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5. (1884) La Science du cœur humain, ou la Psychologie des sentiments et des passions, d’après les oeuvres de Molière pp. 5-136

Il l’indique également en paroles à l’occasion d’une joie vive qui remplit le cœur d’Horace dans l’École des Femmes. […] Quelques paroles prononcées par cette personne montrent de suite chez elle l’existence de la perversité la plus grande alliée à l’insensibilité morale la plus complète. […] Le caractère de Don Juan étant donné, toutes les paroles qu’il prononce dans cette scène sont on ne peut mieux adaptées à ce caractère. […] On les rencontre exposés en effet à chaque parole prononcée par Alceste. […] C’est bien encore le cas, à l’occasion de la tirade de Martine, de dire, avec Boileau, que les plus burlesques paroles de Molière représentent de savantes vérités.

6. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIV » pp. 251-258

Dans le grand monde, tant de gens ont le désir de parler, tant de paroles attendent avec impatience le moment et l’occasion de se placer entre tant de paroles, qu’on fait taire ceux qui parlent longuement ou obscurément, en ne les écoutant pas. […] Ce qui distingue le langage des femmes du grand monde et de la cour, du langage commun, c’est moins l’usage de certains tours, de certaines formes et de certaines expressions réputées nobles et élégantes, que l’ignorance parfaite des paroles et des locutions grossières, qui ont pris naissance dans le peuple. […] Quoi qu’il en soit, la vanité de la haute bourgeoisie qui veut toujours ressembler à la cour, finit par imiter à la longue sa réserve dans l’usage de la parole, son ignorance des locutions liasses, ainsi que ses actions et ses manières.

7. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IV. Le théâtre des Gelosi » pp. 59-79

Le mariage fut donc convenu et l’on échangea sa foi et sa parole. […] Le capitan accepte sa parole. […] Mais, satisfait de la fidélité de Flaminio à sa parole, il renonce à la jeune fille et la cède à son ami. […] Ayant fini, il prend la parole, et attirant toute l’attention de Burattino qui l’écoute la bouche béante, il lui fait un discours en trois points sur l’indélicatesse des voleurs et sur les châtiments rigoureux qui les attendent. […] On comprend ce que l’acteur français Des Lauriers, surnommé Bruscambille, disait, à quelque temps de là, dans un de ses prologues en parlant de la farce française : « Je puis dire avec vérité que la plus chaste comédie italienne est cent fois plus dépravée de paroles et d’actions qu’aucune des nôtres. » Bornons-nous à quelques indications sur ce point délicat.

8. (1877) Molière et Bourdaloue pp. 2-269

Par la parole, par cette parole surtout, la France est un soldat plus encore que par l’épée. […] Mais la Providence y met du sien ; et enfin, la parole apostolique résiste à ses contradicteurs. […] Les courtisans se regardaient sans oser s’adresser la parole. […] Un peu plus tard une parole officielle du clergé montra qu’il prévoyait les périls de l’avenir. […] Ainsi se réalise la parole de saint Paul : Pietas ad omnia utilis est.

9. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

Ce qui décrédite dans cet ouvrage les paroles dirigées contre les précieuses, ce sont des in décences pires que les plus ridicules affectations. […] « Je ne vois, dit l’auteur de la pièce, rien de si ridicule que cette délicatesse d’honneur qui prend tout en mauvaise part, donne un sens criminel aux plus innocentes paroles, et s’offense de l’ombre des choses. […] On est ravi de découvrir ce qu’il y peut avoir à redire ; et, pour tomber dans l’exemple, il y avait l’autre jours des femmes à cette comédie, vis-à-vis de la loge où nous étions, qui, par les mines qu’elles affectèrent durant toute la pièce, leurs détournements de tête, et leurs cachements de visage, firent dire de tous côtés cent sottises de leur conduite, que l’on n’aurait pas dites sans cela ; et quelqu’un même des laquais cria tout haut, qu’elles étaient plus chastes des oreilles que de tout le reste du corps 59. » L’autorité que je reconnais à Molière ne m’empêchera pas de dire qu’il y a peu de bonne foi à reprocher aux critiques d’avoir donné un sens criminel aux plus innocentes paroles et de s’offenser de l’ombre des choses. Ce n’est pas criminelles qu’on a estimé ces paroles, c’est indécentes.

10. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE XI. De la Religion. Principe et Sanction de la Morale de Molière. » pp. 217-240

L’obligation de croire est mieux prouvée dans les ridicules paroles de Sganarelle que dans plus d’un sermon : DON JUAN Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit. […] Le philosophe regarde les tartuffes comme des monstres qui insultent à la fois la dignité humaine et la grandeur de Dieu ; à leur vue, le chrétien ne peut s’empêcher de penser à la parole divine : « Prenez garde de faire vos bonnes œuvres devant les hommes pour être vus d’eux ; autrement vous n’aurez point de récompense chez votre Père qui est dans les deux. […] Qu’on se rappelle son indulgence, son dévouement, sa charité, ses belles paroles sur la vraie piété789 ; et l’on dira que voilà le vrai chrétien, qu’il serait à souhaiter que tout le monde fût chrétien comme lui ; et l’on pensera avec lui Que les dévots de cœur sont aisés à connoître… : Ce ne sont point du tout fanfarons de vertu : On ne voit point en eux ce faste insupportable, Et leur dévotion est humaine, traitable : Ils ne censurent point toutes nos actions ; Ils trouvent trop d’orgueil dans ces corrections ; Et, laissant la fierté des paroles aux autres, C’est par leurs actions qu’ils reprennent les nôtres. […] La grâce est encore affirmée dans cette parole : « On n’a pas besoin de lumière quand on est conduit par le ciel. » Le Festin de Pierre, act. […] Molière a voulu faire de Cléante le type du vrai chrétien, ayant de la religion et non de la religiosité : il le dit dans sa Préface, où il appelle Cléante « véritable homme de bien » et « vrai dévot ; » il lui donne, non-seulement les paroles d’un vrai chrétien :   N’est-il pas d’un chrétien de pardonner l’offense ?

11. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIII. » pp. 436-488

Ses larmes aussi-tôt suffoquant sa parole, m’ont bien mieux expliqué qu’il n’eût su faire les tendresses qu’il a pour vous. […] que de paroles perdues ! […] Venons de l’étoffe à la doublure, de la gaine à l’épée, & de la châsse au saint ; traçons en deux paroles le crayon de notre ridicule Docteur. […] Ne changez pas ; & souvenez-vous de répondre parole pour parole, & de lui bien tenir tête, afin que dans son emportement il n’aille pas vous renverser d’abord par les choses dures & fâcheuses qu’il vous dira. […] Qu’il retire sa parole, & qu’il prenne cette fille.

12. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXV. De l’Illusion Théâtrale. » pp. 426-433

Ils interrompent le fil d’une action pour adresser la parole au spectateur : rien ne porte un coup plus mortel à l’illusion, & nous ne saurions trop rejetter une pareille faute. […] La faute est bien plus impardonnable lorsqu’un Auteur fait adresser la parole au spectateur pour lui dire des injures, ainsi que dans l’Aulularia, Cuclion cherchant celui qui a volé son trésor, apostrophe ainsi le public : ACTE IV. […] L’Amour conseille aux spectateurs d’imiter cet exemple, & leur adresse ces paroles : Faites de votre honneur comme elle fait du sien, Qui toujours est entier : mais qu’on n’en sache rien : Et par elle apprenez que les plus fines dames, De pareilles douceurs entretiennent leurs ames Dedans leurs cabinets, & que bien sottes sont Les filles aujourd’hui qui comme elles ne font.

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