» Mais les types que crée le poëte dramatique, ne sont ni des abstractions, ni des symboles inanimés d’une vertu ou d’un vice ; ce sont des êtres doués de vie, portant le cachet d’une originalité propre et distincte, et auxquels il donne une âme prise dans la profonde connaissance du cœur de l’homme. […] Quoi de plus naturel au poëte que de mêler aux créations de son génie des allusions prises à la réalité tantôt triste, tantôt heureuse et riante de sa propre existence ? […] Molière a fait un choix dans ses illusions et ses souffrances, et il n’en laisse voir que ce qui importe à la vérité, et ce qui est compatible avec la dignité de l’art 36 » Comme on l’a très bien remarqué, L’École des maris marque l’avènement de la personnalité de Molière dans son propre théâtre. […] » Ce qui est impossible, c’est que Molière ne jouât pas avec une tristesse et une brusquerie saisissantes ce rôle d’Alceste tout empreint de sa propre personnalité, avec sa femme pour Célimène; c’est que les spectateurs ne fussent pas profondément émus, quand il s’écriait avec un accent déchirant : « Ah ! […] III, p. 226 : « Molière n’est rien moins qu’un peintre de portraits, c’est un peintre de tableaux ; ou mieux, c’est un producteur d’êtres vivants, qui sont assez eux-mêmes et assez sûrs de leur propre vie pour ne pas aller calquer eux-mêmes et assez sûrs de leur propre vie pour ne pas aller calquer leurs démarches sur la stricte réalité. » 28.
Comme les autres, il a, sans scrupule, pris son bien à tout venant : l’antiquité, l’Espagne, l’Italie, le milieu contemporain, sa propre vie lui ont fourni les matériaux de son œuvre. […] Là est un des plus grands secrets de la popularité de Molière : il exprime une morale qu’il ne crée pas, une morale qui ne lui appartient pas en propre, mais qui, par-dessus tous les dogmes, par-dessus les systèmes les plus ingénieux, n’est autre chose que la Morale même. […] Les caractères tendent à l’universel : les altitudes, les gestes, les paroles, tout ce par quoi ils se manifestent à nous, est personnel, propre à eux seuls, et les individualise. […] Mais il est un don qui nous appartient en propre, que nos origines multiples, fondant en un tout harmonieux dans la nôtre les caractères des autres races, ont développé chez nous à un degré suprême ; c’est le don de la mesure et de la proportion ; c’est le sentiment inné de ce qui convient dans l’ordre moral comme dans l’ordre intellectuel, dans le domaine social comme dans celui des Arts et des Lettres.
Il l’enferme dans une maison écartée, sous la garde de deux domestiques qui ne sont guère propres à lui donner de l’esprit. Là, il la sermonne, lui rappelle la bassesse de son origine, vante sa propre générosité, fait enfin tout ce qu’il faut pour être détesté. […] Il est bien obligé de représenter leurs défauts, puisqu’enfin elles en ont, et que les défauts sont avec les ridicules la propre matière de la comédie. […] Elle est heureuse d’aimer et d’être aimée ; elle accepte sans coquetterie les vœux que Clitandre lui adresse ; elle se complaît dans cet amour qui la venge des dédains d’Armande et l’ennoblit à ses propres yeux. […] Je rappellerai seulement un mot de Shakespeare bien propre à faire réfléchir ceux qui approuvent en elles de telles marques d’indépendance.
Il n’avait pas manqué de s’apercevoir que plusieurs des actions de Lélie n’étaient point des étourderies, mais de simples incidents comiques, propres à mettre en jeu l’imagination et activité de Mascarille ; et il crut pallier cette espèce de faute, en accolant deux titres, dont l’un indiquât les effets du caractère, et l’autre les combinaisons de l’intrigue. […] Une telle comédie ne représentait nullement les mœurs de l’époque où elle parut, et c’est sans doute un grand défaut ; mais ce qui, dans cette même pièce, place Molière fort au-dessus de son modèle et de ses contemporains, c’est le comique franc de plusieurs situations, c’est cette fécondité d’imagination qui renouvelle tant de fois des stratagèmes si souvent déconcertés, c’est surtout ce dialogue gai, rapide et naturel qui anime constamment la scène, et dans lequel chaque personnage se peint lui-même des couleurs qui lui sont propres. […] Molière pensait bien ainsi ; car il ne s’est point fait un scrupule de répéter la scène du Dépit amoureux, d’abord dans Le Tartuffe, ensuite dans Le Bourgeois gentilhomme : il l’a répétée, mais en la variant, puisqu’il ne pouvait l’embellir ; il s’est imité lui-même, mais en homme supérieur qui sort glorieusement de la plus redoutable des concurrences, de celle qui lui donne son propre génie pour adversaire.
L’affectation de ne ressembler à personne fait souvent qu’on ne ressemble pas à soi-même, & qu’on outre son propre caractere, de peur de se plier au caractere d’autrui. […] La dignité de ces personnages si peu propres au comique, a répandu bien de l’obscurité sur la nature de ce spectacle. […] Il étoit foible quand il marchoit sur les pas d’autrui, & presque toûjours parfait, quelquefois meme sublime, lorsqu’il suivoit le feu de ses propres idées. […] Ce n’est pas que le même homme ne puisse rire de sa propre image, lors même qu’il s’y reconnoît : cela vient d’une duplicité de caractere qui s’observe encore plus sensiblement dans le combat des passions, où l’homme est sans cesse en opposition avec lui-même. […] Cependant les meilleures pieces de Moliere essuyerent, pendant qu’il vécut, l’amere critique de ses rivaux, & lui firent des envieux de ses propres amis ; c’est Despréaux qui nous l’apprend.
Delmire, charmée de son jaloux amant, avec qui elle vient de se réconcilier pour la troisième ou quatrième fois, se met entièrement à sa discrétion, et lui dit, en propres termes, de la conduire où il voudra. […] Dans cette pièce, ce n’est pas un moine que la femme emploie pour ses messages ; c’est un vieillard qui est amoureux d’elle, et le jeune homme que ce vieillard est chargé de gourmander, est son propre fils. Le moine, bon dans un conte, était inadmissible sur la scène, surtout en pays d’inquisition ; c’était d’ailleurs une excellente idée dramatique, que d’avoir substitué à ce personnage indifférent, désintéressé, un personnage qui agît contre lui-même, qui travaillât à sa propre ruine. […] Chapelle, dont la plume était ingénieuse et facile, semblait propre à lui rendre ce service. […] Ce sont les propres termes de l’avertissement mis en tête de la pièce par Molière.
Lorsqu’un grand peuple élève des statues à ceux qui l’ont fait grand, il fait quelque chose de plus que d’honorer le génie ; il consacre sa propre gloire. […] Aussi le peuple restait-il dans l’ignorance de ses propres vertus ; excepté les statues de quelques-uns de ses rois, la sculpture ne lui racontait rien de son histoire : les beaux-arts n’avaient point encore personnifié la France dans ses grands hommes. […] Le voyageur, en parcourant nos villes rajeunies, ne croira plus qu’au dix-huitième siècle les Romains aient été nos maîtres, il reconnaîtra la France aux monuments qu’elle consacre à ses propres enfants. […] Je le vois au milieu de sa troupe, cette troupe à laquelle il devait tout donner même sa vie, observant Beauval, Brécourt, Du Croisy, les Béjart, et pour les forcer au naturel, glissant dans les rôles qu’il leur confie quelques traits de leur propre caractère. […] On l’accusa d’avoir épousé sa propre fille.
On tâchera d’éviter cet écueil dans cette courte histoire de la vie de Molière ; on ne dira de sa propre personne, que ce qu’on a cru vrai et digne d’être rapporté ; et on ne hasardera sur ses ouvrages rien qui soit contraire aux sentiments du public éclairé. […] Elle fut alors accordée à ceux qui eurent le privilège de l’opéra, quoique ce vaisseau soit moins propre encore pour le chant, que pour la déclamation. […] Molière en prit soin comme de son propre fils. […] Mais c’était un ouvrage plus fait pour les gens d’esprit que pour la multitude, et plus propre encore à être lu, qu’à être joué. […] On prétendit alors que ce genre de versification était plus propre à la comédie que les rimes plates, en ce qu’il y a plus de liberté et plus de variété.
L’oligarchie ayant succédé à la démocratie pure, on défendit les noms propres, les vêtements pareils et les masques ressemblants. […] Ainsi, cette fois, la susceptibilité et l’intérêt propre des magistrats tournèrent à l’avantage de l’art, qu’ils poussèrent vers sa perfection, ne croyant que réprimer sa licence. […] Térence répand, d’une main trop avare peut-être, des railleries fines et délicates, propres à charmer le sage Lælius et l’hôte glorieux de Linterne. […] Il savait assez bien les apercevoir lui-même, et il les voyait mieux sans doute par ses propres yeux que par ceux d’autrui. […] Il avait aussi du goût pour le commandement, et sa gravité habituelle l’y rendait propre.
Voltaire, qui, à la vérité, avait une bonne raison pour ne pas aimer que l’on décriât les femmes savantes (c’était son attachement pour la marquise du Châtelet), observe fort judicieusement et en homme de l’art, que dans la pièce dont nous parlons, « Molière attaque un ridicule qui semblait peu propre à réjouir ni la cour, ni le peuple à qui ce ridicule paraissait être également étranger, et qu’elle fut reçue d’abord assez froidement. […] De nos jours, des commentateurs ont osé faire ce dont les écrits du temps de Molière se sont abstenus, et ce à quoi la volonté de Molière a été de ne donner ni occasion, ni prétexte ; ils ont pris sur eux d’appliquer des noms propres aux personnages ridicules, même odieux des Femmes savantes. […] Dans la clef qu’on a donnée des Caractères de La Bruyère, sur cent noms propres, il s’en trouve quatre-vingts dont l’auteur n’a jamais entendu parler.
Enfin, dans la notice du Misanthrope on trouvera non seulement une étude historique, mais un modèle excellent de critique littéraire, dont nous profiterons largement dans notre propre étude. […] N’est-ce pas le cas de répondre à Bourdaloue par ses propres paroles : Pourquoi, mon cher prédicateur, de deux partis prenez-vous le moins favorable, et sur un soupçon vague, sans nulle preuve particulière, pourquoi suspectez-vous les intentions ? […] Au contraire, c’est d’ordinaire du côté des sens que l’hypocrisie se démasque ; c’est par là qu’elle ne se contient plus : car c’est le propre du libertinage d’emporter toute prévoyance et de fermer les yeux sur le danger. […] De même, dans Le Misanthrope, Philinte dit aussi ses vérités à Alceste, mais son propre caractère à son tour n’est pas moins blâmable que celui qu’il blâme. […] Molière s’est donc montré libre et hardi dans ces deux ouvrages, mais, encore une fois, de cette hardiesse qui est le propre du génie dramatique.
Or, le caractère propre de la raison, c’est de vouloir se rendre compte de tout. […] L’imagination a ses lois propres. […] N’auraient-ils pas mis le meilleur citoyen de la première au-dessus du meilleur citoyen de la seconde, et n’auraient-ils pas ambitionné pour leurs propres cités la constitution la plus haute et la plus pure en la voyant si bien appliquée ? […] Nous verrons si Molière a toujours gardé la mesure et la délicatesse convenables, et si ses personnages, trop grossiers dans leur comique, n’accentuent pas eux-mêmes à l’excès leurs propres ridicules. […] Pour qu’un ouvrage soit poétique, il faut premièrement qu’il forme un tout complet, bien terminé, et qui ne laisse rien à désirer hors de ses propres limites.
Soit que nous prenions un caractere propre à plusieurs nations ou à une nation seulement, il y a encore un choix à faire : tous ne sont pas également fertiles pour la scene. […] Les Auteurs doivent toujours, par préférence, faire choix des caracteres principaux, parcequ’ils sont plus frappants & bien plus propres à fournir l’action nécessaire à une Comédie que les caracteres accessoires, puisque ceux-ci ne sont qu’un diminutif des autres dont ils émanent : la chose est bien facile à prouver. […] Avec de la naissance, à l’âge où tu te vois, Propre & fait pour remplir les plus brillants emplois, Dis, ne rougis-tu point d’être un grand inutile, Et de grossir l’essaim des oisifs de la ville ?
Ils étoient tous deux jeunes, d’un même âge, & avec les mêmes inclinations ; si ce n’est qu’Anselme étoit un peu plus galant, & Lothaire aimoit plus la chasse : mais ils s’aimoient tous deux encore plus que toutes choses, & renonçoient toujours l’un pour l’autre à leurs propres plaisirs. […] Camille écrit à son mari qu’elle ne peut supporter plus long-temps son absence, & le prie de revenir bien vîte reprendre le soin de la maison, parceque Lothaire songe plus à ses propres affaires qu’à celles de son ami. […] Parfait trouvent assez passable à la lecture, mais point du tout propre au théâtre. […] L’Olive, valet de Léandre, feint d’arriver de Lorraine & d’apporter des nouvelles propres à retarder le mariage de son maître. […] Croit-on que le trait n’offre pas naturellement un comique propre à tous les temps & à toutes les nations ?
Propre, comme je pense, à rosser les épaules ; Car il est bien en main, vert, noueux et massif. […] Le prince de Conti, après avoir ferraillé contre le Mazarin, subi la prison, et porté la guerre civile en Guyenne, avait fini par épouser la propre nièce du Mazarin, et maintenant il présidait les états du Languedoc. […] Il s’essaye à faire rire avec le vieil esprit gaulois, avant de trouver des ressources infinies dans sa propre invention ; il est comédien avant d’être un poète comique. […] Restait la salle du Petit-Bourbon, où jouaient, trois fois par semaine, ces mêmes Italiens à qui Molière empruntait, sans façon, un nom propre, une gaudriole, une gaieté. […] ) dans les enfers, Molière effrayé de sa propre audace, hésite et se demande, en effet, s’il peut aller plus loin ?
. — L’humoriste installe sa propre personne sur le trône130, parce que le petit monde intérieur, plus vaste que le vaste monde extérieur, ouvre à l’imagination un champ infini ; mais s’il élève son moi, c’est pour l’abaisser et l’anéantir poétiquement comme le reste de l’univers. — Il déborde de sensibilité131 : lorsque, planant sur le monde, il se balance dans sa légère nuée poétique, ses larmes brûlantes tombent comme une pluie d’été qui rafraîchit la terre. […] Dans cette comédie unique, si je ne me trompe, sur le théâtre français, Molière met en scène sa propre personne, et se joue hardiment de tout le monde comme de lui-même : ce qui est, vous le savez, Monsieur, un des éléments du vrai comique. […] Il faut dans la comédie que celui qui se joue lui-même paraisse manquer de jugement… le poète doit exprimer son idéal en l’alliant à des grimaces de singe et à un langage de perroquet… Il doit savoir écrire sa propre écriture à rebours.
Toutes les sciences, depuis les plus abstraites jusqu’aux plus faciles, ont chez nous des Ecoles gratuites & des récompenses ; les arts de pur agrément y sont même accueillis avec la plus grande distinction, couronnés des mains de la fortune : soyons donc justement étonnés d’y voir les Lettres dédaignées : soyons surpris sur-tout que l’art dramatique54, le plus beau sans contredit, le plus difficile, le plus propre à former l’ame & les mœurs des citoyens, & le plus sûr de donner l’immortalité à ses protecteurs, ait été négligé au point de plonger dans le découragement ceux qui l’exercent, & de les soumettre à des démarches avilissantes, si quelque chose au monde pouvoit avilir un homme à talent qui se respecte. […] Je crois que le moyen le plus facile, le plus prompt, ajoutons, le seul propre à rétablir sa gloire, seroit une seconde troupe françoise. […] N’est-il pas juste que chacun soit sifflé pour son propre compte ? […] Qu’on cesse d’y représenter ces drames étonnants qui blasent le goût, & produisent sur le public l’effet des liqueurs fortes sur les palais délicats ; qu’on ne s’y borne pas à rouler sur sept ou huit canevas, tandis qu’on a le fonds le plus riche ; qu’on y reprenne ces parodies si propres à corriger les ridicules, si nécessaires pour la police du Parnasse ; qu’on y parle enfin plus au cœur & à l’esprit qu’aux oreilles : alors tout Paris dira avec Fontenelle en y courant : Je vais au grenier à sel.
Leurs œuvres ne sont pas souvent immorales, parce que l’immoralité n’est pas souvent propre à exciter une émotion qui plaise. […] D’ailleurs, les types mis sur le théâtre sont peu propres à instruire, parce qu’ils sont artistiques. […] Nous ne pouvons voir de tels tableaux sans qu’il en résulte quelque réflexion sur nous-mêmes, et une sorte de comparaison tacite faite par notre conscience entre notre propre personne et ces personnages en l’air produits devant nos yeux. […] « Jusque-là, il y avoit eu de l’esprit et de la plaisanterie dans nos comédies ; mais il y ajusta une grande naïveté, avec des images si vives des mœurs de son siècle, et des caractères si bien marqués, que les représentations sembloient moins être des comédies que la vérité même : chacun s’y reconnoissoit, et encore son voisin, dont on est plus aise de voir les défauts que les siens propres. » Perrault, Les Hommes illustres qui ont paru en France pendant le dix-septième siècle, article J.
Nous avons étudié ce que le premier procédé d’observation pure et simple du monde extérieur et des passions humaines a donné à Molière ; je voudrais vous montrer maintenant comment il transforme ses propres passions, ses propres souffrances, et en tire, pour une part aussi, la comédie. […] Dom Juan, jeune, brillant, arrogant, plein d’honneur, ne lui aurait été alors qu’un prétexte à exposer ses propres opinions, à lancer en son propre nom ces mots si étranges à la date où ils sont lancés : « Je crois que deux et deux font quatre. » Ou, quand Dona Elvire invoque le ciel contre Dom Juan, à faire dire à Dom Juan : « Sganarelle, le ciel ! […] Plus encore que Dona Elvire et que Dom Louis Tenorio, le Pauvre soutient la cause du ciel de la noblesse de son caractère propre, de l’énergie absolue de sa résistance contre Dom Juan. […] Voilà un droit qui au premier abord semble très propre à assouplir le caractère des femmes et à les maintenir dans le bon chemin. […] ——— Rien n’est propre à nous guérir des femmes comme de voir qui réussit auprès d’elles.
Ce n’est pas que je sois bien propre à une dévotion tout intérieure et toute de contemplation. […] C’est dans le même temps encore, et probablement à la suite du don fait par le roi, de son propre mouvement, que se rapportent les plaintes contenues dans deux lettres sans date, adressées par madame Scarron, l’une à l’abbé Gobelin, l’autre à la comtesse de Saint-Géran. […] Je suis inutile ici pour moi et pour les autres On nourrit très mal cet enfant… On écoute mes conseils, quelquefois on m’en sait gré, souvent on s’en fâche, jamais on ne les suit, et toujours on s’en repent. » On voit par cette lettre que le nouveau don de 100 000 francs est encore du propre mouvement du roi ; qu’il est fait à l’insu de madame de Montespan, à qui il faut le cacher ; et qu’alors le comte de Vexin et le duc du Maine étaient fort malades.
Les lieux plus particulièrement consacrés par le souvenir de la vie ou de la mort des grands hommes sont aussi, à moins d’impossibilité matérielle, plus particulièrement propres à recevoir les monuments qu’on leur érige. […] C’est là le propre du talent, de savoir s’élever au-dessus des circonstances même désavantageuses au milieu desquelles il est appelé à se produire ; c’est savoir gagner sa bataille dans une position peu favorable; le mérite en est plus que doublé. […] Le marbre a de la transparence et par conséquent une légèreté qui lui est propre; il réfléchit les jeux de la lumière et de l’ombre, ses contours ont un moelleux que n’a jamais le bronze.
Il avoit l’ame fiere & indépendante : il ne connoissoit nulle souplesse, nul manege ; ce qui l’a rendu très propre à peindre la vertu romaine, & très peu propre à faire sa fortune.
Ce roman est une pastorale allégorique dans laquelle l’auteur a décrit ses propres amours dégagés de toute idée grossière, et où, « par plusieurs histoires et sous personnes de bergers et d’autres, sont déduits les divers effets de l’honnête amitié ». […] Toutes ces circonstances étaient propres sans doute à mettre en vogue la première publication de L’Astrée, sans que personne s’en mêlât.
« L’Auteur, qui par de solides raisons & par sa propre expérience avoit appris à distinguer ce qui convenoit aux différents théâtres pour lesquels il travailloit, ne crut pas devoir hasarder cette comédie sur le théâtre de Paris ; il ne la fit pas même imprimer dans sa nouveauté, quoiqu’elle ne soit pas sans beauté pour ceux qui savent se transporter aux lieux, aux temps & aux circonstances dont ces sortes de divertissements tirent leur grand prix ». […] Moliere voyant par sa propre expérience, ou persuadé par la justesse de son goût, que les pieces faites pour amener des danses, des chants, des machines, des décorations, & analogues à la façon de penser ou à la situation momentanée de quelques personnes, ne pouvoient avoir qu’un succès passager, n’a traité dans ce genre que celles dont son maître ou les circonstances lui indiquoient le sujet.
Molière fut également à même d’étudier de ses propres yeux l’art et les représentations théâtrales des comédiens de cette nation, puisque, de 1660 à 1673, la troupe de Joseph de Prado, entretenue par la reine Marie-Thérèse, alternait avec les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne, tout comme les Italiens avec Molière au Palais-Royal. […] On ne s’étonnera donc pas de ce que le tableau pourrait offrir d’incomplet, si on le considérait comme ayant pour objet direct le théâtre italien dans son ensemble ou dans tel développement qui lui est propre.
L’inclination naturelle de la reine la portait à la galanterie ; elle aimait les fêtes propres à l’exalter. Soit qu’elle voulut éveiller les passions du jeune roi, soit qu’elle voulût satisfaire son propre penchant, et peut-être faciliter son commerce avec Mazarin, qui, dans les règles d’une bienséance sévère, aurait pu paraître trop intime, elle autorisa dans les bals de la cour une liberté dont s’étonnaient les personnes habituées au sérieux et au cérémonial rigide qui avaient régné à la cour de Louis XIII.
Un de leurs artifices de courtisan fut de condamner les vices du roi par l’éloge de ses propres vertus. […] Racine était courtisan quand Titus, se séparant de Bérénice, retraçait à Louis XIV le courage qu’il avait montré, l’empire qu’il avait eu sur lui-même, en éloignant Marie Mancini, dont il était fort amoureux et qu’il avait en la fantaisie l’épouser ; mais par cet acte de courtisan, il remplissait habilement un devoir de citoyen, et concourait avec Bossuet à dégager le jeune prince des chaînes de madame de Montespan, et à l’armer de sa propre vertu contre une passion désordonnée.
c’est trop en souffrir, & mon cœur irrité Ne doit plus conserver une sotte bonté : Abandonnons l’ingrat à son propre caprice, Et puisqu’il veut périr, consentons qu’il périsse. […] Que veux tu que je te dise, Princesse infame, qui déshonores le trône où tu es née ; épouse corrompue, amante sacrilege, ennemie de ta propre gloire ; en un mot, femme que le crime & la noire perfidie accompagnent sans cesse ? […] Et que m’aurois-tu pu répondre, quand bien même, refusant d’en croire mes propres yeux, j’eusse été assez insensible pour t’écouter tranquillement ? […] Quoi qu’il en soit, Moliere n’en a pas moins tort : imiter n’est pas copier ; c’est accommoder un ouvrage étranger aux mœurs, aux usages, au goût de son pays : par conséquent Moliere devoit imiter l’Auteur Espagnol de façon à rendre sa piece aussi propre à son théâtre que l’Auteur Italien l’a rendu propre au sien.
Corneille, en exposant ce qu’il avait pris de l’un et de l’autre, travailla plus à sa propre gloire, et à la confusion des critiques, que s’il fût demeuré dans le silence. […] D’avoir d’une si belle main, Si blanche, et même si royale, Obtenu ce riche régale, À savoir épée et baudrier, Propres pour un jeune guerrier. […] Molière nous enseigne dans tout le cours de cette pièce comment il faut se servir d’une fable étrangère, et de quelle manière on peut la rendre propre aux mœurs et à la langue de son pays. […] D’abord il montra beaucoup d’aigreur, et même de licence ; mais dans la suite il mit beaucoup de modération et moins de fiel : la première manière, en se rapprochant du mauvais comique reçu avant lui, servait moins au but qu’il s’était proposé ; au lieu que la seconde, plus douce et plus insinuante, était plus propre à la correction des mœurs, et remplissait mieux son intention. […] Je me réduisis donc à ne toucher qu’un petit nombre d’importuns ; et je pris ceux qui s’offrirent d’abord à mon esprit, et que je crus les plus propres à réjouir les augustes personnes devant qui j’avais à paraître, et pour lier promptement toutes ces choses ensemble, je me servis du premier nœud que je pus trouver.
La scène dixième du deuxième acte, où Cécile se plaint de son propre malheur, tandis que Sganarelle croit que c’est au sien qu’elle s’intéresse, est plaisante. […] Sganarelle, qui va porter à Valère la déclaration d’amour, ensuite le billet, ensuite le conseil d’enlever Isabelle ; la scène quatorzième de ce deuxième acte, dans laquelle Sganarelle mène Valère devant Isabelle qui s’explique en sa présence sur ses véritables sentiments, et le trompe sous ses propres jeux ; l’acte qui finit par le dessein d ‘épouser le lendemain Isabelle, ce qui rompt tout ce qu’elle a fait, et oblige de recommencer la pièce au troisième acte, où le jaloux va lui-même chercher le notaire pour les unir ; la scène sixième où il sermonne Artiste ; enfin le dénouement qui est superbe, qui se tait par les soins du jaloux, qui satisfait tout le monde. […] Dans le troisième, la scène du sac me semble peu digne des autres, mais la suivante, la troisième, où Zerbinette raconte à Géronte sa propre histoire, et celles que j’ai indiquées : voilà les scènes que je trouve admirables dans cette pièce, dont le dénouement est à l’antique.
Elle était venue au monde dans la propre maison de M. […] Shakespeare donne un nom propre à cette dame veuve et pauvre, et savez-vous comme il l’appelle ? […] En voilà donc enfin un, entre mille, parmi tous ces poètes affamés, qui n’a pas de pension de la cour, qui n’appartient à aucun prince du sang, qui ne sait pas le nom du ministre, qui méprise la favorite et ses faveurs ; en voilà un qui ne fait pas d’emprunt à messieurs les Comédiens, qui vit de sa propre vie, et sur son propre bien, à son propre soleil ! […] Ce n’est pas là le propre d’une femme qui paie son amant. […] Baron s’est ménagé lui-même dans sa propre comédie.
C’est l’amour qui parle, à coup sûr ; mais c’est aussi, je pense, la suprême impartialité de l’observateur planant au-dessus de ses propres misères, allant aux causes et absolvant Armande au nom de la faiblesse humaine qu’il sent en son propre cœur et de l’éternelle faillibilité féminine. […] Croyez-vous donc qu’il ne vît clair que dans son propre cœur ? […] Rire est le propre de l’homme , avait dit l’ancêtre Rabelais. […] Il n’est besoin pour répondre que d’exposer ce qu’était ce seigneur, le propre mari de la plus fameuse, après sa mère Arthénice, de ces tout exquises précieuses dont Molière nous a tracé l’amusant crayon. […] Mais si Alceste ne pousse pas la haine jusqu’à la démence, il en garde assez pour condamner tous les hommes et se tirer de leur commerce, et cela au nom de sa vertu propre : et voilà de quoi Molière le raille.
Il n’est plus tout d’une pièce : voilà la vérité ; sans parler d’autres singularités, très propres à tenir l’esprit en suspens : comme l’absence absolue d’a parte. […] Les contemporains ont noté avec quel soin Molière confiait ses rôles aux comédiens extérieurement les plus propres à en rendre l’esprit. […] Tout l’art du jésuite a été de les réduire en un petit nombre de maximes, propres à toutes les circonstances de la vie, faciles à suivre, et dispensant l’homme de penser, ce qui est le grand but. […] Seulement, c’est une observation bonne à noter parce qu’elle s’applique à toute son œuvre, le rire qu’il convient de susciter, est le rire propre à la pièce. […] Tartuffe est joué pour la seconde fois, et par un revirement tout propre à désopiler le parterre, la prison qu’il a fait préparer pour Orgon, c’est lui qui s’en va y coucher.
Si Molière avait pu ne pas s’en apercevoir, Les Plaideurs de Racine étaient bien propres à l’y faire penser3; mais ce silence était volontaire, et nous croyons qu’il est possible de l’expliquer à l’honneur de la profession d’avocat. […] En un mot, un avocat peut avoir des ridicules, pire encore peut-être, mais tout cela lui appartient en propre et nullement à sa profession.
Elle eut à la première représentation les applaudissements qu’elle méritait, mais c’était un ouvrage plus fait pour les gens d’esprit que pour la multitude, et plus propre encore à être lu qu’à être joué. […] On prétendit alors que ce genre de versification était plus propre à la comédie que les rimes plates, en ce qu’il y a plus de liberté et plus de variété. […] Un curé…3, dans un livre présenté au roi, décida que l’auteur était digne du feu, et le damnait de sa propre autorité. […] On disait que Molière, qui était amoureux de Mlle Béjart, avait épousé sa propre fille, mais elle était née en Languedoc avant qu’il eût fait connaissance avec sa mère. […] On a pensé jusqu’ici que dans ces sortes de pièces, chaque acteur de la troupe de Molière, en suivant un plan général, tirait le dialogue de son propre fond, à la manière des comédiens italiens ; mais si l’on en juge par deux pièces du même genre qui sont parvenues manuscrites jusqu’à nous (voyez la note suivante), elles étaient écrites et dialoguées en entier.
Disons hardiment que Baron semble s’être étudié à faire tout le contraire, puisque ses Adelphes sont très propres à corrompre les mœurs, à autoriser le libertinage, & qu’ils ont l’air barbare au milieu de Paris 25. […] Marton vient demander à Moncade s’il veut passer la nuit à crier, lui fait voir que l’heure ni le lieu ne sont point propres à cela, & le renvoie chez lui en disant que tous les fous ne sont pas aux Petites-Maisons. […] Baron se peint, dit-on, dans son Homme à bonne fortune, & met en action quelques-unes de ses propres aventures. […] « C’est le propre d’un efféminé de se lever tard, de passer une partie du jour à sa toilette, de se voir au miroir, de se parfumer, de se mettre des mouches, de recevoir des billets & d’y faire réponse : mettez ce rôle sur la scene ; plus long-temps vous le ferez durer, un acte, deux actes, plus il sera naturel, & conforme à son original : mais aussi il sera froid & insipide ». […] Un Auteur consacre ses veilles à sa propre gloire & non à celle des autres.
On répliquera encore, & la réplique sera juste, qu’il est des circonstances dans lesquelles l’acteur, ou les acteurs qui arrivent sur la scene, ne doivent pas voir tous ceux qui en sortent ou ne doivent pas se trouver avec eux, soit pour leur propre intérêt ou pour celui de l’Auteur. […] Croiroit-on les monologues sans difficultés, ou plus séduisants & plus propres à la marche d’un drame ?
En 1619, le duc d’Épernon délivre de sa propre autorité Marie de Médicis : Luynes est fait connétable. […] Il dit à la fille, à l’occasion d’une plaisanterie un peu moqueuse : « Je pense, mademoiselle, vous l’avoir dit quelquefois, vous êtes plus propre à écrire un cartel qu’une lettre. » Mais n’anticipons pas.
Mais, en son propre et seul nom, « il donnait aux pauvres avec plaisir et ne leur faisait jamais des aumônes ordinaires. » En voici une preuve assez curieuse. […] Ceux de Molière, par la synthèse de leurs traits divers, représenteraient assez bien son propre caractère. […] S’il y donnait parfois des soupers bruyans, c’était pour le plaisir de ses amis plutôt que pour le sien propre, car, au moment où la fête s’animait trop, il se retirait dans sa chambre. […] Jamais un médecin n’a parlé ni ne parlera de la sorte ; c’est Molière lui-même qui exprime sa propre pensée avec insistance, avec acharnement, car la tirade est très longue et je n’en donne que l’essentiel. […] De l’ensemble il résulte que Molière fut un acteur comique des plus complets, à la fois laborieux et inspiré, devant beaucoup à la nature, encore plus à l’art, par-dessus tout interprète admirable de ses propres œuvres.
Cependant, d’après le portrait qu’a laissé de lui une actrice, sa contemporaine, la nature semblait lui avoir donné un physique propre à la tragédie. […] Deux divinités bien propres à donner des distractions, l’amour et l’hymen, avaient sans doute arrêté Molière dans sa course rapide. […] La moralité. — Bien propre à faire frémir quiconque voudrait risquer un mariage mal assorti. […] Sa femme réunissait les agréments qui peuvent engager un galant homme, à l’esprit nécessaire pour le fixer, et à la coquetterie la plus propre à le désespérer. […] quand la gloire les attendait peut-être au premier rôle propre à leur âge, pour couronner leurs vieux jours d’une palme méritée.
En un mot, on reproduisait, sous toutes les formes, les personnages hors de la nature, comme les seuls qui pussent faire rire; parce qu’on n’avait pas encore imaginé que la comédie dût faire rire les spectateurs de leur propre ressemblance. […] C’est pourtant dans cet ouvrage, dont le fond est si vicieux, que Molière fit voir les premiers traits du talent qui lui était propre. […] Et si elle y joint le ridicule, ne se sert-elle pas de l’arme qui lui est propre ? […] Cet aperçu n’était rien moins qu’indifférent dans le plan de la pièce ; il était même très-important que la pureté des sentiments d’Alcmène et sa sensibilité vraie rachetât et couvrît ce qu’il y a d’involontairement déréglé dans ses actions : rien n’était plus propre à sauver l’immoralité du sujet. […] On a blâmé Molière, avec raison, de s’être servi des propres vers de l’abbé Cotin : c’est sûrement la moindre de toutes les personnalités; mais il ne faut s’en permettre aucune sur le théâtre : les conséquences en sont trop dangereuses.
Il se mit à les frotter, pour les rendre propres, sur la manche de son habit. […] Sans parler des littératures anciennes et étrangères qui sont devenues moins absurdes à leurs yeux, ils ont fait des progrès dans l’intelligence de Igor propre littérature. […] L’esprit organisateur qui l’enseigne le premier, la constate plus qu’il ne la crée ; il ne la tire point de son propre fonds ; il la dégage des œuvres et de l’esprit de son époque. […] Puis, pour saisir par le contraste le caractère propre de cet esprit et de ce style, lisez une page de Shakespeare. […] Il multiplie les incidents, parce que les situations étranges et variées sont très propres à mettre en lumière et à montrer sous toutes sortes de jours la nature spéciale de ses originaux.
est fort excusable de se flatter d’être de son pays, et que le Languedoc confine à la Gascogne, j’appellerai mieux que Mirèio, son propre auteur, à la rescousse, pour insinuer que les leçons de langue provençale risquent de s’égarer en route en venant de Poméranie à mon adresse. […] Hermann Fritsche, à l’article Mascarille de son excellent Lexique des noms propres qui se rencontrent dans Molière, fait remarquer que Mascarilla est le diminutif de l’espagnol mascara “masque” ; la forme italienne serait mascharina ou mascheretta. »Maintenant l’italien ne va plus.
Les grands écrivains eurent alors leur style propre ; de grandes et d’heureuses variétés de style charmèrent les esprits polis, surtout par leur appropriement aux choses, aux temps, aux personnes. […] Molière ne mit rien de tragique dans ses comédies ; Corneille rien de comique dans ses tragédies, rien de tragique dans ses propres comédies.
Si vous dites, pour citer une théorie qui jouit aujourd’hui d’une faveur incroyable, non seulement parmi les pauvres sols tout éplorés qu’Alfred de Musset traîne à ses talons, mais auprès des esprits les plus graves de notre époque, si vous dites que le vrai poète doit être une espèce de don Juan fatal, victime prédestinée de cet insatiable besoin d’aimer qu’on appelle le génie, et semblable au pélican qui donne à ses petits son propre cœur en pâture, s’il vous plaît de répéter cette déclamation, nous vous laisserons faire, et, quand vous aurez fini, nous vous rappellerons simplement l’admirable possession de soi d’un Cervantes et surtout d’un Shakespeare, qui dans la force de l’âge et du talent, cesse tout à coup d’écrire et se met à cultiver son jardin, comme Candide, après avoir eu la tête traversée par un effroyable torrent d’idées et d’images, dont quelques flots auraient suffi pour faire perdre l’équilibre à la plus ferme de nos cervelles. […] Quant à leur propre doctrine à eux, la voici : Laissons-nous aller, disent-ils avec Molière, laissons-nous aller de bonne foi aux choses qui nous prennent par les entrailles, et ne cherchons point de raisonnements pour nous empêcher d’avoir du plaisir.
Molière n’aurait plus joué que dans les rôles de haut comique : mais sa mort inattendue le priva d’une place bien méritée, et l’académie d’un sujet si propre à la bien remplir.
1775, Anecdotes dramatiques, tome II, p. 93-94 Molière eut, comme les premiers farceurs, l’objet d’amuser et de faire rire ; mais par des moyens moins libres, et moins éloignés de la vraie comédie. « Je suis comédien aussi bien qu’auteur, disait-il, il faut réjouir la cour et attirer le peuple, et je suis quelquefois réduit à consulter l’intérêt de mes acteurs aussi bien que ma propre gloire. »
Je l’ai vu, dis-je, vu, de mes propres yeux vu, Ce qu’on appelle vu : faut-il vous le rebattre Aux oreilles cent fois, & crier comme quatre ? […] Les poëtes trouvent peu de sujets semblables & qui soient propres à faire passer de la bonne morale à la meilleure. […] « Figurez-vous, mes chers camarades, leur disoit-il, un honnête gentilhomme qui retire chez lui un misérable, à qui il donne sa fille avec tout son bien, & qui, pour le récompenser de ses bontés, veut séduire sa femme, le chasser de sa propre maison, & se charge de conduire un Exempt pour l’arrêter. » Ah !
Les matériaux qu’il a pris chez les Latins, les Italiens, les François, les Espagnols, sont revêtus de couleurs si propres au temps & au pays pour lesquels il écrivoit, qu’il éclipse ses modeles. […] Le bon Pere le prit en particulier, & lui dit mille choses sur le peu de considération qu’il avoit pour lui, de faire si peu de cas des paroles qu’il lui donnoit, & de son propre honneur. « Qu’ai-je donc fait encore, mon Révérend Pere ?... […] J’ai rapporté ceux-ci pour faire connoître l’art avec lequel notre comique a su les rendre propres à nos mœurs & à son sujet.
C’étoit son propre fils qui avoit acheté la jeune Maltoise pour le service de sa mere. […] Je leur avois donné à chacun leur tâche, comme vous voyez, pour connoître à quels métiers ils sont propres ; mais il me paroît qu’ils n’ont pas encore fait beaucoup de besogne. […] morgué, voilà un métier qui ne paroît pas propre à grand’chose.
Là-dessus, en feignant de lui raconter le sujet de l’opéra, il lui raconte une partie de sa propre histoire, & continue ainsi en chantant : Dialogue, dans les Intrigues d’Arlequin. […] Toinette paroît sous ses propres habits : Argan lui dit de rester, pour voir jusqu’à quel point le Médecin lui ressemble : elle sort en répondant qu’elle a autre chose à faire. […] A-t-on plus ou moins de mérite à le traiter, à le mettre en action sur notre scene, à l’assujettir aux regles, aux bienséances du théâtre, à l’accommoder aux usages, aux mœurs de son pays, à faire ressortir du fond même une morale qui soit propre aux hommes de sa nation ? […] lisons la scene IX, acte III du Bourgeois Gentilhomme : l’Auteur a non seulement imité les caprices que sa femme lui faisoit essuyer, les brouilleries, les tendres dépits, les raccommodements qui s’ensuivoient ; il y copie la taille, la façon de parler, la conversation, les manieres, les traits d’une épouse qu’il adora toujours, & qui, par des infidélités redoublées, sembla s’étudier à prouver que le génie n’est pas le mérite le plus estimé des femmes, ou du moins le plus propre à les fixer.
Outre sa beauté, elle y apportait « une voix extrêmement jolie, » elle « chantoit avec un grand goût le français et l’italien, elle dansoit à ravir. » Molière, nous apprend de Visé, se vantait « de faire jouer jusques à des fagots ; » on devine quel maître eut en lui une élève si bien douée et dont le succès lui tenait au cœur autant que le sien propre. […] Il en est peu d’aussi propres à faire valoir une actrice. […] On a noté, cependant, les intonations et les gestes des grandes interprètes du rôle ; la tradition les conserve et ils s’enseignent ; mais une élève intelligente aura beau en savoir tout ce qui peut s’apprendre, si elle ne tire de son propre fond le sentiment du personnage, elle ne fera que grossir le nombre enrayant des vaines tentatives qu’enregistre l’histoire théâtrale. […] Mais la ressemblance des situations s’arrête ici ; il est peu probable que Molière ait vu son propre sort dans celui que l’avenir réserve à Sganarelle et que le présent est en train de faire à George Dandin. […] Devenu l’ami de Molière, il offrit à sa jeune femme une admiration platonique, et il paraît bien qu’il exprimait ses propres sentimens pour Mlle Molière lorsque, dans Psyché, il faisait parler à l’Amour le langage délicieusement précieux qui est dans toutes les mémoires.
(Le Petit Robert des noms propres 2007).
Si elles sont plusieurs, le Rire devient un effet nerveux et elles s’ennivrent de leurs propres cris. […] Sa belle maxime générale « Les hommes la plupart sont étrangement faits », ne semble pas la plus propre du monde à ménager l’amour-propre de la petite tête à laquelle il a affaire. . […] En un mot le pauvre diable de mari étant attaqué par ses propres réserves, par ses secours naturels qui auraient été tels, s’il eût épousé une bourgeoise. […] Une femme qui lit Don Quichotte et Tom Jones n’est-elle pas plus propre à diriger une famille que celle qui fait dix paires de bas et quatre fauteuils par an ? […] Bélise n’est que frottée de ce ridicule, celui qui lui appartient en propre est de croire tous les hommes amoureux d’elle.
(Le Petit Robert des noms propres 2007).
Pour refuser de voir le doigt de Dieu marqué dans un événement où les lois de la nature sont renversées, pour résister au témoignage de ses yeux et de ses oreilles, et mieux aimer les accuser d’erreur, que de se rendre à l’évidence d’un fait miraculeux, il faut avoir été conduit, par l’abus du raisonnement, à rejeter tout ce qui est d’un ordre surnaturel, et à ne voir dans l’univers que la matière mise en mouvement par sa propre énergie, comme disent les docteurs en athéisme. […] On peut, sans être coupable de cette odieuse imposture, affecter une foi plus ardente et une conduite plus régulière qu’on ne l’a réellement : c’est moins feindre un sentiment qu’en outrer les apparences, et soi-même alors on est dupe le premier de sa propre exagération ; mais celui qui cache une âme perverse et des mœurs infâmes sous les dehors d’une piété profonde, et qui allègue l’intérêt du ciel pour commettre et justifier tous les crimes, celui-là est un véritable hypocrite, et cet hypocrite est nécessairement un athée. […] Ce dernier mot, au moins, ne devrait pas commencer par une majuscule, comme un nom propre ; mais le mauvais usage a prévalu.
Alceste n’est si difficile à saisir que parce que, sans cesse partagé entre des sentiments contraires, il cède à de prompts revirements, ce qui est le propre des cœurs honnêtes et fortement épris, entraînés à regret par une passion dont ils sentent l’indignité. L’inconséquence n’est-elle pas le propre de la passion ? […] Il ne l’aurait pas indemnisé de quelque façon et, au besoin, sur sa propre fortune ! […] Puis il chercha naturellement à affaiblir la valeur du témoignage de la veuve Molière : « Elle est, disait-il, indigne de toute créance à raison des rapports de famille qui existent entre elle et la famille Aubry, le propre frère de Sébastien Aubry ayant épousé la propre sœur de la Molière. » C’est là, pour le dire en passant, une assertion bien remarquable, et il est étonnant que personne ne l’ait encore relevée. […] Sur quelques points, avec cette courtoisie et cette bienveillance qui devraient toujours accompagner les discussions littéraires, il conteste les conclusions auxquelles mes propres études m’avaient conduit, et notamment une thèse que j’avais soutenue dans ce journal môme.
Il n’avait, pour peindre le Misanthrope, qu’à étudier sa propre misanthropie. […] Il se moquait d’Arnolphe et riait de Sganarelle, et que de traits, pour les peindre, il empruntait à son propre caractère ! […] Ce portrait, Molière le portait dans son propre cœur. […] Nous aimons à retrouver en eux des allusions et comme des citations à l’appui de nos propres idées. […] On pouvait fort bien étudier les littératures étrangères sans leur sacrifier notre propre tempérament.
Molière en prit soin comme de son propre fils. […] Pièce d’un comique plus propre à divertir qu’à instruire, quoiqu’il y ait plusieurs ridicules exposés fortement.
C’est une certaine lumière de gloire et un certain caractère de grandeur que la vertu héroïque imprimée sur le visage des à omet mes ; elles défendent la solitude et la nudité d’une personne exposée aux outrages de la fortune, accablée sous les ruines d’un parti détruit, abandonnée de ses propres vœux et de sa propre espérance.
La suite prouverait qu’alors les yeux de cette femme respectable furent dessillés sur les relations du roi avec madame de Montespan ; qu’elle fut épouvantée de l’idée d’avoir opposé de la résistance à un mari qu’elle croyait follement jaloux d’une femme irréprochable : il est du moins certain, par le témoignage de mademoiselle de Montpensier, par celui du duc de Saint-Simon, qu’à la suite de l’apparition qui eut lieu dans le passage de l’appartement de la reine, madame de Montausier rentra chez elle malade, ne sortit plus de sa chambre que pour quitter la cour et rentrer dans sa propre maison, à Paris, où elle languit, ne recevant qu’un petit nombre d’amis particuliers. […] Les visites que la reine lui faisait durant sa maladie prouvent assez combien elle en honorait la cause ; peut-être même qu’elle croyait avoir contribué à la déception de madame de Montausier, par son propre aveuglement sur madame de Montespan.
Celui qui avait conçu ce rôle, Molière seul, pouvait lui prêter quelques traits de son propre caractère. […] — Sans doute ; à l’aide d’une de ses propres lettres, elle se trouvera humiliée un moment. — Quoi !
(Dictionnaire le Petit Robert noms propres 2007) 251.
Est-il besoin alors de se montrer bien scrupuleux sur le choix des moyens propres à lier ou dénouer une intrigue ? […] En prouvant que le romanesque doit l’emporter sur la vérité il plaidait, pour ainsi dire, sa propre cause, et devait naturellement chercher à la gagner. […] À moins de dire aux gens en propres termes : «Pour Dieu ! […] Je n’ai cité ces passages que comme arguments propres à corroborer ce que j’ai dit sur la nécessité d’animer l’ensemble du rôle d’une chaleur et d’une verve soutenues. […] Par cette action, qui s’accorde au mieux avec ce qu’il vient de dire et faire, il achève jusqu’au bout le rôle qu’il s’est tracé et que le fourbe sait bien être le plus propre à porter sa dupe aux dernières extrémités.
Bientôt il découvre que c’est réellement sa propre fille qu’il a condamnée à la mort ; il tire un grand mouchoir, pleure, fait fondre tout le monde en larmes. […] M. de Pourceaugnac arrive par le coche ; heureusement Sbrigani le sait déja par cœur, & il a trouvé en lui un esprit tout-à-fait propre à être berné : on exhorte Julie à feindre, à laisser croire que M. de Pourceaugnac lui plaît beaucoup ; nous ne savons pas pourquoi : tant mieux ; nous desirons bien mieux la suite, sur-tout lorsque nous avons vu M. de Pourceaugnac.
Un Sultan furieux portoit par-tout la guerre, Et n’étoit pas content si les lointains climats Ne sentoient l’effort de son bras : Il ravageoit sa propre terre, Ruinoit ses propres Etats.
Si vous la conduisez aux bains, Sans la marchander davantage, Noyez-la de vos propres mains.
Si nous n’avons pas le bonheur de rencontrer un caractere commun à toutes les nations, prenons un caractere propre à une nation seule. […] La piece ne prouve donc point qu’un caractere propre à une province puisse fournir assez de matiere pour une grande piece ; d’ailleurs, si nous admirons avec juste raison plusieurs scenes de la Réconciliation Normande, nous devons cependant nous garder de prendre pour modele la piece entiere.
Et, comme cela s’est toujours vu, comédiens et comédiennes étaient les premiers à médire d’eux-mêmes sur le théâtre et à faire la satire de leurs propres mœurs. […] Silvia, obligée d’écouter les confidences du capitaine Spavente qui l’entretient de ses nouvelles amours, faisait naturellement entendre les mêmes plaintes que la Lélia des Ingannati : « Pauvre et misérable fille, tu viens d’ouïr de tes propres oreilles, et de la bouche même de cet ingrat, l’amour qu’il te porte.
Plaire au roi, servir ses propres amis, assurer un libre essor à leurs talents et au sien, plaire à Montausier même, furent trois succès que Molière me paraît s’être promis d’allier, en faisant le bel ouvrage dont nous parlons ; et j’aime à penser qu’il se proposa une alliance si difficile, parce que l’accomplissement de ce dessein ajoutait le mérite de la difficulté vaincue au mérite du talent le plus élevé.
Nos bons Auteurs ont suivi assez exactement ce précepte, excepté dans les occasions où, pour leur propre intérêt, ils auroient dû le perdre de vue moins que jamais ; c’est lorsqu’ils ont joué leurs confreres. […] Moliere, non content de prendre un sonnet & un madrigal dans les ouvrages imprimés de Cotin, pour les analyser & les déchirer sur la scene, avec toute la cruauté possible, parodia encore, avec la plus grande indécence, le nom du pauvre Abbé ; & l’acteur qui joua le rôle de Trisotin ou de Tricotin 47, eut le soin de prendre un habit, un son de voix & des gestes propres à faire reconnoître l’original. […] Cléandre, son amant, se présente à Boniface, & à Thomas son valet, habillé en Turc, & dit que les Turcs ne l’ont rendu que trop propre à garder l’honneur d’une femme.
On est saisi d’étonnement en face du génie de Molière, quand on voit que cet acteur de farces a su représenter l’amour aussi bien que les plus grands tragiques, avec une élévation et une vérité émouvante, sans le chercher pourtant dans ses excès presque surhumains, plus propres à inspirer les artistes. […] Leur passion sera d’autant plus vive et plus belle, qu’ils seront plus parfaits ; car toute vertu, toute intelligence, toute grâce les rendront plus propres à éprouver et à inspirer l’amour. […] Il sera pur463 : jamais un amant, qui aime de l’amour peint par Molière, ne songera à faire sa maîtresse de son amante, ou plutôt ce mot de maîtresse deviendra chaste dans sa bouche et dans sa pensée ; il sera toujours ému de respect devant celle en qui il vénère sa propre dignité et son honneur même.
Prenez ses pièces, en effet ; voulez-vous avoir son idée propre sur la manière dont il faut se conduire avec les femmes ; cherchez un juste milieu entre Sganarelle et Ariste, entre la sévérité par trop farouche de l’un, et la facilité par trop complaisante de l’autre. — Voulez-vous avoir sa théorie propre sur l’éducation ? […] Molière en morale suit Gassendi, nous avons là-dessus son propre aveu (58), nous avons l’aveu de tout son théâtre. […] Mais ici, devant l’homme, il n’y a que l’homme, et quels efforts ne faut-il pas pour conserver tout cet amour à cette créature ainsi réduite à sa propre valeur.
Suivant cette idée générale, Moliere réünit à la hâte, dans différens intermedes, tout ce que le théâtre lui put fournir de divertissemens propres à flater le goût de la Cour. […] L’auteur, qui, par de solides réflexions et par sa propre experiencé, avoit apris à distinguer ce qui convenoit aux differens théâtres pour lesquels il travailloit, ne crut pas devoir hasarder cette comédie sur le théâtre de Paris. […] Le poète françois a non seulement exposé sur la scène les vices et les ridicules communs à tous les âges et à tous les pays, il les a peints encore avec des traits tellement propres à sa nation, que ses comédies peuvent être regardées comme l’histoire des mœurs, des modes et du goût de son siècle ; avantage qui distinguera toujours Moliere de tous les auteurs comiques. […] On lit dans la nouvelle édition des œuvres de Moliere212, dont on a déjà emprunté quelques fragments213, que « ce ne fut point par son propre choix que cet auteur traita le sujet de Don Juan, ou le Festin de Pierre, comedie en cinq actes en prose, représentée en février 1665214, sur le theatre du Palais-Royal. […] Il étoit propre à jouer les grands confidens.