la voix tardive des hommes de goût s’élevât contre cette injuste froideur qui accueillait un chef-d’œuvre, et ramenât le public à la vérité de ses propres impressions. […] Le public n’apprit qu’il n’existait plus, qu’en apprenant qu’on venait de le remplacer à l’Académie Française. […] Ils ont besoin de la confiance publique, et ils s’appliquent à la mériter : la probité même est pour eux la source de la richesse. […] La pièce ne devait avoir et n’eut aucun succès : le public ne permit pas même qu’elle fût achevée. […] D’ailleurs, Cotin ne l’avait pas avouée, et il avait même voulu donner le change au public, en en faisant une censure assez vive dans sa Critique désintéressée.
En vérité, mettre des ridicules de cette espèce sur le Théâtre, ne serait-ce pas un guet à pan contre le plaisir du Public ? […] Deux sièges côte à côte et vis-à-vis du public. […] « Ce pasteur jura qu’il ne le recommanderait point dans les prières publiques comme seigneur, mais bien en qualité de marchand. […] Poisson, au premier plan, semble haranguer le public. […] A. de Sternberg a offert au public une nouvelle, « Molière », qui a trouvé bon accueil.
Les gravelures devenaient à la mode ; et Dancourt, comme bien des auteurs, servit le public selon son goût. […] Cela paraît d’ailleurs arranger son époux ; Le public plus que lui doit-il être jaloux ? […] Scribe expose d’abord, en effet, à la risée publique l’outrecuidance de ces malencontreux commis marchands dont la prétention était de se faire passer pour des militaires licenciés ? […] Est-ce au public ou bien aux auteurs? […] Ce ne peut être que de mieux faire comprendre au public le dessein criminel de Tartuffe.
Sa vie privée fut celle d’un sage obscur comme sa vie publique est celle d’un sage illustre. Il fut le conseil, l’arbitre, quelquefois même le réformateur de ses amis comme il l’était du public au theâtre.
peut-être aurais-je quelque honte à te reconnaître en public ; en revanche, quand nul ne me verra, je te veux dévorer ligne à ligne ! […] Quant au public, il ne comprit nullement le danger. […] » Monsieur est pris d’un mal subit. — Lisez « Monsieur se promène » ; il fait beau, le public ne viendra pas ce soir, ma foi ! […] Évidemment, le public était préoccupé de la comédie, et il écoutait sans trop de plaisir les colères éloquentes d’Hermione ! […] Ajoutez que la plupart du temps, si la pièce est jouée par un comédien ou par une comédienne célèbre, il arrive que le public paresseux n’est attentif qu’aux moments où paraît cette illustre ; celle-là sortie, aussitôt le public n’écoute plus et se repose.
Fallait-il, pour l’édification publique, qu’il montrât le ridicule faible et confiant de sa nature, triomphant du vice armé de toutes ses ruses ? […] De même, notre public actuel exige que toute comédie, sous peine d’être sifflée, se dénoue d’une manière adroite, facile et vraisemblable à la fois. […] Il existe, en littérature, une sorte de droit public, qui détermine et gradue les différentes espèces d’imitations. […] L’affluence du public devint telle que, pour la diminuer et en profiter à la fois, la troupe augmenta le prix des places. […] Il aimait encore à paraître et à parler en public, non-seulement comme acteur, mais encore comme orateur de sa troupe.
Il faut convenir que personne n’a reçu de la Nature plus de talents que M. de Molière pour pouvoir jouer tout le genre humain, pour trouver le ridicule des choses les plus sérieuses, et pour l’exposer avec finesse et naïveté aux yeux du public. […] Bouhours, semble n’avoir pas été du sentiment de ce père sur le peu de reconnaissance que le public a témoigné pour tous ses services après sa mort. […] Les comédiens et les bouffons publics sont des personnes décriées de tout temps, et que l’Église même par voie de droit considère comme retranchées de son corps, parce qu’elle ne les croit jamais dans l’innocence.
Nous en avons dit quelque chose dans le Chapitre précédent, parceque deux personnages également contrastants, sont exactement de la même force entre les mains d’un habile homme ; qu’étant de la même force, ils exigent un double titre, ou rendent le sujet équivoque ; que ce qui peut leur arriver de plus heureux, si l’un d’eux n’est pas écrasé tout-de-suite, est de briller alternativement l’un aux dépens de l’autre ; de se nuire par conséquent, & de partager à eux deux par égale portion l’intérêt que le public auroit réuni sur un seul. […] Le public ne les juge plus alors par comparaison. […] L’un est sans contredit bien inférieur à l’autre ; cela doit être ainsi, le public s’y attend, mais la résistance qu’il oppose à sa défaite vaut la victoire que l’autre remporte : elle lui fait autant d’honneur69. […] Mais plus leur scene a de beautés tout-à-fait étrangeres au principal personnage, plus elle entraîne loin de lui l’attention du public, plus elle fait donner la préférence aux acteurs subalternes sur le premier.
Quoique le Misanthrope soit peut-être la meilleure Comédie que nous ayons aujourd’hui, le Public hésita durant quelques jours à l’avouer pour excellente ; mais les personnes d’un goût exquis prévirent même d’abord quel parti il prendroit dans la suite. […] Le Public justifia bien la prédiction de l’Auteur de l’Art Poétique ; & depuis long-temps les François citent le Misanthrope comme l’honneur de leur Scene Comique. […] Ce discours d’Angelo est si fort éloigné de la vraisemblance, que ce seroit abuser de la patience du lecteur d’en donner la réfutation ; aussi ne l’a t’on employé que pour prévenir des personnes, qui trouvant ce passage dans le volume que l’on vient de citer, pourroient l’altérer dans leur récit, & donner le change à un certain Public, toujours disposé à diminuer la gloire des grands hommes. […] Cela vous fera plus d’honneur dans le public, qui regardera vos Acteurs comme vos gagistes ; vos Acteurs d’ailleurs qui ne sont pas des plus souples avec vous, sentiront mieux votre supériorité.
M. le Prince de Conti, qui l’avoit fait venir jouer plusieurs fois dans son Hôtel à Paris, l’encouragea ; & ce Prince allant en Languedoc pour y tenir les Etats, ordonna à Moliere de le venir trouver avec la Troupe qu’il avoit formée, pour y jouer la Comédie : Moliere partit avec sa Troupe, qui eut bien de l’applaudissement en passant à Lyon en 1653. où il donna au Public l’Etourdi, la premiere de ses Pieces, qui eut autant de succès qu’elle en pouvoit esperer. […] Ses amis le blâmerent de n’avoir pas accepté un Emploi aussi avantageux : Hé, Messieurs, leur dit-il, ne nous deplaçons jamais, je suis un passable Auteur, si j’en crois la voix publique ; je puis être un fort mauvais Secretaire ; je divertis le Prince par les Spectacles que je lui donne, je le rebuterois par un travail serieux & mal conduit : & pensez-vous d’ailleurs, ajouta-t’il, qu’un Misantrope comme moi, capricieux si vous voulez, soit propre près d’un Grand ; je n’ai pas les sentimens assez flexibles pour la domesticité : mais plus que tout cela, que deviendront ces pauvres gens que j’ai amenez de si loin ? […] Moliere enfin étoit ravi de se voir Chef d’une Troupe ; il se faisoit un plaisir sensible de conduire sa petite Republique ; il aimoit à parler en public, & n’en perdoit jamais l’occasion, dont il s’acquittoit très-bien. […] Personne n’a reçu de la nature plus de talent que Moliere pour jouer tout le genre humain, pour trouver du ridicule dans les choses les plus serieuses, & pour l’exposer avec finesse & naïveté aux yeux du Public.
Sentant la vraie nature, plus intellectuelle que sociale, de la révolution occidentale, il s’efforça, sous l’impulsion cartésienne, de discréditer les métaphysiciens et de rectifier les médecins dont l’attitude devenait vicieuse, à mesure qu’ils perdaient la présidence scientifique1. » C’est la valeur positive d’une morale capable de flétrir les classes rétrogrades et de corriger les éléments progressifs, qu’il importe d’autant plus de mettre en lumière qu’elle ne se trouve guère formulée en de longs sermons, selon la fâcheuse tendance des auteurs comiques modernes, mais qu’elle ressort d’un ensemble de tableaux destinés à une action immédiate sur l’ensemble du public. […] Ce comédien intrépide, dont la vie fit un penseur, eut sur les gens de lettres et sur les intellectuels de son temps une influence moins aisée à déterminer que celle de Descartes ; mais cette influence dut être considérable sur l’ensemble du public, pour qu’elle liguât contre lui des catholiques convaincus, d’esprit aussi différent que le prince de Conti, la duchesse de Longueville, le docteur janséniste Arnauld et le jésuite Bourdaloue, et lui valût d’autre part cette précieuse protection du roi Louis XIV, qui, selon l’expression de Comte, « ne résulta pas seulement des goûts personnels d’un dictateur alors progressif, mais aussi de la tendance d’une telle critique à seconder rabaissement de l’aristocratie et même du clergé ». […] et, pour ma part, je crois bien que le public fait un contresens. […] S’agit-il des lois de l’art dramatique, Dorante niera d’abord qu’il existe d’autre règle que celle de plaire, qu’il n’a cure des écrits d’Aristote et d’Horace, que L’École des femmes, de Molière, est une bonne comédie parce que le public l’a bien accueillie ; puis, ayant ainsi fait acte d’indépendance, il soutiendra qu’en reste la pièce ne pèche contre aucune des règles dont parle M. […] Tout heureux qu’il puisse être de se voir habillé à la dernière mode de la Cour, il éprouvera quelque gêne en entendant Nicole rire de lui, et le contrôle de toutes ses actions par deux femmes de tête fait admirablement ressortir aux yeux du public tous les ridicules du bourgeois gentilhomme.
et le valet, qui a voulu faire rire, ignore-t-il que le public est censé n’être pas là ? […] Ajoutons, comment le public, journellement témoin de cette balourdise, n’en remarque-t-il pas toute l’absurdité ? […] Ce n’est pas tout d’être souvent aveugle, le public est quelquefois sourd. […] Mais Molière lui fit dire par Boileau qu’il avait conservé sa véritable scène, et le menaça de la rendre publique, s’il continuait à vouloir usurper la gloire d’autrui. […] D’ailleurs, le beau tableau à présenter au public, que l’amour effréné d’un vieillard libertin !
La coterie se défend avec les faibles secours d’une vogue que le ridicule a ralentie, que poursuit la risée publique. […] Si quelque biographe imprimait aujourd’hui cette phrase dans une vie de Louis XIV : « Le 1er novembre 1661, le roi nomme pour gouvernante de M. le Dauphin, une des personnes de la société représentée par Molière, dans ses Précieuses ridicules, et bafouée par le public depuis deux ans », ne croirait-on pas que cet écrivain est tombé en imbécillité ou en démence ?
Là, le salut public refoule au fond du cœur d’un général d’armée la tendresse paternelle. […] Il faut que leur propre personnage soit aussi frivole, aussi nul aussi sot à leurs yeux qu’à ceux du public. […] Une bonhomie fine, un abandon mesuré, dans les rapports du poète comique avec son public, ne sont pas choses mauvaises. […] Il n’y avait ni marchands, ni artisans spéciaux nourrissant la paresse publique par leur activité mercenaire. […] Ainsi Aristophane, dans les Parabases, se met en rapport de différentes façons avec le public athénien.
Le public sait aussi mauvais gré aux acteurs qui l’ont abandonné pour rien, qu’il est content d’eux quand ils mettent le temps à profit, & que l’intrigue va toujours son train. […] Notre musique est faite pour l’étourdir sur la durée de l’entr’acte : d’ailleurs, il est bon ou mauvais : s’il est mauvais, il dure toujours trop ; s’il est bon, & qu’il pique la curiosité du public, ce même public croira toujours attendre trop long-temps ce qui doit le satisfaire. […] Malgré les soins que l’Auteur prend d’expliquer cette pantomime, on a de la peine à la deviner à la lecture ; par conséquent le travail du Public doit être bien plus pénible aux représentations : & ce n’est pas le moyen de le délasser.
« Moliere, dit M. de Voltaire, pour ne pas heurter de front le sentiment des Critiques, & sachant qu’il faut ménager les hommes quand ils ont tort, donna au public le temps de revenir. Il ne rejoua l’Avare qu’un an après : le public, qui, à la longue, se rend toujours au bon, donna à cet ouvrage les applaudissements qu’il mérite. […] Ce vol qu’à vos beautés mon cœur a consacré, Pourroit être blâmé dans la bouche publique ; Et j’en veux pour témoin unique Celle qui peut m’en savoir gré.
Vous croyez que la vertu se tient lieu de digne et de suffisante récompense, mais qu’elle accepte la gloire sans l’exiger ; que la gloire n’est pas tant une dette dont s’acquitte le public, qu’un aveu de ce qu’il doit, et tout ensemble une protestation qu’il est solvable. » Plusieurs trouveront les conversations rappelées par Balzac d’une gravité qui va jusqu’au ridicule ; les sujets qu’elles traitaient seraient ridicules, sans doute, dans la société d’une bourgeoise de petite fortune qui aurait à soigner elle-même son ménage et ses enfants. […] Ils seraient ridicules dans un pays où tous les esprits seraient tendus aux affaires publiques, soit par la nature de la constitution, soit par une révolution flagrante, ou récente, ou imminente. Mais dans une monarchie ancienne dont rien ne menaçait l’existence, où les affaires publiques étaient gouvernées par un pouvoir héréditaire, où une grande fortune donnait de longs loisirs, où des études suivies étaient le plus sûr moyen d’éviter les ennuis du désœuvrement, où la culture de l’esprit pouvait seule assurer des jouissances à l’âge mûr et à la vieillesse, les études de la marquise de Rambouillet étaient éminemment raisonnables.
. — On rirait bien, de nos jours, de cette précaution dramatique des Séleucides, et comme on se moquerait de cette loi du drame antique qui exigeait que l’on fît grâce au spectateur de certaines actions des honnêtes ou criminelles, également offensantes à la conscience et à l’honnêteté publiques. […] Plus vous avez la main légère et plus le public vous en saura bon gré. Le public a en horreur les personnalités, les gros mots, les offenses, les injures, les violences de tout genre. […] Veut-on que tout un public s’abuse sur ces sortes de choses, et que chacun ne soit pas juge du plaisir qu’il y prend ? […] Et quelle merveilleuse habileté de ce poète, qui allait frapper ce grand coup du Misanthrope, d’essayer en même temps et ses comédiens et son public !
Le premier acteur qui paroît, la doit au public ; mais comme le public est supposé n’être pas présent, l’acteur est forcé de se la faire à lui-même, ou à quelque autre personnage : il n’y a que ces deux moyens ; chacun peut être bon & très défectueux. […] Par exemple, dans le Cocu imaginaire, Célie sait bien que Gorgibus, son pere, veut la marier à un homme qu’elle n’aime pas ; cependant le public l’ignore, & il faut l’en instruire. […] Quel parti prendre pour les faire savoir au public ? […] D’après ce portrait, le public s’attend à voir l’inconstance d’Isabelle donner lieu à des scenes ; il est bien trompé, puisque la belle souffre très constamment toutes les impertinences du Comte.
Lui seul réveillait sans cesse l’admiration publique. […] C’est ce même sentiment des convenances, cette sûreté de discernement qui a guidé Molière, lorsque, mettant sur la Scène des vices odieux, comme ceux de Tartuffe et d’Harpagon, c’est un homme, et non pas une femme, qu’il offre à l’indignation publique. […] Ce sont des vices protégés par le Public, dans la possession desquels on ne veut point être inquiété ; et le Poète est forcé de les ménager comme des coupables puissants que la multitude de leurs complices met à l’abri des recherches. S’il est ainsi, la vraie Comédie n’existera bientôt plus que dans ces drames de société que leur extrême licence (car ils peignent nos mœurs) bannit à jamais de tous les Théâtres publics. […] Ce sont des criminels dont Molière a donné le signalement au Public, et qui sont cachés sous une autre forme.
Qui nous dira si Moliere, avant que de travailler au Tartufe, n’a pas voulu sonder le goût du Public dans cette tirade du Festin de Pierre, acte V, scene II. […] Je ne quitterai point mes pratiques d’amour ; J’aurai soin seulement d’éviter le grand jour, Et saurai, ne voyant en public que des prudes, Garder à petit bruit mes douces habitudes.
Saisissons avec empressement tout ce qui se présentera dans nos sociétés sous un aspect moral & comique ; mais gardons-nous bien d’imaginer que toute aventure qui nous a déridés en passant, doive également amuser le public. […] Le public au contraire qui n’est pas du secret, & qui n’entend pas finesse à ce qu’on lui dit, commence par bâiller, & finit par huer. Les protecteurs & le public ont raison.
La Muse n’ignore pas la difficulté d’un pareil emploi ; mais elle se rassure en réfléchissant qu’elle peut se conformer au jugement du public. […] Le Public, bonnement, dans son erreur extrême, Pense que tous mes vers sont faits pour mon poëme. […] La nouvelle Toilette des Dames, avec une liste détaillée de tout ce qui la compose ; ouvrage immense & digne de la curiosité publique.
C’est la source de cent travers, Qui de tout le public lui valent l’apostrophe Du plus grand fou de l’univers. […] Le public, qui, avant la réflexion, juge toujours d’après ce qu’on lui promet, & non d’après ce qu’on auroit dû lui promettre, n’écouta pas sans murmurer, à la premiere réprésentation, des scenes, une action, un dialogue où il ne trouvoit rien de ce qu’il avoit espéré. […] Ai-je tort de dire que le public a prouvé ce que j’ai avancé, & que le sort d’une piece dépend souvent du titre ?
« Je me sens obligé, dit-il, de désabuser le public de deux erreurs qui s’y sont glissées touchant cette tragédie, et qui semblent avoir été autorisées par mon silence. […] C’est une chose qui jusqu’à présent est sans exemple, et de tous ceux qui ont été attaqués comme moi, aucun, que je sache, n’a eu assez de faiblesse pour convenir d’arbitres avec ses censeurs : et s’ils ont laissé tout le monde dans la liberté publique d’en juger, ainsi que j’ai fait, ç’a été, sans s’obliger, non plus que moi, à en croire personne. […] Il n’appela pas du jugement du public, il ne fit pas même imprimer sa pièce, quoiqu’il y eût des traits qu’il jugea dignes d’être insérés dans d’autres piècesa ». […] « Tout autre que Molière, en de pareilles circonstances, aurait sans doute beaucoup risqué, mais il savait trop de quelle manière il avait traité ses sujets pour ne pas compter avec raison que le public, en les reconnaissant, lui rendrait justice. » M. de Visé, constant ennemi des talents de Molière, a parlé de L’École des maris : voici le jugement qu’il en porte. […] Son affiche, qui promettait un prodige de mécanique et d’obéissance dans une épinette, lui attira du monde les premières fois, suffisamment pour que tout le public fût averti que jamais on n’avait vu une chose aussi étonnante que l’épinette du Troyen.
Le public s’en doute bien : c’est pour alonger la courroie. […] D’après cet exemple, vous pouvez essayer de donner au public dix reconnoissances dans une même piece. […] Les Anciens, qui sentoient vraisemblablement combien il étoit difficile de rendre une reconnoissance plaisante, & qui ne croyoient pas qu’il fût beau, grand, sublime, de filer de longues scenes larmoyantes pour forcer le public à pleurer à force de plaisir, faisoient passer presque toutes leurs reconnoissances derriere la toile ; ensuite un acteur venoit en instruire le spectateur. […] Apprenons donc à distinguer les reconnoissances qui doivent se passer sous les yeux du public, d’avec celles dont le simple récit lui plaira davantage.
., obtinrent les suffrages du public, qui rendit justice à l’ingénieuse imagination de ces auteurs dans les riens spirituels qu’ils composèrent. […] « À l’égard de Vadius, le Public a été persuadé que c’était Ménagea ; Richelet1, au mot reprocher, ne l’a [pas] dissimulé. […] Molière s’est suffisamment justifié de cela par une harangue qu’il fit au public, deux jours avant la première représentation de sa pièce : et puis ce prétendu original de cette agréable comédie ne doit pas s’en mettre en peine, s’il est aussi sage et aussi habile homme que l’on dit, et cela ne servira qu’à faire éclater davantage son mérite, en faisant naître l’envie de le connaître, de lire ses écrits, et d’aller à ses sermons. […] « [*]Cotin, qui n’avait été déjà que trop exposé au mépris public par les satires de M. […] Les Comédiens-Français firent de la dépense pour la mettre au théâtre, où elle parut le 15 octobre 1688, mais elle ne fut pas goûtée du public, et elle n’eut que neuf représentations : la neuvième le 31 du même mois d’octobre.
Après ces quatre vers, adressés tant au spectateur qu’à Orgon, après l’adroite précaution de l’Auteur, le public, qui s’attend à voir les choses les plus hasardées, qui en sent toute la nécessité, prodiguera ses applaudissements précisément aux endroits qu’il auroit critiqués. La plupart des Auteurs ont senti, comme Moliere, la nécessité de prévenir les critiques ; mais peu l’ont fait avec cette justesse de raisonnement, avec cette adresse persuasive qui captive le sentiment du public, & le force, pour ainsi dire, à ne juger qu’au gré de l’Auteur.