Mais cependant qui fut bien surpris, dans ce siècle où vivaient tant de gens graves et bien posés, esclaves du devoir, passés maîtres dans le quod decet, austères censeurs des écarts même les plus innocents ? Certes ce furent ces gens-là qui restèrent bien surpris, quand Regnard, ce nouveau venu, les força à rire de si bon cœur ; quand dans ses plus grands instants de verve et de licence, il se mit à parler une langue assez française, pour rappeler la grande époque. Ceux-là furent surpris par l’auteur des Folies amoureuses quand il se montra à eux, non pas comme un bouffon licencieux, mais comme un grand poète ; quand il les força de rire les uns et les autres, aux éclats, de toutes sortes de polissonneries indiquées à peine par Molière, mais dont lui, Regnard, il tirait, sans vergogne, toutes les conséquences, fouillant même la garde-robe, même l’officine de l’apothicaire, dans leurs recoins les plus cachés. […] Pour une femme que la chose intéresse tant soit peu, cela se devine tout de suite, un billet doux, à la forme mystérieuse du papier, à l’odeur pénétrante du billet, à l’écriture fine et menue ; et d’ailleurs on ne suppose pas que notre Lovelace bourgeois soit tellement sûr de son fait, qu’il ne soit pas quelque peu troublé par l’arrivée subite de sa femme, qui le surprend dans cette aimable occupation. […] Quand Mons le mari surprend Charles avec sa femme, il se plaint, à son tour, que Charles y mette du mystère avec lui ; il s’écrie qu’on le redoute.
Mais la mort le surprit bientôt après, et l’Italien reporta le poids de sa rancune sur la veuve et sur les camarades du défunt. […] Ici, je demande à conserver mes doutes, et voici pourquoi : Que Molière, qui était jaloux, ait été malheureux avec une femme coquette, voilà qui ne surprendra personne.
Chez les Français comme chez les Grecs, la même mesure de vers sert à la tragédie et à la comédie ; c’est une circonstance qui surprend au premier coup d’œil.
Il n’y a que ceux qui ne savent point combien les hommes agissent peu conséquemment, qui puissent être surpris qu’on se moquât publiquement au théâtre, des mêmes Dieux qu’on adorait dans les temples.
Lorsqu’on voit un homme tel que Thomas faire de telles bévues, ou, si l’on veut, avoir de telles distractions, doit-on être surpris que certaines gens, qui n’ont ni son savoir, ni son jugement, ni son esprit, s’évertuent si ridiculement à chercher dans Molière ce qui n’y est pas, par compensation apparemment de ce qu’ils ne savent pas apercevoir ce qui s’y trouve ?
Qu’auroit-il donc fait si la mort ne l’avoit surpris, cet homme qui voyoit quelque chose au delà du misantrope ?
À ces bruits avant-coureurs du bruit des couronnes brisées et des têtes qui tombent, les grands seigneurs et les belles dames s’imaginaient que c’était tout simplement un coup de tonnerre qui les venait surprendre : « Allons, disaient-ils en se séparant, allons voir aujourd’hui ce qui se passe à l’assemblée des notables, nous reprendrons demain la conversation où nous l’avons laissée. » Ah !
Les suites de ce brusque changement furent une aggravation rapide de son mal et une catastrophe foudroyante : on sait dans quelles circonstances dramatiques, le 17 février 1673, il était surpris par la mort.