/ 125
101. (1879) Les comédiennes de Molière pp. 1-179

Je crois donc avoir alors commencé une galerie sérieuse. […] Qui vous a dit que ce fût là cette belle et charmante Madeleine Béjart, tour à tour et tout à la fois riante et sérieuse, qui a enchanté Versailles et Paris, après avoir enchanté la province par les grâces de sa figure et par l’esprit de son jeu ; qu’elle fût la Marinette du Dépit amoureux ou la Philis de La Princesse d’Élide ; quelle représentât une naïade dans Les Fâcheux, ou Cléonis dans Les Amants magnifiques ? […] Une heure de grimace ou froide ou sérieuse, Un ton de voix trop rude ou trop impérieuse, Un sourcil trop sévère, une ombre de fierté, M’eût peut-être à vos yeux rendu la liberté. […] Comment Du Croisy qui riait si bien peut-il garder son sérieux ?

102.

S’il en eût eu une mélancolique, il n’eût pu dire, pour adoucir la chose, qu’elle eût été sérieuse. » De ce passage rapprochez les vers suivants du Misanthrope (acte II, scène v) : « L’on a tort, ici, de nourrir dans votre âme, Ce grand attachement aux défauts qu’on y blâme. […] Orgon s’assoit parce que le sujet de l’entretien est sérieux. […] Loyal, il va s’asseoir à la table de gauche pour lire la chose et pour l’étudier, peut-être avec trop de sérieux. […] De son côté, Molière a parfois franchi la barrière qui séparait, de son temps, la comédie de cette œuvre plus sérieuse qui ne s’appelait pas encore le drame.

103. (1914) En lisant Molière : l’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

N’est-il pas évident ; que dans tout ce discours Chrysalde n’est pas sérieux, que Chrysalde se divertit à échauffer la bile d’Arnolphe, que tout cela est gaillardise et raillardise, que tout cela est précisément un « sermon joyeux », comme on disait au xvie siècle, et rien absolument autre chose ? […] Montfleury, Impromptu de l’Hôtel de Condé : Car pour le sérieux on devient négligent Et l’on veut aujourd’hui rire pour son argent ; L’on aime mieux entendre une Turlupinade Que… — Par ma foi, Marquis » notre siècle est malade. […] Dès 1603, dans la Critique de l’École des femmes, il dit son fait à la tragédie et sans douceur : « Vous croyez donc, Monsieur Lysidas, dit Dorante, que tout l’esprit et toute la beauté sont dans les poèmes sérieux, et que les pièces comiques sont des niaiseries qui ne méritent aucune louange ? […] Donc il ne proteste pas contre le propos de Lysidas, donc le propos de Lysidas est écho de jugements qui ont de l’autorité ; donc bien des personnes ont trouvé Arnolphe homme d’esprit et sérieux en beaucoup d’endroits. Or, quels sont ces endroits où il s’est montré homme d’esprit et sérieux.

104. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XII. Des Scenes. » pp. 223-249

L’esprit veut du relâche, & succombe par fois, Par trop d’attachement aux sérieux emplois.

105.

Patru, le célèbre avocat Patru, a écrit sur Perrot d’Ablancourt, son collègue à l’Académie française, une notice fort sérieuse et fort exacte dans laquelle nous lisons ceci : « … Il était facile à ses gens et à tout le monde. […] Mais non, tout cela n’est pas sérieux. […] Il avait reconnu tout de suite dans la forte conception de Molière quelque chose de sérieux et humain, une œuvre d’un genre mixte qui n’avait pas encore de nom, qui devait s’appeler quelque jour le comique larmoyant, puis la tragédie bourgeoise, finalement le drame, se rattachant au principe de la comédie antique toujours forcée de rire dans son masque immobile ; en vertu de cette règle du rire perpétuel, il trouvait le moyen de mettre le troisième acte des Plaideurs au-dessus du cinquième acte de Tartuffe. […] Ici, Monsieur, permettez-moi, — pour vous mieux expliquer ensuite toute ma pensée, — une digression : À l’époque, déjà lointaine, où le Baron Denon réunissait tant d’étonnantes curiosités, le goût de la collection des Objets d’Art était une science relativement nouvelle, qui n’avait pour adeptes que quelques rares esprits d’élite, sérieux, convaincus, dignes du respect de tous. […] Il fallait prendre un parti sérieux.

106. (1852) Molière — La Fontaine (Histoire de la littérature française, livre V, chap. I) pp. 333-352

En un mot, dans les pièces sérieuses, il suffit, pour n’être point blâmé, de dire des choses qui soient de bon sens et bien usitées ; mais ce n’est pas assez dans les autres : il y faut plaisanter ; et c’est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens. » Molière a réussi dans cette étrange entreprise : il fait excellemment rire les honnêtes gens, et il ne s’inquiète pas si les autres font la grimace.

107. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VII. De l’Amour. » pp. 121-144

Elle est sérieuse : mais voulez-vous de ces enjouements épanouis, de ces joies toujours ouvertes ?

108. (1848) De l’influence des mœurs sur la comédie pp. 1-221

L’intrigue pourrait mériter le même reproche ; elle est un peu forcée, et lord Pembrock, épouseur sérieux, qui fait suivre le don de sa main d’une fortune immense, pousse bien loin la crédulité, quand, sur la simple affirmation de mademoiselle Estelle , il n’hésite pas à voir en elle une femme titrée, une baronne, et quand, plus tard, la rencontrant dans un foyer d’acteurs, cette maîtresse intrigante, pour y justifier sa présence, lui persuade qu’elle est l’auteur de la pièce nouvelle qu’on répète en ce moment. […] Il y a, ce nous semble, d’autant plus de nécessité à le faire, que de nos jours encore des hommes très haut placés dans la littérature ne craignent pas de déclarer impuissante et usée la poétique suivie par Molière et d’appeler de tous leurs vœux « un système dramatique nouveau, dont Shakespeare peut seul fournir les plans d’après lesquels le génie doit travailler; où le mouvement de notre esprit ne soit plus resserré dans l’étroit espace de quelque événement de famille ou dans les agitations d’une passion purement personnelle ; système large, profond, approprié à l’état actuel de la société, où la distinction tyrannique des genres n’existe plus ; où le sérieux et le plaisant, le rire et les pleurs, ainsi que dans la vie réelle, se trouvent incessamment confondus; où l’homme enfin se montre tout entier, et provoque toute notre sympathie. » Il est assez curieux de remarquer ; d’abord, qu’en voulant affranchir les auteurs de toute espèce de joug, la poétique nouvelle leur en imposerait un bien plus pénible à coup sûr, bien plus difficile que l’ancien, celui qui les contraindrait, dans le même ouvrage, à faire rire et pleurer alternativement. […] Les plus beaux traits d’une sérieuse morale sont moins puissants le plus souvent que ceux de la satire, et rien ne reprend mieux la plupart des hommes que la peinture de leurs défauts ; c’est une grande atteinte aux vices que de les exposer à la risée du monde. […] Que si l’on objecte encore, d’après La Bruyère, qu’il ne devait pas éprouver pour Elmire une affection sérieuse; que les gens de cette espèce n’ont point de ces sortes de passions; que chez eux les sens, qu’ils savent contenir ou satisfaire clandestinement, ne les font jamais sortir de leur prudence et s’exposer à compromettre l’objet de leur unique ambition, nous répondrons que, posée comme règle absolue, cette opinion ne nous semble pas juste.

/ 125