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3. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « [Introduction] » pp. 1-4

Nous espérons prouver encore par-là que les successeurs les plus célebres de Moliere sont ceux qui ont imité davantage leurs prédécesseurs, & que tous ont été plus ou moins applaudis, à mesure qu’ils se sont plus ou moins rapprochés de Moliere, le premier Poëte comique de tous les âges & de toutes les nations ». […] D’après ce principe adopté par toutes les personnes de goût, & suivi plus scrupuleusement par Moliere à chaque pas qu’il a voulu faire vers la perfection ; d’après ce principe, dis-je, nous ne pouvons mieux juger des imitateurs modernes, qu’en les plaçant entre les Auteurs qu’ils ont imités & la nature. […] Convenons qu’il ne sera question ici que de la belle nature, telle que l’a imité Moliere dans les parties & l’ensemble de ses meilleures pieces ; telle enfin que doit la voir un Philosophe qui se propose de corriger & de faire rire les hommes en leur peignant au naturel leurs gestes, leurs traits, leurs travers, leurs ridicules, leurs vices, enfin toutes les vérités que leur amour-propre leur déguise, ou qu’il tient cachées sous les replis du cœur humain.

4. (1911) L’Étourdi de Molière et Le Parasite de Tristan L’Hermite (De Jodelle à Molière) pp. 292-302

Ayant commencé à imiter la comédie de Tristan l’Hermite, Molière est entraîné à en imiter aussi le dénouement. […] A la fin de cet acte III (scène 9) de l’Étourdi, Trufaldin, impatienté par le défilé des masques, arrose grossièrement Léandre ; en quoi il peut fort bien imiter la duègne du Dom Japhet d’Arménie de Scarron (acte IV, scène 6), mais en quoi il peut aussi exécuter une menace de Phénice dans le Parasite de Tristan : PHÉNICE Abandonnez cet huis, et n’y revenez plus, Ou sur l’étui chagrin de ce cerveau malade J’irai bientôt verser un pot de marmelade. […] Il est probable que Molière voulut alors représenter cette comédie ; on doit du moins admettre qu’il la lut ; et, s’il composait ou s’il était sur le point de composer l’Etourdi, il dut faire pour l’œuvre de Tristan ce qu’il a fait pour tant d’autres, de Rotrou, par exemple : s’en souvenir et, plus ou moins consciemment, l’imiter.

5. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE V.*. Destouches imitateur, comparé à Moliere, Plaute, Regnard, Shakespeare, &c. » pp. 185-218

  Malgré mes soins pour resserer la Nouvelle, elle ne doit déja paroître que trop longue ; achevons de la faire connoître par un précis plus rapide ; d’ailleurs le commencement est ce que l’Auteur dramatique a le plus imité. […] L’Olive imite en tout son maître. […] Non sans doute : aussi ne dis-je pas qu’il eût fallu copier l’intrigue, mais l’imiter & produire à-peu-près les mêmes effets en changeant quelques ressorts. […] Cet ouvrage est imité d’une piece de Shakespeare, intitulée Timon ou le Misanthrope. […] Ce n’étoit pas la peine de les imiter : la feinte folie du Baron n’est pas du tout préparée.

6. (1739) Vie de Moliere (Réflexions sur les ouvrages de litérature) [graphies originales] « Chapitre » pp. 252-262

Antoine Baudeau, dans la Préface de la Comédie des véritables Prétieuses, reproche à Moliere d’avoir imité le Médecin volant, & plusieurs autres Pieces du Théatre Italien. […] Cependant il cache sous cette fausse vertu tout ce que l’insolence a de plus effronté ; & c’est sur le Théatre une Satire, qui, quoique sous des images grotesques, ne laisse pas de blesser tous ceux qu’il a voulu accuser : il fait de plus le Critique, il s’érige en Juge, & condamne à la berne les Singes, sans voir qu’il prononce un Arrêt contre lui, en le prononçant contr’eux ; puisqu’il est certain qu’il est Singe en tout ce qu’il fait, & que non-seulement il a copié les Précieuses de M. l’Abbé de Pure, jouées par les Italiens ; mais encore qu’il a imité par une singerie, dont il est seul capable, le Médecin volant, & plusieurs autres Pieces des mêmes Italiens qu’il n’imite pas seulement en ce qu’ils ont joué sur leur Théatre ; mais encore en faisant leurs postures, contrefaisant sans cesse sur le sien, & Trivelin & Scaramouche.

7. (1823) Notices des œuvres de Molière (VII) : L’Avare ; George Dandin ; Monsieur de Pourceaugnac ; Les Amants magnifiques pp. 171-571

On peut dire de L’Avare deux choses également vraies, quoiqu’elles semblent s’exclure, c’est que, de toutes les comédies de Molière, il n’en est pas une où il ait plus imité ses devanciers et ses contemporains, et que pourtant il en est peu où il ait mis plus de création réelle et d’originalité véritable. […] Son exemple a passé en usage ; et aucun éditeur de Molière ne peut maintenant se dispenser de l’imiter. […] Ne serait-il pas temps, enfin, de laisser en paix les Pourceaugnacs, et d’imiter autrement Molière, qu’en refaisant sans cesse une de ses moins bonnes comédies ? […] C’est bien assez que Molière ait cherché simplement à imiter Benserade, et qu’il ait su se rapetisser assez pour descendre à son niveau. […] Molière ne s’était pas borné à imiter Corneille ; il s’était aussi imité lui-même.

8. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XX. Des Unités. » pp. 352-366

Un mauvais plaisant du parterre lui applaudit, tout le parterre l’imita, & la piece, qui, peut-être, se seroit relevée, eut simplement une demi-représentation. […] Il faut bien se garder d’imiter Clavaret, poëte tragique : cet Auteur prétendit sauver le reproche qu’on faisoit à ses rivaux, en mettant ces mots à la tête de sa tragédie du Ravissement de Proserpine : « La scene est au Ciel, en la Sicile, & aux Enfers, où l’imagination du lecteur se peut représenter une certaine espece d’unité de lieu, les concevant comme une ligne perpendiculaire du ciel aux enfers ». […] Riccoboni 53 a raison de dire que les fables où regne l’unité d’action sont sans contredit les plus naturelles & les plus convenables ; mais il a tort quand il ajoute que parceque de grands génies, comme Moliere & Guarini, ont fait des fables d’action double, on doive les imiter, & citer leurs ouvrages comme des modeles qu’on peut suivre. […] C’est lorsque Moliere fait des intrigues doubles dans ce genre, qu’il faut l’imiter.

9. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXVI. Des Caracteres nationaux. » pp. 268-283

Ceux qui transplantent quelque art que ce soit d’un pays étranger dans leur patrie, en suivent d’abord la pratique de trop près, & ils font la méprise d’imiter chez eux les mêmes originaux que cet art est en habitude d’imiter dans les lieux où ils l’ont appris : mais l’expérience apprend bientôt à changer l’objet de l’imitation ; aussi les Poëtes Romains ne furent pas long-temps à connoître que leurs comédies plairoient davantage s’ils en mettoient la scene dans Rome, & s’ils y jouoient le peuple même qui devoit en juger. […] Ce sont des especes d’incursions permises, à la vérité, mais indépendamment du vice inséparable des pieces qui nous offrent des mœurs étrangeres, comme nous l’a prouvé dans ce même article M. l’Abbé Dubos : « Il y a encore deux choses à craindre : la premiere que le poëte n’imite ces peintres qui peignent une belle femme d’idée, sur le rapport qu’on leur aura fait de sa beauté, ou après ne l’avoir vue qu’en passant. […] Imitons MM.

10. (1819) Notices des œuvres de Molière (I) : L’Étourdi ; Le Dépit amoureux pp. 171-334

Molière pensait bien ainsi ; car il ne s’est point fait un scrupule de répéter la scène du Dépit amoureux, d’abord dans Le Tartuffe, ensuite dans Le Bourgeois gentilhomme : il l’a répétée, mais en la variant, puisqu’il ne pouvait l’embellir ; il s’est imité lui-même, mais en homme supérieur qui sort glorieusement de la plus redoutable des concurrences, de celle qui lui donne son propre génie pour adversaire. […] Riccoboni prétend que Le Dépit amoureux est imité en partie d’un ancien canevas ou farce jouée à l’impromptu, qui a pour titre, Gli Sdegni amorosi. […] Horace a imité la pensée de Térence, en l’abrégeant : …… In amore hæc sunt mala :bellum,      Pax rursum.

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