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4. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE X. M. DIDEROT. » pp. 317-332

On n’y parloit que de l’homme rare qui avoit eu dans un même jour le bonheur d’exposer sa vie pour son ami, & le courage de lui sacrifier sa passion, sa fortune, & sa liberté. […] Clairville regrette toujours le cœur de son amante, & dit à d’Orval que sa sœur, sortie pour vérifier quelques bruits répandus sur la fortune de Rosalie & sur le retour de son pere, le prie de l’attendre. […] Clairville, craignant que la médiocrité de sa fortune n’ait refroidi Rosalie sur son compte, tremble de la trouver plus indifférente à présent qu’elle est elle-même sans biens. […] Rosalie compte pour rien la fortune si la santé de son pere n’est pas altérée : elle est outrée contre d’Orval, elle croit en être trompée. […] D’Orval trouve qu’il a peu fait de sacrifier sa fortune, il veut voir Rosalie & la déterminer à s’unir avec Clairville.

5. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XV. M. DE CHAMFORT. » pp. 420-441

Belton, seul, peint l’amour que sa compagne la jeune Belti a pour lui, les preuves qu’il en a, le bonheur dont il a joui avec elle ; mais Arabelle rétablira sa fortune : il espere que Belti excusera cet hymen quand elle connoîtra les mœurs & les usages du pays qu’elle habite. […] Un pere à l’extrémité de sa vie, une épouse adorée, quatre aimables enfants, & une fortune des plus douces, qu’il avoit perdus avec sa liberté : tous ces malheurs enfin se présenterent à sa mémoire, & le récit qu’il en fit au Génois, le toucha lui-même jusqu’aux larmes. […] Le jeune Génois ajouta quelques pieces d’argent à sa premiere aumône, en lui souhaitant une meilleure fortune. […] Perdre en peu de jours sa fortune, sa liberté & sa maîtresse, c’est ressentir tout à la fois trois coups dont chacun peut passer tour à tour pour le plus cruel de tous les malheurs. […] Quelque sensible que le Génois pût être à cette faveur si inespérée de la fortune, ses premiers soins ne tomberent point sur lui-même, ni sur tout ce qui l’environnoit.

6. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

C’est une certaine lumière de gloire et un certain caractère de grandeur que la vertu héroïque imprimée sur le visage des à omet mes ; elles défendent la solitude et la nudité d’une personne exposée aux outrages de la fortune, accablée sous les ruines d’un parti détruit, abandonnée de ses propres vœux et de sa propre espérance. […] Balzac pense qu’à l’aménité, ils joignaient cette grandeur « dont il leur était impossible de se défaire, parce qu’elle tenait à leur cœur et à leur esprit, parce qu’elle avait racine en eux et n’était pas appliquée sur leur fortune. […] Vous croyez que la vertu se tient lieu de digne et de suffisante récompense, mais qu’elle accepte la gloire sans l’exiger ; que la gloire n’est pas tant une dette dont s’acquitte le public, qu’un aveu de ce qu’il doit, et tout ensemble une protestation qu’il est solvable. » Plusieurs trouveront les conversations rappelées par Balzac d’une gravité qui va jusqu’au ridicule ; les sujets qu’elles traitaient seraient ridicules, sans doute, dans la société d’une bourgeoise de petite fortune qui aurait à soigner elle-même son ménage et ses enfants. […] Mais dans une monarchie ancienne dont rien ne menaçait l’existence, où les affaires publiques étaient gouvernées par un pouvoir héréditaire, où une grande fortune donnait de longs loisirs, où des études suivies étaient le plus sûr moyen d’éviter les ennuis du désœuvrement, où la culture de l’esprit pouvait seule assurer des jouissances à l’âge mûr et à la vieillesse, les études de la marquise de Rambouillet étaient éminemment raisonnables.

7. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

« Il les publie, dît-il dans sa préface, pour faire valoir l’esprit de ses illustres amies, et pour ne rien ôter à si reconnaissance et à leur gloire. » Il ajoute : « Je leur dois rendre le témoignage que leurs innocentes faveurs ont adouci tout le chagrin de ma vie et m’ont mis en état de me passer plus aisément de ce qu’on appelle fortune… Les femmes de qualité ont poli mes mœurs et cultivé mon esprit ; et comme je ne leur ai jamais eu d’obligation pour ma fortune, je n’ai jamais souffert auprès d’elles de servitude ni de contrainte. »Ces paroles ne sont pas d’un homme méprisable. […] Orpheline depuis l’âge de 5 ans, élevée par un oncle respectable, instruite par Ménage, mariée à 18 ans, veuve à 26, retirée pendant deux années qu’elle emploie à l’éducation de ses enfants et à l’arrangement de leur fortune, sachant le latin, l’espagnol, l’italien et la littérature, ses premiers pus dans la société se tournent vers l’hôtel de Rambouillet ; la marquise, âgée, isolée par le mariage de sa fille, désolée de la mort de son mari et de celle d’un fils de 31 ans arrivées à un an de distance, fut la première personne dont madame de Sévigné, belle, brillante de jeunesse, d’esprit et de savoir, rechercha la société et ambitionna la confiance. […] Sa fortune ne lui permettait pas de tenir une maison, mais elle était accueillie dans les meilleures, et y figurait convenablement.

8. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Laujon avait acquis une fortune assez considérable. […] Les lettres étaient en crédit, car le faux savoir même était un moyen de fortune ; Les Femmes savantes en sont la preuve. […] Sans doute de grands malheurs ont nécessité de grands sacrifices, car la fortune publique est livrée à des parvenus grossiers ; des laquais enrichis foulent aux pieds toutes les lois de l’honneur ; l’honnêteté, la pudeur sont bravées ; la vertu n’est plus qu’un vain mot !!! […] En voulez-vous encore des témoins irrécusables : voyez ces jeunes débauchés qui semblent se parer du mépris public ; voyez ce marquis de Moncade, qui oublie sa dignité pour réparer sa fortune.

9. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Aujourd’hui comme autrefois, nous ne manquons pas de ces gens à qui la fortune tient lieu de politesse et de mérite, qui n’ont pas deux pouces de profondeur, à qui la faveur arrive par accident ; seulement ces fortunes subites qui sont le déshonneur de la Fortune elle-même, arrivent, aujourd’hui, par d’autres moyens que les moyens d’autrefois, elles se produisent, dans des lieux différents, avec des caractères tout nouveaux. […] Est-ce que le jeu, l’ambition, la fortune, la renommée et la gourmandise, ne seraient pas suffisants à cette canaille ?  […] la griffe est la même ; aujourd’hui cependant, comme autrefois, « faire sa fortune » est une belle phrase, éloquente et splendide ; — elle a grandi, cette grande phrase ; elle est devenue un Évangile ! […] Or, ce qui se dit ici des royaumes, des républiques et des empires, exposés à ces changements, à ces variations, à ces insolences de la fortune, on en peut dire autant de ces royaumes en miniatures, qu’on appelle un salon ! […] on était tenté de l’applaudir ; elle voulait être au courant de toutes choses, car elle s’occupait tout à la fois de sa fortune et du drame nouveau. — Où en sont mes terrains des Champs-Élysées ?

10. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIII. Des Reconnoissances. » pp. 399-421

Apprenez que le capitaine de ce vaisseau, touché de ma fortune, prit amitié pour moi, qu’il me fit élever comme son propre fils, & que les armes furent mon emploi dès que je m’en trouvai capable ; que j’ai su depuis peu que mon pere n’étoit point mort, comme je l’avois toujours cru ; que, passant ici pour l’aller chercher, une aventure par le ciel concertée me fit voir la charmante Elise ; que cette vue me rendit esclave de ses beautés, & que la violence de mon amour, & la sévérité de son pere, me firent prendre la résolution de m’introduire dans son logis, & d’envoyer un autre à la quête de mes parents. […] Après dix ans d’esclavage, une heureuse fortune nous rendit notre liberté, & nous retournâmes dans Naples, où nous trouvâmes tout notre bien vendu, sans y pouvoir trouver des nouvelles de notre pere. […] Où la fortune a-t-elle Mis en vos mains l’époux d’un si rare modele ? […] O fortune ! ô grande fortune !

11. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Il ne serait pas impossible d’en tirer encore cette autre conséquence, que madame de Maintenon a favorisé, peut-être même a déterminé le penchant du roi à la dévotion, et fait jouer ce ressort pour assurer sa fortune. […] quel esprit est assez grossier pour ne pas comprendre les paroles de madame de Sévigné, qui dévoilent tout le mystère de la fortune de son amie ? […] Tous ces trésors d’idées et de sentiments que madame de Maintenon déposait ou faisait naître dans l’esprit du roi, furent les fondements de sa fortune. […] Puisque les conséquences ultérieures de cette fortune ne sont plus de notre sujet, et que nous nous arrêtons ici dans l’histoire de la société polie, jetons un dernier regard sur les personnages qui la composent en 1680, rassemblons-les dans notre pensée : leur aspect suffira pour nous faire entrevoir l’avenir que nous laissons à d’autres le soin de décrire. […] De quoi n’est-il point capable dans la vue de sa fortune ?

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