La vraisemblance est le fondement de toutes les pieces de théâtre ; elle est le caractere général auquel on doit reconnoître un bon & un mauvais Drame.
Les admirateurs du génie de Molière ont besoin de chercher des excuses à son Amphitryon, dans son désir immodéré de plaire au prince qui Pavait subjugué par sa gloire et ses bienfaits, da us la corruption générale qui demandait au poète comique de faire rire le public aux dépens des époux malheureux, peut-être même dans l’espèce d’héroïsme auquel le poète avait voulu s’élever en se rangeant du côté des rieurs, lui à qui les désordres de sa femme avaient couté tant de larmes amères.
Harpin dans la Comtesse d’Escarbagnas de Moliere, & l’on verra que tous les Financiers venus après ce petit Receveur des Tailles, même les Fermiers généraux les plus huppés, l’ont copié sans l’éclipser, comme toutes les Comtesses ridicules n’ont fait que suivre de bien loin Madame la Comtesse d’Escarbagnas. […] Le pere, un peu surpris, mais se rendant justice, approuva ce que ses enfants avoient fait, & on but une santé générale à ces trois mariages ».
Thomas Corneille, qui était de ses amis, voulut l’engager à briguer une place à l’Académie française, l’assurant, non sans vraisemblance, que ses succès au théâtre, et l’estime générale dont il jouissait, lui ouvriraient toutes les portes. […] Ceux de Flandre, de Hollande, d’Allemagne, de Pologne, de Suède, sont d’un autre ton, mais pourtant ne contiennent guère que des notions générales qui se rencontrent partout ailleurs.
D’autres moralistes vont plus loin : ils décrivent les mœurs et les caractères de telle sorte qu’en montrant certains effets émanant toujours du jeu des sentiments et des passions, on peut, s’ils ne l’ont fait eux-mêmes, en tirer des conséquences générales qui représentent les lois par lesquelles sont régis dans leur activité ces éléments instinctifs de l’esprit, on peut en déduire la science du cœur humain. […] Voici comment Molière a signalé cette malheureuse disposition d’esprit, si générale chez tous les grands criminels : « Ah ! […] Mais, outre ces anomalies générales dont tous les scélérats sont atteints à des degrés différents, certaines dispositions intellectuelles et instinctives, ainsi que les conditions dans lesquelles ils naissent, créent parmi eux un grand nombre de variétés de scélérats. […] Cette manière de voir étant générale, puisque l’amour a toujours et partout le même caractère égoïste, cette fausse interprétation de l’infidélité de la femme a passé si bien dans les idées et dans les mœurs que la loi tolère la vengeance homicide du mari. […] Sauf dans les Précieuses ridicules et les Femmes savantes, où il a frappé sur un travers d’esprit de son temps, Molière a dépeint les passions générales de l’humanité et leurs effets naturels ; or, comme ces passions et ces effets ne varient pas, les comédies de Molière seront de toutes les époques et resteront comme un monument impérissable de science psychologique.
« Le goût pour les spectacles était presque général en France, depuis que le cardinal de Richelieu avait accordé une protection distinguée aux poètes dramatiques. […] Mais les deux poètes latins, plus uniformes dans le choix des caractères et dans la manière de les peindre, n’ont représenté qu’une partie des mœurs générales de Rome. […] Mais il ne se bornait pas seulement à former ses acteurs, il entrait dans toutes leurs affaires, soit générales, soit particulières, il était leur maître et leur camarade, leur ami et leur protecteura, aussi attentif à composer pour eux des rôles qui fissent valoir leurs talentsa, que soigneux d’attirer dans sa troupe des sujets qui pussent la rendre plus célèbre. […] « [*]Quoique Le Misanthrope soit peut-être la meilleure comédie que nous ayons aujourd’hui, on n’est pas surpris néanmoins que le public ait hésité durant quelques jours à l’avouer pour excellente, et que le suffrage général n’ait été déclaré en sa faveur qu’après huit ou dix représentations, quand on fait réflexion aux circonstances où Molière la joua. […] On a pensé jusqu’ici que dans ces sortes de pièces, chaque acteur de la troupe de Molière, en suivant un plan général, tirait le dialogue de son propre fond, à la manière des comédiens italiens ; mais si l’on en juge par deux pièces du même genre qui sont parvenues manuscrites jusqu’à nous (voyez la note suivante), elles étaient écrites et dialoguées en entier.
Sachons distinguer celles qui sont faites pour intéresser le général, d’avec celles qui, par leur nature, ou les circonstances, ne peuvent qu’affecter les personnes intéressées.
Le mouvement était donné à l’esprit social ; la conversation était devenue le besoin général ; il fallait à tout prix le satisfaire ; ce besoin remontait à des causes plus anciennes et plus puissantes que l’hôtel de Rambouillet, qui, lui-même, leur dut son origine et ses progrès, et il ne fit qu’en favoriser le développement et l’éclat.