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4. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIV » pp. 394-401

On regarde, on observe, on s’imagine, on croit voir des rayons de lumière sur des visages que l’on trouvait indignes, il y a un mois, d’être comparés aux autres. » Ces on là, c’est la cour. […] Une lettre de madame de Sévigné, du 6 novembre, raconte avec sa grâce ordinaire comment le roi, sous le nom d’un certain Langlée, espèce d’aventurier qui tenait un jeu à la cour, lui donna la plus belle robe dont on eut jamais eu l’idée : « M. de Langlée a donné à madame de Montespan une robe d’or sur or, rebrodé d’or, rebordé d’or, et par-dessus un or frisé, rebroché d’un or mêlé avec un certain or qui fait la plus divine étoffe qui ait jamais été imaginée : ce sont les fées qui ont fait cet ouvrage en secret. […] C’est Langlée, dit le roi ; c’est Langlée, assurément, dit madame de Montespan ; personne que lui ne peut avoir imaginé une telle magnificence : c’est Langlée, c’est Langlée !

5. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXII. Des Caracteres principaux ou simples, des Caracteres accessoires, des Caracteres composés. » pp. 337-349

par plaisir, imaginez-vous un peu par quel moyen. […] Pour imaginer des moyens de tromper, il faut être femme. Pour moi, je ne m’imagine rien. […] Vous n’imaginez rien !

6. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIV. » pp. 279-289

Il ordonna le premier remede qu’il imagina ; il réussit, & fut encore fouetté pour avoir refusé d’employer d’abord tout son savoir. […] Craignant ensuite que, tandis qu’il sera à la charrue, sa femme, qui n’est point accoutumée au travail, ne s’amuse avec des amants, il imagine un expédient singulier pour s’assurer de sa fidélité, c’est de la bien battre le matin en se levant, afin que, pleurant le reste du jour, elle ne trouve personne qui ose, dans son affliction, lui parler d’amour, & la détourner de son devoir. […] Il imagine de faire rire la Princesse, afin que l’effort qu’elle fera en riant lui fasse rendre son arête.

7. (1686) MDXX. M. de Molière (Jugements des savants) « M. DXX. M. DE MOLIÈRE » pp. 110-125

Il faut être bon jusqu’à l’excès pour s’imaginer qu’il ait travaillé pour la discipline de l’Église, et la réforme de nos mœurs. […] Rosteau prétend qu’il était également bon auteur et bon acteur, que rien n’est plus plaisamment imaginé que la plupart de ses pièces ; qu’il ne s’est pas contenté de posséder simplement l’art de la bouffonnerie, comme la plupart des autres comédiens ; mais qu’il a fait voir, quand il lui a plu, qu’il était assez sérieusement savant5. […] Pradon qui s’est imaginé que par cette légère censure on avait voulu profiter de la mort du lion pour lui tirer les poils, prétend8 que Molière n’est pas si défiguré dans le Scapin qu’on ne l’y puisse reconnaître.

8. (1706) Lettre critique sur le livre intitulé La vie de M. de Molière pp. 3-44

Car je ne puis m’imaginer que M. le Prince de Conti ait voulu faire son Secrétaire du Héros de notre Auteur. […] Voilà comme sont tous les Auteurs qui s’imaginent être du premier ordre ; tout ce qu’ils n’ont pas fait, est, selon eux, détestable : cependant, cet Ouvrage dont Molière, ou notre Auteur fait tant de bruit, est le meilleur que cette personne ait fait en sa vie ; et il n’y a guère eu d’Auteur qui ait plus travaillé que lui, ni dont le nom soit plus connu. […] L’Auteur fait bien connaître par cette proposition, qu’il n’entend ni l’action de la Chaire, ni l’action du Théâtre : car je ne puis m’imaginer que cela soit sorti de la bouche de Chapelle, qui était un homme d’esprit et de goût. L’Auteur s’est imaginé qu’il n’était bon qu’à dire des plaisanteries, puisqu’il le fait encore parler sur le même ton dans les pages suivantes, dans des aventures, qui sont même épisodiques à son sujet.

9. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE PREMIER. Regnard imitateur comparé avec la Bruyere, Plaute, & la nature. » pp. 5-50

Comment Regnard a-t-il pu surtout imaginer de faire naître & ressortir ces mêmes traits par des moyens tout-à-fait contre nature ? […] Je m’imagine que mon fils & mes domestiques ont bien langui loin de moi, & que mon retour va leur causer un extrême plaisir. […] Imaginez-vous que votre conscience est chargée d’un sacrilege affreux. […] Ne vous imaginez pas que ce soit beaucoup : selon moi, c’est peu de chose. […] Ou bien son maître ne lui a-t-il jamais parlé de son frere, & ne doit-il pas imaginer que la malle appartient à ce dernier ?

10. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. » pp. 357-396

Riccoboni applaudit encore beaucoup à Moliere pour avoir imaginé de faire supporter l’usure au fils même de l’Avare. […] Il est singulier que, de tous les Auteurs qui l’ont mise sur la scene, aucun n’ait imaginé d’en retrancher cette malheureuse apostrophe faite au Public, & qui vient si mal à propos lui enlever le plaisir de l’illusion, en l’avertissant qu’il est à la comédie. […] Il imagine, pour lui parler commodément, de se présenter à titre de commis chez Magnifico, pere de la belle, riche négociant de Venise. […] quand je lui demanderai sa fille en mariage, il s’imaginera sans doute que je me moque de lui. […] Cela supposé : si je marie ma fille avec vous, je m’imaginerai que vous êtes un bœuf, & que je suis un âne.

11. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXVI. De la Vraisemblance. » pp. 434-445

On doit bien se garder de confondre le vrai avec le vraisemblable ; il y a très grande différence de l’un à l’autre : aussi n’est-ce pas sur le vrai qu’il faut imaginer, construire, filer, nouer, dénouer une piece, parceque bien des faits vrais ne peuvent pas se mettre en action, ou que, n’arrivant pas communément, ils paroîtroient incroyables à la plupart des spectateurs. […] Mais qu’ils se demandent, Ce que j’imagine, ce que je veux dire, ce que j’ai envie de faire, est-il vraisemblable ? […] Pour mieux prouver ce que j’avance, qu’on me permette d’imaginer quelque léger changement, qui, en ne dérangeant rien à la situation, donne au mensonge un air plus vraisemblable ; nous verrons l’effet qui en résultera.

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