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22. (1862) Corneille, Racine et Molière (Revue chrétienne) pp. 249-266

Appelé récemment à desservir une chaire de littérature française dans une école, à la fois industrielle, savante et littéraire, fondée par la Confédération suisse à Zurich, il se sent pressé, dans cette position nouvelle, de travailler, selon la mesure de ses forces, à faire comprendre l’Allemagne par la France et la France par l’Allemagne. […] Ce fut un temps d’arrêt et de calme relatif, après quoi la lutte se révéla dans Phèdre avec une force et une évidence inattendues- Puis, Racine se tut; sa carrière dramatique était achevée, ou, s’il éleva encore la voix, ce fut pour célébrer la lumière dont son cœur avait été touché. […] Ce qu’il avait aimé dans le monde : les larmes d’une sensibilité touchante et prompte à s’alarmer, la droiture d’un cœur fidèle unie au courage des braves ; ce qui fait le charme de la faiblesse dans la femme et la beauté de la force dans l’homme, se laissent deviner sous le voile de la sainteté dans Josabeth et dans Abner. […] Racine trouva dans la religion la force qui lui permit de se surpasser et de tenir au delà des promesses de son talent. […] De même que l’auteur des Pensées repousse tous les divertissements, tout ce qui détourne et amuse, et que de vive force il ramène l’homme en présence des réalités redoutables de la mort et de l’éternité, de même Alceste condamne tous les ménagements et ne connaît d’autre loi que la loi de la sincérité, en tout et partout.

23. (1873) Le théâtre-femme : causerie à propos de L’École des femmes (Théâtre de la Gaîté, 26 janvier 1873) pp. 1-38

Vous savez d’avance que cette faculté de voir exactement et profondément à travers l’enveloppe qui recouvre le cœur humain, fut la force de Molière. […] Il ressuscite la vérité morte ; il nous rend par la magie d’une langue éternellement neuve, la vie même de nos pères, si différente de la nôtre, et pourtant, si semblable : passions, travers, physionomies, grimaces ; notre sottise d’autrefois, encore si bien portante aujourd’hui, et notre esprit de toujours, le talisman de la féerie gauloise, votre esprit à vous, l’esprit français, composé de bon sens, de bonne foi, de bon cœur, l’esprit de Rabelais, d’Henri IV et de Voltaire : notre esprit historique, national, qu’on nie de temps en temps chez nous, quand c’est la mode, mais que l’étranger nous envie toujours, — ce piquant, ce charme particulier de nos femmes, qu’elles soient la reine Marguerite, Sévigné, la marquise, ou Jenny l’ouvrière, — cette gaîté robuste et en quelque sorte fatale qui force le grand Corneille à écrire le Menteur, une fois en sa vie, et Racine à interrompre Andromaque pour lancer l’éclat de rire des Plaideurs, — cette immortelle bonne humeur, enfin, qui vit de nos gloires, qui survit à nos désastres et qui, loin d’abaisser notre caractère, est le meilleur argument de notre éloquence et Tarme la plus fidèle de notre valeur. […] Elle analyse sans ménagement, elle observe sans pitié ni pudeur, comme on fourrage en pays ennemi; c’est de vive force qu’elle s’empare de la vérité : elle a raison. […] » Je ne demande pas qu’on nous les restitue, mais je veux qu’on s’agite, qu’on signe des pétitions, s’il le faut, qu’on force nos auteurs à changer de thèse au moins une fois de temps en temps, et surtout ! […] C’est le tour de force du génie, grandissant une anecdote aimable à la taille d’un monument dramatique, et il semble que Molière, s’adressant à lui-même un défi, ait voulu voir jusqu’à quel point la magie de la plume peut remplacer toutes autres choses au théâtre.

24. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXII. De l’Intérêt. » pp. 385-398

Ses malheurs l’ont affoibli au point qu’il n’a pas la force d’y descendre ; il prie Evandra, sa fidelle maîtresse, qui l’a suivi, de le précipiter dans son dernier asyle : il meurt. […] M. de Pourceaugnac gagne le frippon d’Exempt à force d’argent : le coquin de Sbrigani fait promettre à l’Exempt qu’il n’abandonnera pas M. de Pourceaugnac ; qu’il s’enfuira avec lui, & qu’il aura grand soin de lui, c’est-à-dire qu’il ne le laissera parler à personne qui puisse l’instruire des tours qu’on lui a joués. […] Eraste ramene de force Julie, qu’il prétend avoir retirée des mains de M. de Pourceaugnac.

25. (1865) Les femmes dans Molière pp. 3-20

On sent que sa douceur est voulue, que c’est volontairement qu’elle s’efface, sauf à se montrer dans toute sa valeur et toute sa force, quand il le faut. […] Quel tour de force dans l’art de tout dire et de le bien dire, cette scène du premier acte, et la seconde scène du quatrième poussée à bout, la prude Armande consent enfin à se donner à Clitandre, qui la refuse. […] Quel langage plein de force et de raison elle sait lui tenir pour le détourner d’un mariage aussi odieux que ridicule : Sachez que d’une fille on risque la vertu, Lorsque dans son hymen son goût est combattu ; Et qui donne à sa fille un mari qu’elle hait Est responsable au ciel des fautes qu’elle fait. […] Comme elle sait lui communiquer un peu de son énergie en la plaisantant sur ce projet de mariage qu’elle n’a pas la force de repousser nettement : Monsieur Tartuffe, oh !

26. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVII. De l’Art de prévenir les Critiques. » pp. 309-313

Si ce consentement porte en soi quelque offense, Tant pis pour qui me force à cette violence : La faute assurément n’en doit point être à moi. […] La plupart des Auteurs ont senti, comme Moliere, la nécessité de prévenir les critiques ; mais peu l’ont fait avec cette justesse de raisonnement, avec cette adresse persuasive qui captive le sentiment du public, & le force, pour ainsi dire, à ne juger qu’au gré de l’Auteur.

27. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XX. Des Unités. » pp. 352-366

On a beau dire que les Anciens étoient les Anciens, que leurs regles étoient bonnes pour eux : la raison ne vieillit pas : ses loix ne perdent jamais de leur force : il est du dernier ridicule de vouloir faire passer avec quelque ombre de vraisemblance sous les yeux des spectateurs assemblés pendant trois heures seulement, ce qui pourroit s’exécuter à peine dans plusieurs années. […] On pourroit dire de la comédie & de toutes ses parties, ce qu’on a dit des vers : De la contrainte rigoureuse Où l’esprit semble resserré, Il reçoit cette force heureuse Qui l’éleve au plus haut degré : Telle dans des canaux pressée, Avec plus de force élancée, L’onde s’éleve dans les airs : Et la regle, qui semble austere, N’est qu’un art plus certain de plaire, Inséparable des beaux vers.

28. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IV. » pp. 57-70

Célio croit voir en elle Eléonora, & l’emmene de force. […] Il n’est pas naturel, lorsqu’un mari surprend à sa femme le portrait d’un jeune homme, que cette femme le reprenne de force. […] Voir cajoler sa femme & n’en témoigner rien, Se pratique aujourd’hui par force gens de bien.

29. (1765) Molière dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (compilation) pp. 2668-16723

De cette disposition à saisir le ridicule, la comédie tire sa force & ses moyens. […] Quant à la force de chaque trait, la vraissemblance a des bornes. […] Il joint en effet à la plus heureuse sagacité dans le choix des caracteres, une force d’imagination que le grand Corneille admiroit lui-même. […] S’il est peint avec force & vérité, il aura toûjours, comme les portraits de Vandeyk & de Latour, le mérite de la peinture, lors même qu’on ne sera plus en état de juger de la ressemblance ; & les connoisseurs y appercevront cette ame & cette vie, qu’on ne rend jamais qu’en imitant la nature. […] Le comique bas au contraire est susceptible de délicatesse & d’honnêteté ; il donne même une nouvelle force au comique bourgeois & au comique noble, lorsqu’il contraste avec eux.

30. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIV » pp. 251-258

Et tandis que les mauvaises mœurs et le langage grossier constataient leur impuissance contre la société polie, celle-ci prenait sur elles un invincible ascendant ; elle le prenait sans discussion, sans dispute, uniquement par la force de son exemple, par la séduction propre à son langage spirituel, élégant et gracieux ; peut-être aussi par un effet naturel du progrès des lumières, et de l’affinage des esprits dans l’exercice continu de la conversation, dont la société de Rambouillet avait eu le mérite de fournir le premier modèle. […] Une circonstance déjà remarquée favorisa cette influence : à la tête du parti des mœurs était madame de Montausier, appelée à la cour de Louis XIV comme la représentante de la société des honnêtes femmes, avec laquelle le jeune monarque avait voulu se mettre en bonne intelligence, dont il voulait être l’allié, en attendant qu’il se sentit la force d’en devenir l’ami.

31. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Il est bon d’essayer ses forces, à condition que l’essai ne durera pas trop longtemps. […] Admirez Molière, avant tout, et de toutes vos forces, et M.  […] Or, il ne fallait rien moins que des chefs-d’œuvre de cette force pour battre en brèche une croyance de dix-sept cents ans ! […] Chemin faisant, vous assistez à toutes sortes de tours de force. […] En ce moment, sa misanthropie est à son comble à force d’indécision, d’étonnement et de douleur.

32. (1909) Deux ennemis de la Compagnie du Saint-Sacrement : Molière et Port-Royal (Revue des deux mondes) pp. 892-923

Les magistrats municipaux, voyant « qu’elle faisait souvent des coups de force et de grandes œuvres qui les surprenaient, se tourmentaient fort » pour démasquer ces « mystérieux » si puissans. […] En outre, au milieu de l’année 1657, « la Compagnie résolut, dit Voyer d’Argenson, de travailler avec plus d’ardeur que jamais à examiner toutes les lettres des provinces qu’elle avait reçues au sujet des duels et qui pouvaient servir de mémoires (entendons de dossiers judiciaires) pour remédier aux détours par lesquels on éludait la force des déclarations du Roi » contre le duel. […] Lors même que Molière eût été mieux renseigné, comme faire se peut, sur ses dessous et sur sa force, que Guy Patin et le P. […] Outre cetle activité parfois indiscrète, un autre trait de ressemblance qu’avaient les congrégations jésuitiques avec la Compagnie du Saint-Sacrement était leur force de multiplication. […] J’incline donc à croire que, de gré ou de force, la Compagnie du Saint-Sacrement, même après 1653, ne s’épura pas complètement de ceux de ses membres qui avaient de l’affection pour Saint-Cyran, Arnauld et Port-Royal, et que, volontairement ou non, elle demeura assez éclectique en son recrutement.

33. (1861) Molière (Corneille, Racine et Molière) pp. 309-514

C’était vouloir qu’il renonçât à ce qui fit sa force. […] Dans ce cas, on pourrait les détacher de la pensée, qui garderait sa force et sa valeur propres. […] La poésie ne se traduit pas; et il n’y a que les vers prosaïques qui se prêtent à une expérience de cette force. […] Que ceux dont les yeux n’ont pas la force de soutenir ce spectacle, les détournent. […] Racine trouva dans la religion la force nouvelle qui lui permit de se surpasser et de tenir au delà des promesses de son talent.

34. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Ajoutez à ces habiletés merveilleuses, l’harmonie et l’éclat de la parole, la grâce et la force du langage, la véhémence de la passion, l’intérêt de l’action coupée avec art, et cette heureuse façon d’amonceler, sur un point donné, tous les mérites du héros de la comédie ou du drame, à condition que tous ces mérites si divers, se feront sentir, en même temps et tout à la fois . […] À quoi un père de l’Église vous répond, à la façon antique : — « On s’accoutume ainsi à jouer avec son mal, et non pas à le guérir : Satisfactio morbi non liberatio. » Les païens eux-mêmes, ces grands hommes, insultés naguère dans nos écoles de morale étroite et de rhétorique mesquine, ils recommandaient, et de toutes leurs forces, que l’on ne menât les jeunes gens au théâtre que lorsqu’ils seraient assez forts pour contempler, sans danger pour eux-mêmes, le spectacle de ces désordres : Cùm resfuerint in tuto ! […] De grands poètes sont venus qui ont corrigé ces excès, je le veux bien, mais ils ont remplacé ces grossièretés, repoussantes à la longue, par un charme irrésistible à ce point que la comédie est devenue une force. […] Je ne suis guère bien disposé à jouer ma symphonie du dimanche ; j’ai besoin, au contraire, de toutes mes forces et de tout mon courage ma partition m’apparaît confusément dans un nuage gris et froid l’idée est absente, et la parole aussi. […] D’ailleurs, cette petite fille est sans cœur à force d’être ignorante.

35. (1871) Molière

De quel force il insultait des corporations tout entières ! […] Il est vrai qu’aujourd’hui, à force d’adorations (c’est le mot pour Molière), on ne se gêne guère pour traîner dans les gémonies cette belle Armande. […] Il n’était pas jusqu’à ce débauché de Chapelle, qui s’est attaché à-tant de célébrités, ses contemporaines, à force d’ivrognerie et de bel esprit, qui n’aidât Molière à porter les peines de sa jalousie. […] Cependant, il trouvait encore assez de force pour écrire, en se jouant, Le Médecin malgré lui, et pour faire représenter cet admirable Amphitryon, où lui-même il jouait le rôle de Sosie : … À quelle servitude Tes jours sont-ils assujettis ? […] Ainsi fut justifiée, à l’heure suprême du maître jour, cette éloquente sortie de l’évêque de Meaux, sans pitié pour Molière, qu’il a traité plus mal, certes, que Luther ou Calvin : « La postérité saura la fin de ce poète-comédien qui, en jouant son Malade imaginaire ou son Médecin par force, reçut la dernière atteinte de la maladie dont il mourut, et passa des plaisanteries du théâtre, parmi lesquelles il rendit le dernier soupir, au tribunal de celui qui dit : Malheur à vous qui riez, car vous pleurerez ! 

36. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IX. De l’Adultère et des Amours faciles. » pp. 166-192

En un mot, cette pièce est d’un bout à l’autre un effort du plus grand génie, qui triomphe du sentiment moral par la force comique, au point de rendre d’honnêtes époux ridicules, et de faire trouver excusable, agréable, admirable, le plus odieux adultère. […] Puisque le ciel a voulu nous former Avec un cœur qu’Amour peut enflammer641, Quelle rigueur impitoyable Contre des traits si doux nous force à nous armer ? […] V des Maximes et Réflexions sur la Comédie : « La postérité saura peut-être la fin de ce poète comédien, qui, en jouant son Malade imaginaire ou son Médecin par force, reçut la dernière atteinte de la maladie dont il mourut peu d’heures après, et passa des plaisanteries du théâtre, parmi lesquelles il rendit le dernier soupir, au tribunal de celui qui dit : Malheur à vous qui riez, car vous pleurerez (Luc, VI, 25). […] Barbier, Melpomène :   Quelle force ont les arts pour démolir les mœurs.

37. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXVI. De l’opposition des Caracteres. » pp. 398-416

Nous en avons dit quelque chose dans le Chapitre précédent, parceque deux personnages également contrastants, sont exactement de la même force entre les mains d’un habile homme ; qu’étant de la même force, ils exigent un double titre, ou rendent le sujet équivoque ; que ce qui peut leur arriver de plus heureux, si l’un d’eux n’est pas écrasé tout-de-suite, est de briller alternativement l’un aux dépens de l’autre ; de se nuire par conséquent, & de partager à eux deux par égale portion l’intérêt que le public auroit réuni sur un seul. […] Je ne vois qu’un moyen qui nous force à nous taire : Combien pour cette terre avez vous eu d’argent ?

38. (1898) Molière jugé par Stendhal pp. -134

Un caractère plein de force et d’esprit. […] Dandin très riche, n’a dans ce moment que 150 louis de disponibles, on le force à donner toute cette somme, c’est-à-dire non pas 149 louis, mais les 150. […] Je sortirais sur le champ d’une maison où je trouverais des bécasses de cette force. […] L’attention que je donne à nie souvenir m’empêche de considérer les circonstances avec assez de force, et d’inventer par conséquent. […] Que les peintures soient très fortes, sans toutefois être odieuses ; défaut de la force, tomber dans l’odieux ou l’extravagant.

39. (1881) Molière et le Misanthrope pp. 1-83

Non, encore une fois, Molière, emporté par la force de son génie, s’est proposé de faire la satire de son temps et de tous les temps ; il n’a jamais pensé à soulager son cœur sur la scène et à nous apitoyer sur ses infortunes personnelles. […] « Mon gendre est fou à force d’être sage », ajoutait Mme de Rambouillet . […] Que jamais par la force on n’entra dans un cœur, Et que toute âme est libre à nommer son vainqueur. […] Non ; il faut qu’il paie pour son humeur ; Célimène entend s’en amuser d’autant plus qu’il est d’habitude plus hargneux et plus désobligeant ; et elle en vient à bout sans grand peine, car véritablement le pauvre homme n’est pas de force. […] Quel est, je vous prie, le devoir d’honneur, l’obligation morale qui force à trouver un sonnet mauvais ?

40. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Telle était alors la force du principe d’autorité, que moi-même je me croyais engagé d’honneur à soutenir contre M.  […] Uranie n’est pas de cette force. […] Sentir, sentir vivement, profondément, voilà sa force. […] Vous avez sur l’Europe un avantage, vous goûtez Aristophane ; vous le goûtez à force d’intelligence et de science ; car j’ose dire que ce n’est plus un goût naturel, et si l’on représentait aujourd’hui ses pièces à Londres, à Paris ou même à Berlin, j’imagine que le public serait trop étonné pour songer à se divertir. […] On n’a pas votre culture et votre esprit sans être sensible à tant de vérité, de délicatesse, de force, d’élévation et de profondeur.

41. (1706) Lettre critique sur le livre intitulé La vie de M. de Molière pp. 3-44

Ce n’est point à ces Messieurs-là à défigurer notre Langue de cette force-là ; c’est à eux à suivre ce qui est établi. […] Faites-y attention, Monsieur, vous en trouverez beaucoup de cette force-là. […] Il fait dire à Molière en Languedoc qu’il est passable Auteur : il lui fait souhaiter de venir à Paris, parce qu’il se sentait assez de forces pour y soutenir un Théâtre Comique : et lorsqu’il y est arrivé, il se défie de lui, mal à propos ; puisque c’est après avoir plu au Roi ; après que sa Majesté lui eut accordé le Petit-Bourbon pour jouer la Comédie.

42. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXVIII. Les Caracteres des hommes n’ont pas plus changé que ceux des professions. » pp. 303-311

La raillerie échauffoit mes adversaires ; ils ramassoient leurs forces & pensoient me laisser sans réplique, en me disant « que si nos avares ressembloient intérieurement à Harpagon, ils lui étoient tout-à-fait opposés par l’extérieur, puisqu’ils cachoient leur avarice sous un faux air de magnificence, qui, contrastant toujours avec leur passion, pouvoit les rendre très plaisants, sur-tout si un Auteur avoit l’adresse de les mettre dans une situation où ils fussent contraints à faire beaucoup de dépense pour ne pas démentir leur masque ». […] On se trompe : le masque ne servira qu’à dérober aux yeux des spectateurs la force de la passion qui le domine, à diminuer son expression, à lui donner une uniformité ennuyeuse.

43. (1769) Idées sur Molière pp. 57-67

Revoyez cent traits de cette force, et si vous avez aimé, vous tomberez aux genoux de Molière, et vous répéterez ce- mot de Sadi : Voilà celui qui sait comme on aime. […] On le retrouve jusques dans ses moindres forces, qui ont toujours un fond de vérité et de morale.

44. (1824) Notice sur le Tartuffe pp. 91-146

Ce scandaleux libelle fut bientôt suivi d’une lettre pleine de force et de modération ; l’auteur en est resté inconnu. Le début est remarquable ; on en appréciera de nos jours la force et la justesse. […] Leur porte en hiver se fermait à cinq heures, en été à sept, avec autant de ponctualité qu’en un couvent bien réglé : alors les broches tournaient, la cassolette s’allumait, le gibier se rôtissait, le couvert se mettait bien propre, et l’hypocrite triumvirat mangeait de grande force, et buvait volumineusement à la santé de ses dupes. […] Tartuffe n’a pas d’ailleurs, comme le pâle hypocrite de La Bruyère, la force de maîtriser ses passions ; elles sont ardentes, impérieuses ; sa lubricité, son avarice, sont sans cesse excitées à l’aspect d’une maison riche et d’une femme séduisante. […] Moins il y aura d’instruction, plus il y aura de fanatisme : aussi travaille-t-on de toutes ses forces à l’ignorance publique.

45. (1800) De la comédie dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VI) pp. 204-293

Revoyez cent traits de cette force, et, si vous avez aimé, vous tomberez aux genoux de Molière, et vous répéterez ce mot de Sadi : Voilà celui qui sait comme on aime. […] On voit trop que l’auteur voulait à toute force amener des contretemps : aussi a-t-il joint ce titre à celui de l’Étourdi; ce qui ne répare point le vice du sujet. […] On voit qu’en dépit d’Arnolphe, elle ne l’est pas tant qu’il l’aurait voulu, et chaque réplique de cette enfant qui ne sait rien le confond et lui ferme la bouche par la seule force du simple bon sens. […] et quelle naïveté de langage unie à la plus grande force de raison! […] Je conçois bien que les contemporains pardonnent plus volontiers à l’amour-propre des sots qui attaquent qu’à celui de l’homme supérieur qui se défend : les uns ne font qu’oublier leur faiblesse ; l’autre fait souvenir de sa force.

46. (1705) La vie de M. de Molière pp. 1-314

Molière sentit qu’il avait assez de force pour y soutenir un Théâtre comique ; et qu’il avait assez façonné ses Comédiens pour espérer d’y avoir un plus heureux succès que la première fois. […] Molière qui en homme de bon sens, se défiait toujours de ses forces, eut peur alors que ses ouvrages n’eussent pas du Public de Paris autant d’applaudissements que dans les Provinces. […] Sancho tirait le licou de toute sa force ; l’Âne n’obéissait point ; il voulait absolument paraître. […] Ainsi, disait ce Pédant à son ami, si l’on examinait bien les ouvrages de Molière ; on les trouverait tous pillés de cette force-là. […] Je viens d’entendre un Acteur déclamer faussement et pitoyablement quatre vers de ma pièce ; et je ne saurais voir maltraiter mes enfants de cette force-là, sans souffrir comme un damné .

47. (1900) Molière pp. -283

Peut-être que dans cet excès de misère, ne rien craindre et ne rien espérer donnent une force et un ressort qu’on ne verrait pas à un degré moins bas. […] Il est à remarquer qu’à part les orateurs chrétiens qui prêchent l’égalité chrétienne, égalité qui doit revenir à l’égalité civile, mais qui n’est pas la même chose, la littérature du xviie  siècle, si hardie et si originale pourtant, n’a pas du tout le sentiment de l’égalité ; c’est une littérature qui n’en a pas même le pressentiment ; elle s’incline d’abord devant la force, elle se courbe devant la force, elle reconnaît et consacre le droit de la force. […] Mais Tartuffe a beaucoup nui en un sens à sa réputation littéraire ; à force d’admirer Tartuffe, on n’a plus regardé tout ce que Molière a semé de conceptions merveilleuses au-delà ou à côté. […] Voilà pourquoi il fallait à toute force qu’Arnolphe expliquât et commentât Les Maximes du mariage pour qu’il fût un caractère vrai, et Molière n’a sans doute pas eu d’autre intention que de faire un caractère vrai. […] Et depuis, combien d’autres ouvrages qui, représentant des mœurs trop étrangères aux nôtres, pour n’être point passés de mode au théâtre, ont cependant gardé pour le lecteur attentif leur force et leur profondeur !

48. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Il eût porté en toutes les professions qu’il eût choisies une grande autorité, une force, une conviction. […] Il a été un instant un homme politique, à force d’être naïf. […] Il nous force à rire du Misanthrope ! […] Par quelle force (de nos jours cet accident n’est arrivé qu’à Fréron, insulté en plein théâtre par Voltaire) ! […] Victor Hugo a relevée à force d’éloquence et de génie !

49. (1819) Notices des œuvres de Molière (II) : Les Précieuses ridicules ; Sganarelle ; Dom Garcie de Navarre ; L’École des maris ; Les Fâcheux pp. 72-464

Ensuite, la coupure en trois actes, qui fait disparaître la faute en deux endroits, la laisse subsister dans un troisième, ce qui diminue beaucoup le mérite de ce changement et la force du motif qui a porté les éditeurs à le faire. […] Ce Gorgibus du Cocu imaginaire est dessiné absolument sur le même modèle que celui des Précieuses ridicules ; c’est, pour dire vrai, le même personnage dans deux situations différentes, et, ce qui le rend digne d’observation dans les deux pièces, c’est qu’il montre quelque chose de ce bon sens naturel, de cette raison populaire que nous verrons développée avec plus de force, mais non avec plus de vérité, dans l’admirable rôle du Chrysale des Femmes savantes. […] Nous avons vu que Molière, depuis Les Précieuses ridicules, premier essai, parmi nous, de la véritable comédie de mœurs, avait encore deux fois cédé à la force de l’exemple ; dans Le Cocu imaginaire, en appliquant à une intrigue peu naturelle les couleurs de la comédie bouffonne que Scarron avait mise en vogue ; dans Dom Garcie de Navarre, en revenant au système d’imitation qu’il semblait avoir abandonné, et en s’essayant, contre le gré de son génie, dans le faux genre de la tragi-comédie. […] ou comment n’en avait-il pas senti d’abord toute la force ?

50. (1820) Notices des œuvres de Molière (V) : L’Amour médecin ; Le Misanthrope ; Le Médecin malgré lui ; Mélicerte ; La Pastorale comique pp. 75-436

Suivant le registre de la troupe de Molière, on joua, le 14 septembre 1661, Le Fagotier ; le 20 avril 1663, Le Fagoteux ; et enfin, le 9 septembre 1664, Le Médecin par force. Le Fagotier et Le Fagoteux désignent évidemment la même pièce ; et Le Médecin par force, qui est probablement un autre titre donné au Fagoteux ou Fagotier, indique le même sujet qui est traité dans Le Médecin malgré lui. De cet ensemble d’analogies, on peut tirer la conséquence, que Le Fagotier, Le Fagoteux, et Le Médecin par force, sont les trois titres d’une même farce que Molière avait composée dans sa jeunesse ; qu’il fit jouer de temps en temps sur son théâtre du Palais-Royal, pour varier le répertoire ; et dont ensuite il composa, sous le titre du Médecin malgré lui, une pièce plus régulière, qu’on désigna souvent et qu’on désigne encore quelquefois par un de ses titres primitifs, celui du Fagotier. […] Comme il est douteux que Molière employât son temps à lire les relations de Grotius, les annales d’Olearius, ou le Mensa philosophica, de l’Irlandais Thibault Anguilbert, et que, d’un autre côté, il est certain qu’il trouvait plaisir et profit à la lecture des récits de nos vieux conteurs, c’est vraisemblablement dans le fabliau intitulé Le Médecin de Bray, autrement, Le Vilain Mire (le Paysan médecin), qu’il a pris l’idée de sa farce du Médecin par force, devenu Le Médecin malgré lui.

51. (1885) La femme de Molière : Armande Béjart (Revue des deux mondes) pp. 873-908

Molière se serait bien gardé de la tenir à l’écart, au moment où sa troupe avait besoin de toutes ses forces pour soutenir de redoutables rivalités et conquérir de haute lutte la faveur publique. […] Ils sont, dit-il, d’un naturel accompli, et lorsqu’une fois on les a vus dans un rôle, on ne peut plus y voir qu’eux ; ils produisent l’illusion complète ; certains de leurs jeux de scène, par leur justesse ou leur force, leur finesse ou leur pathétique, valent les tirades les mieux composées. […] Élise est une jeune femme sensée, spirituelle et maniant l’ironie avec un sérieux qui en double la force. […] Or, Armande s’y surpassa elle-même ; ce fut, dit un contemporain, ce pauvre Robinet, qui sent mieux qu’il n’exprime, ce fut « un charme, » « un ravissement, » expressions que le temps devait rendre banales, mais qui retenaient encore toute leur force. […] Je me servis pour cela de toutes les forces de mon esprit ; j’appelai à mon secours tout ce qui pouvoit contribuer à ma consolation ; je la considérai comme une personne de qui tout le mérite est dans l’innocence, et que son infidélité rendoit sans charmes.

52. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [22, p. 50-51] »

Mais Molière qui s’aperçut de son étonnement, lui dit : ne soyez pas surpris de mon emportement ; je viens d’entendre un acteur déclamer faussement et pitoyablement quatre vers de ma pièce ; et je ne saurais voir maltraiter mes enfants de cette force-là, sans souffrir comme un damné.

53. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

Les villes d’université comme Bologne enfantèrent tout naturellement le docteur, le pédant ridicule, dont chaque mot est une délicieuse ânerie ; les modèles n’étaient pas rares dans un temps où l’engouement pour les lettres grecques et latines dégénérait aisément en folie ; c’était l’époque où Philelphe le Florentin et Timothée entamaient, à propos de la force d’une syllabe grecque, une querelle acharnée, dans laquelle le dernier jouait et perdait sa grande barbe et en mourait de chagrin. […] La plupart des acteurs fameux de la commedia dell’arte furent des gymnastes de premier ordre ; ils durent leur réputation autant à leurs tours de force ou d’adresse qu’à la vivacité de leurs reparties.

54. (1781) Molière (Anecdotes littéraires, historiques et critiques) [graphies originales] « MOLIERE. » pp. 41-42

Personne n’a jamais mieux connu les ridicules, & ne les a peints avec tant de force & de vérité.

55. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXII. Des Caracteres principaux ou simples, des Caracteres accessoires, des Caracteres composés. » pp. 337-349

Un homme n’a jamais deux caracteres fortement prononcés : si vous les lui donnez, vous blessez la nature : si les deux caracteres ne sont pas à-peu-près de la même force, ils ne peuvent pas se contrarier, & le spectateur demande à propos de quoi vous avez inséré dans votre piece le second caractere. […] Après avoir parlé des caracteres qu’on compose dans la fausse idée de doubler leur force, il seroit à propos, je crois, de dire quelque chose sur ceux qu’on décompose en les resserrant, & en se resserrant soi-même, dans des bornes plus étroites que celles qu’ils présentent d’abord : tel est le caractere du Philosophe marié.

56. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Térence, plus poli, manque de force comique. […] Mais l’Art poétique fait mes délices, et la belle nature exprimée avec tant de fidélité, de force et de grâce, me distrait un peu et me console de celle d’ici… » Ainsi voyageait notre homme de goût. […] Si les Hottentots sont des hommes, et s’ils trouvent leur Vénus plus belle que la Vénus de Médicis, Uranie est tenue de s’élever à la hauteur de ce point de vue à force d’intelligence et de sympathie ; mais quelle épouvantable faculté de sympathie ne faut-il point pour arriver jusque-là ! […] Voilà ce que j’aurais la force de faire, et j’invite les Allemands qui lisent Molière ou qui en parlent, surtout ceux qui en parlent, à descendre à leur tour des régions crépusculaires de l’infini, pour entrer avec moi non dans un pays de plate prose, comme ils le disent sans politesse, mais dans un pays d’ordre et de lumière, aux perspectives bien ménagées, aux formes bien proportionnées, aux lignes nettes et douces, dans le pays du style et de l’esprit français. […] « Pour connaître l’homme, ce ne sont pas des remarques qu’il faut entasser, mais une force qu’il faut démêler ; ce ne sont pas des flots épars qu’on doit recueillir, mais une force qu’on doit atteindre. » Id., ibid., préface.

57. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XI. » pp. 218-250

Il force Catalinon à se mettre à table. […] Dans la premiere scene du troisieme acte, Don Juan force un pauvre pélerin à lui donner ses habits, & sous ce travestissement il assassine Don Philippe. […] Philippin essaie de la consoler en lui disant qu’elle a force compagnes : La consolation de tous les misérables, Comme dit le proverbe, est d’avoir des semblables. […] L’Ombre invite les deux convives à venir souper dans son tombeau : Don Juan promet, s’amuse en attendant à prendre de force une jeune mariée ; ensuite il va voir l’Ombre, qui fait couvrir la table de crapauds, de serpents.

58. (1800) Des comiques d’un ordre inférieur dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VII) pp. 294-331

Guillaume contre un berger qui lui a volé des moutons, et les ruses de Patelin pour lui escroquer six aunes de drap, sont un fond bien mince, et qui est proprement d’un comique populaire : le juge Bartolin, qui prend une tète devenu pour une tête d’homme, est de la même force qu’Arlequin qui mange des chandelles et des bottes. […] Ce dialogue est la nature même : le poète, qui était joueur, n’a eu de ces mots-là que dans la peinture d’un caractère qui est le sien ; et Molière, qui en est rempli, les a répandus dans tous ses sujets; en sorte qu’il a toujours trouvé par la force de son génie ce que Regnard n’a trouvé qu’une fois et dans lui-même. […] Il s’en faut de beaucoup que Démocrite et le Distrait soient de la même force que les ouvrages dont je viens de parler, qui sont les chefs-d’œuvre de Regnard. […] Peut-être la crainte de dégrader un philosophe célèbre a-t-elle empêché l’auteur de le rendre propre à la comédie; peut-être à toute force était-il possible d’en venir à bout; mais ce qui est certain, c’est que Regnard y a entièrement échoué.

59. (1802) Études sur Molière pp. -355

Qu’il faut d’adresse pour passer avec rapidité de l’une à l’autre de ces situations, pour en marquer toutes les nuances, sans que trop d’exagération, ou dans la faiblesse ou dans la force, blesse la vérité ! […] La peine qu’il se donna de déguiser leurs noms ne fit que prêter de nouvelles forces à la malignité, puisqu’il leur en donna qui, tirés du grec, marquaient le caractère, les défauts, les ridicules de chacune de ses victimes. […] Je n’ai pu me procurer la pièce, parce que, m’a-t-on dit, les Juifs en achetèrent l’édition entière, et obtinrent du pape, à force d’argent, un ordre qui en défendait la représentation. […] Les farces qu’enfante une imagination sale et déréglée sont mauvaises, celles où l’auteur, armé du fouet du ridicule, poursuit les travers, le vice, et force à rire les hommes qu’il fustige, sont bonnes. […] Admirons en même temps et la force des exagérations et la finesse des concetti.

60. (1881) La philosophie de Molière (Revue des deux mondes) pp. 323-362

Adolphe Regnier fils, qui s’était appliqué à la suite de son père à la science profonde des textes, a disparu dans toute la force de la jeunesse ; l’autre, M.  […] Pourquoi ne pas prendre les paroles dans le sens où elles sont dites, quand elles sont exprimées avec autant de clarté, et de force qu’elles le sont dans le discours de Cléante ? […] Sganarelle exprime d’abord avec simplicité et avec force la preuve la plus frappante pour tous les hommes de l’existence de Dieu, celle dont Kant lui-même a dit que rien n’en saurait affaiblir majesté : « Pour moi, monsieur, je n’ai jamais étudié, Dieu merci ! […] … » Puis voulant prouver la force de la volonté, il tourne sur lui-même ; c’est alors qu’il tombe. […] Souvent même il ne charge personne de représenter le bon sens, et la morale ressort toute seule par la force de la fable et la vérité des caractères.

61. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE X. Des Pieces d’intrigue en général. » pp. 123-124

C’est une espece de dédale dans lequel Thalie éprouve la patience, la vivacité & la force de tête de ses nourrissons.

62. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [17, p. 47-48] »

Voici la version de Perrault : Son Père bon bourgeois de Paris et Tapissier du Roi, fâché du parti que son fils avait pris, le fit solliciter par tout ce qu’il avait d’Amis de quitter cette pensée, promettant s’il voulait revenir chez lui, de lui acheter une Charge telle qu’il la souhaiterait ; pourvu qu’elle n’exerçât pas ses forces.

63. (1910) Rousseau contre Molière

C’est la force attractive, pour ainsi parler, du type qui a une fois plu. […] Mais, naïf, ou emporté par la force de la vérité, Molière le dit lui-même ! […] Ne sachant plus nourrir la force du comique et des caractères, on a renforcé l’intérêt de l’amour. […]Force-t-on vos filles à perdre leur temps en niaiseries ? […] Voulez- vous, pour ajouter cette pièce à votre thèse, habiller une de ces forces naturelles en préjugé ?

64. (1819) Introduction aux œuvres de Molière pp. -

Il fit un chef-d’œuvre de force et de gaieté comiques ; il fit beaucoup rire aux dépens d’Harpagon : mais a-t-il corrigé un seul de ceux qui lui ressemblent ? […] Aucune situation n’y est amenée de force ou avec cette adresse qui se trahit elle-même en se laissant apercevoir. […] En tout cas, leur silence ou celui de la chronique contemporaine n’est qu’un de ces arguments négatifs qui ne peuvent avoir force de preuve, et ne sont tout au plus regardés que comme des présomptions. […] Chapelle, que l’argumentation courrouce, se met à employer la force. […] Un jour, il s’engagea dans une dispute avec l’avocat Fourcroy, dont les poumons étaient d’une capacité et d’une force peu communes.

65. (1844) La fontaine Molière (La Revue indépendante) pp. 250-258

Les détails connus de sa vie active et charitable, sa mort, causée par sa persistance à jouer alors qu’il était déjà fort malade, viennent, du reste, corroborer l’idée qu’on se fait de la force d’esprit et de caractère dévolue à Molière. On cherche en vain l’expression de cette force dans la statue de M.

66. (1852) Molière — La Fontaine (Histoire de la littérature française, livre V, chap. I) pp. 333-352

Doué d’une force prodigieuse de recueillement et de méditation, au milieu des agitations d’une vie nomade et de la direction d’une troupe d’acteurs plus difficile à régir qu’un empire, il sut unir l’activité et la contemplation ; il fit plus encore : il s’oublia lui-même, il se désintéressa de ce qu’il voyait si nettement, de ce qu’il comprenait si bien ; son âme sincère et compréhensive reçut fidèlement l’empreinte de l’humanité, et son puissant génie exprima ce que contenait son âme. […] Je doute qu’une si grande perfection soit dans les forces de la nature humaine, et je ne sais pas s’il n’est pas mieux de travailler à rectifier et à adoucir les passions des hommes que de vouloir les retrancher entièrement. […] Le génie de Molière s’y produit dans toute sa force, avec une aisance, une pureté, une touche plus sûre peut-être encore que celle du Misanthrope, et, si on osait le dire, du Tartuffe même.

67. (1901) Molière moraliste pp. 3-32

Acteur par vocation dès l’adolescence, bientôt directeur responsable d’une troupe ambulante, improvisateur de farces, de pièces appropriées au besoin du moment ; puis, une fois établi à Paris, obligé de défendre son théâtre contre la jalousie de l’hôtel de Bourgogne ; sa vie privée contre la calomnie, venimeuse, acharnée ; ses idées contre des attaques véhémentes ; chargé de divertir le plus autoritaire des souverains et non le moins exigeant, Molière suffit à tout, à force d’énergie, lutta jusqu’au bout, quoique malade et rongé de soucis, mourut enfin à son poste en jouant le rôle d’Argan sur cette scène qu’il avait tant aimée. […] Elle devine sa force, elle voit qu’Arnolphe la désire et qu’elle est désirable, puisque Horace le lui dit. […] Pour remplacer Dieu et les chaudières bouillantes, il lui fallait une force morale à opposer aux faiblesses des hommes. Cette force, ce sera l’opinion, l’opinion des honnêtes gens, dont Molière choisit les représentants à tous les degrés de l’échelle sociale.

68. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIII. De ce que nous entendons par caractere. » pp. 259-260

L’Auteur a voulu dire, je crois, que nos modernes ont très bien fait de distinguer les mœurs, des caracteres & des passions, pour étudier les nuances qui les différencient, & les peindre avec plus ou moins de force sur nos théâtres.

69. (1884) La Science du cœur humain, ou la Psychologie des sentiments et des passions, d’après les oeuvres de Molière pp. 5-136

De la nature en nous il force les obstacles, et ses effets soudains ont de l’air des miracles. […] Contre la force de l’homme elle emploiera la ruse, et contre l’abus de la force elle emploiera l’abus de la ruse pour se soustraire au malheur qui la menace. […] En outre, de ce que Molière fait dire à un insensé, qualifié de fou, qu’il méprise la femme, tout en cherchant à la subjuguer par une feinte soumission, n’ayant pu y parvenir par la force, peut-on en déduire que telle est la doctrine de Molière à l’égard de l’homme vis-à-vis de la femme? […] » Il faut être Molière pour trouver des traits de caractère de cette force. […] Les sentiments et les passions en effet ne se motivent pas toujours ; une force intérieure et organique les soulève parfois sans cause excitante extérieure, sans motif plausible, et détermine leur explosion.

70. (1886) Molière et L’École des femmes pp. 1-47

Il avait une enfant entre les mains ; il l’a élevée dans une ignorance absurde, dans une innocence coupable ; il lui a refusé l’éducation qui est nécessaire à une femme, qu’elle était en droit de recevoir et qu’il avait le devoir de lui donner ; qu’il ne s’en prenne qu’à lui si Agnès s’est trouvée sans résistance, sans un appui intérieur, sans une force morale et intellectuelle pour se défendre de la première attaque, du premier jeune homme qui a passé sous ses yeux. […] Est-ce que l’éducation lui a donné un appui intérieur, une force morale et intellectuelle ? […] Si vous voulez à toute force trouver un enseignement chez Molière, alors que ce soit un enseignement bien autrement élevé, bien autrement supérieur, celui que l’on retire de toutes les grandes manifestations de l’esprit et de la connaissance désintéressée des choses humaines. » [Annexe] À titre d’exemple des polémiques soulevées dans la Presse par la Conférence d’Henri Becque.

71. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XLI. Des Episodes. Maniere de les lier aux Caracteres principaux, & de placer les Caracteres accessoires. Embonpoint d’une Piece. » pp. 475-492

Qu’il sache, quand il perd, d’une ame non commune, A force de savoir, rappeller la fortune ? […] Si les Auteurs dramatiques, lorsqu’ils n’ont qu’une bonne scene à placer dans un acte, convenoient du moins avec courage que leurs forces ne s’étendent pas plus loin, s’ils ne nous donnoient qu’un acte composé d’une seule scene ou de deux, comme Plaute dans sa Persane, ils feroient un bien petit mal : mais ils ne veulent pas avouer leur foiblesse ; ils se croiroient déshonorés si leurs pieces n’avoient pas cinq actes, leurs actes cinq scenes, & leurs scenes une certaine longueur ; de sorte que pour faire disparoître les lacunes que laisse le génie, il faut appeller au secours l’esprit, qui les remplit à son ordinaire avec des sentences, des madrigaux, des épigrammes, des pointes, des exclamations, des dissertations amoureuses ou philosophiques, des scenes détachées, des personnages étrangers au sujet, des caracteres qui n’ont aucun rapport avec le principal.

72. (1922) La popularité de Molière (La Grande Revue)

L’art d’exprimer la disproportion et l’antinomie entre la valeur des causes et leurs effets, entre les raisons de nos actions et nos actions elles-mêmes et non pas seulement, comme chez les bouffons italiens qui furent ses premiers maîtres, des jeux artificiels et faciles de mots et d’attitudes, voilà certes par quoi sa force comique est particulièrement irrésistible. […] Oui ne connaît ces mots si brefs dans lesquels se condense avec force la violence d’une passion et dont le retour, à la fois comique et dramatique, en apprend plus sur un caractère que ne le ferait une longue analyse ?

73. (1845) Œuvres de Molière, avec les notes de tous les commentateurs pp. -129

Ainsi, dans le vers de Molière, cette expression ajoutait à la force de je le veux : c’était un commandement sans réplique. […] Il tirait le licou de toute sa force ; l’âne n’obéissait point, et voulait absolument paraître. […] A force de raisonner sur les choses qui font ordinairement la matière de semblables repas entre gens de cette espèce, on tomba sur la morale vers les trois heures du matin. […] D’ailleurs le marquis était la copie de plusieurs originaux de conséquence, qui décriaient l’ouvrage de toute leur force. […] Chapelle s’échauffe, et criant du haut de la tête pour convertir son juge, il ébranla son équité par la force de son raisonnement.

74. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Elle donne force à la loi, à la foi, au roi, à cet autre mot qui est l’abrégé de toutes nos pensées, le mot moi ; enfin elle donne sa force à la voix. […] Remarquez au reste, comme preuve de la force ajoutée par la diphtongue oi aux mots foi, roi, foi, qu’elle exige une plus forte émission de la voix que lé, ré, fé, qu’elle oblige à desserrer les dents et les lèvres pour s’ouvrir un passage plus libre et comme pour donner aux paroles plus de solennité. […] Ils corrigent les vers médiocres, et font à ces dames des réputations d’esprit. » « Une précieuse », dit-il ailleurs, « doit avoir l’adresse de donner du prix à ses sentiments, de la réputation à ses ouvrages, d’assurer approbation à ses railleries, force à ses sévérités. » Les auteurs soudoyés étaient les ilotes de la république ; aussi se rencontrait-il des précieuses de mauvais caractère qui, oubliant la politique du corps, se donnaient habituellement le plaisir de mettre les auteurs et les beaux-esprits de ce genre à la gêne, et de mortifier leur vanité ; et elles se vantaient de cette habitude : mais leur sévérité, dit de Pure, était combattue par d’autres précieuses.

75. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Maîtresse habile et ménagère, elle est la fortune, elle est la force, elle est la gloire ; d’elle seule vient le charme du foyer domestique ; elle donne la puissance, le sang-froid, la bonté, l’élégance ; elle protège le riche contre le gueux, elle défend le mendiant contre le riche. […] tu défigures les hommes, tu les accables de goutte et d’infirmités, tu leur ôtes la force et l’élégance ; moi, la Pauvreté, je les laisse jeunes, prestes, sobres, honnêtes, éloquents ! […] Avouez que vous avez rencontré, rarement, un poète de cette force ! […] — Nous possédons à Charenton des poètes de cette force ; ils écriraient et ils penseraient plus sagement. […] « En vérité, ses sentiments ont quelque chose de si divin, que je ne puis y penser sans être en de continuelles actions de grâces, et la marque du doigt de Dieu, c’est la force et l’humilité qui accompagne toutes ses pensées, c’est l’ouvrage du Saint-Esprit.

76. (1747) Notices des pièces de Molière (1666-1669) [Histoire du théâtre français, tome X] pp. -419

Le Misanthrope de Molière, qui fera toujours l’admiration des personnes de goût, ne fut approuvé que des vrais connaisseurs : le plus grand nombre des spectateurs ne sentit point la force du sujet, ni l’art du poète dans la peinture du caractère singulier, qui donne le titre à la pièce. […] Mais Molière, qui, par l’esprit supérieur qu’il avait reçu, était assuré que le nouveau genre qu’il voulait introduire était celui de la bonne comédie, sentit aussi qu’elle ne plairait qu’à force d’être entendue, il se raidit contre les difficultés, et les surmonta. […] Le Médecin par force étant beau comme il est,             Il faut qu’il vous en prenne envie. […] Molière sentit qu’il avait assez de force pour y soutenir un théâtre comique, et qu’il avait assez façonné ses comédiens pour espérer d’y avoir un plus heureux succès que la première fois*. […] On voulait même que cette grâce fût personnelle ; mais Sa Majesté, qui savait par elle-même que l’hypocrisie était vivement combattue dans cette pièce, fut bien aise que ce vice, si opposé à ses sentiments, fût attaqué avec autant de force que Molière le combattait.

77. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE X. M. DIDEROT. » pp. 317-332

Rosalie a la force de présenter d’Orval à Constance en qualité d’époux. […] Extrait de la Force de l’Amitié, canevas italien, en trois actes.

78. (1914) En lisant Molière : l’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

La comédie n’extirpe pas les ridicules, elle les refoule pour un temps et, en les refoulant, elle leur donne une force de retour qui se manifeste plus tard. […] Et si par une impropriété de mots l’on appelait l’avarice un préjugé social, je dirai que dans l’Avare ce prétendu préjugé n’est nullement en lutte avec une force de la nature, puisqu’il n’est en lutte avec rien, et n’est nullement vaincu par une force de la nature, puisqu’il n’est vaincu par rien du tout. […] Il n’y a que des forces naturelles luttant l’une contre l’autre comme quand il s’agissait d’Arnolphe et d’Agnès : passion de possession chez Dandin, passion d’indépendance chez Angélique. […] […] Un père, je l’avoue, a sur nous tant d’empire, Que je n’ai jamais eu la force de rien dire. […] Il veut avoir de l’argent pour avoir de la puissance et il bat monnaie avec le ciel qu’il promet et l’enfer dont il menace pour conquérir l’argent qui est une force.

79. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIV. Des Tableaux. » pp. 422-425

Si je n’aime point le tableau, j’aime encore moins la façon dont Destouches nous force à faire attention à ces détails minutieux.

80. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Il ne l’est que par force ou plutôt par peur. […] il n’est pas de force !  […] On assure que nous allons la voir se dérouler tout du long avec force nouveaux costumes et mélodies du temps. […] Elle l’écoute ; elle force les autres à l’écouter et à le comprendre. […] Mais il sauve tout, à force d’esprit et de grâce.

81. (1696) Molière (Les Hommes illustres) « JEAN-BAPTISTE POQUELIN. DE MOLIERE. » pp. 79-80

Son Père bon Bourgeois de Paris et Tapissier du Roi, fâché du parti que son Fils avait pris, le fit solliciter par tout ce qu’il avait d’Amis de quitter cette pensée, promettant s’il voulait revenir chez lui, de lui acheter une Charge telle qu’il la souhaiterait ; pourvu qu’elle n’excédât pas ses forces.

82. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXIX. De l’action dans les Pieces à caractere. » pp. 448-468

Il n’est force, courage, ardeur qui n’y succombe. […] Que de force & de vérité dans ce monologue !

83. (1725) Vie de l’auteur (Les Œuvres de Monsieur de Molière) [graphies originales] pp. 8-116

Sancho tiroit le licou de toute sa force, l’âne n’obeissoit point ; il vouloit absolument paroître. […] A force de raisonner sur les choses qui sont ordinairement la matiere de semblables repas entre gens de cette espece, on tomba sur la morale vers les trois heures du matin. […] D’ailleurs le Marquis étoit la copie de plusieurs originaux de consequence, qui décrioient l’ouvrage de toute leur force. […] Ainsi, disoit ce Pedant à son ami, si l’on examinoit bien les Ouvrages de Moliere, on les trouveroit tous pillez de cette force-là. […] Chapelle s’échauffe, & criant du haut de la tête pour convertir son Juge, il ébranla son équité par la force de son raisonnement.

84. (1824) Notices des œuvres de Molière (VIII) : Le Bourgeois gentilhomme ; Psyché ; Les Fourberies de Scapin pp. 186-466

Louis XIV, justement nommé le plus honnête homme de son royaume, était particulièrement ennemi du vice et du désordre ; mais les mœurs générales dominent l’opinion même de ceux qui n’y participent pas : or, celles de la cour se ressentirent, durant tout son règne, de cette licence, de cette dépravation qu’avaient engendrées les troubles de sa minorité, et qui devaient, après sa mort, reprendre de nouvelles forces sous une minorité nouvelle. […] Les gens du sceau avaient répété la scène de Chambord : ceux qui avaient déclamé avec le plus de force contre l’indignité du nouveau choix, furent les plus ardents à complimenter celui qui en était l’objet. […] Jourdain ; et, dans cet état d’hostilité ouverte, il peut croire qu’où la force ne saurait être mise en usage, il doit être permis d’employer la ruse.

85. (1885) Études sur la vie et les œuvres de Molière pp. -461

Va-t-il rester de ce côté et s’y perdre, car il n’y est que par force et sans la moindre vocation ? […] C’est de Toulouse qu’il venait ; il y était né, en 1626, et n’avait, par conséquent, que trente-huit ans, l’âge de la force, surtout pour les gens d’intrigue, parce qu’ils ont déjà l’expérience et n’ont point perdu l’activité. […] Il n’en était pas ainsi pour le Tartuffe, les protections lui étaient indispensables ; force était donc de les lui gagner à tout prix. […] Il gourmande la froideur de ces âmes mollement honnêtes, qui, faute de donner quelque ressort à leur honnêteté, l’annihilent, pour ainsi dire, et en perdent le mérite, parce qu’il ne savent pas en montrer la force. […] Après avoir essayé de l’écrire en vers, comme peut le faire croire le grand nombre de vers blancs qui y sont restés, il trouva cette tentative au-dessus de ses forces épuisées, et la pièce fut donnée en prose.

86. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXI. Des Caracteres de tous les siecles, & de ceux du moment. » pp. 331-336

Un Auteur qui veut traiter un caractere permanent, peut même essayer ses forces & la bonté de son sujet dans une esquisse, avant que d’entreprendre le portrait en grand.

87. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVII. M. DORAT. » pp. 463-467

Mon courage m’abandonne, je tremble, je veux fuir, & retombe sans force aux pieds de cette furie.

88. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IX » pp. 77-82

Il retient prisonnière à Compiègne la reine-mère, et la force peu après à chercher un asile en terre, étrangère ; il exile ou fait arrêter les amis et les domestiques de cette reine proscrite et met Bassompierre à la Bastille, Il fait décapiter Henri de Montmorency.

89. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVII » pp. 298-304

Bossuet a repris la parole et a parlé avec tant de force, a fait venir si à propos la gloire et la religion que le roi, à qui il ne faut que dire la vérité, s’est levé fort ému et serrant la main au duc, lui a dit : Je vous promets de ne plus la revoir.

90. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIII. Des Reconnoissances. » pp. 399-421

Un Auteur qui ne se sent pas la force de semer du comique dans une reconnoissance, ou qui ne le peut pas, vu la gravité des personnages qui doivent se reconnoître, fera beaucoup mieux, à l’imitation des Anciens, de faire leur reconnoissance derriere le théâtre, & de nous envoyer dire ensuite, par un personnage plaisant, que l’affaire est faite. […] J’en ai approché, je m’y suis collé, j’ai retenu mon haleine, j’ai prêté l’oreille, & j’ai écouté de toute ma force pour attrapper ce qu’ils disoient.

91. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VI. » pp. 106-124

Sa vertu est à l’épreuve de vos importunités : vous êtes l’objet de son aversion, & cependant vous voulez vous en faire aimer par force ! […] Cette tirade est visiblement imitée de la premiere scene des Adelphes ; c’est Micio, qui, en parlant de son frere, dit : Il se trompe extrêmement de croire qu’une autorité établie par la force est plus solide & plus durable que celle qui a pour fondement l’amitié.

92. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE V. L’Éducation des Femmes. » pp. 83-102

Molière met sous vos yeux, en exemple, la femme douce, sage, instruite, spirituelle et modeste ; il vous montre Henriette, pleine de bon sens, de timidité, de grâce, de fines reparties ; sa droiture d’esprit lui suffit pour être inaccessible aux fades compliments d’un diseur de douceurs qui n’en veut qu’à sa dot316 ; pour répondre à un gros pédant ce mot plein d’esprit français et de grâce féminine : Excusez-moi, monsieur, je n’entends pas le grec317 ; pour déclarer nettement à l’homme qui veut l’épouser malgré elle, qu’elle ne se sent point la force de supporter les charges et les périls du mariage sans le soutien de l’amour318. […] Convaincu que la femme est un être libre et capable de conduite autant que l’homme, Molière s’indigne contre la prétention qu’on a eue longtemps de la faire vertueuse par force, et de la tenir ignorante par principe.

93. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VI. Baron, imitateur, comparé à Moliere, à Cicognini, à Térence, &c. » pp. 219-261

Moncade se persuade que Julie va marier Mariane au Marquis, & qu’elle le force à partir pour faire le mariage plus tranquillement. […] Le destin, malgré votre courroux, Vous force à consentir à des liens si doux ; Et l’intérêt d’un fils, son honneur & sa flamme, Vous doit, sans balancer, déterminer, Madame. […] Mais il eût fallu pour cela que Baron, en transportant sur la scene ses aventures, ne se fût pas abusé sur leur compte, & leur eût donné la vie & la force qu’exige l’optique du théâtre.

94. (1870) La philosophie dans le théâtre de Molière (Revue chrétienne) pp. 326-347

En face de la vieille philosophie, s’en dresse une toute nouvelle, et, comme les conquérants qui établissent de vive force leur domination, les novateurs sont d’abord obligés de détruire, pour pouvoir édifier ensuite. […] que l’on écoute le professeur de philosophie lui-même ; qu’on l’écoute… une heure ou deux, et l’on saura… une foule de choses ; l’on saura… « que l’R se prononce en portant le bout de la langue jusqu’au haut du palais ; de sorte qu’étant frôlée par l’air qui sort avec force, elle lui cède, et revient toujours au même endroit, faisant une manière de tremblement : R, RA (13). »— Que si l’on hésite encore à s’écrier avec M. […] « Je doute (dit Molière lui-même à propos des exigences excessives de quelques dévots), je doute qu’une si grande perfection soit dans les forces de la nature humaine, et je ne sais s’il n’est pas mieux de travailler à rectifier et adoucir les passions des hommes que de vouloir les retrancher entièrement (52). » Voilà le texte : le commentaire est dans ses pièces.

95. (1746) Notices des pièces de Molière (1658-1660) [Histoire du théâtre français, tome VIII] pp. -397

Il est vrai qu’on y remarquait un grand défaut, et ce défaut en un mot est que ces comédiens du Petit-Bourbon ne jouent rien qui vaille, malgré la force de leur brigue. […] Le sieur de la Force, dit Gilles le Niais a, voyant que je ne savais où donner de la tête, et que je lui pouvais être utile dans sa troupe, me pria d’y entrer ; j’y résistai d’abord, ne voulant point passer pour un farceur ; mais il me représenta que toutes les personnes les plus illustres de Paris allaient tous les jours voir la farce au Petit-Bourbon ; et me persuada si bien que les siennes étaient aussi honnêtes que plusieurs de celles que Mascarillea a faites, que je me laissai vaincre, et que j’entrai dans sa troupe. […] Dites, dites plutôt, qu’il n’y a que vous seules ; et pour vous le persuader, apprenez que je suis La Force, dit Gilles le Niais, en mon nom de théâtre ; que je vous ai rendu trois ou quatre visites pour connaître votre humeur… Nous nous sommes enquis, mon camarade et moi, de la réputation des auteurs, et de leurs pièces nouvelles.

96. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIV » pp. 394-401

Elle fut plusieurs jours à n’avoir pas la force de s’habiller. » Cette bouderie réussit mieux que la parure affectée et la gaîté feinte.

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