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17. (1852) Molière — La Fontaine (Histoire de la littérature française, livre V, chap. I) pp. 333-352

Si, comme on a osé le dire, ce vieux fabliau des Grecs avait été renouvelé au profit des déportements de Louis XIV et à son instigation, il n’y aurait d’égal à l’impudence du roi que la bassesse du poète. […] Le génie de Molière s’y produit dans toute sa force, avec une aisance, une pureté, une touche plus sûre peut-être encore que celle du Misanthrope, et, si on osait le dire, du Tartuffe même. […] Ces vers si souvent cités : C’est par là que Molière, illustrant ses écrits, Peut-être de son art eût emporté le prix, Si, moins ami du peuple en ses doctes peintures, Il n’eût point fait souvent grimacer ses figures, Quitté pour le bouffon l’agréable et le fin, Et sans honte à Térence allié Tabarin, auraient quelque fondement si Molière eût mêlé dans ses chefs-d’œuvre le bouffon au comique noble ; mais ne l’ayant point fait, on ne voit pas par quelle sorte de contagion Les Fourberies de Scapin, George Dandin ou La Comtesse d’Escarbagnas pourraient aller corrompre la beauté dans les pièces où elle se trouve sans alliage et enlever ainsi à Molière la palme qu’aucun poète comique n’osera lui disputer. […] N’emploie-t-il pas la plus amère ironie lorsqu’il fait, par l’entremise du serpent, le procès à l’iniquité des puissances de la terre : Mes jours sont dans tes mains, tranche-les ; ta justice, C’est ton utilité, ton plaisir, ton caprice ; Selon ces lois condamne-moi : et, pour qu’on ne puisse pas se tromper au sens de ce réquisitoire, il ose cette fois ajouter de son chef : On en use ainsi chez les grands : La raison les offense ; ils se mettent en tête Que tout est fait pour eux, quadrupèdes et gens ; puis il se ravise, et, comme pour se dérober après s’être trahi, il dira ingénument : Si quelqu’un desserre les dents, C’est un sot, j’en conviens.

18. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Antigone, sœur du mort, ose, au mépris du décret royal, couvrir de poussière le cadavre de Polynice et faire des libations sur sa tête chérie. […] Mais elles s’acharnent à Oreste, parce que la femme dont il a osé devenir le meurtrier l’avait formé et nourri dans ses entrailles. […] Ils savent combien vaine est la lutte que la folie humaine ose engager contre eux. […] Quant à moi, son disciple, je n’ose, je ne puis en faire autant. […] Ils se sont pris d’admiration pour des œuvres médiocres, et ont osé afficher avec une hardiesse effrontée leur enthousiasme pour les productions faibles ou de mauvais goût d’un genre vicieux qu’ils ont donné comme le point culminant de l’art.

19. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

— Oui, Pancrace ; j’ose le trouver bon sans le congé de messieurs les experts. […] Qui aurait osé parler aux Racine, aux Despréaux, d’un poème épique sur Adam et Ève ? […] J’osai dire aussi qu’il y a deux sortes de vers dans Boileau : les moins bons, qui sont d’un bon élève de troisième, et les meilleurs, qui sont d’un bon élève de rhétorique. […] Personne n’ose dire : nationale aussi, française sous la plume d’un Français, allemande sous celle d’un Allemand, et toute pleine de patriotisme. […] Ta toilette était de la dernière élégance, et quelques personnes osaient dire tout bas que tu ne semblais pas ignorer l’emploi des cosmétiques.

20. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE III. Choix du lieu de la Scene. » pp. 76-93

  J’osois me flatter, en moi-même,  Que, loin de vous, j’aurois trop demeuré. […] vous osez me soutenir en face, Que, plutôt qu’à cette heure, on m’ait ici pu voir ? […] Il se croit si sûr de son fait, qu’il ose défier ses rivaux de soutenir ce qu’ils avancent en présence de la fidelle Sophie.

21. (1881) Molière et le Misanthrope pp. 1-83

Je n’oserais pas trop l’affirmer, car je ne me suis rendu qu’à contre cœur, et la considération qui m’a arrêté ne me semble pas très solide au fond. […] Elle ose me parler ! […] Osez-vous recourir à ces ruses grossières ? […] Je vous trouve plaisant d’user d’un tel empire Et de me dire au nez ce que vous m’osez dire. […] — Il ose douter d’elle ?

22. (1882) Molière (Études littéraires, extrait) pp. 384-490

« Son premier châtiment est de n’oser renvoyer même les amants qu’elle méprise. […] À plus forte raison le clergé voyait-il un usurpateur dans l’audacieux qui osait empiéter sur sa juridiction. […] De là des procédés expéditifs que je n’ose appeler des maladresses. […] On n’oserait corriger ce détail : il est absous par l’éclat de rire qu’il provoque. […] Lui-même il rougira bientôt de sa lâcheté devant son frère auquel il n’ose l’avouer.

23. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VII. » pp. 125-143

C’est un placet, Monsieur, que je m’en vais vous lire, Et que, dans la posture où vous met votre emploi, J’ose vous conjurer de présenter au Roi. […] De la chere, ai-je dit, la dose est trop peu forte Pour oser y prier des gens de votre sorte. […] Il composa lui-même son épitaphe : J’ai vécu sans nul pensement, Me laissant aller doucement A la bonne loi naturelle : Et si m’étonne fort pourquoi La mort osa songer à moi, Qui ne songeai jamais à elle.

24. (1823) Notices des œuvres de Molière (VII) : L’Avare ; George Dandin ; Monsieur de Pourceaugnac ; Les Amants magnifiques pp. 171-571

Un poète comique de nos jours craindrait de faire entendre ces regrets dérisoires ou ces souhaits impies ; et il oserait encore moins peut-être présenter un fils tournant en dérision la malédiction la plus ridicule. […] Harpagon, en effet, est aussi fastueux qu’un avare peut l’être : il ne l’est point par goût, ce qui impliquerait avec son vice ; mais il l’est par une sorte de nécessité ; et cette nécessité est la gêne, la torture morale qui, si j’ose m’exprimer ainsi, fait prendre au personnage tant d’attitudes plaisantes, et donne à sa figure un jeu de physionomie si comique. […] Pourceaugnac est, si je l’ose dire ainsi, le moule d’où sont sortis depuis un siècle, et d’où sortent chaque jour encore ces milliers de petites pièces destinées à faire rire le parterre de la capitale, des ridicules d’un homme de province, qui vient par le coche à Paris, pour y épouser une jolie fille, et qui s’en retourne dans la même journée, bafoué, tourmenté, excédé par des fourbes de profession qu’un rival préféré a su mettre dans ses intérêts. […] « Molière, dit encore Voltaire, avait écrit son Avare en prose, pour le mettre ensuite en vers ; mais il parut si bon que les comédiens voulurent le jouer tel qu’il était ; et que personne n’osa depuis y toucher. » J’ignore où Voltaire a pris ce fait qu’il rapporte avec tant d’assurance ; et je ne vois rien dans L’Avare qui le confirme, si ce n’est un certain nombre de phrases plus ou moins éloignées de la simplicité du langage ordinaire, et où l’on pourrait croire que Molière cherchait d’avance à introduire quelques-unes des formes propres à la versification. Depuis l’époque où Voltaire écrivait ces lignes, on a osé toucher à L’Avare, c’est-à-dire le mettre en vers.

25. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE V. L’Éducation des Femmes. » pp. 83-102

Après avoir jour la précieuse ridicule, il osa jouer la vraie précieuse 302. […] Une femme d’esprit peut trahir son devoir : Mais il faut, pour le moins, qu’elle ose le vouloir ; Et la stupide, au sien peut manquer d’ordinaire, Sans en avoir l’envie et sans penser le faire331. […] En somme, la juste appréciation de l’École des Femmes est celle qu’exprimait Boileau dans les Stances qu’il envoyait à Molière pour ses étrennes de 1663, quatre jours après la première représentation336 : En vain mille jaloux esprits, Molière, osent avec mépris Censurer ton plus bel ouvrage ; Sa charmante naïveté S’en va pour jamais d’âge en âge Divertir la postérité.

26. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVI. » pp. 294-322

Arlequin, rassuré, fait venir la fausse Tiennette, qui reconnoît Célio : Célio la reconnoît aussi ; mais ils n’osent rien dire à cause d’Arlequin qui s’en va un instant après, & leur laisse le temps de faire leur reconnoissance. […] traître, oses-tu bien, par cette fausseté, Vouloir de sa vertu ternir la pureté ? […] Je vous apprends, moi, lui dit froidement Blanche, que je n’irai plus à l’église qu’avec mon pere, en présence de qui vous n’oseriez m’avoir dit la moindre chose ; que vous passeriez cent fois le jour devant la porte du logis, que je ne vous remarquerai pas une ; & loin d’avoir la foiblesse de vous retenir, puisque, vous sorti d’ici, vous promettez de n’y rentrer de votre vie, je voudrois que vous en fussiez déja dehors. […] Remercions Moliere d’avoir transporté sur notre scene les adieux des amants Espagnols ; je suis fâché qu’il n’ait point pu, ou qu’il n’ait pas osé mettre en action le verre d’eau que Don Diegue demande : il est sublime.

27. (1802) Études sur Molière pp. -355

La ceinture de Boccace pouvait séduire un imitateur, à cause de la devise : je vous aime et n’ose vous le dire . […] Qu’on se représente surtout le malheureux époux obligé de quitter la scène sans pouvoir, sans oser proférer une parole ; et qu’on dise ensuite, si un dénouement pareil, outre qu’il est plaisant, ne prémunit pas bien contre les démarches précipitées de la plupart des hommes en se choisissant une compagne. […] Molière, contraint de retirer sa pièce, n’osa même pas la faire imprimer. […] Il est des comédiens que personne n’ose remplacer. […] Pourquoi, dans ses disputes avec Boileau, osa-t-il mêler un homme qui l’avait toujours assez dédaigné pour ne pas s’occuper de lui ?

28. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [12, p. 43-44] »

Le déchaînement était si grand, que Molière n’osait se montrer.

29. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXI. Du Genre mixte. » pp. 241-252

Car, d’oser à vous-même... […] Car, d’oser à vous-même...

30. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

Il leur prête le projet d’une académie qui fera dans la langue des remuements ; une fondatrice ose dire : Par nos lois, prose et vers tout nous sera soumis, Nul n’aura de l’esprit hors nous et nos amis. […] De nos jours, des commentateurs ont osé faire ce dont les écrits du temps de Molière se sont abstenus, et ce à quoi la volonté de Molière a été de ne donner ni occasion, ni prétexte ; ils ont pris sur eux d’appliquer des noms propres aux personnages ridicules, même odieux des Femmes savantes.

31. (1885) Revue dramatique. Le répertoire à la Comédie-Française et à l’Odéon (Revue des deux mondes) pp. 933-944

Dans la seconde, Le Cid, Horace, Polyeucte osent poindre ils reviennent de loin ; c’est déjà beau qu’ils arrivent trois ; ne demandons pas quand suivra le reste. […] Dois-je proclamer qu’on s’en défie, et qu’on n’ose guère, après expérience, lui proposer des classiques ? […] Mounet-Sully, trop souvent malade et qui ne saurait suffire à tout, qui oserez-vous nommer ?

32. (1877) Molière et Bourdaloue pp. 2-269

Mais pour oser, il attendait quelque chose, — et c’était simplement de n’avoir rien à craindre. […] Les courtisans osèrent murmurer. […] Bourdaloue osa attaquer plus fortement et plus clairement que de coutume la passion qui la faisait si forte. […] Les courtisans se regardaient sans oser s’adresser la parole. […] En vrai moraliste, il sait lire dans les cœurs ; en vrai chrétien, il ose lire tout haut.

33. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE V. Des Vers & de la Prose dans les Comédies. » pp. 103-117

Si j’osois vous montrer une preuve assurée Que son cœur... […] Si je vous osois, moi, découvrir un secret...

34. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXV. Du contraste des Caracteres. » pp. 386-397

J’ose penser que si le public ne croit pas dans la premiere scene voir autant le Philanthrope que le Misanthrope, ce n’est ni au titre ni à l’annonce que l’Auteur en a l’obligation : c’est encore moins à la précaution de mettre dans la bouche d’Alceste des raisons triomphantes & de faire de Philinte un sot ; de bien plaider la cause du Misanthrope, de mal plaider celle du prétendu Philanthrope ; mais à l’adresse de différencier les deux rôles sans les faire contraster, puisqu’Alceste est l’ennemi déclaré du genre humain, & que Philinte, loin d’être l’ami déclaré des hommes, les plaint sans les aimer, souffre leurs défauts uniquement par la nécessité de vivre avec eux, & l’impossibilité de les rendre meilleurs. […] Voilà la logique de la plupart de ceux qui ont osé donner des bornes à un art dans lequel ils ne se sont jamais exercés.

35. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. M. GOLDONI. » pp. 468-479

Madame Baccelli est dans cette piece une riche fermiere : sa fille & le valet de la ferme s’aiment secrètement ; mais l’humeur de la mere les effarouche ; ils n’osent pas lui déclarer leur tendresse. […] J’ose dire hardiment qu’un homme assez favorisé des cieux pour naître aujourd’hui avec autant de génie que Pocquelin, ne pourroit se flatter de monter aussi haut sur le Parnasse.

36. (1840) Le foyer du Théâtre-Français : Molière, Dancourt, I pp. 3-112

Voiture osait écrire à la marquise que Michel-Ange n’aurait pas désavoué les dessins qu’elle faisait en jouant. […] L’Ariste de Molière permet, lui, à sa pupille Léonor d’aller à la comédie, au bal, toute seule, avec sa suivante, et c’est assurément oser beaucoup. […] On prétend qu’il avait osé lever les yeux vers l’astre nouveau qui commençait à briller à la cour, vers la jeune La Vallière, cette tendre fille d’honneur. […] Les gens qui la trouve mauvaise ne doivent pas se la permettre: d’ailleurs Boursault avait osé donner à un théâtre rival son Portrait du peintre. […] Adraste fait semblant de poursuivre une de ses esclaves, Zaide, qui a osé se dévoiler en public ; Zaide se réfugie dans la maison de don Pèdre, lequel s’entremet dans cette affaire, et cherche à l’arranger honnêtement.

37. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [58, p. 95-96] »

Pour venger Molière de tous ses détracteurs, Boileau fit les stances suivantes qu’il envoya à son ami :   En vain mille jaloux esprits,   Molière, osent avec mépris   Censurer ton plus bel ouvrage :   Sa charmante naïveté,   S’en va pour jamais d’âge en âge Divertir la postérité.

38. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXI. De la Catastrophe ou du Dénouement. » pp. 503-516

Moliere a, sans contre-dit, quelques dénouements défectueux ; mais j’ose soutenir que dans cette partie même, il est infiniment au-dessus des Anciens. Quant aux Modernes, qui osera lutter contre lui ?

39. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VII. Des Comédies Allégoriques. » pp. 75-90

Il en est une infinité dont je n’ose pas même rapporter le titre. […] Rosette lui offre sa rose : il n’ose la cueillir, crainte d’être pendu.

40. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXVII. Du titre des Pieces à caractere. » pp. 417-432

 Pirante osa compter sur elle ; Et par un testament d’espece fort nouvelle  Il fit l’honneur à ce parent, Non de recommander à ses soins son enfant, Mais de le subroger en sa place de pere : En un mot, comme un don, imposant ce devoir, De sa fille à nourrir, élever & pourvoir,  Il fit Eraste légataire. […] J’ose parier que si le titre lui eût promis un Anglomane, il auroit été aussi satisfait qu’il étoit mécontent : il me l’a prouvé lui-même.

41. (1819) Introduction aux œuvres de Molière pp. -

Si les objets et les sons doivent être calculés d’après les données matérielles du théâtre, il y a aussi une optique, et, si je l’osais dire, une acoustique de l’esprit. […] Il eût peut-être gagné à se présenter seul, et j’ose même souhaiter qu’il soit lu sans interruption. […] J’ai osé, ailleurs, juger le poète et analyser ses ouvrages : c’est assez d’une fois ; je dois me contenter ici de peindre l’homme et de raconter les actions de sa vie. […] Comme, dans son piteux accoutrement, il n’osait se présenter lui-même, Baron se chargea de sa supplique. […] J’oserais croire, si Molière avait vécu, qu’insensiblement il n’aurait pas fait grand fonds sur les rôles de valet dans ses comédies.

42. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XV. Des Actes. » pp. 274-288

Moliere n’est pas le premier, comme on le croit, qui ait osé s’y soustraire. […] On a encore la sotte timidité de n’oser pas en produire en quatre, quoique les comédiens, en réduisant à ce nombre ceux du Mercure Galant 38, nous aient prouvé que la chose n’étoit pas ridicule.

43. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XII. Des Pieces intriguées par une Soubrette. » pp. 135-150

J’ose dire que l’un & l’autre tendent au même but par un art tout-à-fait différent. […] « Mon pere, après avoir eu le malheur de vous déplaire, je n’ose paroître à vos yeux ; mais je crois devoir vous avertir de ne pas ajouter foi à ce que Frontin pourra vous dire...

44. (1821) Sur le mariage de Molière et sur Esprit de Raimond de Mormoiron, comte de Modène pp. 131-151

D’un autre côté, Montfleuri, comédien qui osait être rival de Molière, crut si bien qu’Armande-Grésinde était fille de la comédienne Bejard, qu’il accusa Molière d’avoir épousé la fille et d’avoir vécu autrefois avec la mère25, parce que Molière avait en effet vécu intimement avec cette comédienne. […] Elle n’osa jamais prendre celui de Modène, dont la famille ne l’aurait pas souffert.

45. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Pantalon survient, mais il n’ose aborder la comédienne, parce qu’il aperçoit sa femme à la fenêtre. […] Se peut-il trouver au monde Quelque autre humaine faconde Qui la sienne ose égaler ?

46. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

pour oser, de gaieté de cœur, s’attaquer à Molière ! […] — Elle n’ose pas oser, on voit qu’elle comprend, ou tout au moins qu’elle devine. […] — Tromper mon père, je n’oserais, mais tromper Thaïs !  […] On dit tout, et par suite on ose tout. […] Ce n’est pas lui à qui dona Elvire elle-même oserait offrir son crédit ou son argent.

47. (1870) La philosophie dans le théâtre de Molière (Revue chrétienne) pp. 326-347

Il est vrai qu’un certain Sganarelle ose traiter ce grand homme de « bavard (24)». […] Mais cette demi-conclusion, si j’ose dire, nous suffit déjà en métaphysique, et surtout en physique. […] Nous n’avons vu encore qu’un côté, et, j’ose dire, le moins intéressant de la question qui nous occupe. […] Je parle de cette influence indirecte, cachée, latente, si j’ose dire, d’un caractère sur un autre, — influence que ne troublent pas les plus grandes divergences d’opinions, — influence qui gagne le cœur, s’insinue jusqu’au centre même de la vie, et de là transforme l’homme tout entier, — et le possède quelquefois d’autant mieux qu’il en a moins conscience.

48. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Il n’a pas voulu… il n’eût pas osé dépasser les petits marquis, ce grain de sable, dont le roi avait dit à Molière : tu n’iras pas plus loin ! […] ils commençaient, comme leurs pères n’eussent pas osé finir ! […] Au temps de La Bruyère, la viande noire était hors de mode ; aujourd’hui, la mode, qui s’attache à tout, n’oserait s’attacher à la viande. […] La langue qu’il parle est si retenue en ses plus vifs emportements, elle a quelque chose de si réservé, même quand elle ose le plus, elle est si bien le langage de la meilleure compagnie, même quand elle passe par la bouche de Frontin ou de Lisette, qu’il est impossible, aux femmes les plus sévères, de ne pas écouter, malgré elles, et même assez volontiers, ces beaux discours fleuris, à rencontre des choses du cœur, ces folles dissertations d’amour, cette éloquence enivrante qui appartient beaucoup plus aux sens et à l’esprit qu’elle ne vient de l’âme. […] Alors vraiment arriva la fin du monde, et nul depuis ce temps, n’a osé reprendre cette facile, et dangereuse conversation du siècle révolté de Voltaire et de Diderot.

49. (1739) Vie de Molière

Sa vieille réputation fit que les comédiens osèrent la jouer en 1719, mais ils ne purent jamais l’achever. […] Si on osait encore chercher dans le cœur humain la raison de cette tiédeur du public aux représentations du Misanthrope, peut-être les trouverait-on dans l’intrigue de la pièce, dont les beautés ingénieuses et fines ne sont pas également vives et intéressantes ; dans ces conversations même, qui sont des morceaux inimitables, mais qui n’étant pas toujours nécessaires à la pièce, peut-être refroidissent un peu l’action, pendant qu’elles font admirer l’auteur ; enfin dans le dénouement, qui, tout bien amené et tout sage qu’il est, semble être attendu du public sans inquiétude, et qui venant après une intrigue peu attachante, ne peut avoir rien de piquant. […] Mais on ose dire que Plaute n’a point assez profité de cette situation, il ne l’a inventée que pour la manquer ; que l’on en juge par ce trait seul : l’amant de la fille ne paraît que dans cette scène ; il vient sans être annoncé ni préparé, et la fille elle-même n’y paraît point du tout. […] On n’oserait aujourd’hui hasarder la scène où le Tartuffe presse la femme de son hôte ; on n’oserait se servir des termes de Fils de putain, de Carogne, et même de Cocu ; la plus exacte bienséance règne dans les pièces modernes.

50. (1856) Molière à la Comédie-Française (Revue des deux mondes) pp. 899-914

Oser dire le contraire, c’est méconnaître l’évidence. […] Pour un spectateur qui ose dire : Je m’ennuie, ou je m’amuse, on en trouve cent qui disent : Que pensez-vous de la pièce ? […] Si les spectateurs en effet ne consultaient qu’eux-mêmes, n’écoutaient que leurs sentiments intimes, ils n’hésiteraient pas à dire que les comédiens font fausse route ; mais habitués à croire que le Théâtre-Français possède la vraie tradition, ils n’osent se prononcer.

51. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIX. Des Méprises, des Equivoques & de ce qu’on appelle quiproquo au Théâtre. » pp. 474-489

D’après le sentiment d’un aussi grand homme, & d’après l’expérience, on n’osera plus douter que les méprises, les équivoques ne soient les ressorts les plus propres à exciter le rire. […] J’entends ce que veut dire un si cruel silence, Vous n’osez...

52. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXX. Des Caracteres propres à tous les rangs. » pp. 328-330

Leur morgue n’en auroit pas imposé chez un grand ; leur bassesse n’y auroit eu rien d’extraordinaire, ou bien y auroit passé pour une maniere honnête de faire la cour ; & ils n’eussent point osé s’y battre.

53. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XI. Du Dialogue. » pp. 204-222

Ce m’est, je le confesse, une audace bien grande Que d’oser de ce cœur vous adresser l’offrande ; Mais j’attends en mes vœux tout de votre bonté, Et rien des vains efforts de mon infirmité. […] Je n’ose : Et vous vous facherez peut-être contre moi.

54. (1858) Molière et l’idéal moderne (Revue française) pp. 230-

En face d’Alceste, elle ose demander des sièges pour tous ! […] Un amour d’un autre genre eût peut-être triomphé de ce triomphe ; Alceste en est furieux, et comme il n’ose pas s’en prendre à celle qui a parlé, il se venge sur ceux qui ont entendu.

55. (1819) Notices des œuvres de Molière (II) : Les Précieuses ridicules ; Sganarelle ; Dom Garcie de Navarre ; L’École des maris ; Les Fâcheux pp. 72-464

En effet, si le faux bel esprit ne fut pas anéanti du coup que lui avait porté Molière, du moins il cessa de dominer, de triompher, d’insulter publiquement à la raison et au bon goût, enfin, de former un parti puissant devant lequel celui du véritable esprit osait à peine se montrer. […] Comme Molière avait rempli le principal rôle dans ses deux derniers ouvrages, et que la verve comique de son jeu y avait été fort goûtée, ils affectèrent de louer le comédien aux dépens de l’auteur ; ils convinrent que Molière était un fort bon mime qui, par ses gestes et ses grimaces vraiment risibles, faisait beaucoup valoir des scènes grossières et insipides ; mais forcés de reconnaître son talent pour la farce, ils voulurent l’y renfermer ; ils lui firent, pour ainsi dire, défense d’en sortir, le menaçant des choses les plus humiliantes, s’il osait franchir ce cercle étroit où ils l’emprisonnaient ; en un mot, ils le déclarèrent incapable de jamais réussir dans le genre noble et sérieux. […] Il est ingénieux et piquant sans doute ; mais j’oserai dire aussi qu’il est invraisemblable ; qu’il appartient à ce comique de convention, à ce comique forcé et chargé, qui caractérise la farce plutôt que la véritable comédie.

56. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XLIII. Du But Moral. Philosophie de Regnard comparée à celle de Moliere. » pp. 504-548

Le Diable s’est si bien emparé d’un château, que personne n’ose plus l’habiter. […] Jamais : j’ose bien en défier le Lecteur. […] Ils n’osent pas dire tout-à-fait qu’on apprend à prêter à usure & à être un scélérat, en voyant jouer l’Avare & le Tartufe : « mais il n’y a pas de jeune homme, disent-ils, qui, en fréquentant le théâtre, n’y apprenne des moyens pour mener une vie déréglée, à l’insu de ses parents ; point de valet qui n’y trouve des leçons pour tromper son maître ; point de jeune personne qui n’y puisse apprendre toutes les ruses imaginables pour conduire une intrigue amoureuse ». […] Moliere, non content d’avoir étouffé les monstres littéraires, a même osé attaquer jusques dans le champ de leur triomphe, c’est-à-dire jusques sur le théâtre, les ridicules des comédiens de son temps, leur ton faux & outré avec leur déclamation chantante.

57. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXV. Des Caracteres généraux. » pp. 263-267

Cependant si j’osois risquer mon avis après celui de personnes aussi respectables, je dirois que dans tous les pays, chez tous les peuples, les hommes ont un culte ; qu’on y voit des dévots & des indévots, des crédules à l’excès, & des incrédules ; que les derniers, cherchant à profiter de la crédulité des autres, se couvrent du manteau révéré.

58. (1825) Notices des œuvres de Molière (IX) : La Comtesse d’Escarbagnas ; Les Femmes savantes ; Le Malade imaginaire pp. 53-492

Mais peut-être qu’à l’époque où écrivait Molière, les traitants, en général, encore retenus par le frein des bienséances publiques, ainsi que par la crainte des chambres ardentes, n’étalaient pas ce scandaleux abus de leur scandaleuse richesse, qui, plus tard, leur attira les rigueurs de la censure du théâtre ; peut-être qu’il fallut un relâchement considérable dans le gouvernement et dans les mœurs, pour qu’ils osassent en venir à ce point d’impudente dépravation, dont le chef-d’œuvre de Lesage est à la fois le tableau et le châtiment. […] Lorsque le sonnet sur la fièvre de la princesse Uranie et le madrigal sur le carrosse amarante sont extraits textuellement des œuvres imprimées du malencontreux poète, qui oserait soutenir que ce nom de Tricotin n’est pas le nom de Cotin même, précédé d’une syllabe qui l’allonge et ne le déguise pas ? […] À peine son successeur osa-t-il parler de lui ; et, comme si l’on eût craint de divulguer le peu qu’il en avait dit, son discours ne fut point inséré dans le recueil des harangues de la compagnie. […] Thomas, si je l’ose dire, en voulut mal à Molière : il se persuada, du moins, qu’il avait contribué à établir, chez notre nation moqueuse, ce préjugé contre le savoir des femmes, dont sa vertueuse amie lui paraissait être victime ; et, pour la venger, pour la louer en même temps, il affronta courageusement le ridicule d’enseigner à Molière comment il aurait dû s’y prendre pour faire sa comédie. […] Chrysale, qui aurait droit de donner des ordres à sa femme, n’ose pas même lui adresser des reproches, et il se sert d’un détour pour lui faire entendre quelques vérités qu’il ne peut plus retenir : Clitandre, qui voit le sort de son amour dépendre de cette femme impérieuse, ne saurait se faire violence au point d’admirer ses écrits, et il la blesse sensiblement en perçant devant elle, des traits les plus acérés, l’homme dont elle est enthousiasmée.

59. (1765) Molière dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (compilation) pp. 2668-16723

D’abord on osa mettre sur le théatre d’Athenes des satyres en action, c’est-à-dire des personnages connus & nommés, dont on imitoit les ridicules & les vices : telle fut la comédie ancienne. […] Témoin la comédie des Nuées, exemple mémorable de la scélératesse des envieux, & des combats que doit se préparer à soûtenir celui qui ose être plus sage & plus vertueux que son siecle. […] Quelque critique pour condamner ce genre, a osé dire qu’il étoit nouveau ; on l’en a cru sur sa parole, tant la legéreté & l’indifférence d’un certain public, sur les opinions littéraires, donne beau jeu à l’effronterie & à l’ignorance. […] Il est borné pour les lieux & pour les tems, au cercle du ridicule qu’il attaque ; mais il n’en est souvent que plus loüable, attendu que c’est lui qui empêche le ridicule de se perpétuer & de se répandre, en détruisant ses propres modeles ; & que s’il ne ressemble plus à personne, c’est que personne n’ose plus lui ressembler. […] C’est ainsi que dans un dénouement qui a essuyé tant de critiques, & qui mérite les plus grands éloges, il a osé envoyer l’hypocrite à la greve.

60. (1861) Molière (Corneille, Racine et Molière) pp. 309-514

Bientôt son génie s’y sentit au large ; il osa s’abandonner et voler de ses propres ailes : Les Précieuses ridicules ne se firent pas attendre. […] De sûrs indices font bientôt reconnaître si le succès est de bon aloi, et les succès que l’on n’ose pas avouer ne durent pas longtemps.     […] C’est un art de qui l’imposture est toujours respectée; et, quoiqu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle. […] Elle osait marcher le front haut et se trahir impudemment. […] Mais par Les Femmes savantes il fit un pas de plus; il osa désigner nettement les auteurs qu’il avait particulièrement en vue, Ménage et Cotin.

61. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXIX. De l’action dans les Pieces à caractere. » pp. 448-468

Y a-t-il rien là qui sente un Glorieux qui ne parle pas à ses gens, & qui peigne la timidité de ses domestiques qui n’osent pas respirer devant lui ? […] Le dernier est fier d’un avantage qu’il possede réellement, & qu’il met au-dessus de tout ; les premiers, d’un avantage qu’ils croient posséder, & qui leur fait tout oser : l’un le soutient avec une fierté noble qui lui sied ; les autres, avec une impertinence qui ajoute un ridicule à leurs prétentions.

62. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE V. D’Ancourt imitateur, comparé à Moliere, la Fontaine, Saint-Yon, le Sage, Montfleury, &c. » pp. 133-184

Oui, je vous aurois pu passer toute autre affaire : Mais oser dégrader le bien de votre mere !... […] A cet heureux projet je n’osois pas m’attendre ; Il vient de vous. […] Dedans l’esprit il me vint aussi-tôt De l’étrangler & lui manger la vue : Il tint à peu ; je n’en fus retenue Que pour n’oser un tel cas publier : Même à dessein qu’il ne le pût nier, Je fis semblant d’y vouloir condescendre ; Et cette nuit, sous un certain poirier, Dans le jardin je lui dis de m’attendre. […] Le mari n’ose reparoître crainte d’être poursuivi pour crime de polygamie.

63. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Nul n’eût osé parler ainsi de Monsieur le premier Président. […] Dites-moi, de nos jours, dans quel royaume de la terre, prince absolu ou roi constitutionnel, un poète comique oserait mettre au jour, une chose à ce point hardie et contraire à toutes les bienséances ? […] L’homme qui rit est plus féroce que le tigre qui dévore. — Faites l’analyse de cette torture, si vous l’osez. — Ses entrailles étaient brûlées, et le parterre s’amusait fort, entendant M.  […] Voilà pourtant à quelles misères descendait la noblesse pauvre, et quelles misères Molière osait raconter à la cour même de Louis XIV ! […] Quand, enfin, Sganarelle ose avouer au seigneur Alcantor toutes ses répugnances au mariage projeté, le seigneur Alcantor se retire sans rien laisser paraître de ses chagrins.

64. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVII. Pieces intriguées par une chose inanimée. » pp. 199-203

Arlequin & Argentine ouvrent le second acte : l’un a envie de donner son portrait & n’ose l’offrir, l’autre brûle de l’avoir.

65. (1821) Scène ajoutée au Boulevard Bonne-Nouvelle, pour l’anniversaire de la naissance de Molière pp. -

Toi que nous admirons, sans oser nous flatter Que parmi tes enfants tu daignes nous compter, Pardonne notre audace au feu qui nous anime : Que notre amour nous légitime, Et soyons tes enfants, au moins pour te fêter.

66. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Mais le poète n’aura pas osé en tant faire. […] Souvenez-vous que Bossuet lui-même, en pleine chaire et faisant l’oraison funèbre de Henriette d’Angleterre, n’a pas osé prononcer le nom de Cromwell ! Donc, moins cela, Don Juan ose tout. […] Vraiment, c’est être bien osé que de se moquer de nous à ce point-là ! […] Ce Bragelone est toujours le même ; il faisait planter du chèvrefeuille au premier acte, il n’ose pas toucher aux reliques de sa maîtresse !

67. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXI. Des Caracteres de tous les siecles, & de ceux du moment. » pp. 331-336

C’est là le vrai moyen d’oser impunément Permettre à mes desirs un plein emportement.

68. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IX. Du Genre larmoyant. » pp. 103-122

Erreur accréditée par les Auteurs & les Acteurs, qui, privés des dons rares & précieux qu’il faut avoir reçus de la nature pour la peindre gaiement, & pour exciter la joie du public, n’osent avouer leur insuffisance, veulent jouer un rôle dans le monde, & feignent de suivre par raison une carriere où leur foiblesse seule les conduit. […] « Madame, j’ai prié Monsieur votre frere de vous rendre cette lettre, qui vous dira ce que je n’ai osé vous aller dire.

69. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Si j’osais, je joindrais mes prières à celles de ces messieurs. […] Comme ma vieillesse ne me permet pas de suivre ma fille dans l’empire de la Lune, oserais-je demandera Votre Hautesse de quelle humeur sont ses sujets ?

70. (1824) Notice sur le Tartuffe pp. 91-146

« La profession d’hypocrite a de merveilleux avantages ; c’est un art de qui l’imposture est toujours respectée, et, quoiqu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle. […] L’auteur inconnu de cette diatribe met en scène Laurent, valet de Tartuffe, qui n’est nommé qu’une fois dans la pièce de Molière, mais qui n’y paraît point ; et dans un tête-à-tête avec Lise, suivante de la maison, il travestit grossièrement la fameuse scène où l’hypocrite ose avouer à Elmire sa criminelle passion. […] L’écrivain frénétique n’ose attaquer le roi, il commence même par en faire un pompeux éloge. […] De profonds scélérats ont cru y trouver un abri pour tous leurs crimes : l’empoisonneur Desrues osait invoquer le nom de Dieu ; et l’assassin Maingrat, ce prêtre impie et féroce dont le crime a épouvanté notre époque, avait fasciné tous les yeux par une sorte de dévotion sauvage qui se refusait même aux plus innocentes distractions, qui interdisait tous les plaisirs comme profanes, et qui condamnait la jeunesse elle-même aux austérités de la vie des anachorètes. […] Songez seulement si vous oserez soutenir à la face du ciel des pièces où la vertu et la piété sont toujours ridicules, la corruption excusée et toujours plaisante… « La postérité saura peut-être la fin de ce poète comédien, qui, en jouant son Malade imaginaire, reçut la dernière atteinte de la maladie dont il mourut peu d’heures après, et passa des plaisanteries du théâtre, parmi lesquelles il rendit presque le dernier soupir, au tribunal de celui qui dit : Malheur à vous qui riez, car vous pleurerez ! 

71. (1821) Notices des œuvres de Molière (VI) : Le Tartuffe ; Amphitryon pp. 191-366

C’est un art de qui l’importance est toujours respectée ; et, quoiqu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle. […] Il n’en fallait pas moins pour qu’il osât se produire sur un théâtre moderne. […] Les auteurs si exacts de l’Histoire du Théâtre-Français n’osent l’assurer ; mais Voltaire l’affirme, et il prétend même que La Critique du Tartuffe était donnée, sur le théâtre de l’Hôtel de Bourgogne, à la suite de La Femme juge et partie, comédie de Montfleury, dont le succès, dit-il, balançait celui du Tartuffe.

72. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VIII. » pp. 144-179

Une femme d’esprit peut trahir son devoir, Mais il faut pour le moins qu’elle ose le vouloir ; Et la stupide au sien peut manquer d’ordinaire, Sans en avoir l’envie, & sans penser le faire. […] Don Pedre étoit l’homme le plus satisfait du monde de trouver dans sa femme encore plus de simplicité qu’il n’en eût osé espérer. […] Commandons à toute personne De bien soutenir son parti ; Et donnons un beau démenti A qui sera si téméraire D’oser avancer le contraire.

73. (1874) Leçon d’ouverture du cours de littérature française. Introduction au théâtre de Molière pp. 3-35

La deuxième supposition est la plus probable, à en juger par certaines situations fort risquées (dans la pièce d’Abraham par exemple) dont je n’oserais vous reproduire l’analyse, et que l’on se figure difficilement avoir été représentées par une troupe de nonnes devant leur abbesse. […] Celle qui est donnée comme le modèle du genre, et que les frères Parfait n’osent (tant elle est belle) attribuer à P, Gringore, m’a paru un chef-d’œuvre fort ennuyeux. […] Je n’ose toutefois, Messieurs, insister sur cette conjecture, qui est peut-être Une hérésie, et je me hâte de terminer.

74. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVI. Pieces intriguées par un événement ignoré de la plupart des Acteurs. » pp. 192-198

Ma femme n’en sait rien : je n’ose l’en instruire.

75. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIV » pp. 251-258

Et qui pourrait affirmer que l’espèce de trahison du roi envers cette même madame de Montausier, lorsqu’il trompa la reine et elle sur ses relations avec madame de Montespan, l’incurable maladie qui accabla madame de Montausier lorsqu’elle fut détrompée, et enfin sa mort, qui arriva pendant que l’Amphitryon de Molière amusait la cour et le public par le spectacle d’un mari malheureux ; qui oserait assurer, malgré les apparences, que ces faits n’eurent aucune influence sur l’esprit du roi ?

76. (1819) Notices des œuvres de Molière (IV) : La Princesse d’Élide ; Le Festin de Pierre pp. 7-322

Du reste, il a mis dans ces changements toute la discrétion, toute la réserve, toute l’absence de prétention personnelle, que commandait le grand nom de Molière à un écrivain digne de l’admirer ; et, comme ces artistes adroits qui rendent une seconde vie aux chefs-d’œuvre du pinceau, en les transportant sur une toile nouvelle, et en réparant les outrages qu’ils ont reçus du temps, il a, si je l’ose dire ainsi, mis sa versification au ton de celle de Molière, évité soigneusement tout ce qui pouvait déceler une touche trop moderne, et mérité qu’en plus d’un endroit on pût attribuer au maître lui-même l’heureux travail de l’élève. […] Enfin, dom Juan, orné de mille qualités brillantes dont il s’est fait des instruments de vices, et capable de subjuguer ou de séduire tout ce qui l’entoure, soit par la vigueur de son caractère, soit par le charme de sa personne et de son langage, dom Juan est, si j’ose m’exprimer ainsi, un monstre sublime et le beau idéal de la scélératesse.

77. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Car enfin, s’ils ont lieu, nous voilà réduits à ne nous plus croire ; nos propres sens seront esclaves en toutes choses ; et, jusques au manger et au boire, nous n’oserons plus trouver rien de bon, sans le congé de messieurs les experts. […] C’est bien assez d’avoir osé, après Kant, dogmatiser un peu sur la beauté. […] Vous avez sur l’Europe un avantage, vous goûtez Aristophane ; vous le goûtez à force d’intelligence et de science ; car j’ose dire que ce n’est plus un goût naturel, et si l’on représentait aujourd’hui ses pièces à Londres, à Paris ou même à Berlin, j’imagine que le public serait trop étonné pour songer à se divertir. […] Boileau s’étonne que l’on ose combattre les règles de son Art poétique, après qu’il a déclaré que c’était une traduction de celui d’Horace.

78. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE PREMIER. Des différents Genres en général. » pp. 1-8

Il faut que l’Esprit & Clinquant aient conspiré de nouveau contre le Génie & le Bon-sens, puisque ces derniers n’osent plus paroître.

79. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE III. Des Pieces à spectacle. » pp. 30-36

Les Auteurs Italiens, singes nés des Auteurs Espagnols, n’ont pas osé, à la vérité, mettre en jeu les Anges & les Saints, sous les yeux du Chef de la Religion ; mais ils ont bien pris leur revanche avec les diables, les démons, les sorciers.

80. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIV. M. BARTHE. » pp. 413-419

Et moi, j’ose prétendre Qu’un jaloux ou qu’un fat peuvent seuls s’y méprendre.

81. (1739) Vie de Moliere (Réflexions sur les ouvrages de litérature) [graphies originales] « Chapitre » pp. 252-262

Envain mille jaloux esprits, Moliere, osent avec mépris Censurer ton plus bel Ouvrage ; Sa charmante naïveté S’en va pour jamais d’âge en âge Enjouer la posterité.

82. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XII » pp. 100-108

Enfin Mazarin osa proposer sa nièce à la reine, qui rejeta sa proposition avec hauteur.

83. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

Mais il était ami plus fidèle que courtisan habile, quand il écrivait son élégie Aux Nymphes de Vaux, en faveur de Fouquet, il implorait pour lui la clémence de Louis XIV, sachant très bien, et son élégie même en contient la preuve, qu’il avait à défendre, non, comme le croyait le public, le ministre prévaricateur, mais le galant magnifique et téméraire, qui avait osé prétendre au cœur de la maîtresse du monarque et essayé de la séduire.

84. (1852) Légendes françaises : Molière pp. 6-180

Gassendi, de son côté, proclamait l’existence du vide, découvrait cinq satellites de Jupiter, attaquait les sectateurs d’Aristote, et osait défendre, contre les médecins et les théologiens, le système de Harvey sur la circulation du sang. […] Molière voyait sa troupe assez formée pour oser la produire devant la cour. […] À peine sur le théâtre en osait-il redire quelques traits ! […] Molière, par cela même qu’il osait chaque jour interroger ses propres sentiments, sentit plus qu’aucun autre sa solitude, ses faiblesses, les contradictions de son âme... […] Mais qu’on osât les jouer eux-mêmes, leur arracher le masque, voilà ce qu’ils ne pouvaient souffrir.

85. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

— Je n’ose.

86. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. De la Décence & de l’Indécence. » pp. 314-341

Osez-vous bien après cela vous présenter aux yeux du monde ? […] Si j’osois risquer mon sentiment après celui d’un aussi grand homme, je la croirois imitée de Champagne le Coëffeur, comédie en un acte & en vers de huit syllabes, par M.

87. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Il fit dire par Narcisse à Néron, dans Britannicus : … Ignorez-vous tout ce qu’ils osent dire ? […] C’est un art de qui l’imposture est toujours respectée, et, quoiqu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle. […] Il est aussi ridicule qu’injurieux pour la mémoire de deux grands hommes de penser un seul instant que l’un eût osé proposer une aussi licencieuse mascarade, et que l’autre se fût oublié au point de l’autoriser. […] Ses envieux ne lui ménagèrent pas les reproches pour avoir osé attaquer une classe et un art aussi redoutables. […] Il fit parler à M. de Montausier par quelques personnes, car peu osèrent s’y hasarder, et ces personnes furent fort mal reçues.

88. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Pantalon n’osait dire le contraire, quelque envie qu’il en eût.

89. (1730) Poquelin (Dictionnaire historique, 4e éd.) [graphies originales] pp. 787-790

C’est donc très-injustement que l’on a dit qu’il l’avoit loué par politique, & par la crainte d’en être raillé publiquement, soit qu’il ne dit rien à son avantage, soit qu’il osât le critiquer. […] Je suis fâché, luy dis-je, que vous ayez presque quitté vos anciennes Pieces, elles étoient du goût de toutes les personnes de bon sens, on y trouvoit plusieurs choses utiles pour les Mœurs, & votre Theatre étoit un lieu où j’ose dire qu’en y voyant le ridicule du vice, on se sentoit porté même par la seule raison à prendre le parti de la vertu.

90. (1873) Le théâtre-femme : causerie à propos de L’École des femmes (Théâtre de la Gaîté, 26 janvier 1873) pp. 1-38

Parce que, enfin, sous la provocante toilette de la forme, derrière le mot qui ose, le trait qui porte, la saillie qui éclate et flambe, il y a le fond : une action forte, comprise largement, étudiée puissamment, conduite selon l’art approfondi du théâtre, selon la science exacte de la vie... […] Aussi, malgré mon vif désir de lettré, je n’ose pas prendre au sérieux cette renaissance tragique qui est saluée de tous, côtés par des cris de joie si respectables.    .

91. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE XI. De la Religion. Principe et Sanction de la Morale de Molière. » pp. 217-240

Que dire de celui qui a fait le Tartuffe, et mis sur la scène ce qu’un moraliste osait à peine insinuer dans un livre spirituel769, ce qu’un prédicateur n’osait pas prononcer du haut de la chaire770 ?

92. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Il lui est impossible de ne pas regretter un peu et tout bas ces orages qu’elle n’a pas osé affronter de compagnie avec Alceste. […] J’oserais presque dire qu’elle ne va pas sans quelque ombre d’ennui. […] traître, oses-tu bien, par cette fausseté Vouloir de sa vertu ternir la pureté ! […] Si elle était une vieille nourrice, est-ce qu’elle oserait montrer ce que Tartuffe la prie de voiler ? […] Je n’ose croire que Saint-Léon tînt ce jeu de scène de Molière lui-même.

93. (1909) Deux ennemis de la Compagnie du Saint-Sacrement : Molière et Port-Royal (Revue des deux mondes) pp. 892-923

Si Boursault écrit le Portrait du Peintre, c’est pour complaire à des gens « auxquels il ne pouvait rien refuser29. » Et Jean Loret, cette année-là même, déclare que s’il n’ose pas trop parler, « ni bas ni haut, » de théâtre, c’est qu’il en a reçu l’avis impérieux30. […] Perdu de dettes et de débauches comme le héros de Molière, libertin accompli et d’esprit et de mœurs comme lui, et, comme lui encore, spirituel en son « libertinage ; » séducteur de femmes et de filles dont les trahisons et les « férocités de cœur » ne se comptaient plus; dévot enfin, lui aussi, au dernier acte, il avait, jusque dans ce dénouement, ce nouveau point de ressemblance avec Don Juan que la sincérité de sa conversion avait, au moins au début, excité bien des doutes; les médisans pouvaient se demander si ce converti par maladie et par peur avait d’abord pris la précaution de « croire en Dieu33. » Mais encore que l’extrême dissemblance physique entre Don Juan et Conti pût être au poète une espèce de garantie contre des réclamations qui auraient encouru le ridicule d’une fatuité trop injustifiée; — encore que Conti fût alors assez mal en cour et Molière au contraire très fort patronné par Louis XIV, — on hésite tout de même à admettre, jusqu’à plus ample informé, que Molière ait osé s’en prendre à une Altesse Sérénissime, au cousin du Roi. […] , p. 284), Bossuet (membre de la Compagnie du Saint-Sacrement, ne l’oublions pas) sommait Louis XIV de jeter sur les blasphémateurs et sur les impies un « regard de sa face, afin qu’ils n’osent paraître, » et qu’on voie s’accomplir en [son] règne ce qu’a prédit le prophète Amos, que « la cabale des Libertins sera renversée : » auferetur factio lascivientium.

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