Il (Sarrasin) les avait suivis et soutenus, dans le commencement, à cause de moi ; mais alors, étant devenu amoureux de la du Parc, il songea à se servir lui-même. […] On ne songeait alors qu’à ce divertissement, auquel, moi seul, je prenais peu de part. […] Ce n’est pas tout : Molière avait un ami, Racine, qu’il avait accueilli tout jeune encore, et dont il avait joué la première pièce123, lui pardonnant sans peine de ne la lui avoir pas apportée d’abord et d’avoir même songé, pour la faire représenter, à la troupe de l’Hôtel de Bourgogne124. […] Ainsi, Mélicerte, qui faisait partie du Ballet des Muses, fut donné le 2 décembre 1666, sans être achevé ; c’était une faute qu’on ne lui fit sans doute pas sentir, mais qu’il songea de lui-même à réparer pour la seconde représentation du Ballet, renvoyée au mois de janvier suivant. […] « Sa Majesté, écrit La Grange dans son Registre, nous fit dire qu’à son retour à Paris il ferait examiner la pièce de Tartuffe et que nous la jouerions. » Molière comprit quelle vaste carrière cette parole vague ouvrait à de nouveaux délais ; il lui sembla que le dernier mot était dit sur sa pièce, et n’y songea plus.
Baron, âgé pour lors de neuf à dix ans, était dans la troupe de la Raisin, à qui Molière venait de prêter sa salle par humanité : il vit le jeune comédien, devina son talent, l’invita à souper, et le fit coucher chez lui : qu’on se figure la surprise de cet enfant quand, à son réveil, on lui apporta un habit magnifique ; il crut être bercé par un songe agréable, surtout lorsque Molière lui fit présent de six louis, en lui recommandant de ne les dépenser qu’à ses plaisirs, et qu’il lui montra l’ordre par lequel le roi lui permettait de quitter la troupe de la Raisin pour entrer dans celle de son bienfaiteur. […] Je prie sincèrement mes juges de me condamner, si j’ai tort ; et je le désire presque, lorsque je songe que l’élite des comédiens, ceux qu’on regarde comme les apôtres du goût, peuvent, dans leurs missions fréquentes, égarer les acteurs, les spectateurs de nos provinces ; et puis, comment compter sur la tradition ? […] Éblouis sans doute par le titre des Amants magnifiques, ils n’ont pas songé qu’un plaisant de cour, un astrologue, n’étaient guère propres à lui valoir cette réputation de pièce héroïque. […] Autre imitation, à laquelle personne n’a songé, je pense, et je suis tenté de m’écrier fièrement, comme monsieur de Francaleu, dans La Métromanie : J’ai surpris telle rime !
C’est le cœur de la question ; Bossuet s’y jette avec sa lumière et sa force terrible : « Apparemment, dit-il, le théologien ne songe pas aux crimes des comédiennes et de leurs amants, ni au précepte du sage, où il est prescrit d’éviter les femmes dont la parure porte à la licence, ornatu meretricio, qui enlèvent les cœurs des jeunes gens, qui les engagent par les douceurs de leurs lèvres, par leurs entretiens, par leurs chants, par leurs récits. […] On vit en lui un homme qui ne songeait qu’à servir Dieu et qui n’entendait briguer aucune faveur. […] Sans le Tartuffe, on n’aurait pas songé à forger pour lui celte espèce de barbarisme académique, qui le met à part et au-dessus des autres écrivains et poêles, comme grand homme de bien. […] Pour s’en convaincre, il suffit d’assister à Une représentation de cette pièce, non pas même devant un public ému des passions « anticléricales » et qui veut pieusement guerroyer contre les jésuites, mais en temps calme et quand les spectateurs ne songent qu’à prendre un amusement. […] On l’accuse de diffamer les dévots, il n’a songé qu’à les venger.
Le sujet de deux ou trois des premières comédies de Molière, ses moins bonnes sans contredit, et quelques jeux de théâtre dérobés par lui à l’excellente pantomime de Scaramouche, c’est à quoi se réduit cette dette usurairement grossie par l’Italie, qui ne songe pas quelles réclamations nous serions en droit d’élever à notre tour14. […] La Fontaine, rêveur, préoccupé, distrait, habitait, en esprit, le monde créé par son imagination : il songeait toujours à ses fables, à moins qu’il ne lui arrivât de ne songer à rien. […] Engageant Brossette, qui songeait aussi à écrire une Vie de Molière, à ne rien avancer que sur des témoignages tout-à-fait irrécusables, il ajoutait :« Celui de notre cher Baron peut être fort bon à certains égards ; mais vous l’avez connu ; vous savez que le talent qu’il avait de peindre emportait quelquefois son imagination au-delà des bornes du vrai.
J’en avois, pour moi, toutes les envies du monde, & je me suis même encore aujourd’hui conseillé au Ciel pour cela ; mais lorsque je l’ai consulté, j’ai entendu une voix qui m’a dit que je ne devois pas songer à votre sœur, & qu’avec elle assurément je ne ferois point mon salut.
À la cinquième représentation disparut son ennui, Don Garcie ; on n’a jamais songé à le reprendre, non plus que Mirame.
Non , il était de Rome , répond le joueur désespéré, qui ne songe à rien moins qu’à ce qu’il dit; et tout de suite il s’écrie avec rage : Dix fois à carte triple être pris le premier!
Mais voici où Molière se retrouve avec sa raillerie de poète comique : Beauté, pour qui je meurs d’amour, Songez à soulager mes peines, Ou, du moins, à me rendre un jour Pour mille écus de point de Gênes. […] Il se consola par un autre sonnet : Je vous estime, Iris, et crois pouvoir sans crime, Permettre à mon respect un aveu si charmant : Il est vrai qu’à chaque moment Je songe que je vous estime. […] Adolphe Régnier commente ainsi les paroles de Boileau : « Sans doute que Boileau voulait dire qu’au moment où il écrivait Andromaque, il songeait à donner un rôle à la Du Parc.