Cependant il cache sous cette fausse vertu tout ce que l’insolence a de plus effronté ; & c’est sur le Théatre une Satire, qui, quoique sous des images grotesques, ne laisse pas de blesser tous ceux qu’il a voulu accuser : il fait de plus le Critique, il s’érige en Juge, & condamne à la berne les Singes, sans voir qu’il prononce un Arrêt contre lui, en le prononçant contr’eux ; puisqu’il est certain qu’il est Singe en tout ce qu’il fait, & que non-seulement il a copié les Précieuses de M. l’Abbé de Pure, jouées par les Italiens ; mais encore qu’il a imité par une singerie, dont il est seul capable, le Médecin volant, & plusieurs autres Pieces des mêmes Italiens qu’il n’imite pas seulement en ce qu’ils ont joué sur leur Théatre ; mais encore en faisant leurs postures, contrefaisant sans cesse sur le sien, & Trivelin & Scaramouche.
Mais les défauts de Molière ne sont pas des défauts, ce sont des qualités ; ce que l’on reprendrait chez tout autre, il est convenu qu’on le doit admirer chez Molière ; le style de Molière, la morale de Molière, la philosophie de Molière n’appartiennent pas à la critique ; Molière est en dehors et au-dessus de toute discussion, et comme il n’y a que des pédants enfin pour oser dire qu’en pensant bien, Molière écrit quelquefois mal, il n’y a que des tartufes pour se permettre d’insinuer que le théâtre de Molière n’est pas toujours une école de délicatesse, de mœurs et de vertu. — Boileau, La Bruyère, Bayle, Fénelon, Vauvenargues sont les pédants ; les tartufes s’appellent Racine, Bourdaloue, Bossuet et Jean-Jacques Rousseau. […] Lorsque l’on considère qu’à dix-huit ans Madeleine — qui faisait probablement partie de la troupe du Marais — avait économisé cinq ou six milles livres ; qu’elle était fille d’une mère qui n’avait pas mis ou ne devait pas mettre au monde moins d’une douzaine d’enfants, et d’un pauvre huissier à la table de marbre, on est assez renseigné sur les origines de son pécule, et sur le sort de sa vertu ! […] Du côté de ceux qui suivent la nature, du côté de ceux-là sont aussi la vérité, le lion sens, l’honnêteté, la vertu ; et de l’autre côté le ridicule, et la prétention, et la sottise, et l’hypocrisie, c’est-à-dire du côté de ceux qui se défient de la nature, qui la traitent en ennemie, et dont la morale est de nous enseigner à la combattre pour en triompher. […] Ainsi du moins a-t-il fait dans le Misanthrope,où la « sincère Eliante » départage Alceste et Philinte, et dans les Femmes savantes, où ce n’est pas le bonhomme Chrysale, ni le beau-frère Ariste, ni peut-être Clitandre, mais Henriette surtout qui incarne sa véritable pensée… Mais Elmire n’est qu’une aimable femme, à qui l’on peut bien dire que toute idée religieuse paraît être étrangère, qui ne trouve, pour répondre à la grossière déclaration de Tartufe, aucun des mots qu’il faudrait : D’autres prendraient cela d’autre façon, peut-être : Mais sa discrétion se veut faire paraître ; et comme, d’ailleurs, sa vertu n’en est pas moins inattaquable, qu’est-ce à dire, sinon que, par nature, « gens libères… ont un aiguillon qui les pousse à faits vertueux et les retire de vice ? […] Si donc il ne peut s’empêcher de recommencer, entre deux scènes de ménage ou entre deux hoquets, l’apologie de la nature ; s’il continue de bafouer tous ceux qui veulent entreprendre sur les droits de cette mère de toute santé, de toute sagesse, de toute vertu, combien ne fallait-il pas que cette philosophie lui tînt au cœur, et qu’il en fût sans doute plus profondément imbu qu’il ne le croyait lui-même !
Une Reine illustre par toutes les graces de son sexe, & toutes les qualités qui caractérisent les plus grands Rois, fit former il y a quelques années à Paris une troupe de comédiens dignes de paroître à sa cour ; mais elle y attira en même temps une personne capable d’élaguer toutes les indécences dont nos comiques fourmillent, & de les mettre en état de paroître devant de jeunes Princesses encore plus respectables par leurs vertus que par leur rang. […] Moliere, mon héros éternel, lui qui a purgé la scene des horreurs qui l’avilissoient, a cependant des choses qui effarouchent encore la vertu, & qu’elle voudroit pouvoir retrancher de ses ouvrages.
Le monologue de Sosie et sa lanterne, sa querelle avec Mercure, la vertu acariâtre de sa douce moitié, les terreurs croissantes d’Amphitryon et les tendres inquiétudes d’Alcmène, enfin une multitude de jolis vers, voilà les éléments qui donnent à cette pièce un charme que le merveilleux de l’action ne peut pas même affaiblir. […] Il lui donnait aussi des exemples de vertu. […] « Où diable la vertu va-t-elle se nicher ? […] Lorsqu’on le voit ainsi réfléchir sur la vertu d’un pauvre, et sans doute en même temps sur les vices des grands et des riches, pourrait-on lui contester le surnom de contemplateur ?
Ces gens ont toutes les vertus brillantes. […] RECONSTITUÉS EN VERTU DE LÀ LOI DU 12 FÉVRIER 1S72 1er ARRONDISSEMENT DE PARIS. […] " B : « Les vices du peuple et des grands diffèrent plus par la forme que par le fond. » II, page 89 : V : « La licence étend toutes les vertus et tous les vices. » B : " Mirabeau. " II, même page : V : « La paix rend les peuples plus heureux et les hommes plus faibles. » B : « Parmi les guerres les plus déplorables et les plus utiles pour les peuples sont les guerres civiles. » II, page 91 : V : « L’utilité de la vertu est si manifeste que les méchans la pratiquent par intérêt. » B : « Les méchants ne gardent l’apparence de la vertu qu’afin de mieux tromper et de duper plus aisément. » II, page 103 V :« La haine n’est pas moins volage que l’amitié. » B :« Les sentiments durs et impitoyables sont plus tenaces que les affections douces. » II, page 107 : V : « Le terme du courage est l’intrépidité dans le péril. » B : « Justum et tenacem propositi, etc . […] Talleyrand. » II, page 110 : V : « Lorsqu’une pièce est faite pour être jouée, il est injuste de n’en juger que par la lecturc. » B : « Une pièce pour être bonne doit être approuvée par le parterre du théâtre pour lequel l’auteur l’a faite. » II. page 117 : V : « Combien de vertus et de vices sont sans conséquence !
Sitôt que sur un vice ils pensent me confondre, C’est en m’en guérissant que je sais leur répondre : Et plus en criminel ils pensent m’ériger, Plus croissant en vertu je songe à me venger.
Moliere, persuadé de sa vertu par ses larmes, lui fit mille excuses de son emportement, & lui remontra avec douceur, que ce n’étoit pas assez pour la reputation, que la pureté de la conscience nous justifiât ; qu’il falloit encore que les apparences ne fussent pas contre nous ; sur tout dans un siecle où l’on trouvoit les esprits disposez à croire mal, & fort éloignez de juger des choses avec indulgence 11. […] Je suis fâché, luy dis-je, que vous ayez presque quitté vos anciennes Pieces, elles étoient du goût de toutes les personnes de bon sens, on y trouvoit plusieurs choses utiles pour les Mœurs, & votre Theatre étoit un lieu où j’ose dire qu’en y voyant le ridicule du vice, on se sentoit porté même par la seule raison à prendre le parti de la vertu.