/ 228
108. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Adraste est moins niais que le comte Almaviva ; il dresse lui-même son plan de bataille ; il n’a besoin du secours de personne ; il est son propre conseiller à lui-même, et avant d’arriver à son but il ne sera pas éconduit trois ou quatre fois comme un sot. […] La critique abandonne — et elle fait bien — toutes ces bonnes petites gens tragiques ou comiques à leur propre génie. […] Il me semble que je l’entends déjà qui s’écrie : — « Mais puisque toute cette vieille société française est à jamais perdue, et puisque, de votre propre aveu, pas un témoin ne reste du Versailles de Louis XIV, où voulez-vous que je cherche mes modèles ? […] Il n’a imité ni l’ingénieux, ni le fini, ni le noble d’aucun auteur ancien ou moderne ; il comprenait que chaque époque a sa finesse, son génie et sa noblesse qui lui sont propres. […] La comédie de Marivaux appartient en propre à tous les esprits ingénieux, à toutes les femmes élégantes de l’Europe.

109. (1882) Molière (Études littéraires, extrait) pp. 384-490

L’intention de son rôle serait plutôt d’impatienter l’ami qu’il contredit, de le mettre hors des gonds, de le provoquer ainsi à forcer ses propres sentiments, et par là même à devenir comique. […] Pendant plusieurs siècles, la poésie française a gravité autour de ce sujet, jusqu’au jour où il est devenu le domaine propre d’un Maître digne de faire oublier tous ses devanciers. […] Lorsque, sûr de sa toute-puissance, il a pris racine dans la maison d’Orgon, il perd toute retenue ; et c’est réellement une fête de voir comment il va devenir, par ses témérités, l’artisan de sa propre ruine. […] Chacune d’elles a donc la physionomie propre, à commencer par Philaminte qui attire et retient surtout l’attention, parce qu’elle joue le principal rôle dans l’intrigue. […] Si elle le prend de si haut avec le bonhomme Chrysale, c’est qu’elle a foi dans sa propre supériorité : elle croit avoir sur lui les droits de l’esprit sur la matière.

110. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE III. Choix du lieu de la Scene. » pp. 76-93

C’est bien mal-adroit à lui ; le lieu n’étoit pas propre à pousser la réconciliation bien loin. […] Ceux qui n’ont pas l’adresse de fixer la scene dans un lieu propre aux personnages qui doivent y paroître, & aux choses qui doivent s’y passer, sont d’autant plus blâmables, que rien n’est plus aisé, quand on connoît le Théâtre, & qu’on sait s’approprier les ressources qu’ont mis en usage nos meilleurs Dramatiques, pour arranger la scene de façon que leurs acteurs puissent y venir, y parler & y agir décemment, & sans contrainte.

111. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXVI. De l’opposition des Caracteres. » pp. 398-416

De votre propre main je suis assassiné ! […] Les beautés ou les défauts d’un grand homme sont toujours des exemples plus frappants, & plus propres par conséquent à nous instruire.

112. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE III. Dufresny imitateur comparé à Moliere, à Champmeslé, son Mariage fait & rompu comparé à l’histoire véritable du faux Martin-Guerre, & à la nature. » pp. 81-99

Il les disposoit & les colloit les unes auprès des autres, selon que le sujet le demandoit ; il lui arrivoit même de changer l’expression des têtes qui ne convenoient pas à son idée, en supprimant les yeux, la bouche, le nez & les autres parties du visage, & y en substituant d’autres qui étoient propres à exprimer la passion qu’il vouloit peindre : tant il étoit sûr du jeu de ces parties pour l’effet qu’il en attendoit. […] Dufresny, qui n’a jamais rien tiré que de son propre fonds, ait emprunté de M. 

113. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IV. Jugement sur les Hommes de Molière. » pp. 65-82

Enfin il combine tous les sentiments de la façon la plus propre à plaire et à faire rire, en sorte que ce n’est pas sans peine ni sans quelque chance d’erreur que, cherchant en ses ouvrages ce qu’il ne tenait pas à y mettre, on arrive à en tirer les beaux préceptes d’honnêteté exposés dans le précédent chapitre. […] Dans l’Avare, il y a une invraisemblance qui est une faute ; c’est que Valère, présenté à la fin sous les plus nobles couleurs264, et montré dès le début comme plein des plus nobles sentiments265, puisse allier cette hauteur d’âme avec le misérable rôle auquel il s’est soumis par choix : entrer par un mensonge dans une maison, et, contre son propre cœur, y maltraiter volontairement, malgré toute raison, de pauvres domestiques qui n’en peuvent mais266, c’est incompatible avec tant de constance, d’esprit et de cœur.

114. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VI. Les Femmes. » pp. 103-120

Peu à peu, les petites intrigues se nouent391 ; le temps et le cœur s’usent à ménager les prétendants, et à tenir la balance égale entre tant de gens qui s’enhardissent pour la faire pencher de leur côté392 ; la vanité, l’audace grandit à mesure que le cœur s’amoindrit ; les vrais amis s’éloignent discrètement pour faire place aux faux amants ; on finit par se perdre soi-même au milieu de ses propres ruses, et par être impitoyablement humiliée par ceux-là dont on croyait s’être fait des esclaves en se compromettant393 ; et quand il n’en reste plus qu’un seul, celui qu’on a tourmenté sans pitié par tous les raffinements de la coquetterie, et qui pourrait seul rendre le bonheur avec l’honneur, celui-là, on n’est plus capable de l’aimer ; on le réduit au désespoir par une exigence indigne394 ; et l’on demeure perdue à l’amour qu’on n’a point connu, au monde qui met autant de froideur dans ses dédains qu’il apportait d’ardeur dans ses flatteries : heureuse encore si l’on n’est pas perdue au repentir, et si, dans l’âme desséchée, il reste encore de quoi aimer la vertu autrement que par nécessité : après cette jeunesse de Célimène, la triste chose \ de finir en Arsinoé ! […] Chez l’homme, les passions coupables sont quelquefois revêtues d’un vernis d’élégance, même de grandeur, qui les rend propres à intéresser : c’est un privilège des femmes que l’honneur leur soit si naturel et si nécessaire, qu’elles paraissent repoussantes sitôt qu’elles s’en séparent.

115. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

« On ne peut disconvenir, disait Riccoboni, le Lélio de la troupe italienne du Régent au dix-huitième siècle, on ne peut disconvenir que ce système n’ait des grâces qui lui sont propres et dont la comédie écrite ne saurait se flatter. […]   On connaît assez bien, grâce à nos matamores français, le genre de plaisanteries propres à ce rôle du capitan.

/ 228