Ne voudriez-vous point, par vos belles sornettes, Monsieur mon frere aîné, car, Dieu merci, vous l’êtes D’une vingtaine d’ans, à ne vous rien céler, Et cela ne vaut pas la peine d’en parler ; Ne voudriez-vous point, dis-je, sur ces matieres, De vos jeunes muguets m’inspirer les manieres, M’obliger à porter de ces petits chapeaux Qui laissent éventer leurs débiles cerveaux, Et de ces blonds cheveux de qui la vaste enflure Des visages humains offusque la figure ? […] C’est celui de persuader aux Espagnols qu’ils n’ordonnoient plus assez de prieres aux Moines, & que Dieu, pour les punir, permet au Diable de les persécuter.
Dom Pèdre, c’est le nom du mari, plus sot encore que sa femme, voulut voir jusqu’où pouvait aller sa simplicité ; il se mit dans une chaise, la fit tenir debout, et lui dit : « Vous êtes ma femme, dont j’espère que j’aurai sujet de louer Dieu tant que nous vivrons ensemble ; mettez-vous bien dans l’esprit ce que je vais vous dire, et l’observez exactement tant que vous vivrez, de peur d’offenser Dieu, et de me déplaire. » À toutes ces paroles dorées, Laure faisait des révérences, à propos ou non, et regardait son mari entre deux yeux ; celui-ci, satisfait de la trouver encore plus simple qu’il n’eût osé l’espérer, tira de l’armoire une armure, en couvrit l’idiote, et lui ayant mis une lance à la main, lui dit que le devoir des femmes mariées était de veiller leurs maris pendant leur sommeil, armées de toutes pièces comme elle. […] Une femme y chante : Ma bouteille, si la saveur, De ce vin répond à l’odeur, Je prie Dieu et Sainte Hélène, Qu’ils te maintiennent toujours pleine.
« Plût à Dieu, dit le grand-père de Molière à son fils, que ce petit garçon fût aussi bon Comédien que Bellerose. » Ou ce bon homme radotait, ou comme habitant des piliers des Halles, il avait peu de christianisme.
Quand don Juan fait sa belle tirade contre le mariage et le faux honneur d’être fidèle, quand il demande à Sganarelle, ébloui par son éloquence sophistique, ce qu’il a à dire là-dessus, le timide bon sens de Sganarelle répond : « Ma foi, j’ai à dire… Je ne sais que dire : car vous tournez les choses d’une manière qu’il semble que vous avez raison, et cependant il est vrai que vous ne l’avez pas… Je suis tant soit peu scandalisé de vous voir tous les mois vous marier comme vous faites, et vous jouer ainsi d’un mystère sacré502… » Et quand Sganarelle n’est pas bridé par la crainte, il ne se gêne pas pour appeler cet épouseur à toutes mains « le plus grand scélérat que la terre ait jamais porté, un enragé, un chien, un diable, un turc, un hérétique, qui ne croit ni ciel, ni saint, ni Dieu, ni loup-garou503 ; qui passe cette vie en véritable bête brute ; un pourceau d’Épicure, un vrai Sardanapale, qui ferme l’oreille à toutes les remontrances chrétiennes qu’on lui peut faire, et traite de billevesées tout ce que nous croyons504. » Qui ne rit encore, en repensant au refrain terrible qui met en fuite le pauvre Pourceaugnac : La polygamie est un cas, Est un cas pendable505 ?
Au premier plan, un riche et insolent libertin qui veut se donner, pour son argent, le passe-temps d’entendre un pauvre homme blasphémer ; d’une autre part, un valet intéressé qui engage l’homme en guenilles à gagner, à si bon marché, un beau louis d’or : « Va, va, jure un peu ; » puis un honnête mendiant qui, ayant au cœur la crainte de Dieu et le sentiment de sa dignité qu’on insulte, répond, sans déclamation, sans hésitation, simplement, fermement : « Non, monsieur, j’aime mieux mourir de faim. » Que fait alors le libertin ?
Cela est difficile à accommoder, et je passe ma vie dans des horribles qui m’ôtent tous les plaisirs du monde et la paix qu’il faudrait pour servir Dieu.
Plût à Dieu, lui répondit le grand-pere, qu’il fût aussi bon Comedien que Belleroze. […] A Dieu, mon cher ami, tu juges mieux qu’homme de France. […] A Dieu, Monsieur de Moliere, songez à nôtre Piece, il me tarde qu’elle ne paroisse. […] Il s’étoit joué lui-même sur cette incommodité, dans la cinquieme Scene du second Acte de l’Avare lors qu’Harpagon dit à Frosine : Je n’ai pas de grandes incommoditez, Dieu merci, il n’y a que ma fluxion qui me prend de temps en temps : à quoi Frosine répond : vôtre fluxion ne vous sied pas mal & vous avez grace à tousser. […] Elle ne hesita point ; elle les jetta à ce Peuple amassé ; en le priant avec des termes si touchans de donner des prieres à son mari, qu’il n’y eut personne de ces gens-là qui ne priât Dieu de tout son cœur.
― Plût à Dieu, lui répondit le grand-père, qu’il fût aussi bon Comédien que Belleroze. […] À Dieu, mon cher ami, tu juges mieux qu’homme de France. […] À Dieu, Monsieur de Molière, songez à notre pièce, il me tarde qu’elle ne paroisse. […] Elle n’hésita point ; elle les jeta à ce Peuple amassé ; en le priant avec des termes si touchants de donner des prières à son mari, qu’il n’y eut personne de ces gens-là qui ne priât Dieu de tout son cœur.