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83. (1853) Des influences royales en littérature (Revue des deux mondes) pp. 1229-1246

Or Lesueur était mort six ans avant 1661 ; Poussin mourut quatre ans après cette date, à Rome, où il vivait depuis plusieurs années, loin de l’envie et des cabales qui l’avaient chassé de France. […] Bornons-nous à rappeler qu’il vécut si bien en dehors de son siècle, que son siècle ne le comprit point, que son ami Boileau l’oublia absolument, lui et la fable, dans son Art poétique, et qu’enfin Mmede Sévigné elle-même, toujours citée parmi les rares esprits de son temps qui paraissent avoir apprécié le grand poète à sa juste valeur, parle pourtant de ses chefs-d’œuvre comme de bagatelles 3, jolies, il est vrai, mais peu dignes d’occuper des gens nés pour s’occuper de questions infiniment plus graves, comme celle de savoir quel a été le costume de M. d’Hocquincourt à la dernière promotion des chevaliers de l’ordre, ou si Mmede Ventadour aura le tabouret. […] Le XVIe siècle, ce siècle si malheureux, est celui qui a jeté dans le monde toutes les idées fécondes sur lesquelles nous avons vécu depuis.

84. (1696) Molière (Les Hommes illustres) « JEAN-BAPTISTE POQUELIN. DE MOLIERE. » pp. 79-80

Molière avait remarqué que les Français avoient deux défauts bien considérables ; l’un, que presque tous les jeunes Gens avoient du dégoût pour la Profession de leurs Pères, et que ceux qui n’étaient que Bourgeois voulaient vivre en Gentilshommes et ne rien faire ; ce qui ne manque point de les ruiner en peu de temps ; et l’autre, que les femmes avaient une violente inclination à devenir, ou du moins à paraître Savantes, ce qui ne s’accorde point avec l’esprit du ménage, si nécessaire pour conserver le bien dans les familles.

85. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VII. » pp. 125-143

Mais il ne définit, tant il étoit novice, Que l’indiscrétion est un si fâcheux vice, Qu’il vaut bien mieux mourir de rage ou de regret, Que de vivre à la gêne avec un indiscret. […] Il composa lui-même son épitaphe : J’ai vécu sans nul pensement, Me laissant aller doucement A la bonne loi naturelle : Et si m’étonne fort pourquoi La mort osa songer à moi, Qui ne songeai jamais à elle.

86. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XI. M. SAURIN. » pp. 333-353

Vous savez que je suis le meilleur maître du monde ; j’en passe par-tout où il vous plaît ; je signe tout ce que vous voulez, & aveuglément ; je ne chicane sur rien : du moins, usez-en de même avec moi ; laissez-moi vivre, laissez-moi respirer. […] Madame Béverley entend la voix de son mari : elle sort avec une lanterne, le voit, le console : les ouvrages qu’elle faisoit jadis pour s’amuser, serviront, dit-elle, à faire vivre ce qu’elle aime.

87. (1823) Notices des œuvres de Molière (VII) : L’Avare ; George Dandin ; Monsieur de Pourceaugnac ; Les Amants magnifiques pp. 171-571

L’avare, à qui ses pères ont transmis de grandes richesses connues du public, ne peut pas vivre avec la même lésine que l’obscur usurier, unique artisan d’une fortune ignorée. […] Quel lustre ne donnent pas à l’avarice d’Harpagon, la notoriété de son opulence et l’obligation qui en résulte pour lui de vivre à peu près selon son état ? […] C’est dans les provinces seulement qu’on voyait subsister quelques restes de la rudesse, de l’arrogance et de la tyrannie féodale ; c’est là que vivaient, dans des manoirs délabrés, ces gentilshommes d’ancienne famille, dont les aïeux s’étaient obscurément ruinés et fait tuer pour le service de l’état. […] Faisant descendre le sujet uniforme de ces deux comédies, de la hauteur héroïque où l’avait élevé Molière, et le ramenant à l’époque où nous vivons, mais conservant soigneusement les moyens de l’action, le caractère et le style des personnages, il en a fait plusieurs de ses pièces les plus vantées : ce n’est pas assez dire ; il en a fait toutes les pièces de son théâtre ; car cet écrivain, dans sa fécondité stérile, n’a guère traité qu’un même sujet, comme il n’a eu qu’une seule manière ; et l’on sait que le titre de deux de ses comédies, La Surprise de l’amour, a paru propre à les dénommer toutes plus exactement qu’il n’avait fait lui-même.

88.

Il se plaît à interroger les ruelles antiques, les tourelles qui se font rares, les logis où ont vécu les grands hommes. […] La salle du Jeu de Paume, où Molière joua, vécut, lutta (il était pauvre alors), est encastrée dans ces murailles. […] Et cette question nous venait à tous deux : Où Molière a-t-il vécu ? Car il a vécu là, dans quelque mansarde de l’un de ces vieux logis ? […] On sait bien mieux vivre à Paris dans ces hôtels dont la mémoire doit être si chère.

89. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE II. De l’Etat, de la Fortune, de l’Age, du Rang, du Nom des Personnages. » pp. 39-75

On est à son aise chez moi ; Et vivre comme on veut, c’est notre unique loi. […] Les Auteurs ont la sotte maladie de vouloir faire croire qu’ils ne vivent que dans le grand monde. […] Je suis plus glorieux de vivre à ses dépens Que s’il vivoit aux miens.

90. (1706) Addition à la Vie de Monsieur de Molière pp. 1-67

Mais bien plus, mon Censeur, qui insulte Molière et l’Auteur de sa Vie par des termes un peu trop forts, ne sait pas apparemment qu’il n’y a point d’Auteur, pour peu surtout qu’il se soit rendu recommandable, que l’on ne traite de Monsieur, quand on parle de lui dans un temps peu éloigné de celui où il a vécu, et que ses enfants vivent encore. […] Il n’y en a pourtant pas une que j’aie mise sans dessein ; quand il entre dans la loge de Baron, il paraît qu’il a plus d’attention au succès de sa Pièce, qu’à l’état violent où il était : Il refuse en homme d’esprit de prendre les bouillons de sa femme, parce que les choses, dont ils étaient composés, auraient pu abréger les moments qui lui restaient à vivre.

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