/ 92
72. (1853) Des influences royales en littérature (Revue des deux mondes) pp. 1229-1246

Qu’on se l’appelle le mot si souvent cité de Mmede Sévigné sur la conversion de Racine : « Il aime Dieu comme il a aimé ses maîtresses. » Mmede Champmeslé d’abord, et la religion ensuite, voilà peut-être les deux influences les plus profondes qu’il dut subir : non qu’il faille méconnaître l’ascendant que Louis XIV exerçait sur le poète, puisque Racine ne put se consoler d’avoir perdu, par une bonne action, la faveur royale et que sa disgrâce le tua.

73. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XI. » pp. 218-250

Il est très naturel qu’une nation romanesque, superstitieuse, amoureuse du merveilleux, ait vu avec grand plaisir des filles simples subornées par un scélérat, des rendez-vous nocturnes, des combats, un mélange de religion & d’impiété, le spectacle d’une statue qui marche, & la punition miraculeuse d’un homme odieux par ses crimes.

74. (1706) Addition à la Vie de Monsieur de Molière pp. 1-67

J’avoue qu’il y a dans ces paroles un air de libertinage et d’impiété qui révolte ; se faire Prédicateur, ou se faire Comédien sont deux choses qui ne peuvent se mettre dans une même balance que par des gens qui n’ont aucun sentiment de Religion ; mais cependant il ne laisse pas d’être vrai que la vue générale de ces deux professions si opposées, est la même : c’est de toucher celui qui écoute.

75. (1840) Le foyer du Théâtre-Français : Molière, Dancourt, I pp. 3-112

L’insatiable Montespan, cette Cléopâtre au petit pied, qui aurait volontiers fait dissoudre dans la coupe de ses orgies tous les diamants de la couronne ; la frivole Fontanges, qui, avec un simple ruban tombé dans une chasse, et rattaché négligemment sur le front, créait une mode qu’on suit encore; l’hypocrite Maintenon, dont l’âme avide de pouvoir soutenait ses intérêts par le secours de la religion et laissait persécuter les protestants: toutes ces femmes, les premières en titre, n’ont plus de charme; elles jettent sur le château de Versailles un éclat vif et brillant, éblouissant, il est vrai, mais qui ne vaut pas cette timide lumière que La Vallière y répandit comme une douce étoile, l’étoile de Louis XIV.     […] Une vieille femme dont les charmes usés étaient obligés d’avoir recours à un extérieur de religion pour maintenir son autorité sur son amant, prévalut contre le génie et l’autorité de Molière. […] Molière ne manqua pas, du reste, des secours de la religion ; il mourut comme on le sait, entre les bras de deux sœurs de la charité, anges qui vinrent s’agenouiller auprès de son fauteuil.

76. (1747) Notices des pièces de Molière (1666-1669) [Histoire du théâtre français, tome X] pp. -419

Ce prélat, après des informations exactes sur la religion et sur la probité de Molière, permit qu’il fût enterré à Saint-Joseph, qui est une aide de la paroisse de Saint-Eustache. […] Il y a un rythme très peu connu qu’il y faut observer, sans quoi cette poésie rebute : Corneille ne connut pas ce rythme dans son Agésilas. » « [*]Si ce fut sans fondement qu’on accusa Molière d’avoir attaqué la religion dans Tartuffe *, on eût pu lui reprocher, à plus juste titre, d’avoir choqué la bienséance dans Amphitryon ; mais soit par respect pour l’Antiquité, soit par une suite de l’usage où l’on est d’adopter sans scrupule les rêveries les plus indécentes de la mythologie, soit que l’on fût déjà familiarisé avec ce sujet par Les Sosies de Rotrou*, on n’y fit pas même attention. […] « Huit jours après qu’elle eut été défendue, on représenta, devant la Cour, une pièce intitulée : Scaramouche ermite a, et le roi, en sortant, dit au grand prince que je veux dire* : Je voudrais bien savoir pourquoi les gens qui se scandalisent si fort de la comédie de Molière, ne disent rien de celle de Scaramouche, à quoi le prince répondit : La raison de cela, c’est que la comédie de Scaramouche joue le Cid et la religion, dont ces messieurs-là ne soucient point ; mais celle de Molière les joue eux-mêmes, c’est ce qu’ils ne peuvent souffrir.

77. (1843) Le monument de Molière précédé de l’Histoire du monument élevé à Molière par M. Aimé Martin pp. 5-33

Des prêtres fanatiques lui refusèrent les derniers secours de la religion ; d’autres prêtres lui refusèrent la sépulture.

78. (1848) De l’influence des mœurs sur la comédie pp. 1-221

Cela vient d’un seul défaut, et ce défaut, c’est une sorte d’orgueil qui ternit en lui toutes ses bonnes qualités, qui lui fausse le jugement, qui le domine sans cesse et qui le rend, sous le rapport de la vertu, ce que l’on voit être plus d’un dévot en matière de religion, dur, absolu, intolérant, implacable. […] En effet, un homme d’un tel caractère, aussi passionné, aussi fanatique, aussi extrême en tout, ne me semble pas plus apte à bien juger de l’honnêteté d’une femme que cet autre fanatique d’Orgon ne me semble l’être à bien juger de la religion d’un dévot. […] Mais toutes ces momeries étaient faites de manière à le pouvoir tromper; car Orgon est un de ces fanatiques de religion qu’il n’était pas rare de trouver du temps de Molière ; mais, à coup sûr, ce n’est point un imbécile.

79. (1800) De la comédie dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VI) pp. 204-293

A-t-on bien compris même de nos jours ce qu’il t’a fallu de courage et de génie pour concevoir le plan de cet ouvrage, et l’exécuter dans un temps ou le faux zèle était si puissant, et savait si bien prendre les couleurs de la religion qui le désavoue? […] Un hypocrite brave tout en se réfugiant chez ses pareils et en attestant Dieu et la religion; et n’était-ce pas donner un exemple instructif et faire au moins du pouvoir absolu un usage honorable, que de l’employer à la punition d’un si abominable homme, et de montrer que le méchant peut quelquefois se perdre par sa propre méchanceté , et tomber dans le piège qu’il tendait aux autres?

/ 92