Le premier pas fait, il faut qu’il pénètre plus avant, qu’il arrache en entier le voile sous lequel se cache le vice ou le ridicule qu’il attaque ; qu’il agrandisse sa marche, qu’il peigne en traits vifs et profonds, qu’il ne laisse pas échapper la nuance la plus légère. […] Ici, c’est par la représentation vive et animée des objets qui ont frappé l’auteur plus profondément que les autres, qu’il doit intéresser et instruire à la fois le spectateur : tous les traits que son esprit observateur réunis doivent alors être vivifiés par des situations pleines de force et de vérité.
Je sais bien que les spectateurs s’amusent, en attendant une action plus vive, de quelques mensonges dans lesquels Dorante s’embarrasse, & qu’ils sont intrigués pour savoir comment il se tirera d’affaire : mais l’intérêt de curiosité ne vaut pas celui de sentiment ; l’un n’amuse que l’esprit, l’autre affecte le cœur.
Aussi Boileau lui-même y reconnaît-il « une narration également vive et fleurie, des fictions très ingénieuses, des caractères aussi finement imaginés qu’agréablement variés et bien suivis Il fut fort en estime même des gens du goût le plus exquis17 ».
Grâce à toi le bouffon est presque le sublime, Et l’homme entier respire en ces cadres légers, De ton malin pinceau caprices passagers, Comme en ces grands tableaux pleins d’images si vives, Des mœurs de ton époque admirables archives.
Il veut continuellement être étonné, il a même droit de s’y attendre, puisqu’il n’est point difficile sur le choix des moyens, & qu’il suffit de se livrer au déréglement d’une imagination vive pour le promener de merveille en merveille.
Paris en jugea moins favorablement ; il la vit séparée des ornements qui l’avoient embellie à la Cour : & comme le spectateur n’étoit ni au même point de vue ni dans la situation vive & agréable où s’étoient trouvés ceux pour qui elle étoit destinée, il ne tint compte à l’auteur que de la finesse avec laquelle il développe quelques sentiments du cœur, & l’art qu’il emploie pour peindre l’amour-propre & la vanité des femmes ».
Comme en cette occasion l’on buvait plus que de coutume et qu’hommes et femmes travaillaient de compagnie, la gaieté était vive, et chaque passant recevait son brocard.