Je ne m’attacherai qu’à celles qui intéressent particulièrement notre objet, c’est-à-dire à celles qui sont susceptibles d’agir efficacement sur la foule des spectateurs, d’influencer les impressions de ces juges souverains, peu raffinés sans doute, mais de sage jugement, qui constituent le gros public.
Parlant des comédiens antérieurs aux Gelosi, « ils n’hésitaient pas, dit-il, à pousser la vraisemblance jusqu’à faire comparaître sur la scène un homme nu, s’échappant d’un incendie nocturne, ou une femme dépouillée par des brigands, attachée à un arbre par quelques lambeaux d’étoffe, et à produire d’autres spectacles du même genre ou plus indignes encore d’être mis sous les regards de galants hommes 14 ».
Pour les unes, précieuse était synonyme de prisée, l’opposé de méprisée, ou femme de grand prix, opposée à femme commune ; pour les autres, le mot était synonyme de femme qui se prise beaucoup, surfait son mérite, fait la renchérie, et n’est au fond qu’une hypocrite bel-esprit, Une seule idée commune aux précieuses de tout genre resta attachée à ce mot, ce fut celle de femmes qui se sont tirées du pair par des mœurs irréprochables, par un esprit plus ou moins cultivé. […] Elle s’arrêta devant plusieurs mots auxquels était attachée une haute considération.
Elle se sent aimée — et c’est vrai — de son chef et de trois ou quatre ministres qui se payent largement, ii est vrai, mais qui travaillent, qui sont très attachés au bien public et qui sont des hommes supérieurs. […] Le peuple et la bourgeoisie aiment jusqu’à ces fêtes splendides que le Roi leur donne, parce qu’il comprend qu’à les divertir et à les attacher à sa personne, il les annihile ou tout au moins les neutralise. […] L’intrigue est simple et facile, moins le dénouement qui est un peu péniblement amené et auquel on veut assez que Molière n’a attaché aucune importance. […] Molière s’est attaché un peu trop aux défauts à l’exclusion des vices, cela ne laisse pas de rester vrai. […] Il le détache pour se l’attacher.
Sans jamais tendre notre esprit par aucun effort d’attention soutenue, sans nous attacher même par aucun intérêt sérieux, son théâtre nous retient par les seuls attraits d’une poésie et d’une gaieté toujours épanouies. […] Sauf la gaieté obligée de la soubrette, tous les personnages sont sérieux, la mère et le fils par leur bigoterie, le reste de la famille par sa haine pour l’imposteur, et le beau-frère par ses sermons, où il prêche avec tant d’onction que les dévots de cœurs ne doivent Jamais contre un pécheur avoir d’acharnement, Mais attacher leur haine au péché seulement91. […] Celui qui a attaché son nom le premier à cette tentative vraiment digne de l’intrépidité de sa logique, est mon maître dans l’art de critiquer.
Au contraire, il me semble que plus vous serez simple et uni comme bonjour, jasant avec moi des événements, des accidents et des opinions de la veille, et plus je trouverai que vous êtes un écrivain à ma portée, un narrateur bonhomme, un critique attaché au fait principal. […] « L’homme est en ce bas monde un oiseau sur la branche ; la branche est attachée à l’arbre ; qui s’attache à l’arbre suit de bons préceptes ; les bons préceptes valent mieux que les belles paroles ! […] Dès la première scène, Sganarelle est charmant, et comme on ne sait pas encore à quel abominable service ce brave homme est attaché, on rit franchement et de bon cœur. […] Pour nous reposer de ces folies, relisons la péroraison du discours de Bossuet : « Et vous ma sœur, qui avez commencé à goûter ces chastes délices, descendez, allez à l’autel, victime de la pénitence ; allez achever votre sacrifice : le feu est allumé, l’autel est prêt, le glaive est tiré, le glaive c’est la parole qui sépare l’âme d’avec elle-même pour l’attacher uniquement à son dieu.
En effet, il y a peu de choses plus attachantes qu’un homme qui hait le genre humain, dont il a éprouvé les noirceurs, et qui est entouré de flatteurs, dont la complaisance servile fait un contraste avec son inflexibilité ; cette façon de traiter le Misanthrope est la plus commune, la plus naturelle, et la plus susceptible du genre comique ; celle dont Molière l’a traité est bien plus délicate et, fournissant moins, exigeait beaucoup d’art ; il s’est fait à lui-même un sujet stérile, privé d’action, et vide d’intérêt ; son Misanthrope hait les hommes encore plus par humeur que par raison ; il n’y a d’intrigue dans la pièce que ce qu’il en faut pour faire sortir les caractères, mais peut-être pas assez pour attacher : en récompense tous les caractères ont une force, une vérité et une finesse que jamais auteur comique n’a connu avant lui. […] « Cette seconde scène réjouit et attache beaucoup, puisqu’on voit un homme de qualité faire au Misanthrope les civilités qu’il vient de blâmer, et qu’il faut nécessairement, ou qu’il démente son caractère, ou qu’il lui rompe en visière, mais il est encore plus embarrassé dans la suite, car la même personne lui lit un sonnet et veut l’obliger d’en dire son sentiment ; le Misanthrope fait d’abord voir un peu de prudence, et tâche de lui faire comprendre ce qu’il ne veut pas lui dire ouvertement pour lui épargner de la confusion ; mais enfin il est obligé de lui rompre en visière, ce qu’il fait d’une manière qui doit beaucoup divertir le spectateur. […] « Ce premier acte, ayant plu à tout le monde, et n’ayant que deux scènes, doit être parfaitement beau ; puisque les Français, qui voudraient toujours voir de nouveaux personnages, s’y seraient ennuyés s’il ne les avait fort attachés et divertis. […] On sait que quiconque entreprend une réforme, n’embrasse pas le tout d’abord, et qu’il s’attache seulement à des parties. […] Molière ne s’est point arrêté aux petits égards d’un caractère subalterne ; il ne s’est attaché qu’au caractère principal.
L’amour qui nous attache aux beautés éternelles, N’étouffe pas en nous l’amour des temporelles.