/ 172
4. (1862) Molière et ses contemporains dans Le Misanthrope (Revue trimestrielle) pp. 292-316

Sainte-Beuve a marqué ces nuances avec la finesse d’analyse qui le distingue : « La Bruyère et les peintres critiques font des portraits. […] Sans aucun doute, les contemporains ont placé des noms connus au bas de chacun de ces portraits, et plus d’un de ces beaux de cour, se donnant en spectacle sur les bancs de l’avant-scène, a dû offrir au public le malin plaisir de comparer la copie à l’original. […] Voir Sainte-Beuve, Portraits de femmes, 1854, p. 348. […] Sainte-Beuve, Nouveaux portraits. […] Voir le portrait d’Armande, dans Le Bourgeois gentilhomme, acte III, scène IX : « Elle a les yeux petits - Cela est vrai, elle a les yeux petits, mais, etc. » Ce portrait dialogué, dit ingénieusement M.

5. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XLII. De l’art d’épuiser un Sujet, un Caractere. » pp. 493-503

Bien des gens disent que, pour peindre un vice, un ridicule, un travers, il faut suivre un homme qui en soit entiché, l’étudier jusques dans ses moindres gestes, & faire d’après cela son portrait, pour l’exposer sur la scene. […] Si vous vous contentez de copier servilement un seul avare, un seul sot, un seul prodigue, &c. vous ferez son portrait : toutes ses connoissances le reconnoîtront peut-être ; mais vous ne ferez pas le portrait de l’avarice, de la sottise, de la prodigalité ; & c’est pourtant ce qu’il faut sur la scene. […] Un soir qu’on venoit de jouer le Mercure Galant, on demanda au célebre Préville quel étoit l’Abbé qui lui avoit servi de modele : « Je me suis bien gardé de m’attacher à un seul, dit cet acteur judicieux : j’aurois pu le bien copier, on l’auroit reconnu dans sa ville ; mais une fois éloignée de l’original, la copie n’auroit eu rien de piquant : au lieu qu’en prenant ce qui m’a frappé chez tous les petits collets, j’étois sûr de rendre le portrait ressemblant par-tout où il y auroit des Abbés ». […] Voici son portrait. […] Corneille, à l’imitation des Espagnols, qu’on accuse de n’avoir jamais mis des caracteres sur le théâtre ; Corneille, dis-je, après nous avoir présenté le portrait d’un jeune homme qui se fait un plaisir d’accumuler mensonge sur mensonge, ne nous l’a-t-il pas fait voir, dans une seconde piece, luttant contre son malheureux caractere, & ne pouvant le vaincre, n’employer désormais ses mensonges que pour faire de bonnes actions.

6. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXVIII. De l’exposition des Caracteres. » pp. 433-447

Enfin le Philosophe, non content de nous peindre ce qui est inutile, de nous faire un faux portrait de ce qui l’entoure, ne nous dit rien de positif sur son caractere. […] Toutes les expositions dans lesquelles le héros fait son portrait de dessein prémédité, sont mauvaises : il faut qu’il se peigne sans le vouloir. […] Voilà qui va bien : j’aurois seulement desiré de voir le portrait du héros avant celui d’Isabelle. […] La Fleur, en se plaignant du Comte de Tufiere, qui ne daigne pas lui parler, donne un coup de pinceau bien énergique à son portrait. […] Je remarquerai seulement que dans cette scene le portrait de Philinte est aussi caractérisé, & marque autant que celui du Glorieux.

7. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXI. Des Caracteres de tous les siecles, & de ceux du moment. » pp. 331-336

Un Auteur qui veut traiter un caractere permanent, peut même essayer ses forces & la bonté de son sujet dans une esquisse, avant que d’entreprendre le portrait en grand. […] Les caracteres du moment sont donc plus difficiles à traiter que les autres, & plus ingrats : ils sont plus difficiles, parcequ’un Auteur n’a pas avec eux tous les avantages dont nous venons de parler, qu’il a besoin de prendre le ridicule sur le fait, de saisir ses traits au moment où ils sont à peine formés, de peindre sa laideur dès qu’elle commence à se faire remarquer, & de rendre cependant le portrait frappant. Ils sont plus ingrats, parceque si vous réussissez à peindre si bien la laideur de votre modele, que les originaux disparoissent, votre ouvrage ressemble aux portraits qui n’ont plus de valeur dès que la personne qu’ils représentoient est morte, à moins que le Peintre n’ait réuni au mérite de la ressemblance celui du dessein, du coloris, & des autres parties de son art, & qu’il ne captive par-là le suffrage des connoisseurs : c’est ce qui fait survivre, comme nous venons de le dire, les Précieuses de Moliere aux héroïnes de la piece. […] Je puis répondre qu’ils ont cessé d’exister depuis si peu de temps, que nous nous rappellons encore leurs traits : d’ailleurs les pieces de Moliere peuvent se comparer aux portraits de l’illustre M.

8. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

On a cherché dans les traits de M. de Montausier le portrait d’Alceste. Ce portrait, Molière le portait dans son propre cœur. […] Mais quel portrait ! […] Hillemacher ne donne que son portrait, qui est celui d’une femme fort jolie. […] Tartuffe serait un portrait du P. 

9. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VI. Baron, imitateur, comparé à Moliere, à Cicognini, à Térence, &c. » pp. 219-261

La premiere laisse tomber une boîte à portrait en prenant un mouchoir, & sort. […] Après le départ de la Comtesse, Marton donne le portrait à Mariane, & la laisse seule pour qu’elle puisse le considérer à son aise. Mariane parle au portrait. Moncade arrive, prend son portrait pour celui d’un rival, &, furieux, accable Mariane de reproches : elle est trop irritée pour le désabuser. […] La scene du portrait seroit bonne, si la miniature parvenoit naturellement entre les mains de Mariane, si la Comtesse pouvoit avec vraisemblance avoir le portrait de Moncade sans qu’il le sût, s’il étoit dans la nature que Mariane ne fût pas agitée d’un mouvement jaloux, ou du moins d’un mouvement de curiosité, en apprenant que la Comtesse avoit le portrait de Moncade, & qu’elle ne fît pas la moindre réflexion là-dessus.

10. (1663) Nouvelles nouvelles pp. 210-243

Notre Auteur, après avoir fait ces deux Pièces, reçut des mémoires en telle confusion que, de ceux qui lui restaient et de ceux qu’il recevait tous les jours, il en aurait eu de quoi travailler toute sa vie, s’il ne se fût avisé, pour satisfaire les gens de qualité et pour les railler ainsi qu’ils le souhaitaient, de faire une Pièce où il pût mettre quantité de leurs Portraits. […] Ce n’est qu’un amas de Portraits détachés et tirés de ces mémoires, mais qui sont si naturellement représentés, si bien tou chés et si bien finis, qu’il en a mérité beaucoup de gloire. […] Ce sont des portraits de la Nature qui peuvent passer pour originaux. […] Tout ce que vous avez dit de lui m’a paru fort sincère, car vous l’avez dit d’une manière à me faire croire que tout ce que vous avez dit à sa gloire est véritable, et les ombres que vous avez placées en quelques endroits de votre portrait n’ont fait que relever l’éclat de vos couleurs. […] — Aussi, me repartit Clorante, est-ce un des plus plaisants et des plus beaux Tableaux de Campagne que l’on puisse jamais voir, puisque c’est le portrait d’un baron campagnard.

11. (1886) Molière, l’homme et le comédien (Revue des deux mondes) pp. 796-834

Il n’est pas de galerie privée un peu notable, où ne figure quelque tableau ainsi dénommé, toujours authentique, à en croire le propriétaire, et très supérieur comme ressemblance à tous les portraits connus. […] Henri Lavoix et Emile Perrin, réduisent notablement ce chiffre : le premier conclut qu’une dizaine de ces portraits peuvent être considérés comme documens ; deux seulement ont paru au second dignes d’une étude détaillée. […] Il est impossible de nous le représenter dans toutes les phases de son existence ; cependant, les portraits authentiques, dont je viens d’indiquer les principaux nous le montrent avec des manières d’être assez variées. […] Ici, par un contraste curieux avec le portrait de Mignard, c’est l’acteur comique, le « farceur, » que nous avons devant nous. […] Il y a, dans l’Impromptu de l’hôtel de Condé, un portrait de Molière tragédien où se trouve certainement une part de vérité.

/ 172